Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Les appelants, des membres de la section locale 8782 du Syndicat des Métallos (syndicat), étaient représentés par madame Colleen Barr, consultante pour le syndicat, ainsi que par monsieur Mark Talbot, vice-président de la section locale 8782, assisté par madame Shannon Horner.

L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), était représentée par madame Carol Robillard de la division des appels, Administration centrale.

La partie mise en cause, la U.S. Steel Canada Inc. (employeur), était représentée par monsieur Sephen Shamie, avocat chez Hicks Morley Hamilton, assisté par madame Allison MacIsaac.

Madame J. K., directrice des Ressources humaines pour l’employeur, était présente à titre de témoin pour la partie mise en cause.

Introduction

[1] Les appelants sont 475 employés de la U.S. Steel Canada Inc. et membres de la section locale 8782 du Syndicat des Métallos (voir l’annexe 1) dont la demande, visant à obtenir des prestations régulières d’assurance-emploi pour la période du 29 avril 2013 au 10 septembre 2013, a été rejetée. Le 27 juin 2013, la Commission a déterminé que les appelants ne pouvaient pas reprendre leur emploi en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif conformément à l’article 36 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Le 16 octobre 2013, les appelants ont demandé à la Commission de procéder à une révision de sa décision; cependant, la Commission a décidé, le 4 février 2014, de maintenir sa décision originale.

[2] Le 14 avril 2014, les appelants ont déposé un appel tardif devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Le 24 février 2015, le Tribunal leur a accordé un délai supplémentaire pour interjeter appel (GD6).

[3] Le 9 mars 2015, un membre a déterminé que l’appel intéressait directement l’employeur et il l’a donc ajouté comme partie à l’appel (GD8 à GD12).

[4] La représentante des appelants a demandé au Tribunal d’instruire conjointement les 475 appels et de rendre une même décision pour tous les appels. Sa demande a été accueillie aux termes de l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (RTSS) (GD2(1) et GD7). Les représentants des appelants et de l’employeur ont tous deux confirmé, à la conférence préparatoire du 29 avril 2014 (GD14) comme à l’audience (GD23), que la liste des 475 dossiers d’appel joints était complète.

[5] Des conférences préparatoires ont été tenues le 27 novembre 2014 et le 29 avril 2014 afin d’éclaircir certaines questions de procédure et de déterminer les prochaines étapes concernant la mise au rôle pour l’instruction. Lors de la seconde conférence préparatoire susmentionnée, il a été décidé que les appelants pouvaient déposer des observations supplémentaires jusqu’au 30 juin 2015 et que l’employeur et la Commission auraient jusqu’au 31 juillet 2015 pour y répondre et déposer des observations supplémentaires (GD5, GD13 et GD14).

[6] L’audience a été tenue en personne compte tenu de la complexité de la question en litige, de l’information au dossier et du besoin d’obtenir des renseignements supplémentaires. De plus, il était prévu que plusieurs parties, leurs représentants et des témoins y participent (GD1).

Question en litige

[7] Le membre doit déterminer s’il y a lieu d’exclure les appelants du bénéfice des prestations du 29 avril 2013 au 10 septembre 2013 puisqu’ils avaient perdu leur emploi durant cette période en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif aux termes de l’article 36 de la Loi.

Droit applicable

[8] L’article 2 de la Loi définit un « conflit collectif » comme un conflit, entre employeurs et employés ou entre employés, qui se rattache à l’emploi ou aux modalités d’emploi de certaines personnes ou au fait qu’elles ne sont pas employées.

[9] Le paragraphe 36(1) de la Loi prescrit, sous réserve du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement), que le prestataire qui a perdu un emploi ou qui ne peut reprendre un emploi en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l’usine, à l’atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n’est pas admissible au bénéfice des prestations avant :

  1. a) soit la fin de l’arrêt de travail;
  2. b) soit, s’il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d’une façon régulière un emploi assurable.

[10] Le paragraphe 36(2) de la Loi prévoit que la Commission peut, avec l’agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements précisant le nombre de jours d’inadmissibilité dans une semaine dans le cas du prestataire qui a perdu un emploi à temps partiel ou qui ne peut reprendre un emploi à temps partiel pour la raison mentionnée au paragraphe (1).

[11] Aux termes du paragraphe 36(3) de la Loi, l’inadmissibilité prévue à l’article 36 est suspendue pendant la période pour laquelle le prestataire établit avoir autrement droit à des prestations spéciales ou à des prestations en raison de l’article 25 à condition qu’il prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, que l’absence de son emploi était prévue et que des démarches à cet effet avaient été effectuées avant l’arrêt de travail.

[12] Le paragraphe 36(4) de la Loi prévoit que l’article 36 de la Loi ne s’applique pas si le prestataire prouve qu’il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l’arrêt de travail, qu’il ne le finance pas et qu’il n’y est pas directement intéressé.

[13] Conformément au paragraphe 36(5) de la Loi, lorsque des branches d’activités distinctes, qui sont ordinairement exercées en tant qu’entreprises distinctes dans des locaux distincts, sont exercées dans des services différents situés dans les mêmes locaux, chaque service est réputé, pour l’application de l’article 36, être une usine ou un atelier distincts.

[14] Le paragraphe 53(1) du Règlement prescrit, pour l’application de l’article 36 de la Loi et sous réserve du paragraphe (2), que l’arrêt de travail à une usine, à un atelier ou en tout autre local prend fin lorsque :

  1. a) d’une part, le nombre d’employés présents au travail représente au moins 85 pour cent du niveau normal;
  2. b) d’autre part, les activités qui y sont exercées pour la production de biens ou de services représentent au moins 85 pour cent du niveau normal.

[15] Aux termes du paragraphe 53(2) du Règlement, lorsque, par suite d’un arrêt de travail, il survient des circonstances qui font en sorte que le nombre d’employés présents au travail et les activités liées à la production de biens ou de services à une usine, à un atelier ou en tout autre local ne représentent pas au moins 85 pour cent du niveau normal, l’arrêt de travail prend fin :

  1. a) dans le cas d’une cessation des affaires ou d’une restructuration permanente des activités ou dans un cas de force majeure, au moment où ce nombre et ces activités représentent au moins 85 pour cent du niveau normal rajusté en fonction des nouvelles circonstances;
  2. b) dans le cas où les conditions économiques ou du marché changent ou dans le cas où surviennent des changements technologiques, au moment où :
    1. (i) d’une part, il y a une reprise des activités à l’usine, à l’atelier ou en tout autre local,
    2. (ii) d’autre part, ce nombre et ces activités représentent au moins 85 pour cent du niveau normal rajusté en fonction des nouvelles circonstances.

[16] Le paragraphe 53(3) du Règlement prévoit, aux fins de calcul des pourcentages visés aux paragraphes (1) et (2), qu’il n’est pas tenu compte des mesures exceptionnelles ou temporaires prises par l’employeur avant ou pendant l’arrêt de travail dans le but d’en compenser les effets.

[17] Au titre de l’article 13 du RTSS, le Tribunal peut, de sa propre initiative ou sur dépôt d’une demande par une partie, joindre plusieurs appels ou demandes si les conditions ci-après sont réunies :

  1. a) les appels ou demandes soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communes;
  2. b) une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux parties.

Preuve

[18] La preuve qui suit a été présentée au Tribunal pour le dossier principal et s’applique à l’ensemble de 475 appelants joints dans le présent appel. Les 475 appelants sont des employés à la production de la U.S. Steel Canada Inc. qui travaillent à l’usine Lake Erie Works à Nanticoke et sont des membres de la section locale 8782 du Syndicat des Métallos. Le syndicat a confirmé lors de l’audience que la liste des appelants concernés (GD23) était juste, moyennant la correction de fautes grammaticales mineures et d’un dédoublement (GD2(1)-19 et GD23-28).

Preuve documentaire

[19] Les appelants ont présenté des demandes de prestations régulières d’assurance-emploi pour une période de prestations prenant effet le 28 avril 2013, ayant indiqué qu’ils avaient cessé de travailler en raison [traduction] « d’une grève ou d’un lock-out ». Les relevés d’emploi indiquent la même chose.

[20] L’employeur (GD3-5 à GD3-26) et les appelants (GD27 à GD3-477) ont soumis leurs rapports d’enquête respectifs et les documents à l’appui. L’employeur comme les appelants ont indiqué qu’ils négociaient une nouvelle convention collective après qu’elle soit venue à échéance le 15 avril 20103 et que l’employeur avait mis en lock-out tous les employés syndiqués le 28 avril 2013 (GD3-6 et GD3-29).

[21] L’employeur a déposé ce qui suit :

  • Des chartes montrant quels employés, parmi les 869 employés syndiqués, avaient été mis en lock-out (GD3-11 à GD3-14 et GD3-26);
  • Une demande du syndicat pour obtenir les services d’un conciliateur le 4 février 2013 (GD3-16 à GD3-19)
  • La nomination du conciliateur le 27 février 2013 (GD3-20);
  • Une invitation à une réunion avec le conciliateur le 19 mars 2013 (GD3-22);
  • Une entente entre les deux parties sur un protocole de 72 heures et le 30 mars 2013 (GD3-23);
  • L’avis du ministère du Travail (rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation) adressé à l’employeur et indiquant qu’une commission de conciliation ne sera pas instituée (GD3-24);
  • Une lettre dans laquelle l’employeur donne au syndicat un préavis de 72 heures de son intention de décréter un lock-out à compter du 28 avril 2013 (GD3-25).

[22] Les appelants ont déposé ce qui suit :

  • Une copie de la convention collective de 2010 (GD3-45 à GD3-153);
  • La chronologie des négociations de 2010 (GD3-154 à GD3-155);
  • La chronologie des négociations de 2013 (GD3-156 à GD3-160);
  • Le rapport du premier trimestre de la U.S. Steel Corporation daté du 30 avril 2013 et les commentaires respectifs du directeur général de la U.S. Steel (GD3-165 à GD3-233);
  • Des articles de presse et des rapports portant sur la U.S. Steel Inc. et l’industrie sidérurgique de 2009 à 2013 (GD3-160 à GD3-165, GD3-234 à GD3-242, GD3-311 à GD3-311, GD3-327 à GD3-348);
  • Une décision antérieure du conseil arbitral (GD3-243 à GD3-247);
  • Le document interne de janvier 2010 de madame Barr, qui représentait la Commission dans le conflit collectif de 2010 impliquant la U.S. Steel (GD3-248 à GD3-255);
  • Des précédents (GD3-256 à GD309, GD3-314 à GD3-326);
  • Un recueil de sites Web, d’articles de presse publiés au moment du conflit collectif et de lettres du syndicat adressées aux membres (GD3-349 à GD3-477).

