Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’audience initialement prévue le 7 juillet 2015 a été ajournée et une nouvelle date d’audience a été établie le 29 septembre 2015. L’appelante, madame N. M., était présente lors de l’audience par comparution en personne tenue à Québec le 29 septembre 2015. Elle était également représentée par Me Kim Bergeron de la section locale 501 du syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC).

Introduction

[2] Le 8 septembre 2014, l’appelante a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 21 septembre 2014. L’appelante a déclaré avoir travaillé pour l’employeur CHSLD Domaine Saint-Dominique SEC, du 20 janvier 2014 au 20 août 2014 inclusivement et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement ou d’une suspension (pièces GD3-3 à GD3-15).

[3] Le 16 octobre 2014, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a avisé l’appelante qu’elle n’avait pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi, à partir du 16 août 2014, car elle a cessé de travailler pour l’employeur CHSLD Domaine Saint-Dominique SEC, le 20 août 2014, en raison de son inconduite (pièces GD3-26 et GD3-27).

[4] Le 12 novembre 2014, l’appelante, représentée par Me Guylaine Guénette de la section locale 509 du syndicat des TUAC, a présenté une demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-28 à GD3-30).

[5] Le 19 décembre 2014, la Commission a avisé l’appelante qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit en date du 16 octobre 2014 (pièces GD3-35 à GD3-36).

[6] Le 27 janvier 2015, l’appelante, représentée par Me Kim Bergeron du syndicat des TUAC a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal (pièces GD2-1 à GD2-12).

[7] Le 29 janvier 2015, le Tribunal a informé l’employeur CHSLD Domaine Saint- Dominique SEC que s’il souhaitait devenir une « personne mise en cause » dans le présent dossier, il devait déposer une demande à cet effet au plus tard le 13 février 2015 (pièces GD5-1 et GD5-2). L’employeur n’a pas donné suite à cette demande.

[8] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience « En personne » pour les raisons suivantes :

  • L’appelante sera la seule partie à assister à l’audience ;
  • L’appelante est représentée (pièce GD2-4) et ;
  • L’information au dossier, y compris la nature de l’information manquante et la nécessité d’obtenir des clarifications, notamment en regard des circonstances ayant mené au congédiement de l’appelante (pièces GD1-1 à GD1-4).

Question(s) en litige

[9] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Droit applicable

[10] Les dispositions relatives à l’inconduite sont mentionnées aux articles 29 et 30 de la Loi.

[11] En ce qui concerne une « exclusion » du bénéfice des prestations d’assurance-emploi ou une « inadmissibilité » à celles-ci, les paragraphes 29a) et 29b) de la Loi prévoient que :

[…] Pour l’application des articles 30 à 33 : a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations; b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant […].

[12] Concernant une « exclusion » en raison d’une « inconduite » ou d’un « départ sans justification », le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit que :

[…] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas : a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage; b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[13] Relativement à une « exclusion non touchée par une perte d’emploi subséquente », le paragraphe 30(2) de la Loi précise que :

