Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelante, l’Église Catch The Fire (employeur), était représentée à l’audience par L. M., gestionnaire des ressources humaines, et M. G., directrice des finances et ancienne superviseure immédiate de la personne mise en cause, était présente à titre de témoin pour l’employeur.

L. G. (prestataire), la personne mise en cause, a également participé à l’audience en personne.

Introduction

[1] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 26 mai 2014 après avoir quitté son emploi le 30 avril 2014. Le 9 juillet 2014, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a déterminé que la prestataire avait été fondée à quitter volontairement son emploi et a accueilli sa demande. Le 1er août 2014, l’employeur a présenté une demande de révision de la décision; cependant, le 2 octobre 2014, la Commission a décidé de maintenir sa décision originale.

[2] Le 12 janvier 2015, l’employeur a interjeté appel en retard de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Le membre a accordé la prorogation du délai pour interjeter appel (GD5).

[3] Le membre a ajouté la prestataire comme partie à l’appel puisque celle-ci a un intérêt direct dans cet appel. L’issue de l’appel pourrait avoir une incidence sur les prestations que touche la prestataire et puisqu’il s’agit d’un cas de départ volontaire, les circonstances et les motifs de son départ sont importants pour statuer sur cet appel (GD6).

[4] Une audience en personne a été tenue étant donné la complexité de la question en litige et les contradictions dans les renseignements fournis, où la crédibilité des parties pourrait jouer un rôle déterminant.

Question en litige

[5] Il s’agit de déterminer si la prestataire devrait être exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

Droit applicable

[6] Voici ce que prescrit l’article 29 de la Loi pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par l’appelant au cours de sa période de référence ou de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi, la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence;
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent;
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat;
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération;
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci
    9. (ix) modification importante des tâches;
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur:
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit;
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs;
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi;
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[7] Conformément au paragraphe 30(1) de la Loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7,1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[8] Aux termes du paragraphe 30(2) de la Loi, l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[9] La prestataire a quitté son emploi chez Catch The Fire le 30 avril 2014 et a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 26 mai 2014. Dans sa demande, la prestataire a indiqué qu’elle avait quitté son emploi en raison d’heures supplémentaires excessives découlant d’une charge de travail accrue. Même si elle avait bénéficié d’une légère hausse de salaire étant donné qu’elle devait assumer des tâches supplémentaires, il n’était pas possible de s’acquitter de tout le travail à faire uniquement durant les heures normales de travail. Elle avait fait part de ses inquiétudes à sa superviseure pendant six mois, mais elle avait seulement obtenu une aide temporaire. Elle devenait de plus en plus stressée et sa famille s’en trouvait affectée. Elle a fait part de ses préoccupations au directeur général et elle avait uniquement bénéficié d’une aide temporaire grâce à un stagiaire. Avant de quitter son emploi, elle avait commencé à postuler d’autres emplois avec un horaire de travail fixe (GD3-3 à GD3-16).

[10] Le 9 juillet 2014, la Commission a informé les parties que la demande de prestations de la prestataire avait été approuvée puisqu’elle avait déterminé que la prestataire avait été fondée à quitter son emploi, car elle n’avait eu d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi compte tenu des circonstances (GD3-19).

[11] Le 1er août 2014, l’employeur a demandé à la Commission de procéder à une révision de sa décision et a déposé des observations supplémentaires puisqu’il croyait que la prestataire avait déformé les faits (GD3-21 à GD3-48).

[12] Le 2 octobre 2014, après une enquête et un examen approfondis des observations déposées, la Commission a décidé de maintenir sa décision d’accorder les prestations (GD3-54 et GD3-57).

Preuve de l’employeur

[13] L’employeur nie que la charge de travail de la prestataire était accrue et qu’elle avait indiqué à quiconque qu’elle se sentait dépassée par les événements. L’employeur était satisfait du rendement de la prestataire. Celle-ci a remis sa démission sans explication. Elle était capable d’effectuer les tâches supplémentaires qu’elle avait volontairement accepté d’assumer en février et en août 2013, et pour lesquelles elle avait accepté des hausses de salaire conséquentes (GD3-25 à GD3-41). L’employeur a indiqué à la Commission qu’il avait offert à la prestataire des solutions raisonnables à son départ, notamment les suivantes : (a) le 7 avril 2014, il lui avait offert de transformer son poste pour qu’elle ne travaille que trois jours par semaine tout en conservant ses avantages sociaux, et d’embaucher un employé à temps partiel pour pallier les deux autres jours (GD3-45); (b) il lui avait aussi offert de prendre un mois de congé pour régler ses problèmes familiaux; et (c) un stagiaire avait été embauché février 2014 pour offrir de l’aide au service des finances puisque la prestataire avait travaillé des heures supplémentaires en mars et en avril, qu’elles avaient accumulées pour utilisation future. L’employeur a fourni une chronologie des événements (GD3-22 à GD3-24) et des documents à l’appui. L’employeur a indiqué à la Commission que la prestataire ne lui avait jamais fourni de note du médecin (GD3-17, GD3-22 à GD3-49, GD3-53).

[14] Le 1er avril 2014, la prestataire a remis sa démission prenant effet le 30 avril 2014 sans fournir de raisons (GD3-42). Durant son entrevue de départ, elle a affirmé qu’elle quittait cet emploi pour relever de nouveaux défis (GD3-23, GD3-42 à GD3-45).