[23] Les 27 et 28 juin 2013, la Commission a parlé à l’employeur (madame J. K.), qui a affirmé avoir l’autorité pour négocier sans les représentants de X; que les négociations et les contre-propositions s’étaient poursuivies avec le conciliateur jusqu’en mai 2013; que l’usine était entièrement opérationnelle au moment du lock-out; qu’il y aurait eu une grève s’il n’y avait pas eu de lock-out; que l’affiliation syndicale a voté contre l’offre de l’employeur à trois reprises; que l’employeur a décidé de mettre ses employés en lock-out puisqu’il ne semblait pas que le syndicat avait l’intention de négocier sur les questions principales et de conclure un accord et que, de cette façon, l’employeur pourrait décider de la date et de mettre à l’arrêt les fours à coke; que cela avait été manifeste eux yeux de l’employeur le 15 avril 2013 lorsque le syndicat a tenu un [traduction] « vote à mains levées » sur sa proposition finale, ce qui était inhabituel; que l’entretien du haut fourneau avait été reporté d’octobre 2012 à mars 2013 en raison d’autres entretiens et d’interruptions prévus dans d’autres usines en Amérique du Nord; que l’entretien du haut fourneau avait seulement été terminé une semaine après la fin du lock-out; que l’employeur et le syndicat avaient tous deux demandé un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation; que l’usine Lake Erie Works perd de l’argent en partie en raison du coût de la main-d’œuvre, et c’est pourquoi ils n’enlevaient rien mais négociaient des plafonds futurs pour les vacances; que, au moment du lock-out, l’employeur cherchait à embaucher 150 nouveaux employés à la production et que certaines de ses commandes avaient été transférées à d’autres usines, ce qui entraînait des coûts plus élevés en raison de la logistique et de la livraison; et qu’en raison de la demande de production, la Lake Erie Works fonctionnait à 90 % de sa capacité maximale (GD3-478 à GD3-482).

[24] L’employeur a fourni les documents suivants à l’appui de sa position :

  • Sa proposition finale du 15 avril 2013 (GD3-485 à GD3-512);
  • Son plan d’embauche – celui-ci note ses activités de recrutement et indique que plus de 1 000 entrevues ont été menées en 2012 pour des emplois en production et des métiers qualifiés; fournit les plans de dotation en personnel approuvés pour 2010 à 2012 et le nombre réel de personnes embauchées de 2010 à 2013; et souligne que plus de 150 postes devaient être pourvus mais qu’ils avaient été mis en suspens (GD3-484, GD3-513 à GD3-530, GD3-534 et GD3-535).

[25] Le 27 juin 2013, le syndicat (monsieur Talbot) a indiqué à la Commission (en réponse à la position de l’employeur) que c’était le syndicat qui avait communiqué avec le conciliateur pour reprendre les négociations après le lock-out du 28 avril 2013; a confirmé que les questions principales concernaient toujours l’indemnité compensatrice du coût de la vie, les vacances et les prestations d’assurance collective; et a expliqué qu’avant l’achat de Stelco par la U.S. Steel Inc., leur usine était leur [traduction] « flux de trésorerie » et qu’elle produisait davantage d’acier qu’elle le fait présentement même dans un marché qui va mal. Il a indiqué que, comme membre du comité de la haute direction, il n’avait jamais entendu parler d’un plan visant à embaucher 150 personnes; qu’environ 100 employés avaient pris leur retraite avant le lock-out puisque rien ne laisse croire que la situation allait se résoudre, donc l’employeur aurait eu besoin d’embaucher de nouveaux employés; que l’employeur n’avait jamais véritablement eu l’intention de négocier et que, durant les dernières 72 heures où les parties ont vraiment négocié, les dirigeants de la compagnie sont retournés à X; que J. K. était la seule personne qui avait été présente durant ce week-end, et qu’elle n’avait pas l’autorité pour se prononcer sur toute question qui ne soit pas d’ordre administratif; que l’employeur a manipulé la situation à son avantage comme lors des deux dernières négociations; qu’il s’agit d’une compagnie américaine qui, par conséquent, se préoccupe d’intérêts américains; que le syndicat maintient que l’employeur n’a aucune crédibilité et que, puisque celle-ci fait l’objet d’un doute, il faudrait accorder la crédibilité au prestataire; et que le syndicat n’a pas demandé de rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation, mais qu’elle a seulement demandé les services d’un conciliateur (GD3-531 à GD3-533).

[26] Le 27 juin 2013 (décision communiquée le 8 juillet 2013), la Commission a déterminé que les appelants avaient perdu leur emploi auprès de la U.S. Steel Canada Inc. le 29 avril 2013 en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif, et leur a donc imposé une inadmissibilité aux termes du paragraphe 36(1) de la Loi (GD4-25 et GD20).

[27] Le 11 juillet 2013, le syndicat a présenté une demande d’accès au(x) dossier(s) de décision des appelants en vue de se préparer à demander une révision de la décision. La Commission a recommandé le syndicat aux processus d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, lesquels il a suivis et auxquels il s’est conformé sans aucune opposition de la part de l’employeur. L’accès a été accordé (GD3-539 à GD3-544).

[28] Le 11 octobre 2013, l’employeur a confirmé à la Commission qu’une entente de principe avait été conclue le 21 août 2013 et ratifiée le 30 août 2013, et que 85 % de l’effectif avait repris le travail en date du 30 septembre 2013 (GD3-545 à GD3- 552).

[29] Le 16 octobre 2013, le syndicat a demandé à la Commission, au nom des appelants, de réviser sa décision initiale sur leur admissibilité. Le syndicat a déposé des observations détaillées (GD3- 553 à GD3-580) selon lesquelles la Commission avait commis des erreurs relatives à des faits essentiels et des erreurs de droit en ignorant la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême du Canada, exercé sa compétence en manquant de neutralité ainsi que rendu une décision biaisée en faveur de l’employeur. Le syndicat a déposé ce qui suit à l’appui de sa position :

  • Des rapports d’une source externe portant sur les événements qui ont eu lieu durant et après le conflit collectif, de mai 2013 à septembre 2013 (GD3-581 à GD3-593);
  • Les comptes rendus du comité du syndicat formé de cadres supérieurs de décembre 2011, janvier 2012, mai 2012 et janvier 2013 (GD3-594 à GD3-603);
  • Les notes du syndicat concernant l’horaire d’entretien du haut fourneau et les retards accusés (GD3-604 et GD3-605);
  • La lettre de l’employeur datée 15 juillet 2013, envoyée chez tous les employés syndiqués avant la tenue du vote final (GD3-606 et GD3-607).

[30] Les 12 et 22 novembre 2013, l’employeur (madame J. K.) a indiqué qu’il n’est pas rare que les dates d’entretien des machines doivent être changées et que, de plus, il n’était pas possible d’effectuer l’entretien durant les mois d’hiver; que son mandat était clair par rapport à ce qu’elle pouvait et ne pouvait pas faire et que des progrès avaient été réalisés quant à d’autres questions au cours du week-end; que le syndicat demeurait intransigeant concernant les deux questions principales sur les vacances et l’indemnité compensatrice du coût de la vie; que l’employeur avait fait une offre conditionnelle mais que le syndicat n’était pas prêt à voter sur celle-ci le 15 avril 2013; que le rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation avait été une demande des deux parties mais que le syndicat avait lui-même demandé d’obtenir les services d’un conciliateur; que le plan d’embauche avait seulement été mis en attente durant le conflit collectif et sert à remplacer les employés qui auront quitté la compagnie durant l’agitation ouvrière de même qu’à embaucher des employés supplémentaires pour les secteurs où la demande est forte; et que l’employeur a perdu des millions de dollars au cours des second et troisième trimestres de 2013, en plus des pertes saisonnières, en raison du conflit collectif (GD3-608 à GD3-610). L’employeur a fourni des documents concernant les événements ayant eu lieu avant et après le lock-out jusqu’à la ratification d’une nouvelle convention collective le 30 août 2013 (GD3-611 à GD3-979). Parmi ces documents se trouvent les observations de l’employeur (GD3- 611 à GD3-617) et les documents à l’appui sur les ententes et les réunions entre mai et août 2013 (GD3-618 à GD3-808). Ils comprennent également un résumé de toutes les séances (30) de négociations tenues entre le 28 février 2013 et le 22 août 2013 et de leurs participants (GD3-809 à GD3-812); les comptes rendus des négociations et une lettre d’entente des négociations tenues du 12 au15 avril 2013 (GD3-813 à GD3-875); des documents et des notes concernant les événements ayant eu lieu entre février et le 19 mars 2013 (GD3-876 à GD3-893), les événements ayant eu lieu 11 au 28 avril 2013 et la proposition finale du 15 avril 2013 (GD894 à GD3- 940); les états financiers de la U.S. Steel Inc. (GD3-941 à GD3-972); un horaire de toutes les séances d’entretien prévues à l’usine, et la priorisation du haut fourneau (GD3-973 et GD3-974), et une prévision de l’utilisation de la capacité du haut fourneau d’avril 2013 à décembre 2013 (GD3-975) comparativement à celle de Hamilton en 2010 (GD3-976 à GD3-978); et le plan d’embauche de la Lake Erie Works (GD3-979).

[31] Le 11 décembre 2013, le Commission a communiqué avec le ministère du Travail pour obtenir des renseignements sur le processus de conciliation et a été informée que l’une ou l’autre des parties peut présenter une demande pour qu’un conciliateur soit nommé ou pour qu’un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation soit produit. Il est possible d’avoir recours à la seconde option si la première n’a pas porté fruit; elle permet alors à la partie d’entamer une grève ou de décréter un lock-out (GD3-980).

[32] Le 12 décembre 2013, la Commission a communiqué avec le syndicat (monsieur Talbot et mesdames Barr et Horner) pour approfondir l’enquête. Le syndicat a confirmé avoir demandé qu’un conciliateur soit nommé puisque des questions de fond n’étaient pas discutées dans le cadre des négociations; cependant, c’était l’employeur qui avait demandé qu’un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation soit produit. Il a déclaré à la Commission que l’employeur ne négociait pas de bonne foi et que madame J. K. n’avait pas l’autorité pour négocier. De plus, ils avaient apporté des changements aux propositions/offres alors que l’employeur n’en avait fait que très peu, voire aucune, et qu’il voulait uniquement discuter des questions salariales juste avant le lock-out, ne donnant pas le temps au syndicat de réviser sa proposition avant que les employés soient mis en lock-out. Le syndicat a confirmé que l’entretien du haut fourneau ne peut pas être effectué quand il fait froid. Il allègue cependant que l’entretien avait été synchronisé avec le lock-out et qu’il n’est pas au courant d’interruptions dans d’autres usines. Le syndicat a indiqué à la Commission que l’employeur avait déjà subi une perte totale de 215 millions de dollars et que la perte de 73 millions de dollars au rapport du second trimestre aurait été plus importante si l’employeur n’avait pas mis en lock-out ses employés de la Lake Erie Works. Le syndicat a également affirmé que des analystes de marché du secteur avaient affirmé que la mise à l’arrêt d’une usine est la meilleure mesure de réduction des coûts. Lorsque la demande sur le marché ne suffit pas pour toutes les usines, il est préférable pour l’employeur de transférer tout le travail à une même usine et d’exploiter celle-ci à sa capacité maximale plutôt que d’exploiter deux usines à 45 % de leur capacité. Un lock-out permet également à l’employeur de ne pas payer les prestations ou les indemnités associées à des mises à pied. Le syndicat a indiqué à la Commission qu’il ne peut pas lui fournir les détails financiers de la Lake Erie Works. Il a également indiqué ne pas être au courant d’un plan d’embauche et que l’employeur exploite l’usine avec un effectif réduit (GD3-981 à GD3-983).