[…] L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[14] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 15 octobre 2014, indique que l’appelante a travaillé à titre de préposée à la salle à manger pour l’employeur CHSLD Domaine Saint-Dominique SEC, du 21 janvier 2014 au 20 août 2014 inclusivement et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement (code M – Congédiement), (pièce GD3-16) ;
  2. Le 24 septembre 2014, l’appelante a transmis à la Commission une copie d’un grief déposé en son nom, en date du 26 août 2014, par le syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC – section locale 509) dans le but de contester le congédiement de ladite appelante le 20 août 2014 (pièces GD3-17 et GD3-18) ;
  3. Le 9 octobre 2014, l’employeur a expliqué que l’appelante a été congédiée en raison de son comportement tout à fait inapproprié. L’employeur a indiqué avoir avisé l’appelante à plusieurs reprises d’être plus respectueuse envers l’autorité, de parler correctement devant la clientèle et d’avoir une conduite irréprochable envers ceux-ci et envers ses collègues de travail. L’employeur a indiqué que l’appelante a été avisée verbalement à cet effet, a reçu des avis écrits et un avis de suspension de trois jours en juin 2014. L’employeur a mentionné que le 12 août 2014, l’appelante avait eu une forte altercation avec une collègue de travail, la fille de ladite appelante, en l’occurrence. L’employeur a précisé qu’au cours de cette altercation, l’appelante aurait crié à l’endroit de sa fille en plus de tenir des propos injurieux. L’employeur a indiqué que cet événement s’était produit devant des membres du personnel et des résidents de l’établissement. L’employeur a expliqué que lors d’une rencontre tenue avec l’appelante, le 14 août 2014, celle-ci aurait fait preuve d’une certaine insubordination. L’employeur a précisé que lors de cette rencontre, l’appelante avait été avisée qu’elle allait être suspendue en raison des événements survenus le 12 août 2014 et qu’à défaut d’apporter les modifications nécessaires à son attitude, son emploi allait prendre fin. L’employeur a expliqué qu’à la sortie de cette rencontre, l’appelante avait ensuite haussé le ton envers son supérieur immédiat et avait utilisé un langage inapproprié à son endroit. L’employeur a expliqué avoir considéré que ces derniers gestes constituaient de l’insubordination de la part de l’appelante et l’a ensuite congédiée (pièce GD3-19) ;
  4. Le 10 octobre 2014, l’employeur a transmis à la Commission une copie des documents suivants :
    1. Lettre de congédiement (Avis de fin d’emploi) adressée à l’appelante en date du 20 août 2014 (pièces GD3-21 et GD3-22) ;
    2. Lettre (Mesure disciplinaire) adressée à l’appelante en date du 9 juin 2014 lui indiquant qu’elle allait être suspendue pour une période de trois jours relativement à des événements survenus le 9 mai 2014 (pièces GD3-23 et GD3-24).
  5. Dans l’Avis d’appel présenté auprès du Tribunal en date du 27 janvier 2015, l’appelante et sa représentante, Me Kim Bergeron, ont transmis une copie des documents suivants :
    1. Lettre de congédiement (Avis de fin d’emploi) adressée à l’appelante en date du 20 août 2014 (pièces GD2-5 et GD2-6) ;
    2. Lettre de l’appelante dans laquelle celle-ci a expliqué les circonstances ayant mené à son congédiement (pièces GD2-6 à GD2-9) ;
    3. Grief (formule de grief numéro G1749) déposé au nom de l’appelante, en date du 26 août 2014, par la section locale 509 du syndicat des TUAC dans le but de contester le congédiement de ladite appelante le 20 août 2014 (pièce GD2-10) ;
    4. Lettre de l’arbitre de grief (Avis de convocation), en date du 15 octobre 2014, adressée à Me Guylaine Guénette, représentante de l’appelante et à l’employeur, dans laquelle ceux-ci sont convoqués à une audience le 11 juin 2015 (pièce GD2-11) ;
    5. Lettre de la Commission (décision en révision) en date du 19 décembre 2014 (pièce GD2-12).

[15] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelante a rappelé son historique de travail chez l’employeur CHSLD Domaine Saint- Dominique SEC et a expliqué les circonstances ayant mené à son congédiement le 20 août 2014. Elle a indiqué avoir que l’établissement pour lequel elle a travaillé compte une centaine d’employés et qu’elle a été embauchée en août 2008 pour travailler au service alimentaire (cuisine). Elle a précisé avoir toujours travaillé dans ce secteur, qui compte 22 employés et qu’elle était la plus ancienne employée à y œuvrer. Elle a indiqué qu’à la suite de l’obtention d’une accréditation syndicale pour les employés de ce secteur, environ un an avant que ne survienne son congédiement, elle avait également agi à titre de représentante syndicale de ces employés ;
  2. Elle a indiqué que le grief qui a été déposé relativement à son congédiement avait été entendu en arbitrage en juin 2015 et qu’une entente était intervenue avec son employeur (pièce GD3-25) ;
  3. Elle a mentionné être à la recherche d’un emploi.

Arguments

[16] L’appelante et la représentante de celle-ci, Me Kim Bergeron, ont présenté les observations et les arguments suivants :