[15] Le Tribunal est d’avis que l’employeur a fourni les documents pour montrer que la prestataire ne lui avait jamais dit avoir besoin de mesures d’adaptations en raison d’une invalidité ou de raisons de santé étant donné les heures supplémentaires (GD2-13 à GD2-19); que la prestataire était capable d’effectuer les tâches supplémentaires qu’elle avait accepté d’assumer de son plein gré en février et en août 2013, et avait accepté les hausses salariales en conséquence (GD2-56 à GD2-58); que la prestataire avait pu prendre congé pour des raisons familiales et des vacances (GD2-21à GD2-34); que la prestataire avait comptabilisé ses heures supplémentaires et qu’elle avait été indemnisée sous forme d’heures compensatoires d’avril 2012 à octobre 2013 (GD2-25, GD2-45 à GD2-55); qu’on lui avait offert des solutions raisonnables à son départ, notamment des congés, un horaire de travail réduit et l’aide d’un stagiaire; que la prestataire avait été prête à travailler une semaine de travail réduite dans le passé de janvier 2012 à mai 2012.

[16] L’employeur a donné des exemples de 12 emplois internes qui avaient été affichés entre mai 2013 et mars 2014 pour différents postes et d’un avis de saisie de salaire que l’employeur a reçu lors de la dernière journée de travail de la prestataire. (GD9-35 à GD9-41).

Témoignage de l’employeur à l’audience

[17] Mme L. M. a affirmé qu’il n’y avait pas eu d’heures supplémentaires excessives et qu’aucun stress ne pouvait en résulter; par conséquent, tout document médical n’est pas pertinent et remet en question les déclarations de la prestataire. Si son médecin lui avait recommandé d’arrêter de travailler huit mois plus tôt, comme l’allègue la prestataire (GD2-12), ce qui aurait été en août 2014, pourquoi la prestataire aurait-elle accepté des responsabilités supplémentaires à ce moment-là (GD3-38)? Le médecin n’appuie pas ses déclarations mais avait recommandé qu’elle arrête de travailler en avril et la prestataire avait déjà remis sa démission (GD3-42) à l’employeur le 1er avril 2014.

[18] Mme L. M. a déclaré que la preuve qu’ils ont fournie, voulant que la prestataire avait pris congé en 2012, accumulé des heures compensatoires et travaillé une semaine de travail réduite en 2013 parce que la prestataire avait indiqué à la Commission qu’elle avait (GD3-6, GD3-7 et GD3-18) travaillé 20 heures supplémentaires par semaine durant 24 mois, est pertinente puisqu’elle montre que ce n’était pas le cas.

[19] La lettre du POSPH est pertinente puisqu’elle montre aussi l’inexactitude des déclarations de la prestataire concernant son emploi (GD9-2).

[20] Mme L. M. a déclaré que sa description de poste ne comprend pas de conditions de travail relativement aux dangers pour la santé et la sécurité (GD3-46 à GD3-48 et GD4-5).

[21] Mme L. M. a indiqué qu’elle avait seulement pris deux congés de maladie même si l’employeur en offre dix. Mme L. M. a déclaré avoir examiné le dossier de la prestataire et qu’aucun problème de santé n’avait été mentionné à l’ancien superviseur depuis 2011.

[22] Mme L. M. a indiqué que l’employeur est d’avis que la position de la prestataire, voulant qu’elle avait quitté son emploi uniquement en raison des heures supplémentaires excessives, était cohérente (GD3-7 et GD3-18). La prestataire n’a indiqué nulle part que les facteurs de stress sont dus à sa charge de travail, comme l’allègue la Commission (GD11).

[23] Mme L. M. a indiqué qu’il n’y avait pas d’heures supplémentaires excessives et que toute heure supplémentaire était effectuée sur une base saisonnière, de courte durée (GD3-7 et GD2-53). La prestataire avait bénéficié d’heures compensatoires (GD2- 49 à GD2-53). C’est un choix personnel que de travailler des heures supplémentaires volontairement et sans autorisation.

[24] Dans son témoignage, Mme L. M. a indiqué que la preuve (GD2-49 à GD2-53) confirmait que la prestataire avait tenu compte de ses heures compensatoires d’octobre 2012 à janvier 2013 (11 semaines) et qu’il n’y avait pas eu d’heures supplémentaires durant ces 11 semaines. Puis, en janvier 2013, elle avait travaillé un total de 16 heures et qu’elle avait pris tout ce temps en heures compensatoires en février (GD3-52). La vérification pour 2013 avait ensuite été effectuée en juin (plutôt qu’en mars et en avril), et la prestataire a donc utilisé en heures compensatoires le 2 juin 2013 (GD3-53) les heures supplémentaires qu’elle avait travaillées au cours de ce mois (correspondant à une journée). Il s’agit des seules heures supplémentaires documentées depuis juin 2013 et il y aurait seulement une augmentation de la charge de travail durant la vérification de l’année suivante.

[25] Mme L. M. a déclaré que la transformation du poste avait commencé en octobre 2012, lorsque les tâches de deux des cinq personnes mentionnées par la prestataire ont été transférées à un autre service. Une troisième personne, le gestionnaire des risques (GD3-39), n’avait jamais été responsable de tâches de comptabilité; celles-ci ont donc été transférées à d’autres services. La prestataire n’a pas assumé les fonctions de cinq personnes comme elle l’a prétendu dans sa demande.