[33] Le 4 février 2013, la Commission a informé les appelants du maintien de sa décision initiale leur imposant une inadmissibilité (GD4-26).

[34] Lors de l’audience, les appelants ont fourni au membre des renseignements sur le processus de conciliation tirés du site Web du ministère du Travail de l’Ontario (GD24), une copie d’une entrevue radiophonique avec le ministre Finley tenue le 13 mai 2013 (GD25) et des renseignements sur les négociations actuelles tenues à X en date du 31 août 2015 (GD27). L’employeur a fourni de l’information sur l’article 17 de la Loi de 1995 sur les relations de travail et sur l’obligation de négocier de bonne foi (GD26).

Chronologie des événements

[35] Les appelants (GD3-569 et GD3-570) et l’employeur (GD3-613 et GD3-614) ont fourni une chronologie des événements ayant mené au conflit collectif. Durant l’audience, les dates et les événements ci-dessus ont été passés en revue et confirmés par les représentants des parties présentes, lesquels madame J. K. a affirmé être justes.

30 janvier 2013 – Syndicat informe son employeur de son intention de négocier

4 février 2013 – Syndicat demande formellement d’obtenir les services d’un conciliateur (GD3-16)

20 février 2013 – Employeur informé de la demande d’obtenir les services d’un conciliateur (GD3-19)

27 février 2013 – Nomination du conciliateur (GD3-20)

28 février 2013 – Début des négociations (GD3-6 et GD3-158)

19 mars 2013, 12 avril 2013 et 15 avril 2013 – Réunions entre le conciliateur, le syndicat et l’employeur (GD3-22, GD3-159 et GD3-892)

30 mars 2013 – Production du rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation (GD3-894)

2 avril 2013 – Début de l’entretien du haut fourneau (GD3-615)

11 avril 2013 – Vote sur l’autorisation de la grève (83 % de l’affiliation syndicale vote, dont 99,6 % en faveur de la grève) (GD3-7, GD3-29 et GD3-464, GD3-895)

12, 13, 14 et 15 avril 2013 – Négociations entre les parties; employeur décide de mettre à l’arrêt les fours à coke le 12 avril 2013, et tous les fours sont à l’arrêt en date du 16 avril 2013

15 avril 2013 – Expiration de l’ancienne convention collective; proposition finale de l’employeur; si elle n’est pas ratifiée d’ici au 20 avril 2013, retirée le 21 avril 2013

18 avril 2013 – Vote (à mains levées) de l’affiliation syndicale, qui vote à 99,6 % contre l’offre de l’employeur

19 avril 2013 – Prolongation de l’échéance de l’offre jusqu’au 24 avril 2013 à la suite de la demande du syndicat

22 avril 2013 – Séances d’information tenues par le syndicat avec ses membres

23 avril 2013 – Vote sur la ratification – 92 % de l’affiliation syndicale vote, dont 70 % en faveur du refus de la proposition finale de l’employeur (GD3-462)

25 avril 2013 – Préavis de 72 heures de l’employeur avant le lock-out (GD3-25, GD3-29 ou GD3-256)

28 avril 2013 – Arrêt de travail (GD3-9 et GD3-29)

12 juillet 2013 – Reprise des négociations des contrats en présence du conciliateur

31 juillet 2013 – [traduction] « Vote sur la proposition finale » supervisé par le ministre – L’affiliation syndicale n’accepte pas la proposition finale de l’employeur

21 août 2013 – Conclusion d’une entente de principe (GD3-547)

30 août 2013 – Ratification d’une entente de principe (GD3-547 et GD22)

10 septembre 2013 – Production à 85 %; fin de l’arrêt de travail

4 septembre 2014 – Mise en marche des fours à coke à la Lake Erie Works

Preuve testimoniale

[36] Les appelants et l’intimée n’ont appelé aucun témoin l’audience. L’employeur a appelé madame J. K. à fournir une preuve testimoniale.

[37] Madame J. K. a affirmé être directrice des Ressources humaines auprès de l’employeur et membre de l’équipe de direction de la U.S. Steel Canada Inc. depuis 2010, et qu’elle relève directement du président. Elle est responsable de toutes les opérations des Ressources humaines au Canada, notamment des usines Hamilton Works et Lake Erie Works et des salariés qui travaillent au siège social de l’entreprise.

[38] Madame J. K. a témoigné que la batterie de four à coke, le haut fourneau et le laminoir à bandes à chaud de la Lake Erie Works et que les installations de décapage continu de la Hamilton Works fonctionnaient pleinement avant le conflit collectif. Tous les employés des opérations étaient actifs; aucun n’avait été mis à pied.

[39] Au sujet du plan d’embauche, madame J. K. a témoigné qu’il y avait un plan en place afin d’engager des employés syndiqués et des salariés. Elle a affirmé que l’ensemble de sa présentation, dans le cadre d’une réunion tenue avec le président à la fin de janvier 2013, portait entièrement sur le plan d’embauche pour tout le Canada; le président a approuvé le plan. Ils participaient activement à des salons de l’emploi et annonçaient sur des panneaux publicitaires. Le plan servait à pallier l’attrition et visait à bâtir un effectif pour l’avenir en embauchant des stagiaires coop et des apprentis. Madame J. K. a témoigné qu’au cours de 12 mois qui ont précédé le lock-out, ils avaient mené plus de 1 000 entrevues pour doter des postes d’employés syndiqués, notamment des postes d’opérateurs de production, de mécaniciens en machinerie, de mécaniciens de machines fixes, d’électriciens et d’autres métiers (machinistes, etc.). Elle a affirmé que le syndicat était au courant du plan puisqu’il avait pris part à des réunions avec l’équipe de gestion et participait activement à la formation.

[40] Madame J. K. a témoigné que la compagnie avait continué d’embaucher durant le printemps 2013; elle menait ses activités comme à l’habitude et avait engagé un dernier groupe le 8 avril 2013. Elle a indiqué même s’ils avaient offert à des stagiaires coop de travailler à la Lake Erie Works, ils n’avaient pas été en mesure de les intégrer en raison de l’arrêt de travail, et leur a donc offert de travailler à l’usine de Hamilton pour ne pas mettre fin à leurs contrats. Au printemps 2014, ils les ont engagés à la Lake Erie Works. Elle a affirmé qu’ils avaient embauché des employés comme d’habitude jusqu’au conflit collectif, qu’ils avaient recommencé à le faire après le conflit et qu’ils le faisaient toujours. Elle a confirmé que le plan approuvé de dotation en personnel et d’embauche (GD3-979) montre qu’il existait l’intention d’engager 150 employés à la fois. Ils continuent d’effectuer un suivi mensuel du plan et embauchent activement en fonction de celui-ci.

[41] En réponse à monsieur Talbot, madame J. K. s’est dit d’accord que le plan d’embauche était seulement un [traduction] « plan » qui peut changer. Elle a affirmé ne pas pouvoir dire s’il existait un plan d’embauche en 2009 puisqu’elle n’était pas là. Madame J. K. a affirmé qu’elle peut dire en toute confiance que le plan d’embauche de 2013 avait été mis en suspens uniquement durant le conflit collectif et que l’embauche avait recommencé une fois le conflit terminé. Ils avaient embauché des employés le 8 avril 2013. Elle a affirmé que le syndicat avait connaissance du plan puisque celui-ci a été communiqué au comité de la haute direction (comité paritaire composé de membres du syndicat et de l’équipe de gestion) – monsieur Talbot a confirmé ceci. Madame J. K. a affirmé que des centaines de postes avaient été pourvus après le conflit collectif.

[42] Au sujet des négociations, madame J. K. a témoigné que deux questions principales faisaient l’objet d’un différend : 1) l’indemnité compensatrice du coût de la vie, dont l’employeur voulait changer la base d’après laquelle elle est calculée, et 2) le droit aux vacances, que l’employeur voulait plafonner à cinq semaines. Elle a indiqué que le syndicat s’y opposait, naturellement. Elle a confirmé qu’environ 30 séances de négociations avaient eu lieu, comme le montre le résumé à GD3-809. Elle a affirmé que le nouveau représentant du district 6, monsieur F. A., lui avait dit le 25 janvier 2013 que le syndicat allait présenter une demande pour obtenir les services d’un conciliateur. Le 30 janvier 2013, le syndicat a informé l’employeur de son intention de négocier. Le 4 février 2013, elle a été avisée qu’une demande pour obtenir les services d’un conciliateur avait été présentée (voir GD3-16). Ils avaient tenu une séance [traduction] « brise-glace » le 28 février 2013.

[43] Madame J. K. a confirmé à monsieur Talbot qu’il n’avait rien d’inhabituel au fait que le syndicat a avisé l’employeur de son intention de négocier et qu’il a présenté une demande pour obtenir les services d’un conciliateur; l’une comme l’autre des parties peut le faire et cela fait partie du processus normal. Elle a fourni les procès-verbaux de certaines séances seulement pour montrer quels sujets faisaient l’objet de différends et quand ceux-ci avaient émergé, pour donner suite à la demande de la Commission. Elle ne s’opposait pas à tous les soumettre.

[44] En ce qui concerne son autorité pour négocier, madame J. K. a déclaré qu’elle était la négociatrice principale pour le Canada et qu’elle avait l’appui de X (notamment de J. G., D. R., G. S. et T. Z.). Elle a affirmé qu’elle pouvait prendre des décisions de façon autonome, à l’intérieur les limites précisées tôt dans les négociations. Monsieur Talbot a demandé à madame J. K. de préciser sa pensée; elle a expliqué que, d’entrée de jeux, ils avaient établi certains objectifs, de même que les limites (paramètres) à l’intérieur desquelles ils étaient disposés à faire des concessions par rapport au dénouement idéal de l’affaire, incluant les coûts associés à chaque scénario/dénouement possible. Madame J. K. a indiqué que tout ce qui sortait de ces paramètres était [traduction] « hors de question » pour l’employeur, et qu’ainsi, l’indemnité compensatrice du coût de la vie et le droit aux vacances étaient des éléments [traduction] « indispensables » qui devaient faire partie des négociations. Interrogée par monsieur Talbot, madame J. K. a confirmé que, durant le lock-out de 2010 (11 mois), elle n’était pas la négociatrice principale puisqu’elle n’était pas encore directrice; cependant, elle faisait partie de l’équipe de négociation et X avait participé à ces négociations. Madame J. K. a témoigné qu’elle a, depuis 2010, réussi à négocier quatre conventions collectives à titre de négociatrice principale, sans l’aide de X, et sans aucun conflit collectif.