  1. L’appelante a expliqué qu’à la suite de l’altercation verbale survenue avec sa fille, le 12 août 2014, elle avait rencontré son employeur le 14 août 2014. Deux personnes représentaient l’employeur lors de cette rencontre (madame J. B., directrice des ressources humaines et monsieur C. L., chef cuisinier). Elle a indiqué que lors de cette rencontre, l’employeur l’a informé qu’il allait penser à la sanction disciplinaire qu’il pourrait appliquer dans son cas, à la suite de ces événements et qu’il allait l’aviser par la suite, mais que d’après ce que ledit employeur lui avait dit, « ça allait être correct […] ». Elle a précisé ne pas avoir été informée, à ce moment de la sanction qui allait lui être imposée et ne pas avoir reçu d’avis de suspension ou de mesure disciplinaire avant de recevoir la lettre de fin d’emploi en date du 20 août 2014 ;
  2. Elle a affirmé qu’au terme de la rencontre du 14 août 2014, l’employeur lui a ensuite formulé une remarque au sujet de son tablier de cuisine qu’elle avait oublié ou « laissé traîner » sur le bout de la plonge (cuisine). Elle a précisé que c’est à la suite de ce commentaire qu’elle a alors répliqué en affirmant que c’était « couillon » et « niaiseux » et que cela ne faisait que mettre de la tension pour rien entre les employés. Elle a indiqué que l’employeur avait été insulté par ces propos. Elle souligné ne pas avoir traité personne de « couillon » ou de « niaiseux ». Elle a précisé ne jamais avoir crié ou sacré à l’endroit de son patron. Elle a aussi expliqué qu’elle ne prend pas de gants blancs pour s’exprimer et avoir parfois un ton brusque, mais ne pas avoir fait preuve d’insubordination à l’endroit de son employeur. Elle a soutenu qu’aucune inconduite n’avait été commise et qu’elle avait simplement exercé son droit à la liberté d’expression, de façon calme et en tout respect pour l’employeur (pièces GD3-25, GD3-28 à GD3-30 et GD3-34) ;
  3. Elle a expliqué avoir, par la suite, appris de sa fille, qui avait aussi eu une rencontre avec l’employeur, au sujet des événements survenus le 12 août 2014, que celui-ci avait été insulté par les commentaires formulés à l’endroit dudit employeur. Elle a expliqué être retournée voir son employeur, le 15 août 2014, au début de son quart de travail, pour s’expliquer sur le malentendu qu’il y avait eu et pour lui présenter ses excuses. Elle a indiqué avoir ensuite poursuivi son travail pendant les jours qui avaient suivi, jusqu’à la journée de son congédiement survenu le 20 août 2014, après avoir à nouveau rencontré son employeur cette journée-là. Elle a indiqué que son employeur lui a alors dit qu’elle avait été insultante et qu’il mettait un terme à son emploi. Elle a affirmé ne pas avoir eu le temps de s’expliquer auprès de son employeur, qu’elle ne s’attendait pas que celui-ci allait la « mettre à la porte » et a fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’un acte volontaire de sa part (pièces GD3-28 à GD3-30) ;
  4. Elle a expliqué que plusieurs petits accrochages étaient survenus plus tôt au cours de la journée du 12 août 2014, avant que ne survienne l’altercation verbale avec sa fille. Elle a fait valoir que lors de cette journée, il y avait eu du retard dans les tâches à effectuer, ce qui avait créé une énorme pression et une tension sur ses épaules, de même que sur celles des autres employés (pièces GD2-7 à GD2-9) ;
  5. Elle a soutenu avoir été victime de harcèlement, que son employeur s’était acharné sur son cas et que celui-ci voulait « avoir sa tête » parce qu’elle agissait aussi à titre de déléguée syndicale. Elle a expliqué que l’employeur lui a adressé plusieurs plaintes pour la décourager afin qu’elle quitte son emploi. Elle a affirmé qu’elle était l’employée qui avait été le plus longtemps au service de son employeur en soulignant qu’il y a un très grand roulement de personnel chez celui-ci. Elle a indiqué que dans le cadre de ses fonctions, elle avait aussi donné de la formation à d’autres employés et qu’elle avait créé les feuilles de tâches des employés de la cafétéria de l’établissement où elle avait travaillé. Elle a fait valoir qu’elle voulait améliorer les conditions de travail des employés ainsi que le service offert aux résidents (pièces GD2-7 à GD2-9, GD3-3 à GD3-15 et GD3-25) ;
  6. Concernant les mesures disciplinaires qui lui ont imposées avant son congédiement et auxquelles son employeur a fait référence dans la lettre du 20 août 2014, l’appelante a expliqué avoir déjà reçu une lettre d’avertissement, environ un an avant d’être congédiée, soit dans la période qui avait mené à l’obtention d’une accréditation syndicale pour les employés du secteur de la cuisine. Elle a précisé qu’au cours de sa dernière année de travail pour son employeur, elle avait reçu deux avertissements, dont un seul par écrit et qu’elle avait été suspendue une journée. Elle a soutenu que ses intentions étaient bonnes et que l’employeur avait fait preuve d’un manque de compréhension à son endroit (pièces GD3-23 à GD3-25) ;
