Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli et le dossier est référé devant la division générale du Tribunal (section de l’assurance-emploi) afin qu’un membre procède à une nouvelle audience.

Introduction

[2] En date du 11 juillet 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - La répartition de la rémunération de l’Appelant n’avait pas été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »);
  • - L’imposition d’une pénalité était non fondée aux termes de l’article 38 de la Loi.

[3] L’Appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 18 juillet 2013.  La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 13 janvier 2015.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait en personne pour les raisons suivantes :

  • - la complexité de la ou des questions en litige;
  • - du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • - de l’information au dossier, y compris la nature des informations manquantes et la nécessité d’obtenir des clarifications;
  • - du fait que les parties sont représentées;
  • - du désir de l’Appelant.

[5] L’Appelante, représentée par Me Lauren Heyer, a assisté à l’audience.  L’Intimé et son représentant, Sylvain Bergeron, ont assistés à l’audience.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en concluant que :

  1. a) La répartition de la rémunération de l’Intimé n’avait pas été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement;
  2. b) Qu’il n’y avait pas lieu d’imposer une pénalité à l’Intimé aux termes de l’article 38 de la Loi.

[8] Le Tribunal doit également décider s’il y a eu atteinte au droit à la justice naturelle de l’Intimé à cause du délai à entendre sa cause.

Arguments

[9] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Le conseil arbitral, dans sa décision du 11 juillet 2013, a erré en fait et en droit en modifiant la répartition de rémunération non déclarée, faite par l’Appelante au sens des articles 35 et 36 du Règlement;
  • - Le conseil arbitral a erré en annulant les pénalités imposées à l’Intimé en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi;
  • - En janvier 2004, suite à une dénonciation, la Commission a débuté une enquête relativement à la rémunération non déclarée par l'Intimé durant chacune de ses périodes de prestations;
  • - L'enquête a porté aussi sur les activités reliées à deux entreprises relativement à un système de banque d'heures et à du travail au noir;
  • - Le représentant des deux entreprises a reconnu l'existence de ce stratagème et du travail au noir et a confirmé que les dates ou les périodes d'emploi indiquées sur les relevés d'emploi émis à plusieurs employés, dont ceux de l'Intimé, n'étaient pas conformes à la réalité;
  • - Le 14 avril 2005, l'Intimé a confirmé à l'enquêteur qu'il était d'accord avec les déclarations du représentant à son égard;
  • - Il a reconnu savoir qu'il avait fait de fausses déclarations en complétant ses rapports hebdomadaires alors qu'il recevait des prestations d'assurance emploi;
  • - L'Appelante affirme que la décision du conseil arbitral ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 114(3) de la Loi ainsi qu'aux directives données par le juge-arbitre dans sa décision CUB 75282A;
  • le conseil arbitral a retenu les témoignages présentés à l'audience et a de nouveau ignoré la preuve au dossier. Sans expliquer pourquoi, il a écarté les déclarations initiales de l’Intimé et celle du représentant des deux entreprises;
  • - La Cour d'appel fédérale a clairement établi que le conseil arbitral doit s'en remettre à l'ensemble de la preuve qui lui est présentée et non seulement sur les déclarations et les témoignages faits à l’audition pour décider de la cause;
  • - L'Appelante affirme que contrairement à ce que le représentant de l’Intimé a allégué, les montants retenus par l'Appelante ne proviennent pas des fiches de pesée, mais des documents ayant pour titre « Calcul-salaire », qui démontrent que l’Intimé avait touché des gains au cours des semaines à l'étude;
  • - L'Appelante soumet que le conseil arbitral n'a pas expliqué en quoi le document « Calcul-salaire » duquel proviennent les montants retenus par l'Appelante est erroné ou encore la raison pour laquelle elle ne pouvait s'appuyer sur ce document. II a tout simplement ignoré le document, ce qu'il ne peut pas faire;
  • - L'Appelante soumet que le conseil arbitral a erré lorsqu'il a conclu qu'elle devait établir son calcul selon les relevés d'emploi reconnus conformes par la Commission alors qu'il est admis qu'il s'agit de documents contenant de faux renseignements en raison du cumul d'heures;
  • - L'Appelante affirme que les sommes payables à l’Intimé sous formes de salaire sont considérées comme une rémunération en vertu du paragraphe 35(1) du Règlement et elles doivent être réparties sur les semaines pendant lesquelles le travail a été effectué, conformément au paragraphe 36(4) du Règlement;
  • - La jurisprudence a établi que lorsqu'un prestataire ne déclare pas sa rémunération réelle parce qu'il cumule des heures, et que le prestataire le sait pleinement, il s'agit d'un acte frauduleux passible d'une pénalité;
  • - Il n’y a pas eu de délai excessif dans le présent dossier et le délai n’est pas de la faute de l’Appelante;  Il découle du fait que les parties ont fait valoir leurs positions respectives devant les tribunaux.