[45] Madame J. K. a affirmé (contrairement à la position du syndicat) qu’elle avait l’autorité pour négocier sur toutes les questions et qu’en fait, J. G. avait indiqué au syndicat, le 3 mars 2013, de retourner au Canada pour régler ces questions, et qu’il interviendrait seulement s’ils ne pouvaient pas s’entendre ou si un problème survenait. L’observation du syndicat (GD17-9), voulant que madame J. K. n’avait pas l’autorité pour négocier, lui a été mentionnée. Madame J. K. a témoigné qu’elle avait maintenu le contact quotidiennement avec X puisque cette affaire était importante pour eux. Le 12 avril 2013, ils ont procédé à l’échange des offres et l’employeur a indiqué au syndicat qu’il évaluerait les coûts de ces discussions et qu’il lui en donnerait des nouvelles le lundi 15 avril 2013. Madame J. K. a affirmé qu’elle avait absolument l’autorité requise pour négocier sur des questions financières comme le montrent aussi toutes les autres conventions collectives portant sur les mêmes questions qu’elle a négociées sans l’aide de X. Madame J. K. a témoigné que ses notes se trouvant à la pièce GD3-823 corroborent son témoignage actuel qu’ils révisaient la proposition du 12 avril 2013, décidaient d’un plan de discussion pour les 13 et 14 avril 2013 et ne reparleraient pas des questions financières avant le 15 avril 2013 avec les gens de X qui déterminaient les coûts associés à la proposition du syndicat. Madame J. K. a affirmé qu’il est tout à fait normal, dans le cadre d’un tel processus, d’évaluer les coûts avant de donner une réponse.

[46] À l’égard du rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation, madame J. K. a témoigné que l’une ou l’autre des parties peut, de plein droit, demander qu’un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation soit produit de façon à être habilitée à déclencher une grève ou à décréter un lock-out après l’expiration de la convention collective. Il s’agit davantage d’une formalité et ce rapport est toujours produit même si les négociations se sont conclues avec succès (sans grève ou lock-out). Elle a affirmé que les parties doivent en faire la demande au moins 17 jours avant l’expiration de la convention collective. Madame J. K. a indiqué que le compte rendu de la réunion avec le conciliateur du 19 mars 2013 montre (GD3-892) que le syndicat et l’employeur avaient tous deux demandé qu’un tel rapport soit produit afin que les deux parties puissent concentrer leurs efforts en fonction d’une date d’échéance. Madame J. K. a confirmé à monsieur Talbot qu’il s’agit précisément de sa position. Elle a affirmé qu’ils avaient continué de se réunir quelque 23 fois par la suite, que le syndicat avait tenu un vote sur la grève le 11 avril 2013 avec une écrasante majorité refusant l’offre, et que l’employeur avait ensuite donné le préavis de 72 heures dont ils avaient convenu. Madame J. K. a confirmé que ni l’employeur ni le syndicat n’avait refusé de se rencontrer. Madame J. K. a confirmé que, le 19 mars 2013, l’employeur et le syndicat avaient conjointement demandé qu’un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation soit produit, et que les négociations s’étaient bien déroulées cette journée-là.

[47] Madame J. K. a affirmé que le syndicat aurait pu déposer une plainte formelle auprès du ministre du Travail s’il estimait que l’employeur ne négociait pas de bonne foi. Le syndicat est connaissant et bien informé au sujet du processus et, si cela avait été le cas, il n’aurait pas hésité à le faire.

[48] Madame J. K. a confirmé que les appelants ont reçu des indemnités de grève durant le lock-out.

[49] Au sujet des négociations suivant le lock-out, madame J. K. a témoigné qu’il y avait eu des tentatives avec l’aide du syndicat international; cependant, ils n’avaient pas été capables d’amener la section locale du syndicat à changer sa position sur les questions litigieuses et il semblait improbable qu’ils parviennent à s’entendre. Elle a indiqué que l’employeur avait exercé son droit de demander un [traduction] « vote sur la proposition finale » supervisé par le ministre, ce que n’avaient jamais fait la U.S. Steel et Stelco en 60 ans d’histoire. Elle a affirmé qu’il s’agit là d’une pratique exceptionnelle et qu’elle ne l’avait jamais fait auparavant en 20 ans de carrière. Madame J. K. a affirmé que, dans le cas d’un [traduction] « vote sur la proposition finale », l’employeur peut directement soumettre son offre au vote des employés, sans qu’elle leur soit d’abord présentée par l’équipe de négociations de la section locale comme le prescrit l’article 42 de la Loi de 1995 sur les relations de travail. Avant le vote, l’employeur avait tenu des assemblées, fait des présentations et envoyé des lettres chez les employés; il avait fait tout ce qu’il pouvait pour résoudre le conflit collectif. Malgré cela, environ 70 % des employés ont encore voté « non » à la proposition finale de l’employeur. Madame J. K. a affirmé que l’employeur peut seulement avoir recours à cette mesure une fois les négociations collectives prévues en cours. Elle a affirmé qu’ils voulaient que l’usine fonctionne et que les employés reprennent le travail. Ils ont eu le sentiment qu’il était inutile de poursuivre les négociations après leur expérience de juillet et, même si cela n’allait pas être facile, ils ont senti le besoin de tout faire pour réussir.

[50] Madame J. K. a témoigné que l’employeur avait eu recours à cette mesure parce qu’il était désespéré et soumis à d’énormes pressions pour que ses activités reprennent. Un certain volume avait été alloué à l’usine puisqu’on s’attendait à ce que les négociations soient un succès et, lorsque cela n’a pas été le cas, beaucoup d’efforts ont été déployés pour satisfaire les clients et assurer la poursuite des activités. Elle a ajouté que les aciéries coûtent cher, que l’acier soit produit ou non (et même si elles sont à l’arrêt); il y avait toujours des dépenses mais il n’y avait plus de revenu pour atténuer les coûts. Elle a indiqué ce qui suit : [traduction] « Nous perdions de l’argent et le lock-out a un effet négatif important sur notre rendement financier durant cette période. » Elle a déclaré qu’il est [traduction] « absolument faux », contrairement à ce qu’affirme le syndicat, que l’employeur avait décrété un lock-out pour des raisons financières; que le lock-out ne présentait aucun avantage du tout pour l’employeur et que [traduction] « tout le contraire de leur prétention était vrai ». Madame J. K. a affirmé qu’ils ont enregistré des pertes plus importantes en raison de l’interruption des activités de l’usine. Elle a affirmé qu’il était ridicule de suggérer que l’employeur essayait de garder l’usine à l’arrêt et demande alors pourquoi l’employeur serait allé jusqu’à tenir un [traduction] « vote sur la proposition finale » et aurait travaillé aussi fort pour résoudre le conflit collectif s’il souhaitait maintenir la mise à l’arrêt / au ralenti de l’usine.

[51] Madame J. K. a témoigné que les négociations s’étaient déplacées à X et que le nouveau négociateur du syndicat (T. C.) avait été nommé entre le 31 juillet 2013 et le 21 août 2013. Il avait été capable d’amener les parties à conclure une entente sur les questions principales touchant l’indemnité compensatrice du coût de la vie et les jours de vacances. Madame J. K. a indiqué qu’une entente avait été conclue le 21 août 2013 et que tous les employés avaient été rappelés et que l’entretien du haut fourneau et les activités de fabrication de l’acier avaient repris.

[52] Au sujet du haut fourneau, madame J. K. a affirmé qu’il était conçu pour fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et non pour être mis en marche et arrêté, et qu’il existe un processus sur la façon dont il faut l’arrêter pour effectuer des réparations ou un entretien. La pièce GD3- 973 a été créée à partir de documents internes qui montrent à quel moment et pourquoi l’entretien prévu du haut fourneau avait été reporté. Elle a affirmé que l’employeur possède une matrice qui montre toutes les activités d’entretien et les ralentissements et qui affecte les ressources et l’argent pour les pannes, et qu’il n’est pas rare que ces dates changent. Elle a affirmé qu’ils prennent des engagements auprès de centaines d’entrepreneurs externes spécialisés et pour de l’équipement, et auprès de leurs propres employés, et ce plusieurs mois à l’avance. Elle a indiqué que ceci ne peut pas être fait à sur un coup de tête, un mois à l’avance, tout en s’attendant à ce qu’ils soient capables de réunir toutes les ressources nécessaires à temps. Madame J. K. a témoigné qu’on s’attend à ce que l’entretien soit effectué durant une interruption de 25 jours. La décision d’arrêter le haut fourneau n’avait rien à voir avec le conflit collectif et cet entretien était prévu. Madame J. K. a témoigné que l’entretien avait débuté le 2 avril 2013 et que, lorsque l’avis de lock-out a été émis le 25 avril 2013, tous les entrepreneurs et l’équipement devaient avoir quitté le site avant le 28 avril 2013. Il restait une autre semaine pour terminer l’entretien, et il a repris et a été terminé après la fin du conflit collectif.

[53] Madame J. K. n’est pas d’accord avec l’observation du syndicat (pièce 17-25) selon laquelle des pièces essentielles qui étaient attendues ne s’étaient jamais matérialisées. Elle a affirmé qu’une tâche importante de cette ampleur de serait pas entreprise sans être en possession des pièces nécessaires; l’observation du syndicat est inexacte et les pièces sont abordées dans l’explication fournie à GD3-973.

[54] La pièce GD3-975 est un document/graphique trimestriel montrant les prévisions relatives à la production pour toutes leurs activités jusqu’à la fin de décembre 2013. Il y est indiqué que le haut fourneau et les fours à coke devaient fonctionner au maximum de leur capacité, à un taux respectif de 92,33 % et de 86,88 %. Elle a indiqué que s’il avait été prévu de mettre l’usine à l’arrêt pour des raisons économiques, les prévisions pour avril 2013 auraient été de 0 %; cependant, on peut voir que le plan de l’employeur était d’exploiter l’usine au maximum de sa capacité (un taux de 92 % représente une capacité optimale/normale). Elle a affirmé qu’ils n’avaient [traduction] « aucunement planifié de mettre à l’arrêt la Lake Erie Works » et qu’ils ont veillé à reprendre l’entretien du haut fourneau le plus rapidement possible après le lock-out.

[55] Lorsque monsieur Talbot lui a demandé pourquoi l’entretien de 25 jours avait été prévu durant les négociations collectives, madame J. K. a affirmé que les Opérations dans toute l’organisation font des plans sans qu’y participent les Ressources humaines. Elle a affirmé que, quoi qu’il en soit, l’employeur continuait d’exploiter l’usine en s’attendant à ce que les négociations collectives portent fruit.