  7. Elle a affirmé que la mesure disciplinaire qui lui a été imposée le 9 juin 2014, soit une suspension de trois jours, n’a pas été appliquée par son employeur (pièces GD3-23 et GD3-24). Elle a précisé que cette mesure faisait suite à des événements survenus le 9 mai 2014. Elle a relaté que lors de ces événements, son supérieur, qui se trouvait dans la salle à manger, avait lancé une assiette dans sa direction, après qu’elle se soit adressée à lui pour lui demander d’aller aider les autres employés parce qu’ils se sentaient « au bout du rouleau », ce qu’il était censé de faire. Elle a affirmé que son supérieur avait ensuite quitté les lieux pour aller rencontrer la directrice de l’établissement. Elle a précisé qu’à la suite de cet événement, dont plusieurs employés avaient été témoins, elle n’avait pas déposé de plainte écrite concernant le geste posé par son supérieur. Elle a affirmé que l’employeur avait ensuite rencontré plusieurs employés qui avaient été témoins de cet événement et qu’elle avait finalement été suspendue pour une journée, mais non pour une période de trois jours, tel que mentionné dans la lettre du 9 juin 2014 (pièces GD3-23 et GD3-24) ;
  8. Elle a affirmé ne pas avoir reçu d’avis de suspension en date du 17 février 2014, dont il est fait mention dans la lettre de l’employeur en date du 9 juin 2014 et qu’elle n’a pas été suspendue relativement à cet avis (pièces GD3-23 et GD3-24). Pour expliquer la référence à cet avis, elle a mentionné qu’il y avait eu trois gérants différents dans une période d’environ 1½ mois, qu’elle avait apporté des changements à l’endroit où étaient placés les ustensiles, parce que ceux-ci disparaissaient ou étaient volés et que cet avis pouvait ainsi être en lien avec le changement qu’elle avait apporté à cet effet ;
  9. Elle a expliqué que l’avis écrit que l’employeur a indiqué lui avoir remis le 22 mai 2013, dans sa lettre du 9 juin 2014, faisait suite à la plainte formulée par la fille d’une résidente de l’établissement auprès dudit employeur parce qu’elle avait averti cette dernière qu’elle ne se trouvait pas du bon côté du comptoir dans la salle à manger. Elle a précisé ne pas avoir reçu d’avis écrit à ce sujet ni avoir été suspendue pour ce geste ;
  10. La représentante de l’appelante, a fait valoir que la lettre de congédiement adressée à celle-ci (avis de fin d’emploi), en date du 20 août 2014, faisait référence à beaucoup d’événements passés, dont les événements survenus le 12 août 2014 et pour lesquels ladite appelante avait déjà été rencontrée par son employeur. Elle a soutenu que ces événements ne faisaient pas partie du congédiement effectué par l’employeur. Elle a souligné que l’appelante avait été rencontrée le 14 août 2014, à la suite des événements survenus avec sa fille le 12 août 2014 et qu’elle avait alors été informée qu’elle aurait une suspension, tel que spécifié dans la lettre de congédiement du 20 août 2014, sans qu’il ne soit question d’un congédiement. Elle a fait valoir que l’employeur n’avait pas démontré en quoi l’appelante avait eu l’« intention de nuire au climat de travail en ne favorisant pas la coopération entre collègues » ou en quoi elle avait fait preuve d’« insubordination », à au moins deux reprises, lors de la rencontre disciplinaire (pièces GD2-5et GD2-6 ou GD3-21 et GD3-22 et GD2-7 à GD2-9) ;
  11. Elle a expliqué qu’au terme de la rencontre de l’appelante avec son employeur, le 14 août 2014, où celui-ci s’apprêtait à lui donner une mesure disciplinaire, mais non de la congédier a-t-elle précisé, il a ensuite formulé un commentaire à son endroit concernant le tablier que celle-ci avait pu laisser traîner dans la cuisine. Elle a soutenu que c’était en réponse à ce commentaire, que l’appelante avait ensuite prononcé les mots « couillon » et « niaiseux ». Elle a souligné que ces mots référaient à une situation et n’avaient pas pour but d’insulter la personne à qui l’appelante s’adressait alors. Elle a soutenu que, par la suite, l’employeur avait reproché à l’appelante les commentaires que celle-ci avait formulés et que cette situation avait été « la goutte qui avait fait débordé le vase », tel que l’indique la lettre de congédiement adressée à ladite appelante (pièces GD2-5et GD2-6 ou GD3-21 et GD3-22). Elle a fait valoir que les mots prononcés par l’appelante et les gestes reliés à cet événement spécifique ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi. Elle a souligné que l’appelante n’a pas crié ni insulté personne, mais qu’elle avait donné son point de vue à son employeur, ce qui ne représente pas de l’insubordination, ni de l’inconduite. Elle a souligné que l’appelante n’avait d’ailleurs aucun antécédent de cette nature. Elle a soutenu que l’employeur n’avait pas rencontré le fardeau qui lui incombe de démontrer l’inconduite de l’appelante (pièces GD2-5et GD2-6 ou GD3-21 et GD3-22 et GD2-7 à GD2-9) ;
  12. La représentante a souligné que l’appelante ne pouvait s’attendre à être congédiée pour les gestes survenus le 12 août 2014. Elle a fait valoir que la fille de l’appelante n’avait reçu aucune mesure disciplinaire pour ce même événement. Elle a aussi expliqué que lorsque l’appelante a appris, de sa fille, que l’employeur avait été insulté par les propos qu’elle avait tenus à la suite de la rencontre du 14 août 2014, ladite appelante était allée s’excuser auprès de celui-ci, sans délai. Elle a soutenu que la Commission aurait dû prendre en compte cet événement spécifique dans son analyse ;
  13. Elle a souligné que l’appelante avait aussi joué son rôle de déléguée syndicale et que, dans ce contexte, l’employeur doit s’attendre à des échanges au cours desquels des commentaires concernant des situations reliées au travail, sans qu’il s’agisse pour autant d’insubordination.

