Assurance-emploi (AE)

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Introduction

[1] Le 28 octobre 2014, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») a refusé d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») à la division d’appel (DA) du Tribunal le 3 mars 2015, soit après l’expiration du délai de 30 jours.

[2] Le demandeur a déclaré qu’en raison de son horaire de travail il lui a fallu faire de nombreux appels téléphoniques avant de pouvoir parler à quelqu’un de l’appel qu’il souhaitait interjeter devant la DA en janvier 2015. Il a attendu de recevoir les formulaires, lesquels lui ont été renvoyés en février 2015, si bien qu’il a déposé sa demande de permission d’en appeler en retard.

[3] La décision dont le demandeur fait appel est un refus de prorogation de délai. La DG a refusé d’accorder une prorogation de délai pour lui permettre d’interjeter appel de la décision de réexamen de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »). Le demandeur a soumis un appel incomplet à la DG après le délai de 30 jours (60 jours après la décision de réexamen). Le Tribunal a demandé au demandeur d’expliquer les raisons de l’appel tardif à la DG et pourquoi il croit avoir une cause défendable. Bien que le demandeur ait envoyé ses réponses le 19 août 2014 et le 23 octobre 2014, il a essentiellement répété ses arguments concernant la décision initiale de la Commission selon laquelle il avait fait de fausses déclarations.

[4] La DG a jugé que le demandeur n’avait pas démontré une intention persistante de poursuivre son appel ni raisonnablement expliqué le retard. La DG n’a pas été convaincue que le demandeur avait une cause défendable en appel et a conclu qu’il n’avait pas fourni d’explications convaincantes pour justifier une prorogation de délai.

Questions en litige

[5] Pour que l’on se penche sur la Demande, il faut que soit accordée une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler à la DA.

[6] La DA doit ensuite déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[7] Aux termes des paragraphes 57(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), la demande de permission d’en appeler est présentée à la DA dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester. En outre, la DA peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[8] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission. »

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS stipule que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[10] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Prorogation de délai

[11] La Demande a été estampillée en date du 3 mars 2015. La décision de la DG a été envoyée au demandeur par lettre datée du 28 octobre 2014. Le demandeur n’a pas précisé à quelle date il avait reçu la décision de la DG.

[12] En application de l’alinéa 19(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, j’estime que la décision de la DG a été communiquée au demandeur 10 jours après la date du 28 octobre 2014 à laquelle elle lui a été envoyée par la poste. Par conséquent, je conclus que la décision a été communiquée au demandeur le 7 novembre 2014.

[13] La Demande a donc été déposée 118 jours après la date où le demandeur a reçu communication de la décision, soit 88 jours après l’expiration du délai de 30 jours.

[14] Les facteurs que le Tribunal prend en considération et soupèse pour déterminer s’il y a lieu de proroger le délai au‑delà des trente jours durant lequel un demandeur est tenu de déposer sa demande de permission d’en appeler sont les suivants :

  1. a) s’il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. b) si la cause est défendable;
  3. c) si le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) si la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[15] Dans Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a statué que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi fait observer qu’il n’est pas nécessaire de répondre, en faveur du requérant, aux quatre questions pertinentes à l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation de délai.

[16] Dans l’arrêt X(Re), 2014 CAF 249, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 26, a énoncé comme suit le critère applicable :

Lorsqu’il s’agit de décider s’il convient d’accorder une prorogation de délai pour déposer un avis d’appel, le critère le plus important est celui qui consiste à rechercher s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation. Les facteurs à considérer sont les suivants :

  1. a) s’il y a des questions défendables dans l’appel;
  2. b) s’il existe des circonstances particulières justifiant le non‑respect du délai prévu pour déposer l’avis d’appel;
  3. c) si le retard est excessif;
  4. d) si la prorogation du délai imparti causera un préjudice à l’intimé.

[17] Parmi ces quatre facteurs, je considère que le plus important est celui qui a trait à la cause défendable.