[56] En ce qui concerne les fours à coke, madame J. K. a affirmé qu’il y a plusieurs fours qui produisent le coke utilisé dans le haut fourneau. Ils sont conçus pour fonctionner constamment, à plein régime, tout le temps. Pour alimenter son haut fourneau, la Lake Erie Works utilisait le coke produit sur place et celui produit par l’usine de Hamilton. Madame J. K. a confirmé que les fours à coke de la Lake Erie Works n’avaient pas été remis en marche une fois le lock-out terminé. Madame J. K. a affirmé que le haut fourneau de la Lake Erie Works avait été mis à l’arrêt en raison du lock-out et qu’il n’était donc pas nécessaire de recourir au coke de l’usine de Hamilton; cependant, elle avait continué de produire son propre coke comme si le haut fourneau fonctionnait toujours. Il s’est ensuivi un surplus de coke à la Hamilton Works. Madame J. K. a expliqué que le coke a une durée de conservation et que s’il n’est pas utilisé pendant trop longtemps, il devient instable et ne peut plus être ensuite utilisé dans le haut fourneau. Il avait donc été décidé que le coke de l’usine Hamilton allait être utilisé en premier lieu et que les fours à coke de la Lake Erie Works allaient seulement être remis en marche le 4 septembre 2014 (un an plus tard), et ils sont toujours en marche aujourd’hui. Madame J. K. a témoigné qu’aucun employé de la Lake Erie Works n’avait subi de préjudice en résultant. Madame J. K. a témoigné que tous les employés de la Lake Erie Works avaient été rappelés, et que ceux qui étaient auparavant affectés aux fours à coke à la Lake Erie Works étaient revenus s’occuper des fours alors que ceux-ci étaient au ralenti à température élevée, ou qu’ils avaient été réaffectés à d’autres aires de travail dans l’usine. Il n’y avait pas eu d’incidence négative sur les employés.

[57] Madame J. K. a témoigné que les fours à coke avaient uniquement été arrêtés en raison du conflit collectif. En réponse à l’observation du syndicat voulant que les couvertures pour le coke avaient été achetées à l’avance en préparation à la mise à l’arrêt des fours, madame J. K. a affirmé qu’il y a un long délai d’approvisionnement pour se procurer de telles couvertures et qu’elles avaient été commandées longtemps d’avance dans le cadre d’un plan d’urgence pour le [traduction] « pire des scénarios ». L’employeur avait pris toutes les précautions possibles pour mettre à l’arrêt correctement les batteries des fours à coke si cela s’avérait nécessaire, mais il n’était pas prévu de mettre les fours à l’arrêt avant le 12 avril 2013, date à laquelle il a été décidé de le faire.

[58] Au sujet des états financiers, madame J. K. a témoigné que la U.S. Steel Canada Inc. n’avait pas, à cette époque, ses propres états financiers qui étaient rendus publics. Ils étaient plutôt regroupés avec les [traduction] « résultats du laminage à plat » de l’Amérique du Nord, et c’est ceux-ci qui avaient été fournis à la Commission. Il existe un régime d’intéressement pour les employés syndiqués de la Lake Erie Works. Si, durant un trimestre, le bénéfice de l’entreprise dépasse les 25 millions de dollars avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA), l’employeur verse 6 % du surplus à ses employés syndiqués. Ce régime d’intéressement prévu à la convention collective diffère du bénéfice net qui figurerait sur les états financiers. La pièce GD3-481 est une conversation avec la Commission, laquelle madame J. K. a confirmé être exacte. Madame J. K. a témoigné que la U.S. Steel Canada Inc. avait, à l’exception d’un seul trimestre, enregistré globalement (la Lake Erie Works et la Hamilton Works réunies) des pertes depuis qu’elle est au Canada, mais qu’elle continue ses activités d’exploitation et de fabrication de l’acier puisque cela aidait l’employeur au bout du compte.

[59] Elle a affirmé que cela n’avait rien à voir avec le régime d’intéressement; il s’agit de deux choses indépendantes et distinctes. Madame J. K. a témoigné que l’employeur n’avait pas mis les employés en lock-out pour des raisons économiques et a affirmé ce qui suit : [traduction] « … nous avons seulement choisi de décréter un lock-out parce que nous redoutions fortement que le syndicat allait faire grève, et quoique nous avions un protocole de 72 heures, cela ne donne vraiment pas assez de temps pour faire une mise à l’arrêt en bonne et due forme et sécuritaire et pour protéger nos immobilisations dans le but de nous assurer que nous ayons des installations utilisables à notre retour. » Madame J. K. a confirmé à monsieur Talbot qu’ils n’avaient pas peur que le syndicat ait l’intention de mettre en danger ses immobilisations, mais plutôt que 72 heures n’étaient pas un délai suffisant pour les mettre à l’arrêt de façon sécuritaire. Madame J. K. convient, à même titre que monsieur Talbot, que le protocole en place durant ces 72 heures a été respecté et qu’il était dans l’intérêt des deux parties de protéger les immobilisations.

[60] L’unique avantage que procurait un lock-out à l’employeur était de pouvoir contrôler le moment où il allait commencer. Madame J. K. a témoigné qu’il n’était pas avantageux, d’un point de vue financier, d’imposer un lock-out aux employés; c’était plutôt le contraire, car un lock-out coûtait de l’argent à l’employeur. Elle a indiquait qu’il n’existait pas de plan d’entreprise prévoyant une mise à l’arrêt de l’usine. Ils avaient l’intention d’exploiter l’usine au maximum de sa capacité.

[61] Madame J. K. a affirmé qu’une seule raison expliquait l’arrêt de travail : le conflit collectif à la Lake Erie Works (une seule usine) portant sur une convention collective.

Observations

[62] Les appelants ont fait valoir (GD3-32 à 45, GD3-555 à GD3-580, GD17 et à l’audience) ce qui suit :

  1. La preuve révèle que l’arrêt de travail était dû à plusieurs facteurs, notamment des forces économiques et un ralentissement dans l’industrie sidérurgique, des pertes répétées de l’employeur, et d’autres événements qui ont précédé le conflit collectif;
  2. La preuve démontre que la conjoncture économique et le besoin de l’employeur de mettre en place des mesures de réduction des coûts étaient des raisons pressantes pour qu’il mette l’usine à l’arrêt et déclare un arrêt de travail; l’employeur a profité de l’expiration opportune de la convention collective pour réaliser les économies dont il avait besoin par l’intermédiaire d’un contrat rempli de concessions à outrance (forçant le syndicat à accepter une entente qui n’était pas avantageuse pour ses membres), en n’exploitant plus l’usine, et en n’ayant pas à remplir les obligations qu’il aurait envers ses employés advenant une mise à pied;
  3. Les appelants ont présenté de nombreux éléments de preuve provenant de sources bien renseignées et crédibles ainsi que de l’employeur lui-même, qui ne présentent pas de contradictions et qui se corroborent tous mutuellement et expliquent les circonstances de cette affaire et pourquoi l’employeur était motivé à ne pas laisser passer l’occasion de fermer la Lake Erie Works, qui n’a rien à voir avec le conflit collectif;
  4. Les législateurs n’avaient jamais eu l’intention qu’une inadmissibilité soit imposée dans le cadre d’un arrêt de travail découlant de multiples objectifs d’affaires; le libellé de l’article 36 indique clairement qu’un arrêt de travail qui prend naissance en raison d’autres motifs ou facteurs ne doit pas donner lieu à l’imposition d’une inadmissibilité; l’arrêt de travail doit exclusivement être dû à un conflit collectif pour engendrer une inadmissibilité; la Loi ne prévoit pas que l’arrêt de travail doit être [traduction] « entièrement ou en partie » ou [traduction] « principalement dû au conflit collectif » ou avoir lieu [traduction] « durant un conflit collectif »; si la Loi ne précise pas dans quelle mesure l’arrêt de travail doit être directement dû au conflit collectif, une interprétation stricte de la Loi indique que le conflit collectif doit être l’unique cause de l’arrêt de travail, et non simplement faire partie des facteurs y ayant contribué;
  5. La Commission a la charge de montrer que l’arrêt de travail était strictement dû au conflit, que le conflit collectif était l’unique cause expliquant l’arrêt de travail;
  6. La Commission n’a pas prouvé que le conflit était l’unique raison ayant motivé l’employeur à déclarer un arrêt de travail; en fait, une analyse attentive de la preuve porte à croire que le conflit collectif s’est retrouvé entraîné dans les événements qui ont plus tard donné lieu à l’arrêt de travail, et non l’inverse;
  7. Compte tenu de l’ambiguïté entourant le conflit collectif et la raison du lock-out, et sur la question de savoir si le conflit est la cause de l’arrêt de travail, il convient d’accorder le bénéfice du doute aux appelants (Caron A-1063-87, Hills SC 19094); les circonstances (cause/raison, opportunité) entourant l’arrêt de travail sont extrêmement ambiguës;
  8. Il était manifeste que l’employeur n’avait pas vraiment l’intention de négocier étant donné qu’il a demandé un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation bien avant l’expiration du contrat et avant que les enjeux financiers soient abordés, que les dirigeants ayant un pouvoir décisionnel ont seulement participé à la dernière heure, que le haut fourneau a été mis à l’arrêt sous prétexte d’un entretien reporté juste avant l’expiration du contrat et que les fours à coke avaient été mis à l’arrêt bien avant l’expiration de la convention collective;
  9. Le manque de crédibilité du demandeur se manifeste par sa conduite au Canada depuis son achat de Stelco en 2007 et durant ce troisième lock-out; c’est un facteur dont la Commission n’a pas tenu compte; il est nécessaire de mener une évaluation de la crédibilité de l’employeur si l’on tient compte de ses déclarations intéressées voulant que le conflit collectif est l’unique raison pour laquelle il y a un arrêt de travail; il y a amplement d’éléments de preuve permettant d’évaluer les motifs et l’intention de l’employeur par sa conduite, soit par ses actions plutôt que par ses paroles;
  10. Le manque d’impartialité de la Commission a perpétué un déséquilibre dans la lutte entre l’employeur et les appelants, non seulement à cause de la façon dont elle a traité les appelants, mais parce qu’elle n’a pas pleinement examiné et analysé la preuve et le droit; la Commission a interféré avec les forces économiques, ce qui a influencé l’issue du conflit en créant un déséquilibre indu entre les parties;
  11. La Commission a commis une erreur de droit dans sa décision de fond en interprétant mal les paramètres de l’article 36 de la Loi, en ignorant et en appliquant mal la jurisprudence prépondérante applicable, et en déplaçant la charge de la preuve sur les appelants contrairement à ce que prévoit clairement la loi; elle a ignoré ou mal interprété une partie importante des faits essentiels, n’a pas tiré les conclusions qui s’imposaient en matière de crédibilité, a accepté les déclarations d’une partie plutôt que de l’autre sans explication, n’a pas appliqué la Loi de manière impartiale comme l’exigent ses propres politiques, et a enfreint le principe de justice naturelle en privant initialement les appelants du droit de connaître la preuve à réfuter.