Témoignage de la superviseure/témoin

[26] Dans son témoignage, Mme M. G. a indiqué que la prestataire n’avait jamais parlé de raisons médicales pour justifier son départ.

[27] Mme M. G. a indiqué qu’elle travaillait pour sa part de 7 h 30 à 18 h 30 et qu’elle n’avait pas vu la prestataire travailler des heures supplémentaires. Celle-ci quittait le travail chaque jour à 15 h 30 et elle peut montrer, grâce au système de sécurité, l’heure à laquelle la prestataire est partie chaque jour. En raison de gains d’efficience, il n’était pas nécessaire de faire des heures supplémentaires à compter d’octobre 2012. La seule période où des heures supplémentaires avaient lieu était de janvier à avril, chaque année, de façon à se préparer pour la vérification, et il s’agissait de 15 heures supplémentaires par mois (et non par semaine).

[28] Mme M. G. a déclaré que le directeur général (M. S.) et la prestataire se rencontraient chaque mois pour discuter de l’efficacité, de la simplification des processus et des politiques, et que les heures supplémentaires n’avaient pas fait l’objet de leur discussion ni leur incidence particulière sur la prestataire (les sujets de la réunion du 4 décembre 2013 sont donnés en exemple, GD3-41).

[29] Mme M. G. a déclaré que la prestataire avait vivement insisté, en août 2013, pour qu’un autre employé soit congédié, et indiqué qu’elle pouvait assumer les tâches excédentaires moyennant une hausse salariale de 25 %. Au fil du temps, il est devenu clair qu’il fallait simplifier davantage et ils ont commencé à s’entretenir avec le directeur général sur une base mensuelle. Ils ont fait preuve de beaucoup de souplesse par rapport à ses besoins personnels et elle était une employée estimée; il n’y avait jamais de pression pour que le travail soit accompli immédiatement.

Solutions offertes par l’employeur

[30] Mme L. M. a indiqué qu’on avait offert à la prestataire de transformer son poste pour qu’elle travaille à raison de trois journées complètes par semaine ou de prendre un mois de congé, mais qu’elle avait décliné les deux offres.

[31] Mme L. M. a déclaré que la prestataire aurait pu postuler l’un des 12 emplois affichés durant l’année de son départ. Six d’entre eux étaient des emplois administratifs qui n’exigeaient pas d’études ou de qualifications particulières (GD9-4 à GD9-21). Cela montre que d’autres emplois étaient disponibles si la prestataire voulait simplement un changement et souhaitait continuer de travailler pour le même employeur.

[32] Mme M. G. a indiqué que puisque la prestataire était une employée estimée, il avait été discuté d’embaucher quelqu’un d’autre étant donné que cela ne fonctionnait pas pour elle, de lui offrir des heures de travail réduites, de travailler à temps partiel, et de prendre un congé pour y réfléchir, ou de transformer son poste pour mieux répondre à ses besoins; elle n’a jamais demandé de postuler les emplois offerts au sein de l’organisation. Mme M. G. a indiqué que, dans le passé, des mesures d’adaptation avaient été offertes à des employés en raison de problèmes de santé et d’incapacités, et que l’employeur aurait été heureux de faire de même pour la prestataire s’il avait su qu’elle éprouvait des difficultés en raison du stress. Une demande semblable n’a jamais été faite.

Preuve de la prestataire

[33] La prestataire a indiqué à la Commission qu’elle avait discuté de la charge de travail avec son employeur depuis novembre 2013. La prestataire a indiqué à a Commission, relativement aux déclarations de l’employeur, que (a) l’employeur ne lui avait pas offert de travailler à temps partiel tout en conservant ses avantages et qu’il aurait été fantastique s’il l’avait fait. Il a affirmé que même si une telle offre lui avait été faite, il n’aurait pas été possible de faire tout le travail puisqu’il n’y avait personne pour faire le travail et que, en plus, le travail devait être effectué en moins de temps. (b) Un stagiaire lui avait procuré une aide à partir de février 2014; cependant, elle a remis sa démission (le 1er avril 2014) lorsqu’elle a appris que le stagiaire prenait des vacances à compter du 15 avril 2014 et puisqu’elle ne pouvait pas continuer à travailler de cette façon. L’employeur lui avait indiqué que personne d’autre ne l’aiderait après le départ du stagiaire en août. (c) L’employeur lui avait offert de prendre un congé sans solde; elle avait par contre décliné son offre puisqu’il ne l’écoutait pas, réunion après réunion, et qu’elle se retrouverait dans la même situation qu’avant en revenant au travail après son congé. La prestataire a indiqué à la Commission que l’employeur avait changé sa politique relative aux heures supplémentaires en octobre 2013 et que seules les heures supplémentaires autorisées pouvaient être accumulées pour des heures compensatoires. La prestataire a affirmé qu’elle ne soumettait pas ses heures supplémentaires puisqu’on ne lui demandait officiellement pas d’en faire. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait tolérer physiquement le stress causé par de longues heures de travail sur une base régulière. La prestataire a indiqué à la Commission qu’elle avait été suivie par un médecin et que celui-ci lui avait dit pendant huit mois de trouver un emploi avant qu’elle finisse par vraiment quitter son emploi. Elle est maintenant d’accord qu’elle n’avait pas d’autre solution. La Commission a demandé à la prestataire de fournir des documents médicaux (GD3-18, GD3-50 et GD3-51).