[17] La Commission a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a précisé que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Elle a précisé qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-4) ;
  2. Elle a souligné que le manque de respect pouvait prendre différentes formes telles ; l’insolence, l’impertinence, l’impolitesse, la grossièreté, l’injure, la menace... selon l’attitude prise ou la parole exprimée ayant pour effet d’offenser, d’injurier ou de provoquer l’employeur, d’autres collègues ou la clientèle (pièce GD4-4) ;
  3. Elle a souligné que l’appelante a allégué avoir subi du harcèlement de la part de l’employeur parce qu’elle était représentante syndicale, mais que celle-ci a admis les événements cités dans l’avis de mesure disciplinaire du 9 juin 2014 et ceux indiqués dans l’avis de fin d’emploi du 20 août 2014. Elle a fait valoir que l’appelante avait confirmé avoir eu une altercation le 12 août 2014 avec une autre employée, qui était sa fille et que cet événement avait donné lieu à une rencontre avec la direction le 14 août 2014 au cours de laquelle ladite appelante avait été informée que son emploi était en jeu si elle n’améliorait pas son comportement. La Commission a souligné l’appelante avait confirmé avoir prononcé les mots « couillonnage » et « niaiseux » à son superviseur, en sortant de la rencontre du 14 août 2014, ou elle venait de s’engager à améliorer son comportement envers l’employeur. Elle a soutenu que de telles paroles ne peuvent être dites sans offenser le destinataire, même en souriant et que celles-ci peuvent être interprétées comme de l’arrogance ou de la provocation. La Commission a fait valoir que l’appelante savait qu’elle risquait le congédiement advenant un comportement inapproprié envers la direction ou ses collègues de travail, ce qu’elle s’est empressée de faire en sortant de la rencontre du 14 août 2014 ou elle s’était engagée envers l’employeur quelques minutes auparavant à corriger son comportement envers ses supérieurs, faute de quoi elle serait congédiée. Elle a indiqué que l’appelante avait admis avoir été avertie à maintes reprises de changer son attitude, mais que celle-ci croyait qu’il s’agissait d’un manque de compréhension (pièce GD4-4) ;
  4. Elle a expliqué que dans l’avis du 9 juin 2014, l’employeur a admis que l’appelante pouvait avoir de bonnes idées d’amélioration, mais qu’elle doit au préalable obtenir l’autorisation du supérieur avant de mettre en application de nouvelles méthodes de travail. La Commission a soutenu que l’appelante se contredisait lorsque celle-ci mentionne qu’il ne s’agissait pas d’inconduite parce qu’elle a simplement exercé son droit à la liberté d’expression de façon calme et en tout respect envers l’employeur et que, par la suite, celle-ci souligne être retournée le lendemain de la rencontre du 14 août 2014, pour s’expliquer sur le malentendu et présenter ses excuses. La Commission a souligné que les paroles prononcées par l’appelante immédiatement en sortant de la rencontre du 14 août 2014 ont eu pour effet d’offenser son supérieur immédiat. Elle a déterminé que ce geste constitue de l’inconduite puisqu’il est posé de façon délibérée, car quelques minutes auparavant, l’appelante s’était engagée à changer ou améliorer son comportement envers la direction et ses collègues de travail et ce geste avait mené au congédiement. La Commission a expliqué que pour une personne, une attitude donnée ne sera pas offensante alors que pour une autre, cela équivaut à une injure et c’est ce que l’employeur reprochait à l’appelante, celui-ci lui ayant demandé, à plusieurs reprises, de corriger ce comportement (pièces GD4-4 et GD4-5) ;
  5. Elle a déterminé que le langage utilisé par l’appelante à l’endroit de l’employeur et de ses collègues de travail constituait de l’inconduite au sens de la Loi parce que ces allégations étaient révélatrices sur son opinion envers la direction et les responsables (pièce GD4-5) ;
  6. Elle a conclu que l’appelante a perdu son emploi à la suite de paroles offensantes prononcées envers son supérieur immédiat alors qu’elle sortait d’une rencontre ou elle venait de s’engager à améliorer son comportement. La Commission a souligné que l’appelante aurait dû savoir que ce geste était de nature à entrainer son congédiement puisqu’elle sortait d’une rencontre l’informant des conséquences advenant le non-respect de son engagement à améliorer son attitude envers la direction et ses collègues de travail (pièce GD4-5) ;
  7. Elle a soutenu que l’appelante avait démontré avoir agi volontairement puisqu’elle a admis ne pas prendre de gants blancs pour s’exprimer. Elle a également souligné que l’appelante avait aussi été suspendue à deux reprises en raison de son comportement inapproprié. La Commission a fait valoir que l’appelante savait, en raison du poste qu’elle occupait comme représentante syndicale, qu’un tel comportement ne pouvait être toléré par l’employeur surtout après plusieurs avertissements et qu’un employé risque le congédiement s’il n’y a pas d’amélioration dans son attitude au travail (pièce GD4-6) ;
  8. Elle a soutenu que l’appelante avait admis avoir prononcé les paroles offensantes envers son supérieur, immédiatement après s’être engagée auprès de la direction à corriger son comportement, ce qui démontre que les propos de celle-ci étaient délibérés ou volontaires et qu’ils constituent de l’inconduite (pièce GD4-6).