[63] La Commission a fait valoir (GD4, GD18, GD20 et à l’audience) ce qui suit :

  1. Elle s’est acquittée de la charge de prouver que les conditions légitimant l’imposition d’une inadmissibilité au titre du paragraphe 36(1) avaient été remplies puisque les appelants sont des membres de la section locale 8782 du Syndicat des Métallos qui ont perdu leur emploi en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif à la U.S. Steel Camada Inc.; les appelants, en tant que membres du syndicat, ont un intérêt direct dans l’issue du conflit collectif puisqu’ils tireront profit de toute amélioration apportée aux salaires et aux avantages sociaux lorsqu’une nouvelle convention collective sera conclue et, de ce fait, ils sont sujets à une inadmissibilité en vertu du paragraphe 36(1) de la Loi; l’arrêt de travail a pris fin le 10 septembre 2013 alors que l’effectif et les niveaux de production de l’employeur ont atteint 85 % de leur taux habituel conformément à l’article 53 du Règlement;
  2. La preuve révèle (des éléments essentiels d’) un conflit collectif` : il existe une preuve incontestée que la convention collective a expiré le 15 avril 2013 et que le syndicat a reconnu l’existence d’un conflit collectif; que des négociations officielles avaient été entamées le 28 février 2013, soit deux mois avant que le lock-out soit décrété, et qu’il était prévu que la conciliation se poursuive les 19 mars, 11 avril et 15 avril 2013; que des questions non résolues étaient toujours en cours de négociation, notamment celles de la classification des postes, des changements à l’indemnité compensatrice du coût de la vie, du droit aux vacances et du cofinancement des médicaments d’ordonnance entre février 2013 et avril 2013; que l’affiliation syndicale avait voté en faveur de ne pas accepter la proposition finale de la compagnie le 11 avril 2013; et il est également incontesté que l’employeur a émis un avis d’intention d’imposer un lock-out à tous les employés le 25 avril 2013; qu’environ 1 000 employés ont été mis en lock-out le 28 avril 2013;
  3. L’employeur a fourni la preuve d’un conflit collectif, une explication plausible à sa prise en main de la date du lock-out, la preuve que la Lake Erie Works serait encore exploitée et que les appelants auraient continué de travailler s’il n’y avait pas eu de conflit collectif, et la preuve qu’il existait un plan visant à embaucher 150 nouveaux employés;
  4. Les appelants n’ont pas fourni de preuve démontrant qu’il n’y avait pas eu de conflit collectif ou que la Lake Erie Works n’aurait pas été opérationnelle (même à un taux inférieur); même si elle a fourni la preuve de commentaires d’analystes sur les actions et la perte de profits de la U.S. Steel Inc. et sur la conjoncture des marchés, elle n’a pas fourni de preuve permettant de conclure que le lock-out était dû à des forces économiques, ou qu’il s’agissait d’une stratégie de l’employeur pour éviter d’avoir à remplir ses obligations advenant une mise à pied, obtenir un avantage sur le marché ou éviter d’éventuels problèmes avec le gouvernement canadien en raison d’ententes sur le niveau de production;
  5. D’après l’interprétation qu’ont donné les appelants à l’arrêt Caron et autres c. Canada (Procureur général), A-1063-87, la Commission doit prouver que l’arrêt de travail est strictement dû au conflit collectif, et que le conflit est à l’origine de l’enchaînement causal et que celui-ci n’a pas plutôt débuté avant l’éclosion du conflit et pour une autre raison (comme le prétend le syndicat); cependant, la Loi ne prescrit pas que le conflit collectif doive être l’unique cause de l’arrêt de travail, mais indique uniquement que l’arrêt de travail doit être « dû » au conflit;
  6. Quoique d’autres facteurs étaient en jeu durant les négociations contractuelles, le contrat était négocié, tous les appelants étaient représentés par le syndicat durant les négociations et ceux-ci ont tous perdu leur emploi en raison d’un arrêt de travail, et il existait donc un lien direct entre le conflit collectif et l’arrêt de travail; tout comme dans Dallaire A-825-95, même si des facteurs externes peuvent contribuer à l’arrêt de travail, la notion de base voulant qu’il soit « dû à un conflit collectif » suffit à l’application de l’article 36 de la Loi sans que le conflit collectif en soit la cause immédiate;
  7. Elle a présenté les faits de cette affaire de la façon dont ils s’appliquent aux appelants et absolument rien dans sa décision ne permet de penser qu’elle ait été partiale au détriment des appelants ou qu’elle n’ait pas agi impartialement, ou qu’un manquement à la justice naturelle aurait eu lieu; elle a appliqué le critère juridique et les principes de droit qui convenaient au titre du paragraphe 36(1) de la Loi à la preuve permettant de conclure raisonnablement que l’arrêt de travail ayant débuté le 28 avril 2013 à la U.S. Steel Canada Inc. était dû à un conflit collectif.

[64] L’employeur a fait valoir (GD3-61 à GD3-617, GD15, GD19 et à l’audience) ce qui suit :

  1. L’arrêt de travail était dû à un conflit collectif; les appelants ont attribué à tort l’arrêt de travail à un ralentissement économique et à une fermeture imminente de l’usine; le lock-out n’était pas une mesure de réduction des coûts; au contraire, le conflit collectif a coûté des millions de dollars à l’employeur;
  2. La négociation d’une convention collective, par définition, implique l’existence d’un conflit collectif; de plus, la preuve démontre que les six éléments propres à un conflit collectif étaient réunis durant le conflit collectif en question : l’insistance d’une partie ou la résistance de l’autre partie en ce qui concerne des demandes précises; le refus de négocier ou la perturbation des négociations; la nomination d’un conciliateur ou d’une commission de conciliation; un échec du processus de conciliation; la tenue d’un vote de grève ou l’émission d’un avis de lock-out; et le déclenchement d’une grève ou d’un lock-out, qui est d’autant plus déterminant, sans être indispensable;
  3. Les appelants se sont fiés à tort à la cause Caron; dans Caron, il a été établi que l’arrêt de travail avait pris fin lorsqu’une entente pour régler la grève avait été conclue; cette cause appuie seulement la proposition selon laquelle la durée de l’arrêt de travail dépend de l’intention des parties; la Cour suprême du Canada n’a nullement indiqué dans Caron qu’un conflit collectif doit être la [traduction] « seule » cause d’un arrêt de travail; de plus, rien ne porte à croire, dans Hills, que l’arrêt de travail doit lui être strictement dû;
  4. Même si l’arrêt de travail était également dû à des facteurs secondaires, tels que des facteurs économiques, comme le suggèrent les appelants (ce qui a d’ailleurs été expressément démenti), l’arrêt de travail est dû à un conflit collectif dans la mesure où il existe un lien de causalité entre le conflit et l’arrêt de travail conformément à ce qu’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Simoneau;
  5. La question de savoir si un arrêt de travail est dû à un conflit collectif est une question mixte de fait et de droit qui suscite l’application de la norme de la décision raisonnable; l’évaluation qu’a fait la Commission des observations des parties, de même que son interprétation et son application de la Loi, se trouvent dans le spectre des issues défendables possibles compte tenu des faits ayant été portés à sa connaissance et des principes juridiques appliqués;
  6. Contrairement à ce qu’ont allégué les appelants, l’employeur avait l’intention de continuer à produire de l’acier à la Lake Erie Works à une capacité quasi maximale (normale) pour le reste de 2013; avant l’arrêt de travail, l’usine fonctionnait à un taux de rendement (90 %) normal (batterie de four à coke, quais, produits dérivés, haut fourneau et laminoir à bandes à chaud) et l’employeur n’avait pas l’intention de mettre l’usine à l’arrêt; en fait, il avait embauché de nouveaux employés jusqu’au 8 avril 2013; le plan d’embauche de 150 nouveaux employés avait été mis en suspens uniquement en raison du confit collectif; la preuve documentaire révèle qu’il était prévu que la conjoncture et la capacité d’utilisation du haut fourneau soient à 92,33 % de sa capacité normale;
  7. La date du lock-out a été choisie dans l’objectif de protéger les immobilisations et de mettre à l’arrêt les machines de façon sécuritaire; le four à coke a été mis au ralenti à température élevée lorsqu’il est devenu manifeste qu’une convention ne serait pas ratifiée; l’entretien du haut fourneau qui était prévu a été reporté pour des raisons commerciales et opérationnelles valables; en fait, au moment de l’arrêt de travail, il restait encore une semaine avant que l’entretien du haut fourneau soit terminé;
  8. L’employeur a négocié de bonne foi et avait la ferme intention et un espoir sincère de conclure une entente comme le démontre la documentation volumineuse à l’appui qu’il a fourni par rapport aux événements ayant mené à l’éclosion du conflit collectif, incluant un résumé des négociations contractuelles; les négociations du dernier week-end (du 12 au 15 avril 2013) étaient tout à fait comparables à la plupart de celles s’étant déroulées lors des autres journées de négociations; madame J. K. avait dirigé l’ensemble des 30 séances et avait l’autorité nécessaire pour négocier au nom de l’employeur;
  9. L’imposition d’une inadmissibilité aux appelants était une décision juste et raisonnable de la Commission, fondée sur une preuve exhaustive et des observations complètes fournies par les parties; la Commission a mené une analyse adéquate, s’est penchée sur chacun des aspects du litige, a demandé aux parties des renseignements supplémentaires et a tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve portés à sa connaissance;
  10. La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, et les deux décisions de la Commission (rendues initialement et après révision) imposant une inadmissibilité aux appelants sont justes et raisonnables; ses conclusions de fait sont exactes et il faut faire preuve de déférence à leur endroit;
  11. Elle n’a bénéficié d’aucun avantage procédural, et certainement pas d’un avantage dont la nature ou l’ampleur justifient une intervention; les appelants n’ont subi aucune injustice découlant du processus prévu par la loi; les décisions de la Commission et le processus décisionnel qu’elle a suivi respectent les principes de justice naturelle et doivent être maintenus.

Analyse

[65] La question sur laquelle il faut statuer en l’espèce consiste à savoir si une inadmissibilité doit être imposée aux appelants du 29 avril 2013 au 10 septembre 2013 parce qu’ils ont perdu leur emploi durant cette période en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif aux termes de l’article 36 de la Loi.

[66] Conformément au paragraphe 36(1) de la Loi et sous réserve des règlements, un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations :

  1. s’il a perdu son emploi ou ne peut reprendre son emploi,
  2. en raison d’un arrêt de travail,
  3. dû à un conflit collectif,
  4. à l’usine, à l’atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi.