[10] L’Intimé soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • - La déclaration statutaire ou entrevue avec les enquêteurs est non véridique et non crédible;
  • - Les circonstances dans lesquelles la déclaration statutaire a été effectuée par l’Intimé démontrent que celle-ci n’est pas pertinente;
  • - L'Appelante préfère prendre la parole d'un tiers anonyme sans déclaration signée dont la jurisprudence accorde peu de valeur probante;
  • - Le témoignage du représentant est non crédible car il a été congédié peu de temps avant sa dénonciation;
  • - Aucune crédibilité peut-être accordé à un contremaître qui a été congédié peu de temps avant sa dénonciation;
  • - L’Appelante soutient qu'il y avait un stratagème de banque d'heure et de travail au noir : S’il s’agissait d’un stratagème aussi important, comment expliquer que seul l’Intimé est accusé de fausse déclaration sur 40 employés?
  • - Malgré toutes les explications, l’Appelante refuse d'admettre qu'elle fait erreur. Les chiffres correspondent à ce que l'on appelle la pesée en foresterie. Cette pièce, est l’ensemble du bois mesuré une fois rendu à la scierie. C'est donc le montant que la scierie verse à l'entreprise forestière. Cette facture peut représenter plusieurs semaines de travail;
  • - Le conseil arbitral mentionne les arguments de l’Intimé dans la section « preuve à l’audience » même si cela ne se retrouve pas dans ses conclusions;
  • - Le conseil arbitral mentionne dans sa décision que « Suite à l’analyse du dossier et aux témoignages du prestataire et de son représentant, le conseil arbitral en vient à la conclusion que la Commission, en effectuant de mauvais calculs… »
  • - Le conseil arbitral, avec cette conclusion, considère la preuve de l’Appelante comme non crédible et donne raison à l’Intimé sur les points en litige;
  • - Il n’a jamais prétendu devant le conseil arbitral que les relevés d’emplois étaient conformes;
  • - L'Intimé soutient que son droit d'être entendu dans un délai raisonnable a été violé;
  • - Les délais autant systémiques qu'institutionnels sont imputables au Ministère public et à la congestion du Tribunal;
  • - Le délai excessif a causé directement un préjudice psychologique important à l'Intimé et entaché sa réputation au point de déconsidérer le régime de protection des droits de la personne;
  • - L'Intimé a développé un stress important, développé des craintes importantes à chaque réception d'une lettre du Gouvernement du Canada et résiste à demander de l'assurance-emploi depuis. En terme de réputation et de dignité, l'Intimé est perçu comme un fraudeur par l'Appelante et il se sent persécuté par l'acharnement de l’Appelante qui traine ce dossier depuis 2005;
  • - L’Intimé a droit à une défense pleine et entière. Le temps écoulé depuis la dernière audience a causé chez l'Intimé des conséquences très sérieuses à savoir : des témoins (dénonciateurs) introuvables, nouveau Tribunal pour lequel les jurisprudences au dossier sont caduques, difficulté à se rappeler des éléments précis remontant a plus de 16 ans, etc.;
  • - L'Intimé est donc en droit de demander respectueusement a cet honorable Tribunal de prononcer un arrêt des procédures – Canada (PG) c. Norman, 2002 CAF 123.

Normes de contrôle

[11] L’Appelante soumet que les questions de répartition d'une rémunération et de pénalité sont des questions mixte de fait et de droit et que la norme de contrôle est celle du caractère raisonnable. Elle soumet que le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, ce qui constitue une erreur de droit. La norme de contrôle applicable dans ce cas est celle de la décision correcte - Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330

[12] L’Intimé n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[13] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159, Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330.

Analyse

Répartition de la rémunération et pénalité

[14] Dans le présent dossier, le conseil arbitral devait décider si la répartition de la rémunération de l’Intimé avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement et s’il y avait lieu d’imposer une pénalité à l’Intimé aux termes de l’article 38 de la Loi.

[15] Le rôle du conseil arbitral (maintenant la division générale) est d'examiner les preuves que lui présentent les deux parties, pour déterminer les faits pertinents, soit les faits qui concernent le litige particulier qu'il doit trancher et d'expliquer, dans sa décision écrite, la décision qu'il rend concernant ces faits.

[16] Un conseil arbitral doit évidemment justifier les conclusions auxquelles il en arrive. Lorsqu’il est confronté à des éléments de preuve contradictoires, il ne peut les ignorer. Il doit les considérer. S’il décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons, au risque, en cas de défaut de le faire, de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire - Bellefleur c. Canada (PG), 2008 FCA 13.

