Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

A. Q. a participé à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la question faisant l’objet de l’appel;
  • les renseignements au dossier, y compris la nature des renseignements manquants et la nécessité d’obtenir des clarifications.

[2] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations le 29 août 2015.

[3] Elle a demandé à ce que sa demande de prestations prenne effet le 1er novembre 2013.

[4] Le 9 octobre 2014, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté la demande de prestations de la prestataire, parce que celle-ci n’avait ni motif valable pour demander une antidatation de sa demande de prestations ni suffisamment d’heures d’emploi assurable accumulées pour qu’une période de prestations soit établie à son profit en application de l’article 7 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[5] La prestataire a demandé la révision de la décision de la Commission le 22 octobre 2014. La Commission a maintenu sa décision initiale.

[6] La prestataire a ensuite interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[7] La prestataire interjette appel de la décision de la Commission découlant de sa demande de révision au titre de l’article 112 de la Loi, en ce qui concerne :

  1. le rejet de la demande d’antidatation au titre de l’article 10(4) de la Loi.
  2. le fait que la prestataire n’a pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour qu’une période de prestations puisse être établie à son profit conformément à l’article 7 de la Loi.

Droit applicable

[8] L’article 7 de la Loi prévoit ceci :

  1. (1) Les prestations de chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour les recevoir.
  2. (2) L’assuré autre qu’une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois :
    1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
    2. b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau qui suit en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.
  3. Tableau
    Taux régional de chômage Nombre d’heures d’emploi assurable requis
    6 % et moins 700
    plus de 6 % mais au plus 7 % 665
    plus de 7 % mais au plus 8 % 630
    plus de 8 % mais au plus 9 % 595
    plus de 9 % mais au plus 10 %  560
    plus de 10 % mais au plus 11 % 525
    plus de 11 % mais au plus 12 % 490
    plus de 12 % mais au plus 13 % 455
    plus de 13 % 420
  4. (3) L’assuré qui est une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois :
    1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
    2. b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins neuf cent dix heures.
  5. (4) La personne qui devient ou redevient membre de la population active est celle qui, au cours de la période de cinquante-deux semaines qui précède le début de sa période de référence, a cumulé, selon le cas :
    1. a) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures d’emploi assurable;
    2. b) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures au cours desquelles des prestations lui ont été payées ou lui étaient payables, chaque semaine de prestations se composant de trente-cinq heures;
    3. c) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures reliées à un emploi sur le marché du travail, tel qu’il est prévu par règlement;
    4. d) moins de quatre cent quatre-vingt-dix de l’une ou l’autre de ces heures.
  6. (4.1) L’assuré n’est pas une personne qui devient ou redevient membre de la population active dans le cas où une ou plusieurs semaines de prestations spéciales visées aux alinéas 12(3)a) ou b) lui ont été versées — ou dans celui où une ou plusieurs semaines de prestations visées aux alinéas 152.14(1)a) ou b) lui ont été versées à titre de travailleur indépendant au titre de la partie VII.1 — au cours de la période de deux cent huit semaines qui précède la période de cinquante-deux semaines précédant le début de sa période de référence, ou dans les autres cas prévus par règlement qui sont survenus au cours de cette période de deux cent huit semaines.
  7. (5) Pour l’application du paragraphe (4), une heure comptée au titre de l’un des alinéas (4)a) à c) ne peut l’être à nouveau au titre de l’un ou l’autre de ces alinéas.
  8. (6) L’assuré ne remplit pas les conditions requises s’il est convenu, au titre de l’Article VI de l’Accord entre le Canada et les États-Unis d’Amérique concernant l’assurance-chômage signé les 6 et 12 mars 1942, qu’il doit d’abord épuiser ses droits de recevoir des prestations, ou y mettre fin, aux termes des lois de l’autre juridiction.

[9] Et l’article 8(1) de la Loi quant à lui prévoit ce qui suit :

  1. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), la période de référence d’un assuré est la plus courte des périodes suivantes :
    1. a) la période de cinquante-deux semaines qui précède le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1);
    2. b) la période qui débute en même temps que la période de prestations précédente et se termine à la fin de la semaine précédant le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1).

[10] Et l’article 10(4) de la Loi quant à lui prévoit ce qui suit :

(4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[11] L’article 10(5) de la Loi prévoit ce qui suit :

(5) Lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Preuve

[12] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations le 29 août 2014.

[13] Elle a demandé à ce que sa demande de prestations prenne effet le 30 septembre 2012.

Preuve présentée au cours de l’audience

[14] La prestataire a affirmé qu’elle avait tardé à déposer sa demande, car elle ne savait pas qu’elle pouvait demander des prestations d’assurance-emploi et elle était occupée à se préparer pour ses examens finaux.

[15] Elle a aussi soutenu qu’elle n’était pas au courant qu’elle pouvait demander des prestations, étant donné qu’elle était essentiellement une étudiante suivant un programme de formation et qu’on ne lui avait pas fourni de relevé d’emploi. De plus, la prestataire a affirmé que, depuis qu’elle avait immigré au Canada, on lui avait toujours donné un relevé d’emploi lors d’une cessation d’emploi, mais que son programme de formation n’était pas considéré comme un emploi.