Analyse

[18] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que :

Pour constituer de l’inconduite, l'acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[19] Dans cette décision (Tucker, A-381-85), la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a rappelé les propos du juge Reed de la Cour à l’effet que :

[…] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu'il fait preuve d'une intention délictuelle […].

[20] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a fait le rappel suivant :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c'est-à- dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié.

[21] Dans l’arrêt McKay-Eden (A-402-96), la Cour a apporté la précision suivante : « À notre avis, pour qu’une conduite soit considérée comme une "inconduite" sous le régime de la Loi sur l’assurance chômage, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. ».

[22] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entrainer son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[23] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[24] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il incombe à l’employeur ou à la Commission de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[25] Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.

[26] Déterminer que la conduite d’un employé qui entraîne la perte de son emploi constitue une inconduite est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

[27] Dans le présent dossier, les gestes reprochés à l’appelante, soit d’avoir prononcé des commentaires désobligeants ou d’avoir utilisé un langage inapproprié envers son employeur, ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[28] L’appelante a reconnu avoir posé les gestes qui lui ont été reprochés.

[29] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelante au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié relativement aux événements ayant mené à son congédiement. Le témoignage de l’appelante était constant, détaillé et exempt de contradictions. Il a permis de mettre en contexte les gestes qui lui ont été reprochés et qui ont mené à son congédiement.

Motifs invoqués par l’employeur

[30] Dans l’avis de fin d’emploi transmis à l’appelante en date du 20 août 2014, l’employeur a précisé qu’à la suite d’une rencontre disciplinaire à laquelle ladite appelante avait pris part, le 14 août 2014, celle-ci avait ensuite récidivé, au terme de cette rencontre, en faisant des reproches à son supérieur immédiat et qu’elle avait ainsi fait preuve d’insubordination à au moins deux reprises (pièces GD2-5 et GD2-6 ou GD3-21 et GD3-22).

[31] Dans cette lettre, l’employeur a également fait mention des éléments suivants :

  • Intention de l’appelante de nuire au climat de travail en ne favorisant pas la coopération entre collègues ;
  • Absence d’amélioration de la part de l’appelante sur le bon comportement à adopter ;
  • Impact de la prestation de travail de l’appelante sur la qualité du service rendu ainsi que sur la réputation de l’établissement (pièce GD3-22).