[17] Dans le présent dossier, le conseil arbitral a encore une fois ignoré les éléments de preuve de l’Appelante.  Le dossier a pourtant été retourné à plusieurs reprises au conseil arbitral par les juges-arbitres pour les mêmes raisons (Voir CUB 72474 et CUB 75282A). Sans expliquer pourquoi, le conseil arbitral a écarté les déclarations initiales de l’Intimé et celle du représentant des deux entreprises.  Il n'a pas expliqué en quoi le document « Calcul-salaire » duquel proviennent les montants retenus par l'Appelante est erroné ou encore la raison pour laquelle elle ne pouvait s'appuyer sur ce document. II a tout simplement ignoré le document.

[18] Au surplus, le conseil arbitral a demandé à ce que l’Appelante procède à refaire ses calculs selon les relevés d’emploi reconnus conformes par l’Appelante alors que celle-ci en contestait la véracité devant le conseil au motif que les documents contenaient de faux renseignements en raison du cumul d'heures. Même le représentant de l’Intimé a reconnu durant l’audience en appel ne pas avoir soutenu devant le conseil arbitral que les relevés étaient conformes mais plutôt d’avoir soumis au conseil qu’il devait tenir compte des véritables feuilles de paie.

[19] Finalement, le conseil arbitral a fait défaut de relater brièvement mais clairement les faits essentiels qui sont à la base de sa décision ce qui constitue une autre erreur en droit  –  Inkell c. Canada (PG), 2012, CAF 290.

[20] Compte tenu des erreurs ci-dessus mentionnées, le Tribunal est justifié d’intervenir et de retourner le présent dossier devant la division générale pour une nouvelle audience sur les questions en litige.

Déni de justice naturelle à cause du délai

[21] L'Intimé soutient qu’il a été porté atteinte à son droit à la justice naturelle à cause des délais dans le présent dossier.   Il plaide que les délais, autant systémiques qu'institutionnels, sont imputables à l’Appelante et à la congestion du Tribunal et lui ont occasionnés un préjudice psychologique et ont portés atteinte à sa réputation.

[22] L’Intimé plaide également qu’il faut tenir compte du préjudice psychologique et sociologique causé par le délai et non seulement de l'incidence procédurale ou juridique, c'est-à-dire de la question de savoir si la capacité de présenter une défense pleine et entière a été compromise.

[23] L’Intimé a témoigné sous serment devant le Tribunal à l’effet que les délais excessifs lui causent un stress important.  Il a développé des craintes importantes à chaque réception d'une lettre et résiste à demander de l'assurance-emploi.  Il ne se rappelle plus vraiment des faits de son dossier qui remontent à une quinzaine d’année.  Il a réclamé de l’assurance-emploi l’année passée.  Il n’a pas consulté de professionnel.

[24] L’Intimé a informé le Tribunal à l'audience qu'il plaide sa cause sur les principes applicables en droit administratif plutôt que sur la Charte Canadiennes des droits et libertés.  Il fonde son argumentation sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (PG) c. Norman, 2002 CAF 423 et demande l’arrêt des procédures contre l’Intimé.

[25] Les évènements pertinents, en ce qui concerne les délais, se résument à ce qui suit :

  • - L’Appelante a rendu cinq décisions le 30 août 2005. Ces cinq décisions ont entrainés un trop-payé de 11 558$;
  • - Le 16 septembre 2005, l’Intimé a interjeté appel de ces cinq décisions de l’Appelante au conseil arbitral et le 10 novembre 2005, le conseil arbitral a accordé son appel en partie;
  • - L’Appelante a porté la décision du conseil arbitral en appel devant le juge- arbitre. Le 4 août 2006, le juge-arbitre a fait droit à l'appel de l’Appelante;
  • - Le 25 juillet 2007, l’Intimé a déposé une demande de contrôle judiciaire à la Cour d'appel fédérale en alléguant un bris de justice naturelle. La Cour a accordé sa demande et a retourné cette affaire devant un nouveau juge-arbitre pour une nouvelle détermination.   Le juge-arbitre, quant à lui, a renvoyé la cause devant un nouveau conseil arbitral pour une nouvelle détermination;
  • - Le 6 juin 2008, un nouveau conseil arbitral a accordé en partie l'appel de l’Intimé et l’Appelante en a appelé de cette décision. L’Intimé a également interjeté appel de la décision du conseil arbitral devant le juge-arbitre (CUB 66770A);
  • - Le 7 mai 2009, le juge-arbitre Goulard a retourné le dossier devant un nouveau conseil arbitral pour une nouvelle détermination.  Dans sa décision, le juge-arbitre a souligné que le conseil arbitral ne pouvait pas se limiter à prendre en considération les soumissions de l’Intimé et ignorer la preuve soumise par l’Appelante qui était fondée sur l'information fournie par l’employeur. Le juge-arbitre a aussi incité le conseil arbitral à expliquer comment les explications de l’Intimé pouvaient justifier le fait de ne pas avoir déclaré toute sa rémunération (CUB 72474);
  • - Le 23 décembre 2009, un nouveau conseil arbitral a unanimement accueilli l'appel de l’Intimé. Le 17 février 2010, l’Appelante a interjeté appel de cette décision devant le juge-arbitre;
  • - Le 6 septembre 2011, le juge Marin a accueilli l'appel de l’Appelante et a retourné le dossier devant un nouveau conseil arbitral (CUB 75282A). L’Intimé a ensuite déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision. Le 7 novembre 2012, la Cour d'appel fédérale a rejeté celle-ci;
  • - Le 11 juillet 2013, le dossier a été entendu par un conseil arbitral et celui-ci a accordé l'appel de l’Intimé.  L’Appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la Sécurité Sociale le 18 juillet 2013;
  • - La permission d’en appeler a été accordée par la division d’appel le 13 janvier 2015;
  • - L’audience devant la division d’appel a eu lieu le 11 septembre 2015.