[34] Le 1er octobre 2014, le médecin de la prestataire a indiqué ce qui suit dans une lettre : [traduction] « Mme L. G. est ma patiente depuis longtemps. En avril 2014, L. G. est venue me consulter au sujet de sa santé en raison du stress qu’elle vivait au travail. Je recommande qu’elle arrête de travailler. » (GD3-52)

Témoignage de la prestataire à l’audience

[35] Dans son témoignage, la prestataire a indiqué qu’elle avait décidé de ne plus travailler pour son employeur était en raison des heures supplémentaires excessives qu’elle devait faire de façon à s’acquitter de toutes les tâches qui lui étaient confiées. Quand elle avait été engagée en juillet 2011, ses tâches et son rôle étaient bien précis et elle devait travailler 40 heures par semaine, mais entre juin et août 2014, ses tâches ont changé et le temps nécessaire pour s’en acquitter avait aussi changé. Les rôles changeaient et la cadence n’a pas ralenti; ce rythme de travail est demeuré le même (ce n’était pas uniquement sur une base saisonnière) jusqu’à ce qu’elle parte en avril 2014. Quand les heures supplémentaires étaient excessives, elle travaillait de plus longues journées (elle commençait plus tôt et partait plus tard). Ses obligations familiales s’en trouvaient affectées puisqu’elle devait changer ses rendez-vous personnels. Elle a pris la décision de quitter son empli parce qu’il ne convenait plus à sa vie et qu’il était temps pour elle de passer à autre chose.

[36] La prestataire a clairement fait savoir qu’elle n’avait jamais demandé de faire le travail de quelqu’un d’autre ou d’assumer des responsabilités supplémentaires, mais que, en raison de la réorganisation, on lui a confié certaines tâches qui restaient dans son service (voir GD3-22). Ses tâches n’ont pas été réduites, bien au contraire : ses tâches et son salaire ont augmenté, ainsi que les heures nécessaires pour s’acquitter de la charge de travail, aussi plus importante, et ce sans compensation supplémentaire. La prestataire a affirmé qu’il s’agissait de [traduction] « la seule et unique raison de son départ ». Rien n’indiquait que la situation allait bientôt changer, et elle a donc dû décider si elle allait continuer de travailler comme elle l’avait fait au cours de trois dernières années ou si elle allait trouver autre chose. Elle n’aurait pas quitté son emploi si les heures de travail, son salaire et ses responsabilités étaient demeurés inchangés.

[37] En 2013, le service des finances était passé de sept à deux employés (elle-même et Mme M. G.). Lorsqu’elle a accepté d’assumer des tâches/responsabilités supplémentaires, elle a indiqué très clairement au cours d’une réunion avec le directeur général, M. S., qu’elle faisait déjà des heures supplémentaires et qu’il fallait apporter d’autres changements et davantage de soutien au sein de ce service. Elle était prête à assumer les nouvelles responsabilités dans la mesure où elle n’avait pas besoin d’investir plus de temps. Ils ont convenu de tenir des réunions mensuelles, de réévaluer son poste tous les trois mois et d’engager un employé de plus. Rien n’a alors été mis par écrit ou signé.

[38] La prestataire a déclaré que ses heures supplémentaires n’étaient pas rémunérées. En tant que salariée, elle était tenue de consacrer le temps en plus, elle ne l’avait donc jamais remis en question et n’avait rien demandé. En 2011 et en 2012, elle avait tenu compte des heures qu’elle travaillait et avait pris congé, mais après 2012 elle avait pris congé quand elle en avait besoin. Elle était payée pour sa semaine régulière de 37,5 heures et il n’y avait pas d’entente pour le paiement des heures supplémentaires. Elle n’a pas l’impression que les congés qu’elle a pris en heures compensatoires correspondaient aux heures supplémentaires qu’elle avait travaillées, et elle devait quand même rattraper le travail qu’elle n’avait pas pu faire.

[39] Au sujet de sa santé, la prestataire a indiqué qu’elle passait tout son temps au travail et qu’elle ratait ses rendez-vous. Lorsqu’elle a décidé de partir, elle est allée consulter son médecin parce que la Commission lui avait demandé de fournir une preuve que son médecin était d’accord avec sa décision et que son emploi affectait sa santé. Elle ne se reposait pas suffisamment et ne s’alimentait pas bien parce qu’elle ne prenait pas de pause et arrivait tard à la maison. La prestataire a déclaré qu’elle était capable de fonctionner et d’effectuer ses tâches quotidiennes, mais qu’elle devait quitter son emploi avant de tomber malade ou de devenir invalide. Elle a affirmé qu’aucune autre note médicale n’avait été fournie à Mme M. G.; cependant, en 2011, l’ancien directeur était au courant son état de santé. La prestataire a indiqué qu’elle n’avait pas d’exigence particulière ni besoin de mesures d’adaptation au travail, et qu’elle avait seulement besoin d’avoir le temps pour se rendre à ses rendez-vous médicaux. Elle n’a pas discuté de mesures d’adaptation avec son employeur avant de quitter son emploi. Elle travaillait de 7 h 30 à 15 h 30 pour pouvoir respecter ses engagements auprès de sa famille et de son médecin. Les problèmes ont commencé lorsqu’on lui a donné du travail à 15 h 30 et qu’elle a dû rester au travail plus tard.