[16] Elle a déclaré que, depuis son immigration au Canada, sa seule expérience relative aux relevés d’emploi avait été avec deux employeurs précédents qui lui avaient donné des relevés d’emploi lors de sa mise à pied. La prestataire a également affirmé que, dans ces deux situations d’emploi précédentes, elle n’avait pas demandé de prestations d’assurance-emploi, parce qu’elle avait soit trouvé un autre emploi, soit commencé un programme de formation.

[17] La prestataire a déclaré qu’elle avait terminé sa formation à la fin d’octobre et qu’elle avait commencé à se préparer pour ses examens finaux en novembre 2013.

[18] Elle a affirmé qu’elle suivait des cours qui duraient de 8 à 10 heures par jour, mais que les cours s’étaient terminés en octobre 2013.

[19] La prestataire a également soutenu qu’à partir de juillet 2013, elle a entrepris l’obtention d’une Supervised Training Practice Licence [Licence de pratique en apprentissage supervisé] au Collège des médecins et chirurgiens de l’Alberta et auprès des services de santé de l’Alberta, parce qu’on lui offrait un emploi aussitôt la licence obtenue. De plus, elle a affirmé que cela prenait habituellement trois à quatre mois pour obtenir cette licence et que c’était la raison pour laquelle elle avait fait une demande d’admission en juillet 2013, car elle savait que son programme de formation se terminerait à la fin d’octobre et qu’elle voulait avoir un emploi, parce qu’elle avait besoin de ce soutien financier.

[20] La prestataire a mentionné qu’elle avait continué de poursuivre la Supervised Training Practice Licence et qu’elle avait connu de nombreux retards. Elle a déclaré qu’elle éprouvait beaucoup de frustration, car elle avait besoin d’un revenu pour survivre, alors qu’elle avait des difficultés financières et des dettes. La prestataire a par ailleurs affirmé qu’elle n’avait jamais reçu sa licence d’apprentissage supervisé, le processus ayant été tellement long qu’elle avait déjà reçu sa licence permanente.

[21] Elle a mentionné que son mari avait dû se rendre au Pakistan à cause de l’état de santé de sa sœur.

[22] La prestataire a déclaré qu’un ami lui avait dit qu’elle était peut-être admissible à l’assurance-emploi, parce qu’elle avait suivi ce programme de formation. Elle a ensuite affirmé qu’elle avait téléphoné à Service Canada le jour suivant et qu’elle avait tenté de parler à quelqu’un à de nombreuses reprises ce jour-là. Elle a finalement réussi à parler au téléphone avec un représentant de Service Canada après de nombreuses tentatives infructueuses durant la journée. De plus, elle a soutenu que c’était à ce moment-là qu’elle avait appris qu’un relevé d’emploi avait été envoyé à Service Canada, ce qui l’a menée à présenter une demande de prestations immédiatement et à donner des renseignements relatifs à l’antidatation, comme le lui a conseillé le représentant de Service Canada.

[23] La prestataire a aussi fait valoir qu’elle voulait travailler et qu’elle était prête à le faire, et qu’elle aurait adapté sa préparation aux examens à n’importe quel emploi, étant donné qu’elle se préparait à son propre rythme et elle avait véritablement besoin du soutien financier.

[24] Elle a affirmé qu’elle avait accumulé 2160 heures d’emploi assurable si sa demande était antidatée.

Observations

[25] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas demandé des prestations d’assurance-emploi immédiatement après la fin de son programme de formation, parce qu’elle ne savait pas qu’elle avait accumulé des heures d’emploi assurable comme il s’agissait d’un cours et qu’il était terminé. Elle a de plus déclaré qu’on ne lui avait jamais fourni de relevé d’emploi relatif au programme de formation et qu’elle a présenté sa demande de prestations d’AE aussitôt qu’elle a su qu’un relevé d’emploi existait.

[26] L’intimée a soutenu ce qui suit :

  1. La prestataire était très occupée en raison de sa formation ou ses études et n’a fait aucun effort pour s’informer sur ses droits et ses obligations au titre de la Loi, et pour faire valoir ses droits. Toutes les raisons qu’elle a fournies ne constituent pas un motif valable pour avoir tardé à demander des prestations. Par conséquent, la Commission soutient également que la prestataire ne satisfait pas aux exigences de l’article 10(4) de la Loi.
  2. La prestataire n’était pas admissible aux prestations le 9 octobre 2014, car sa demande visant à antidater sa demande à novembre 2013 a été rejetée. La Commission fait aussi valoir que la prestataire a accumulé 318 heures d’emploi assurable et la Commission soutient donc que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait droit aux prestations d’assurance-emploi selon l’article 7(2) de la Loi.

Analyse

[27] La prestataire doit prouver l’existence d’un motif valable pour son retard tout au long de la période en démontrant qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances ou la même situation pour s’assurer du respect de ses droits et obligations au titre de la Loi.