[26] Le Tribunal constate que les délais ci-dessus mentionnés reposent sur l’exercice légitime par les parties de leur droit d’appel autant devant le juge-arbitre que devant la Cour d’appel fédérale.  Les délais ne sont donc pas imputables à la négligence ou la faute de l’Appelante et ne peuvent donc lui être reprochés.

[27] L’Intimé soutient que le Tribunal doit cependant tenir compte du délai institutionnel de vingt-six mois (26) mois à entendre le présent appel,  alors que les délais normaux pour le Tribunal se situent plutôt à environ onze mois.

[28] Il s'agit donc pour le Tribunal de déterminer si le délai constitue un déni de justice naturelle et si l’arrêt des procédures constitue la réparation qu'il convient d'accorder.

[29] La Cour d’appel fédérale nous indique dans l’affaire Canada (PG) c. Norman, 2002 CAF 423 qu’un délai ne constitue pas en soi un abus de procédure justifiant un arrêt des procédures en common law. Pour justifier un arrêt dans le contexte du droit administratif, la Cour mentionne qu’il faut prouver qu’un délai inacceptable a causé un préjudice important.

[30] Il peut y avoir un déni de justice naturelle et manquement à l’obligation d’agir équitablement lorsqu’un délai compromet la capacité d’une partie de répondre aux plaintes portées contre elle, notamment parce que ses souvenirs se sont estompés, parce que des témoins essentiels sont décédés ou parce que des éléments de preuve ont été perdus.  En résumé, le délai excessif doit compromettre l’équité de l’audience.

[31] Un délai inacceptable peut constituer un abus de procédure dans certaines circonstances, même lorsque l’équité de l’audience n’a pas été compromise. Ainsi, pour constituer un abus de procédure dans les cas où il n’y a aucune atteinte à l’équité de l’audience, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice important.  Le délai doit, outre sa longue durée, avoir causé un préjudice réel d’une telle ampleur qu’il heurte le sens de la justice et de la décence du public.

[32] En l’espèce, même si le délai semble effectivement inacceptable, le Tribunal conclut que l’Intimé n’a pas subi un préjudice important occasionné par le délai car les faits de son dossier ne sont pas des plus complexes.  Il s’agit de faire le calcul de la rémunération, de procéder à la répartition et de déterminer s’il a fait sciemment une fausse déclaration à l’Appelante.  Il a été le seul témoin lors des audiences devant le conseil arbitral.  Il n’y a pas eu perte de témoins.  L’Intimé n’a pas soutenu devant le Tribunal avoir perdu des éléments de preuve depuis le début des procédures.  Le Tribunal considère donc que l’Intimé à la capacité de répondre aux plaintes portées contre lui et qu’il n’y a pas atteinte à l’équité de l’audience.

[33] Le Tribunal a également entendu le témoignage de l’Intimé lors de l’audience en appel et la preuve soumise du préjudice psychologique et sociologique ne justifie pas l’octroi d’une réparation fondée sur les principes applicables en droit administratif.  Le Tribunal n’arrive pas à conclure, selon les enseignements de la Cour d’appel fédérale, que le délai a causé un préjudice réel d’une telle ampleur à l’Intimé qu’il heurte le sens de la justice et de la décence du public.

[34] Le Tribunal sympathise avec l’Intimé mais il ne peut cependant ignorer les directives de la Cour d’appel fédérale en matière de délai.

Conclusion

[35] La demande de l’Intimé en arrêt des procédures est rejetée.

[36] L’appel est accueilli et le dossier est référé devant la division générale du Tribunal (section de l’assurance-emploi) afin qu’un membre procède à une nouvelle audience.

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