Solutions offertes par l’employeur

[40] La prestataire a déclaré que les conversations avec Mme M. G. et M. S. avaient débuté en août 2913 et qu’elles avaient été systématiques et qu’elle leur avait fait part de ses problèmes concernant le type de travail qu’elle devait faire et les heures nécessaires pour le faire. En mars 2014, juste avant de remettre sa démission, et pendant tout le mois d’avril 2014, elle avait eu des conversations avec M. S.. Le 1er avril 2014, M. S. lui a demandé si elle voulait travailler à temps partiel, mais elle avait décliné son offre puisque comme il n’était pas possible de faire toutes les tâches durant les heures normales de travail, des heures de travail réduites n’amélioreraient pas la situation. La prestataire a confirmé qu’à la mi-avril, M. S. lui avait offert de prendre un congé de six mois (sans solde, mais admissible aux prestations de maladie) afin gérer sa situation familiale, puis de revenir par la suite. La prestataire avait refusé l’offre en indiquant ce qui suit [traduction] : « Non Brian, je ne suis pas malade. Je suis encore en bonne santé… si je pars maintenant. Je suis capable de trouver un autre emploi qui conviendra à mon style de vie. » Elle croyait comprendre qu’elle ne pourrait pas chercher un autre emploi tout en déclarant être malade. Elle voulait être capable de chercher un autre emploi. De plus, après son congé, elle serait confrontée à la même situation et elle en avait assez de cet emploi; ce n’était pas une solution.

[41] La prestataire a indiqué que les offres d’emploi fournies n’étaient pas pertinentes pour elle compte tenu de ses 20 ans d’expérience et de sa formation en finance; elle n’aurait pas postulé ces emplois. Elle occupe présentement un emploi en finance depuis février 2015 (sa formation a commencé en septembre 2014).

Observations

[42] L’employeur a fait valoir ce qui suit :

  1. La prestataire a indiqué que les heures supplémentaires excessives étaient la seule raison pour laquelle elle a quitté son emploi; la preuve de l’employeur montre que les heures supplémentaires avaient lieu sur une base temporaire et saisonnière; la prestataire tenait compte de ses heures supplémentaires et était indemnisée sous forme d’heures compensatoires;
  2. La prestataire ne l’a jamais informé qu’elle avait besoin de mesures d’adaptation en raison d’une incapacité ou de l’incidence des heures supplémentaires sur sa santé; elle avait seulement pris deux jours de congé de maladie en trois ans;
  3. La prestataire était capable d’effectuer les tâches additionnelles qu’elle avait accepté d’assumer de son plein gré en février et en août 2013 et avait accepté la hausse salariale en conséquence;
  4. Il avait offert des solutions raisonnables au départ de la prestataire, notamment des congés, un congé de maladie, un horaire de travail réduit et l’aide d’un stagiaire; il y avait également eu plusieurs offres d'emplois internes qu'elle aurait pu postuler.

[43] La Commission a fait valoir ce qui suit :

  1. La prestataire a quitté son emploi parce qu’elle se sentait dépassée par les événements et stressée en raison de ses tâches et des heures supplémentaires; ses raisons sont soutenues par la documentation de l’employeur qui montre que des tâches et des responsabilités supplémentaires avaient été assignées à la prestataire en mars et en août 2013, ainsi que par la documentation détaillée de l’employeur autorisant ses demandes de vacances et de congés pour des raisons médicales et personnelles;
  2. La documentation fournie par l’employeur et touchant les heures accumulées avant janvier 2013 n’est pas pertinente aux tâches supplémentaires ayant été confiées à la prestataire par la suite;
  3. Le sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi indique que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi lorsque ses « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité » et, en l’espèce, la prestataire a présenté des déclarations crédibles appuyées par des documents médicaux recommandant qu’elle quitte son emploi; elle a produit la preuve médicale à la demande de la Commission et n’était pas dans l’obligation de fournir une preuve médicale à l’employeur pour prouver le bien-fondé de son départ;
  4. Les motifs du départ de la prestataire, soit des raisons familiales et le stress au travail, sont appuyés par des documents médicaux qui avisaient la prestataire de quitter son emploi; la Commission n’a pas compétence pour remettre en question la validité de ces documents médicaux ou l’opinion du professionnel de la santé (GD11).

[44] La prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. Elle a quitté son emploi en raison des heures supplémentaires excessives découlant d’une charge de travail accrue dont elle ne pouvait s’acquitter entièrement durant les heures normales de travail; elle a fait part de ses préoccupations à sa superviseure et à son directeur général pendant durant six mois, mais seulement une aide temporaire lui a été apportée par l’entremise d’un stagiaire; elle avait commencé à postuler des emplois avec des heures de travail fixes avant de quitter son emploi;
  2. Elle a affirmé ne plus pouvoir tolérer d’un point de vue physique le stress découlant des longues heures de travail exigées de façon continue; son docteur lui avait recommandé de quitter son emploi;
  3. Il ne serait pas possible de travailler des heures de travail réduites puisqu’il n’y avait personne d’autre pour s’acquitter du surplus de travail et qu’elle devrait également s’acquitter de la charge de travail habituelle en moins de temps que d’habitude;
  4. Prendre un congé sans solde n’était pas une option puisqu’elle se retrouvait dans la même situation à son retour au travail;
  5. L’aide fournie par le stagiaire, du mois de février au mois d’août, n’a été que temporaire; elle ne bénéficierait pas d’une autre aide après le départ du stagiaire;
  6. Elle a refusé de prendre six mois de congé en touchant des prestations de maladie puisqu’elle n’était pas incapable de travailler; elle ne pourrait pas chercher activement un autre emploi si elle demandait des prestations de maladie;
  7. Les offres d’emplois auxquelles a fait référence l’employeur n’étaient pas pertinentes compte tenu de ses 20 ans d’expérience en finances et, par conséquent, il ne s’agit pas d’emplois qu’elle postulerait.