[18] Le 30 septembre 2014, la DG a demandé au demandeur de fournir des renseignements supplémentaires, plus précisément de [traduction] « préciser les raisons pour lesquelles vous estimez avoir une cause défendable ». La réponse du demandeur a été qu’il s’était trouvé à l’extérieur du pays pendant deux semaines seulement (du 1er au 16 septembre 2010) et que ce voyage lui était sorti de l’esprit lorsqu’il a répondu aux questions concernant sa demande de prestations d’assurance‑emploi. Il a aussi produit des pages de son passeport et des relevés de compte, dont la plupart se trouvaient déjà au dossier.

[19] Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander s’il a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[20] Puisque la question de savoir si l’appel a une chance raisonnable de succès est déterminante pour l’issue de la demande, je vais d’abord discuter de cet aspect de la Demande puis, si nécessaire, retourner à la question de savoir si la DA accordera une prorogation de délai pour permettre le dépôt de la demande de permission.

Demande de permission

[21] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’un de ces motifs au moins confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[22] Le demandeur a présenté un certain nombre d’observations sur les raisons pour lesquelles on devrait accueillir son appel. Son principal argument est qu’il n’était pas à l’étranger durant la période que la Commission a déterminée comme étant celle où il se trouvait à l’intérieur du pays (juin, juillet, août et une partie de septembre 2010). Il affirme qu’il n’était à l’étranger que durant deux semaines de septembre 2010.

[23] Le demandeur n’a pas fait mention du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, et je ne vois pas exactement en quoi la DG aurait commis une erreur.

[24] La DG se penchait sur l’octroi éventuel d’une prorogation de délai pour permettre le dépôt d’un appel, une question rendue nécessaire par le dépôt tardif de l’appel par le demandeur. La décision faisant l’objet de l’appel était un refus, de la part de la Commission, d’accorder une prorogation de délai pour permettre le dépôt d’un appel à l’encontre d’une décision de réexamen de la Commission (relative à des fausses déclarations).

[25] Dans Oyenuga c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 230, une affaire portant sur le refus d’un juge-arbitre de proroger le délai imparti pour déposer un appel au titre de l’assurance-emploi, la Cour d’appel fédérale a statué ce qui suit au paragraphe 2 :

[…] [L’appelant doit fournir] la preuve que le juge-arbitre en chef a mal exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant la prorogation de délai. Il y a exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire lorsque le juge-arbitre n’accorde pas suffisamment d’importance à des facteurs pertinents, se fonde sur un mauvais principe de droit ou apprécie mal les faits ou lorsqu’une injustice évidente en résulterait.

[26] La Demande n’explique pas en quoi la DG aurait mal exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé d’accorder une prorogation de délai. La Demande affirme que la Commission a fait erreur lorsqu’elle a déterminé que le demandeur se trouvait à l’étranger du 1er juin au 17 septembre 2010. Il s’agit peut‑être là d’une affirmation que la DG a tirée des conclusions de fait erronées.

[27] La DG, au paragraphe [21] de sa décision, a discuté de l’affirmation du demandeur selon laquelle il est innocent des fausses déclarations qu’on lui impute. Le membre de la DG a conclu que le demandeur n’avait produit aucun élément de preuve démontrant qu’il se trouvait au Canada durant la période en question et qu’il a rempli huit mandats pour toucher des prestations, chacun de ces mandats indiquant qu’il restait au Canada durant la période pertinente. Ces conclusions de fait, la DG ne les a pas tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[28] Une fois que la permission d’en appeler a été accordée, le rôle de la DA consiste à déterminer si une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été commise par la DG et, si tel est le cas, de fournir un redressement pour corriger cette erreur. En l’absence d’une telle erreur susceptible de contrôle, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. Le rôle de la DA n’est pas de reprendre de novo l’instruction de l’affaire. C’est dans ce contexte que la DA doit déterminer, au stade de la permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[29] J’ai lu et examiné soigneusement la décision de la DG et le dossier. Il n’est aucunement prétendu par le demandeur que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé  d’exercer sa compétence en rendant sa décision. Le demandeur n’a relevé aucune erreur de droit, pas plus qu’il n’a signalé de conclusions de faits erronées que la DG aurait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle en est arrivée à sa décision.

[30] Pour que son appel ait une chance raisonnable de succès, le demandeur doit expliquer en quoi la DG a commis au moins une erreur susceptible de contrôle. La Demande est déficiente à cet égard et je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La Demande est rejetée.

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