[32] Malgré les nombreux gestes reprochés à l’appelante dans la lettre du 20 août 2014, le Tribunal considère que ce sont essentiellement les événements survenus le 14 août 2014 au terme de la rencontre disciplinaire entre l’employeur et ladite appelante, qui ont entraîné le congédiement de cette dernière.

[33] Dans une déclaration faite à la Commission et dans la lettre de congédiement du 20 août 2014, l’employeur a d’ailleurs expliqué qu’à la suite de l’altercation verbale survenue le 12 août 2014, entre l’appelante et sa fille, également sa collègue de travail, il avait avisé ladite appelante qu’une mesure de suspension disciplinaire importante allait s’ensuivre, en lui signifiant également qu’elle allait devoir apporter des modifications à son attitude au travail, à défaut de quoi son emploi allait prendre fin (pièces GD3-19 et GD3-21).

[34] Il n’était pas question de congédiement, à ce moment, au sujet des événements spécifiques survenus le 12 août 2014. Ces événements ne constituent pas la cause du congédiement de l’appelante.

Caractère non délibéré des gestes reprochés

[35] En tenant compte du contexte particulier dans lequel les actes reprochés à l’appelante ont été commis, le Tribunal considère que ceux-ci ne revêtaient pas un caractère délibéré ou intentionnel (Mishibinijima, 2007 CAF 36, McKay-Eden, A-402-96, Tucker, A-381-85).

[36] L’appelante a reconnu avoir prononcé des mots tels « couillon » et « niaiseux » à la suite d’une rencontre disciplinaire tenue avec son employeur le 14 août 2014, relativement à l’altercation verbale survenue avec sa fille deux jours plus tôt.

[37] Le Tribunal tient pour avérée l’explication fournie par l’appelante voulant que ces propos aient été tenus, au terme de la rencontre du 14 août 2014 et à la suite de remarques que lui avait d’abord formulées l’employeur, concernant un tablier qu’elle avait oublié ou « laissé traîner » dans la cuisine (au bout de la plonge). L’appelante n’a pas délibérément choisi de tenir de tels propos ni d’avoir un langage déplacé à l’endroit de son employeur.

[38] Bien qu’elle puisse être inappropriée et répréhensible, la réaction verbale de l’appelante fait essentiellement suite à une remarque préalablement faite par l’employeur à son endroit, concernant l’usage de son tablier. L’appelante a posé un geste émotif isolé, en réaction à un événement ponctuel particulier, soit la remarque formulée à son endroit, à propos de son tablier.

[39] Les gestes posés par l’appelante le 14 août 2014 et le langage qu’elle a alors employé ne démontrent pas qu’il y a eu une « récidive » de sa part, ou qu’elle a fait preuve d’une certaine insubordination, comme l’a soutenu l’employeur dans les déclarations qu’il a faites à la Commission et dans la lettre de congédiement qu’il lui a adressée (pièces GD3-19, GD2-5, GD2- 6, GD3-21 et GD3-22).

[40] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas consciemment choisi de passer outre à une exigence fondamentale liée à son emploi ni chercher à briser le lien de confiance qui l’unissait à son employeur (Tucker, A-381-85).

[41] Le Tribunal ne retient pas l’argumentation de la Commission voulant que l’appelante savait qu’elle risquait d’être congédiée advenant un comportement inapproprié de sa part envers la direction ou ses collègues de travail, ce qu’elle s’était « empressée » de faire en sortant de la rencontre du 14 août 2014 alors qu’elle venait de s’engager auprès de l’employeur, quelques minutes auparavant, à corriger le comportement reproché (pièce GD4-4). L’argumentation de la Commission ne tient aucunement compte du fait qu’avant de prononcer les mots qui lui ont été reprochés, l’appelante avait d’abord reçu une remarque de la part de son employeur, au terme de cette rencontre et que celle-ci a répondu au commentaire dont elle avait fait l’objet.

[42] Le Tribunal ne retient pas non plus l’argumentation de la Commission selon laquelle « le langage utilisé par la prestataire envers l’employeur et ses collègues de travail constituaient de l’inconduite […] parce que ces allégations sont révélatrices sur son opinion envers la direction et les responsables » (pièce GD4-5). Rien dans la preuve au dossier ne vient démontrer en quoi le langage utilisé par l’appelante envers ses collègues de travail pouvait représenter de l’inconduite au sens de la Loi.

[43] En raison de l’état d’esprit dans lequel elle s’est retrouvée, au cours de sa rencontre du 14 août 2014, l’appelante a pu réagir de manière inadéquate en utilisant un langage inapproprié, sous « l’influence du stress », ce qui lui a coûté son emploi, sans pour autant qu’il ne s’agisse d’inconduite au sens de la Loi (Tucker, A-381-85).