Analyse

[45] Les articles 29 et 30 de laLoi prescrivent qu’un prestataire qui quitte volontairement son emploi est exclu du bénéfice de toute prestation à moins qu’il puisse établir qu’il était « fondé » à le faire.

[46] Le membre reconnaît qu’il est de jurisprudence constante qu’un prestataire est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable, aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi (Patel [A-274-09]; Bell [A-450-95]; Landry [A-1210-92]; Astronomo [A-141-97]; Tanguay [A-1458-84]).

[47] Le membre a d’abord tenu compte du fait qu’il incombe à la Commission de démontrer que la prestataire avait quitté volontairement son emploi. En l’espèce, la preuve incontestée montre que la prestataire a quitté son emploi le 30 avril 2014 après avoir remis sa démission à son employeur le 1er avril 2014 (GD3-16 et GD3-42).

[48] Le fardeau de la preuve repose alors sur la prestataire, qui doit montrer qu’elle était fondée à quitter son emploi (Green 2012 CAF 313; White A-381-10; Patel A-274-09).

[49] Le membre a d’abord examiné les circonstances auxquelles l’alinéa 29c) de la Loi fait référence et voulu déterminé si l’une des situations décrites s’appliquait au moment où la prestataire a quitté son emploi, le 30 avril 2014. D’après la jurisprudence, il faut déterminer si les circonstances étaient présentes à ce moment précis (Lamonde A-566-04).

[50] En l’espèce, la prestataire a clairement indiqué qu’elle avait quitté son emploi en raison des heures supplémentaires excessives qu’elle devait faire de façon à s’acquitter des responsabilités qu’on lui confiait. À son embauche, en juillet 2011, ses tâches et son rôle étaient précis et elle travaillait 40 heures par semaine; cependant, entre juin et août 2012, ses tâches ont été modifiées et le temps nécessaire pour exécuter ces tâches a aussi changé et, au moment de quitter son emploi, les heures supplémentaires requises étaient devenues excessives. Dans son témoignage, elle a affirmé que quoique son salaire ait augmenté parallèlement aux tâches desquelles elle était responsable, les heures requises pour effectuer le travail, et ce sans rémunération supplémentaire, avaient également augmenté. À ce sujet, elle a affirmé [traduction] « qu’il s’agissait de la seule et unique raison de son départ ». Durant l’audience, la prestataire a également indiqué à la Commission (GD3-51) que les heures supplémentaires affectaient sa santé et que son médecin lui avait recommandé de trouver un autre emploi.

[51] Compte tenu des commentaires de la prestataire au sujet des changements apportés à son rôle et à ses tâches, le membre doit d’abord déterminer si la prestataire était fondée à quitter son emploi en raison d’une modification importante de ses fonctions aux termes du sous-alinéa 29c)(ix) de la Loi. Le membre note cependant que (a) la prestataire n’a pas quitté son emploi en raison des tâches modifiées comme telles, mais bien du temps requis pour s’en occuper et que (b) les tâches avaient été changées après que la prestataire y ait consenti en février et en août 2013 et il faut prendre en compte les circonstances au moment où la prestataire a quitté son emploi. La prestataire n’a pas quitté son emploi à ce moment-là. Par conséquent, le membre estime que les circonstances décrites au sous-alinéa 29c)(ix) de la Loi de concernent pas la présente affaire.

[52] Si la prestataire a affirmé que les heures supplémentaires étaient la seule et unique raison de son départ, elle a également affirmé que travailler autant d’heures affectait sa santé. Le membre a donc examiné si la prestataire avait été fondée à quitter son emploi en raison (1) de l’excès d’heures supplémentaires ainsi que du refus de l’employeur de rémunérer celles-ci aux termes du sous-alinéa 29c)(viii) de la Loi et (2) si les conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité aux termes du sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi. Le membre soulève également que, dans un cas comme dans l’autre, la prestataire doit, en plus de montrer que ces circonstances étaient présentes, montrer que son départ constituait la seule solution raisonnable pour être fondée à quitter son emploi conformément à l’alinéa 29c).