[67] De plus, conformément au paragraphe 36(1) de la Loi, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations avant a) la fin de l’arrêt de travail ou b) s’il est antérieur, le jour où il a commencé à exercer ailleurs d’une façon régulière un emploi assurable. En l’espèce, les appelants ont confirmé durant l’audience ne pas contester que l’arrêt de travail a pris fin le 10 septembre 2013 aux termes de l’article 53 du Règlement.

[68] Les appelants ne contestent pas non plus qu’ils ont perdu leur emploi en raison d’un arrêt de travail commençant le 28 avril 2013 à la Lake Erie Works. Les appelants admettent, aux fins de la Loi, qu’il existait alors un conflit collectif sur les lieux de travail (voir GD3-572 et plus bas). Parmi ces quatre facteurs, le seul auquel s’opposent les appelants est donc celui selon lequel l’arrêt de travail est dû à un conflit collectif. Le litige porte donc sur la [traduction] « cause » de l’arrêt de travail.

[69] Les appelants ont également confirmé, lors de l’audience, qu’ils ne présenteront aucune observation ou preuve relativement aux exceptions prévues à l’alinéa 36(1)b) et aux paragraphes 36(3) et 36(4) de la Loi.

Existait-il un conflit collectif?

[70] Pour pouvoir statuer sur la question de savoir si l’arrêt de travail est dû à un conflit collectif au titre du paragraphe 36(1) de la Loi, il faut d’abord établir qu’il y avait un « conflit collectif » au moment de l’arrêt de travail.

[71] Le membre a d’abord considéré qu’il incombait à la Commission de prouver qu’un prestataire doit se voir imposer une inadmissibilité (Valois c. Canada [1986], 2 RCS 439; Benedetti A-32-09). Établir si la Commission s’est acquittée du fardeau de démontrer que l’arrêt de travail est dû à un conflit collectif est une question mixte de fait et de droit. Cette conclusion dépend de l’application des faits à l’expression juridique « conflit collectif » (Benedetti A-32-09; Lepage 2004 CAF 17; Stillo A- 651-01).

[72] Le membre a considéré que, même si les appelants avaient reconnu, pour l’application de la Loi, qu’un conflit collectif existait au moment où a débuté l’arrêt de travail, ils ont également nuancé leur déclaration en précisant que [traduction] « […] le conflit collectif existait théoriquement depuis la mi-2009; la reprise du travail au printemps 2010 avait eu lieu en raison d’un protocole d’accord que la compagnie a refusé d’honorer » (GD3-572). Les appelants ont soutenu que l’employeur définit le conflit, au sein de la compagnie, comme un écart par rapport aux conventions habituelles. Ils allèguent qu’un état de conflit perpétuel, une série de lock-out et un style de négociation coercitif où des ultimatums sont lancés sont devenus [traduction] « monnaie courante » depuis 2010, sur l’initiative de l’employeur. Les appelants ont donc soutenu que quoique l’employeur puisse, sur papier, sembler participer aux négociations et au processus de conciliation et de médiation, ses actions (on son inaction) indiquent autre chose. [traduction] « Pour cette raison, il ne faut pas accorder trop de poids au fait qu’il existe “un conflit” puisqu’il s’agit d’une condition d’emploi inhérente à la USSC. Selon la prépondérance des probabilités, il ne s’agit pas de la raison principale ayant motivé la fermeture de l’usine. » (GD3-42)

[73] D’après ce que comprend le membre, les appelants sont d’avis qu’un « conflit » perdure depuis 2010 sur les lieux de travail, et avancent d’autres raisons expliquant l’arrêt de travail; le membre souhaite cependant souligner que les faits de l’affaire doivent être appliqués à l’expression juridique « conflit collectif ». La Loi ne définit pas le mot « conflit (Benedetti A-32-09), même s’il a été interprété comme un désaccord ou une divergence d’opinions ou de positions durant des négociations (Gionest A-787-81). Quant à elle, l’expression juridique « conflit collectif » est clairement définie par la Loi puisque la Commission doit pouvoir démontrer que l’arrêt de travail est dû à un « conflit collectif » de façon à imposer une inadmissibilité.

[74] Le terme « conflit collectif » est défini à l’article 2 de la Loi, qui indique qu’un « conflit collectif » est un conflit, entre employeurs et employés ou entre employés, qui se rattache à l’emploi ou aux modalités d’emploi de certaines personnes ou au fait qu’elles ne sont pas employées.

[75] Le membre a également tenu compte de la jurisprudence pertinente apportant des précisions sur ce qui est entendu par « conflit collectif ». Par exemple, la Cour d’appel fédérale a établi qu’il existe un conflit collectif lorsque des employés et un employeur négocient une convention collective. Il est de jurisprudence constante que les négociations visent à mettre fin à un désaccord alors qu’une partie fait preuve d’insistance et l’autre, de résistance, quant à certaines revendications (Gionest A-787-81). Le membre a aussi considéré qu’un conflit collectif précède habituellement le déclenchement d’une grève ou d’un lock-out, quoiqu’il ne s’agisse pas d’une condition essentielle (CUB 17681). De plus, un conflit collectif sévit durant la période où des indemnités de grève sont touchées (CUB 17761). L’existence d’un conflit collectif est une question de fait (CUB 19156).

[76] En l’espèce, il existe une preuve incontestée démontrant que les appelants et l’employeur ont, pendant plusieurs mois avant (et après) l’arrêt de travail, négocié les modalités d’une convention collective qui devait expirer le 15 avril 2013, sur lesquelles ils ne s’entendaient pas. La preuve révèle que les appelants ont communiqué à l’employeur leur avis d’intention de négocier le 30 janvier 2013 et qu’un conciliateur a été nommé au cours des mois qui ont suivi afin de faciliter les négociations. À compter du 28 février 2013, plusieurs séances de négociations ont eu lieu, les négociations se sont poursuivies et des propositions ont été échangées. Les propositions de l’employeur ont fait l’objet de votes chez les appelants, et certaines questions n’avaient toujours pas été réglées à l’expiration de la convention collective le 15 avril 2013 qui, sans solution aux principaux enjeux, a été suivie de l’imposition d’un lock-out par l’employeur à tous les employés de l’unité de négociation, notamment aux appelants. Les deux parties ont confirmé l’existence de ces éléments dans leurs comptes rendus détaillés de la chronologie des événements qui se sont déroulés durant les négociations et dans la preuve documentaire à l’appui (GD3-158 à GD3-160, GD3- 569 à GD3-570 et GD3-613 à GD3-614). Enfin, les parties ont confirmé qu’il y avait eu des lignes piquetage et qu’ils avaient touché des indemnités de grève (GD3-7 et GD3-31).

[77] De plus, l’employeur a soutenu qu’il avait fallu reconnaître l’existence d’un conflit collectif pour que le ministère du Travail supervise et approuve légalement le [traduction] « vote sur la proposition finale » du 31 juillet 2013. Il souligne également que les appelants n’avaient alors jamais contesté la compétence de ministère du Travail pour sanctionner le vote (GD3-616).

[78] Le membre est d’accord avec la Commission et juge que des éléments clés d’un conflit collectif, conformément à la jurisprudence, ressortent de cette affaire. Il existe la preuve de l’insistance d’une partie et de la résistance de l’autre partie en ce qui concerne des modalités d’emploi; de la nomination d’un conciliateur; de la perturbation des négociations et de l’impasse créée; de l’échec du processus de conciliation; et de l’émission d’un avis de lock-out. Il y a eu des lignes de piquetage et les appelants ont touché des indemnités de grève. Il est donc évident qu’un conflit se rattachant aux modalités d’emploi sévissait entre les parties, ce qui, par définition, constitue un conflit collectif en vertu de l’article 2 de la Loi.

[79] Le membre conclut donc qu’il existait un conflit collectif à la Lake Erie Works avant que ne survienne l’arrêt de travail le 28 avril 2013 conformément à l’article 2 de la Loi.

L’arrêt de travail est-il dû à un conflit collectif?

[80] Après avoir conclu qu’il existait un conflit collectif au moment de l’arrêt de travail, le membre s’est ensuite penché sur la question de savoir si l’arrêt de travail était dû à un conflit collectif. Cette question est au cœur même de cet appel.

1. Interprétation du paragraphe 36(1) de la Loi

[81] Conformément à l’article 36(1) de la Loi, un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations s’il a perdu un emploi ou ne peut reprendre un emploi en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif. Le prestataire est de nouveau admissible au bénéfice des prestations s’il satisfait à l’une de conditions prévues aux alinéas 36(1)a) ou 36(1)b) ou au paragraphe 36(4). À l’audience, les appelants ont confirmé qu’ils ne cherchent pas à redevenir admissibles aux termes de ces dispositions. Leur appel touche donc l’imposition d’une inadmissibilité à la base.

[82] Les appelants avancent que les mesures législatives n’avaient pas été conçues pour être appliquées dans le cas d’un arrêt de travail dû à de multiples facteurs; l’arrêt de travail doit strictement être dû au conflit collectif. Ils ont soutenu que ces mesures législatives ne font pas état du degré de causalité nécessaire et qu’une interprétation stricte s’impose donc. Par conséquent, l’arrêt de travail ne peut pas être principalement ou partiellement dû à un conflit collectif.

[83] Cependant, le membre souscrit à l’interprétation que fait la Commission du paragraphe 36(1) la Loi, soit qu’il n'y est pas prescrit que le conflit collectif doit être l’unique cause de l’arrêt de travail, mais seulement qu’il doit être dû à un conflit collectif.

[84] Même si le contraire était vrai, il se trouve que l’arrêt de travail, en l’espèce, était strictement dû au conflit collectif. Le membre a tenu compte de l’ensemble des événements, des arguments et des éléments de preuve présentés par toutes les parties à l’appel. Ce faisant, le membre n’a pas conclu que d’autres raisons expliquaient l’arrêt de travail, comme l’alléguaient les appelants. Le membre a conclu que l’arrêt de travail n’était pas dû (a) à un ralentissement économique ou à l’intention de l’employeur de réduire ses coûts, ni (b) à un manque d’intention de négocier de sa part qui aurait mené à une impasse et, ensuite, à l’arrêt de travail et au lock-out. Ce ne sont là tout simplement pas les causes de l’arrêt de travail. Le membre n’a pas pu établir un lien de causalité entre ces facteurs/raisons et l’arrêt de travail. Le membre juge cependant que l’arrêt de travail ayant débuté le 28 avril 2013 avait uniquement été causé par le conflit collectif et qu’il y était donc strictement dû.

[85] L’interprétation du membre s’appuie sur la jurisprudence.