[44] La réaction verbale de l’appelante, lors de sa rencontre avec son employeur, peut également avoir été teintée par le fait que celle-ci agissait aussi, depuis plusieurs années, à titre de représentante syndicale des employés de la cuisine de l’établissement où elle travaillait. L’appelante a d’ailleurs expliqué avoir mentionné à son employeur, après avoir tenu les propos qui lui ont été reprochés, que les commentaires de ce dernier au sujet de son tablier étaient aussi de nature à mettre de la pression sur les employés. L’appelante a aussi expliqué s’être sentie interpellée concernant la pression au travail ressentie par les employés, notamment lors de la journée du 12 août 2014 au cours de laquelle elle avait eu une altercation verbale avec sa fille.

[45] La représentante de l’appelante a aussi souligné que l’employeur doit s’attendre à ce qu’un représentant syndical puisse faire valoir son opinion au sujet de l’accomplissement du travail des employés d’une entreprise.

[46] L’appelante a affirmé ne pas avoir crié ni avoir élevé le ton contre son employeur, malgré la référence faite par l’employeur, dans sa lettre du 20 août 2014, au ton employé par celle-ci (pièce GD2-5 ou GD3-21). Rien n’indique dans la preuve recueillie auprès de l’employeur en quoi le ton utilisé par l’appelante pouvait avoir été inapproprié.

[47] L’appelante a également indiqué être allée s’être excusée auprès de l’employeur après avoir appris que les propos qu’elle avait tenus avaient été jugés insultants ou offensants par celui-ci.

[48] Le témoignage de l’appelante, lequel n’a pas été contredit, indique aussi que les mesures disciplinaires auxquelles l’employeur a fait référence n’ont, dans certains cas, pas été signifiées auprès de ladite appelante (ex. : avis de suspension du 17 février 2014) ou n’ont pas été mises en application (ex. : mesure disciplinaire imposée le 9 juin 2014), (pièces GD3-23 et GD3-24).

[49] Le Tribunal ne retient pas le motif invoqué par l’employeur selon lequel le congédiement de l’appelante s’explique aussi par son intention de « nuire au climat de travail en ne favorisant pas la coopération entre collègues » (pièce GD2-6 ou GD3-22). Rien dans la preuve au dossier ne permet d’en arriver à une telle conclusion.

[50] Le Tribunal ne retient pas non plus l’argument voulant que l’employeur n’avait d’autre alternative que de mettre fin à l’emploi de l’appelante, notamment devant l’impact de la prestation de travail de celle-ci sur la qualité du service ainsi que sur la réputation de l’établissement pour lequel elle travaillait (pièce GD2-6 ou GD3-22).

[51] Le Tribunal considère que l’appelante n’a pas négligé volontairement ou gratuitement les intérêts de son employeur ni fait preuve d’une intention délictuelle à son endroit (Tucker, A-381- 85).

[52] Le Tribunal est d’avis que dans l’avis de fin d’emploi adressé à l’appelante en date du 20 août 2014, l’employeur a rassemblé plusieurs reproches concernant l’accomplissement de son travail, mais aucun de ceux-ci ne vient démontrer l’inconduite de cette dernière (pièces GD2-5 et GD2-5 ou GD3-21 et GD3-22).

[53] En somme, le Tribunal considère que les gestes reprochés à l’appelante n’étaient pas d’une portée telle que celle-ci pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement. L’appelante ne pouvait savoir que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

Preuve recueillie par la Commission auprès de l’employeur

[54] Le Tribunal rappelle que dans un cas d’inconduite, le fardeau de la preuve appartient à la Commission ou à l’employeur, selon le cas (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[55] Le Tribunal est d’avis que, dans le cas présent, la preuve recueillie par la Commission auprès de l’employeur ne permet pas de démontrer que les gestes reprochés à l’appelante constituent de l’inconduite au sens de la Loi.

Cause du congédiement

[56] Le Tribunal considère que la preuve présentée démontre que l’appelante n’a pas été congédiée en raison d’actes qu’elle a posés de manière volontaire et délibérée (Tucker, A-381- 85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[57] C’est pourquoi le Tribunal estime que les gestes reprochés à l’appelante ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[58] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut et sur la preuve présentée, le Tribunal considère que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A- 168-00).

[59] Le Tribunal conclut que l’appel est fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[60] L’appel est accueilli.

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