Heures supplémentaires

[53]  Pour ce qui est des heures supplémentaires travaillées, l’employeur a soutenu que la prestataire n’avait pas une lourde charge de travail et qu’elle était capable de s’acquitter de ses tâches, et qu’il était satisfait de son rendement. Par conséquent, elle n’avait pas travaillé d’heures supplémentaires excessives. Les seules heures supplémentaires étaient temporaires durant la saison de la vérification (vers mars/avril, chaque année) et n’étaient pas excessives et la prestataire était indemnisée au moyen d’heures compensatoires. À l’appui de sa position, l’employeur a fourni une preuve documentaire montrant que la prestataire n’avait pas travaillé 20 heures supplémentaires par semaine pendant 24 mois comme elle l’a allégué, puisque lors des vérifications passées, elle avait soumis des demandes d’heures compensatoires correspondant environ à une journée de travail en heures supplémentaires; la prestataire n’a pas documenté d’heures supplémentaires depuis juin 2013 (GD2-49 à GD2-55). Le témoin de l’employeur (la superviseure de la prestataire) a affirmé ne pas avoir vu la prestataire travailler des heures supplémentaires. Elle a offert de fournir une preuve provenant du système de sécurité qui enregistre l’heure à laquelle la prestataire avait quitté le travail chaque jour. Elle a affirmé, dans son témoignage, qu’il n’avait pas été nécessaire de travailler des heures supplémentaires depuis octobre 2012, mis à part durant la période de la vérification annuelle comprise entre janvier et avril. Durant ces périodes en question, la prestataire travaillait 15 heures supplémentaires par mois, et non 15 heures supplémentaires par semaine. Le témoin a également affirmé, en faisant référence à une réunion documentée, que ni les heures supplémentaires ni leur incidence sur la prestataire n’avaient été discutées lors des réunions mensuelles avec le directeur général (GD3-41).

[54] Au contraire, la prestataire a affirmé, durant l’audience, qu’elle devait effectuer des heures supplémentaires excessives afin d’exécuter les tâches qu’on lui confiait, et que cela était le cas sur une base régulière et non seulement sur une base saisonnière, comme le prétend l’employeur. Au cours des trois ans où elle avait travaillé pour son employeur, son rôle, ses fonctions et son salaire avaient pris de l’ampleur, de même que le temps requis pour faire le travail, et ce sans rémunération supplémentaire. En tant que salariée, elle s’attendait à devoir faire des heures supplémentaires, mais elle n’a jamais été rémunérée pour celles-ci. La prestataire a l’impression que les heures compensatoires n’étaient pas une compensation suffisante pour les heures supplémentaires qu’elle faisait et que, en plus, il lui restait quand même à faire le travail. La prestataire a indiqué à la Commission que, depuis octobre 2013, lorsque seules les heures supplémentaires autorisées pouvaient être accumulées pour en heures compensatoires, elle n’avait pas soumis ses heures supplémentaires comme elle n’avait pas demandé officiellement d’en faire (GD3-50).

[55] Le membre a noté que la Commission n’a pas déterminé si la prestataire faisait effectivement des heures supplémentaires excessives et si elle était payée pour ces heures aux termes du sous-alinéa 29c)(viii) de la Loi. La Commission a allégué que la prestataire avait démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi pour des raisons médicales découlant des tâches et d’heures supplémentaires qu’elle effectuait (voir ci-dessous).

[56] Le membre a considéré que, quoique les positions de l’employeur et de la prestataire diffèrent, ceux-ci les présentaient avec conviction et cohérence. Le membre les a donc jugées tout aussi crédibles. Cependant, le membre a accordé plus de poids à la position de l’employeur qui était appuyée par une preuve documentaire et un témoignage, contrairement à la position de la prestataire qui n’était pas ainsi étayée. Le membre comprend et reconnaît que la prestataire a effectué des heures supplémentaires alors qu’elle travaillait pour l’employeur; cependant, elle n’a fourni aucune preuve pour appuyer son témoignage ou réfuter la preuve produite par l’employeur. Par conséquent, le membre conclut que la prestataire ne devait pas travailler des heures supplémentaires excessives et qu’elle était indemnisée sous forme d’heures compensatoires pour toute heure supplémentaire effectuée.

Raisons médicales / de santé

[57] Le membre a tenu compte de la position de la Commission, selon laquelle la prestataire était fondée à quitter son emploi conformément au sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi, puisqu’elle a démontré que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité. Elle a soutenu que la prestataire avait fourni des déclarations crédibles appuyées par une preuve documentaire recommandant qu’elle quitte emploi (GD3-52). De plus, la Commission a noté que la prestataire a produit les documents médicaux lorsqu’elle le lui avait demandé et qu’elle n’était pas tenue de fournir cette preuve médicale à l’employeur pour justifier son départ. En réponse aux observations de l’employeur, la Commission a indiqué qu’elle n’a pas compétence pour remettre en cause la validité des documents médicaux ou l’opinion du professionnel de la santé (GD11).

[58] Le membre convient qu’il n’y a pas lieu de remettre en question la validité des documents médicaux ou l’opinion du professionnel de la santé. De plus, quoique la prestataire ne soit pas tenue de fournir une preuve médicale à l’employeur pour justifier son départ, elle doit satisfaire au critère énoncé dans la jurisprudence pour démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi pour des raisons médicales.

[59] Le membre considère qu’il est de jurisprudence constante qu’un prestataire qui soutient être fondé à avoir quitté son emploi pour des raisons médicales doit (a) fournir une preuve médicale à l’appui de sa prétention qui indique qu’il n’est pas bien et qu’il était obligé de quitter son emploi en raison de son état de santé; (b) démontrer qu’il a essayé de conclure une entente avec son employeur pour composer avec ses problèmes de santé; et (c) prouver qu’il a essayé de trouver un autre emploi avant de quitter son emploi (CUB 80905).