[28] La possibilité d’antidater une demande initiale par application de l’article 10(4) de la Loi s’appuie sur deux conditions. La prestataire doit prouver qu’elle est admissible à recevoir les prestations à une date antérieure à celle de sa demande et qu’il existait un motif valable pour ce retard pendant toute la période de retard.

[29] L’article 7(2) précise que l’assuré autre qu’une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi; et il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué dans le tableau en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.

Antidatation

[30] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas demandé des prestations d’assurance-emploi immédiatement après la fin de son programme de formation, parce qu’elle ne savait pas qu’elle avait accumulé des heures d’emploi assurable comme il s’agissait d’un cours et qu’il était terminé. Elle a également soutenu qu’on ne lui avait jamais fourni de relevé d’emploi relatif au programme de formation et qu’elle a présenté une demande de prestations d’AE aussitôt qu’elle a su que ce relevé existait.

[31] La Commission a fait valoir que la prestataire était très occupée en raison de sa formation ou ses études et n’a fait aucun effort pour s’informer de ses droits et de ses obligations au titre de la Loi, et pour faire valoir ses droits. Toutes les raisons fournies par la prestataire ne constituent pas des motifs valables pour tarder à demander des prestations. Par conséquent, la Commission affirme aussi que la prestataire ne satisfait pas aux exigences de l’article 10(4) de la Loi.

[32] Le Tribunal conclut que la prestataire n’avait pas reçu de relevé d’emploi relatif à son programme de formation et, qu’à partir du moment où elle a immigré au Canada, elle avait toujours reçu un relevé d’emploi lors de la cessation d’emploi et que, comme elle suivait un cours, il est très raisonnable de comprendre la façon dont elle aurait eu l’impression qu’elle n’aurait pas été admissible à l’assurance-emploi.

[33] Le Tribunal estime que, bien qu’il est vrai que la prestataire étudiait en préparation de ses examens finaux, il est également vrai qu’elle avait trouvé un emploi à la condition d’obtenir sa Supervised Training Practice Licence, ce qui a été retardé en raison de complications qui n’ont jamais été résolues.

[34] Le fait d’ignorer la loi et d’être de bonne foi peuvent constituer des motifs valables aussi longtemps que la prestataire peut prouver qu’elle a agi comme une personne prudente et raisonnable (Beaudin, 2005 CAF 123; Shebib, 2003 CAF 88; Rouleau, A-4-95; Caron, A-395-85).

[35] Une prestataire démontre un motif valable de tarder à présenter sa demande lorsqu’elle prouve qu’elle a agi à la façon d’une personne raisonnable et prudente dans une situation semblable, pendant toute la période du délai (Burke, 2012 CAF 139; Smith, A-549-92).

[36] Le Tribunal juge que, même si la Commission pourrait dire vrai lorsqu’elle affirme que le fait pour un prestataire de ne pas être au courant des prestations d’assurance-emploi n’est pas considéré comme un motif valable pour présenter une demande de prestations tardive, la prestataire était au courant des prestations d’assurance-emploi, mais que, comme elle suivait un programme de formation, elle ne considérait pas son cours comme un emploi, étant donné qu’elle était essentiellement une étudiante.

[37] Le Tribunal estime que la prestataire a agi comme une personne raisonnable et prudente aurait agi dans une situation semblable pendant toute la période de retard, étant donné qu’elle se trouvait dans une situation financière difficile et qu’elle pensait que son programme de formation n’était pas un emploi assurable, car elle était une étudiante et n’avait pas reçu de relevé d’emploi lorsqu’il avait pris fin.

[38] Le Tribunal conclut que la prestataire a prouvé l’existence d’un motif valable pendant toute la période de retard en démontrant qu’elle avait agi comme une personne raisonnable et prudente le ferait dans une situation semblable, afin de s’assurer du respect des droits et des obligations prévus par la Loi, comme la prestataire a communiqué avec la Commission le lendemain du jour où elle a appris que son programme de formation pouvait lui avoir permis d’accumuler des heures d’emploi assurable.

Nombre d’heures insuffisant

[39] L’article 7(2) précise que l’assuré autre qu’une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi et b), il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué dans le tableau en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.

[40] Le Tribunal conclut que, à la suite de sa décision d’accueillir l’appel de la prestataire relatif à l’antidatation, la prestataire était admissible aux prestations le 1er novembre 2013 étant donné qu’elle avait accumulé assez d’heures au cours de la période de référence, pour qu’une période de prestations puisse être établie à son profit à partir de la période de 52 semaines qui précède le début de la période de prestations.

Conclusion

[41] Après avoir tenu compte de toute la preuve présentée dans le dossier et lors de l’audience, le Tribunal conclut ce qui suit :

  1. L’appel relatif à l’antidatation pour l’entière période du retard dans la présentation de la demande de prestations est accueilli.
  2. L’appel relatif à la question de savoir si la prestataire avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour qu’une période de prestations puisse être établie à son profit en application de l’article 7 de la Loi est accueilli.
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