[60] Le membre a considéré que les documents médicaux indiquent que le médecin de la prestataire lui a recommandé, en avril 2014, d’arrêter de travailler en raison du stress (GD3-52). Le membre a également noté que la prestataire a indiqué qu’elle était capable de fonctionner et de s’acquitter de ses tâches quotidiennes, mais qu’elle devait partir avant de ne plus être en bonne santé ou de devenir invalide. Le membre estime que les documents médicaux corroborent la position de la prestataire, voulant qu’elle était dépassée par les événements et stressée, et qu’il fallait qu’elle quitte son emploi. Le membre juge également qu’il existe une preuve incontestée montrant que la prestataire a essayé de trouver un autre emploi avant de quitter le sien, comme l’exige le troisième critère. Cependant, le membre juge que la prestataire n’a pas démontré avoir tenté de conclure une entente avec son employeur de façon à composer avec ses problèmes de santé. La prestataire a affirmé ne pas avoir fourni de documents médicaux à son employeur. Elle a affirmé ne pas avoir besoin de mesures d’adaptation pour travailler, mis à part de pouvoir prendre le temps d’aller à ses rendez-vous chez le médecin. Les représentantes de l’employeur, de leur côté, ont plutôt affirmé que des mesures d’adaptation auraient été offertes à la prestataire. Cependant, celle-ci n’a jamais parlé de raisons médicales liées à son départ et avait seulement pris deux jours de congé de maladie (GD2-13 à GD2-19).

[61] Comme la prestataire n’a jamais parlé de ses problèmes de santé et essayé de conclure une entente avec son employeur pour composer avec celles-ci, le membre conclut que la prestataire n’a pas satisfait au troisième critère établi par la jurisprudence et qu’elle n’a pas, par conséquent, démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi pour des raisons de santé.

Solutions de rechange

[62] Le membre note aussi que la prestataire doit, pour montrer qu’elle était fondée à quitter son emploi en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi, montrer que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. En l’espèce, la prestataire disposait de plusieurs solutions/suggestions offertes par l’employeur, notamment (1) modifier son poste pour qu’elle puisse travail trois jours par semaines tout en bénéficiant de tous les avantages sociaux, (2) prendre un mois de congé, (3) prendre un congé de maladie de six mois, (4) bénéficier de l’aide d’un stagiaire jusqu’à août 2014 et (5) postuler des postes internes.

[63] Au départ, la prestataire avait dit à la Commission qu’il aurait été merveilleux si son employeur lui avait offert de travailler des heures réduites tout en bénéficiant de tous les avantages sociaux (GD3-50). Cependant, durant cette audience, elle a affirmé que son directeur général lui avait offert, le jour où elle a remis sa démission, de conserver son emploi tout en travailler à temps partiel; elle ne pensait pas que le travail pouvait être accompli en travaillant à temps donc des heures réduites ne l’aideraient pas. Le membre a cependant souligné que l’employeur aurait embauché une autre personne pour les deux autres jours de la semaine (GD3-45). Il revenait à l’équipe de gestion, et non à la prestataire, de déterminer si le travail pouvait être fait ou non dans un certain délai, particulièrement compte tenu du fait qu’elle travaillerait à temps partiel. De plus, la prestataire avait été prête, dans le passé, à travailler une semaine réduite (GD2-41 à GD2-44; elle aurait donc pu essayer de le faire à nouveau. La prestataire a également affirmé qu’elle avait refusé de prendre un congé de maladie (en touchant des prestations de maladie) puisqu’elle n’était pas invalide et qu’elle voulant chercher un autre emploi. Le membre note cependant que, compte tenu de ses documents médicaux, il s’agissait d’une solution possible jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de chercher un autre emploi ou de retourner travailler auprès de son employeur, moyennant des mesures d’adaptation. Le membre reconnaît l’explication de la prestataire, voulant qu’un congé d’un mois ou l’aide d’un stagiaire n’étaient que des solutions temporaires et qu’elle se retrouverait ensuite dans la même situation qu’auparavant. Cela dit, le membre juge que, quoique certaines de ces solutions étaient temporaires, elles auraient donné l’occasion à la prestataire de conserver son emploi tout en considérant les autres solutions possibles ou un emploi auprès d’un autre emploi employeur. La prestataire aurait également pu, comme l’employeur a affirmé qu’il n’y avait pas d’urgence à ce que le travail soit fait immédiatement, conserver son emploi et travailler uniquement les heures par semaines prévues. Elle aurait également pu obtenir l’autorisation de faire les heures supplémentaires qu’elle souhaitait faire, et pour lesquelles elle pourrait être rémunérée sous forme d’heures compensatoires. Enfin, quoique le membre est d’accord avec la prestataire que les offres d’emploi mentionnées par l’employeur ne lui convenaient pas étant donné son expérience et ses antécédents, plusieurs autres solutions s’offraient à elle alors qu’elle occupait son emploi.

[64] Par conséquent, le membre conclut, compte tenu de toutes les circonstances et des éléments de preuve présentés par les parties, que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[65] Le membre conclut donc que la prestataire ne s’est pas déchargée du fardeau de la preuve de démontrer qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi le 30 avril 2014. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations conformément aux articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[66] L’appel est accueilli.

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