[86] Il a été établi par la Cour fédérale qu’il existe un lien de causalité clair entre le conflit collectif et l’arrêt de travail quand l’arrêt de travail se produit durant la négociation d’une nouvelle convention collective. L’existence d’un lien de causalité entre le conflit collectif et l’arrêt de travail est une question de droit (Simoneau A-611-96, Dallaire et al. A-825-95). En l’espèce, les parties négociaient une nouvelle convention collective au moment où l’employeur a imposé un lock-out légal et où le travail a été interrompu. Il existe donc un lien de causalité clair entre le conflit collectif et l’arrêt de travail dans l’affaire qui nous occupe.

[87] L’interprétation et la décision du membre sont également appuyées par la décision initiale rendue par la Cour d’appel fédérale dans la cause Caron et al., qui traite de l’enchaînement causal. Comme dans la présente affaire, la cause initiale avait été un conflit collectif, suivi de sa conséquence initiale, l’arrêt de travail, qui à son tour est devenu la cause d’une seconde conséquence, la perte d’emploi des appelants. Les appelants ont défendu que le moment de l’arrêt de travail et les raisons/causes l’expliquant étaient ambiguës et que les appelants doivent recevoir le bénéfice de tout doute (GD3-43). Le membre n’est ni d’accord avec leur interprétation de la jurisprudence, ni avec leur appréciation des faits relativement à la cause (voir l’analyse ci-dessous) de l’arrêt de travail. Le membre souscrit à la position de l’employeur, selon laquelle il n’est nullement indiqué dans Caron et al. que le conflit collectif doit être l’ [traduction] « unique » ou la [traduction] « seule » cause de l’arrêt de travail (Caron A-1063-87, [1991] 1 RCS 48).

[88] Le membre n’est pas non plus d’accord avec l’interprétation donnée par les appelants à la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Hills. Cette décision défend le principe voulant qu’une interprétation restrictive doit être donnée aux dispositions du paragraphe 36(1) qui prévoit l'inadmissibilité aux prestations, et que le prestataire doit recevoir le bénéfice de tout doute (Hills [1988] RCS 513). D’après l’interprétation des appelants, ce principe signifierait que le conflit collectif doit être l’unique cause du conflit. Le membre n’est pas d’accord avec cette interprétation pour deux raisons : (a) une interprétation stricte n’implique pas que la cause doive être unique, que l’arrêt de travail peut seulement être dû à un conflit collectif, et (b) les circonstances n’entretiennent aucun doute ou ambiguïté; [traduction] « le moment de l’arrêt de travail et sa cause ne peuvent être déterminés de façon certaine » (GD3-43).

[89] Le membre a noté que même dans les cas où il existe une cause immédiate à l’arrêt de travail, il est impossible d’ignorer le contexte général et la présence d’un conflit collectif. Dans Dallaire et al. A-825-95, la Cour d’appel fédérale a maintenu la décision du juge-arbitre puisqu’elle était fondée sur la notion de cause telle qu’elle ressort des mots « dû à un conflit collectif », qui est clairement une question de droit. Le juge Marceau a donc conclu que l’intervention du juge-arbitre était justifiée, indiquant que « [c]e que le juge-arbitre n'accepte pas, c'est que l'avènement d'une cause immédiate puisse faire disparaître ou faire oublier le contexte général et la présence du conflit collectif, comme cadre de base, présence qui, pour lui, est uniquement requise pour établir le lien de causalité [exigé] […] ». Dans cette affaire, contrairement à celle qui nous occupe, une cause immédiate, l'intervention du ministre, avait été considérée comme un incident du conflit, ayant déclenché l’arrêt de travail. En l’espèce, les appelants ont aussi plaidé que d’autres raisons expliquent l’arrêt de travail; cependant, le membre a jugé que celles-ci n’étaient ni des incidents du conflit ni la cause de l’arrêt de travail. Cette affaire est tout de même pertinente puisqu’on ne pourrait ignorer le fait qu’il existait un conflit collectif et que celui-ci était directement lié à l’arrêt de travail.

[90] Enfin, le membre s’est penché sur l’intention et l’interprétation de l’article 36 de la Loi. Ce faisant, le membre a tenu compte de la jurisprudence constante voulant que l’interprétation législative ne peut être uniquement fondée sur le libellé des dispositions législatives en question. La Cour suprême du Canada a souvent fait référence aux [traduction] « principes modernes » d’interprétation des lois de Driedger, qu’il défend en indiquant ce qui suit : [traduction] « Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. » (Driedger, Toronto : Butterworths 1983, p. 87)

[91] En conséquence, le membre est d’avis que les mots « un arrêt de travail dû à un conflit collectif » ne peuvent être interprétés d’une façon restrictive au point que l’expression « un conflit collectif », ou plutôt le mot « un » dans cette expression, signifie que l’arrêt de travail doit strictement/uniquement être dû au conflit collectif, comme l’avancent les appelants. Le législateur choisit soigneusement ses mots en rédigeant les lois et, ce faisant, vise un résultat précis. L’intention du paragraphe 36(1) est de rendre inadmissibles au bénéfice des prestations ceux qui ont arrêté de travailler en raison d’un conflit collectif. Une inadmissibilité doit être imposée à l’appelant pourvu que l’arrêt de travail peut être dû au conflit collectif, et ce même s’il existe des raisons ou des facteurs accessoires, contributifs ou secondaires à l’arrêt de travail. De toute façon, même si les appelants ne souscrivaient pas à l’interprétation du membre, le membre a jugé que l’arrêt de travail est strictement dû au conflit collectif. Il est cependant important que la décision de la Commission, et maintenant celle du membre, soient conformes à l’intention de cette disposition législative, à la Loi et à l’intention du législateur.

[92] Grâce au paragraphe 36(1) de la Loi, le législateur vise simplement à ne pas payer de prestations à ceux qui ont perdu leur emploi ou qui ne peuvent reprendre leur emploi en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif. En l’espèce, le membre est d’accord avec la Commission, et est d’avis qu’elle a appliqué les bons principes de droit et que sa décision était conforme aux dispositions législatives et à leur intention. Le membre estime, comme le Commission, qu’il existait un conflit au moment de l’arrêt de travail, que les appelants dans cet appel étaient directement intéressés par l’issue de ce conflit et qu’ils avaient perdu leur emploi en raison du lock-out et de l’arrêt de travail, jugé comme étant dû au confit collectif en question. L’imposition d’une inadmissibilité aux appelants pour ces raisons est conforme à l’intention législative.

[93] Les conclusions du membre sont fondées sur l’appréciation des faits essentiels qui suit.

2. Appréciation des faits essentiels

[94] Par ailleurs, la Commission a soutenu qu’elle s’est acquittée de la charge de prouver que les conditions nécessaires à l’imposition d’une inadmissibilité avaient été satisfaites au titre du paragraphe 36(1) de la Loi. On lui a fourni la preuve de la présence d’un conflit collectif avant l’arrêt de travail à la Lake Erie Works, et que l’usine aurait été opérationnelle s’il n’y avait pas eu de conflit collectif. L’employeur lui a également fourni une explication plausible à sa prise en charge de la date du lock-out. La Commission soutient que les appelants n’ont fourni aucune preuve permettant de conclure (a) qu’il n’existait pas de conflit collectif, (b) que la Lake Erie Works n’aurait pas été opérationnelle même s’il n’y avait pas eu de conflit collectif, ou (c) que le lock-out et l’arrêt de travail étaient dus à des forces économiques ou à des stratégies économiques déployées par l’employeur pour ne pas devoir s’acquitter des obligations qu’aurait impliquées une mise à pied, obtenir un avantage sur le marché et éviter d’éventuels problèmes avec le gouvernement canadien relativement à des ententes de production. La Commission a conclu que, même si d’autres facteurs étaient présents durant les négociations contractuelles et que ceux-ci ont pu contribuer à l’arrêt de travail, il existait un lien direct entre l’arrêt de travail et le conflit collectif. Par conséquent, l’arrêt de travail était dû à un conflit collectif et il convenait d’imposer une inadmissibilité.

[95] L’employeur est d’accord avec la Commission pour dire qu’il négociait une convention collective avec les appelants et que, par définition, il existait donc un conflit collectif au moment de l’arrêt de travail. Il a également soutenu que l’arrêt de travail était dû à un conflit collectif et non à un ralentissement économique qui aurait suscité la fermeture imminente de l’usine. Il a d’ailleurs fourni la preuve qu’il prévoyait produire de l’acier à la Lake Erie Works à une capacité presque maximale jusqu’à la fin de 2013, et a soutenu que le conflit collectif lui coûtait des millions de dollars. L’employeur a allégué que l’arrêt de travail est dû au conflit collectif pourvu qu’il existe un lien entre l’arrêt de travail et le conflit, et ce même d’autres facteurs accessoires peuvent avoir joué un rôle dans l’arrêt de travail. L’employeur a également soutenu que la jurisprudence sur laquelle se fondent les appelants n’appuie pas la position selon laquelle un conflit collectif doit être la [traduction] « seule » cause de l’arrêt de travail.

[96] De leur côté, les appelants ont soutenu que la preuve révèle que l’arrêt de travail était dû à plusieurs facteurs et que les dispositions législatives n’avaient mais été conçues dans l’intention qu’une inadmissibilité soit imposée lorsque l’arrêt de travail survient en raison d’autres facteurs/raisons. Les appelants sont d’avis que l’arrêt de travail doit être strictement dû au conflit collectif, et qu’une interprétation stricte des dispositions législatives révèle que le conflit collectif doit être l’unique cause, et non seulement un facteur contributif, de l’arrêt de travail. Les appelants ont soutenu que la Commission n’a pas tenu compte des autres facteurs et événements qui se sont produits avant et pendant le conflit collectif et auxquels l’arrêt de travail est dû, notamment (a) la conjoncture économique de l’industrie sidérurgique et les pertes financières continuelles de l’employeur, et (b) son manque d’intention de négocier ayant perpétué une impasse. Ils ont également allégué qu’il est nécessaire de procéder à une évaluation de manque de crédibilité de l’employeur et du manque d’impartialité de la Commission lorsqu’elle a tenu compte de la position de l’employeur voulant que le conflit collectif était l’unique raison de l’arrêt de travail.

[97] Le membre a examiné chacun des facteurs avancés par les appelants.

Conjoncture économique

[98] Les appelants allèguent que l’employeur a, depuis l’achat de Stelco en 2007, réagi face aux difficultés économiques qu’il a rencontrées en déplaçant la production entre ses installations et, tout comme il l’a fait à la Lake Erie Works en 2009 et à Hamilton en 2010, il a de nouveau mis un terme à ses activités dans un effort désespéré et inévitable de réduction des coûts, ce qui a donné lieu à un arrêt de travail. L’employeur a tiré profit de l’expiration opportune de la convention collective pour réaliser des économies en (a) présentant un contrat truffé de concessions, (b) en n’exploitant pas l’usine, en mettant à l’arrêt le haut fourneau et en mettant les fours à coke au ralenti, de même qu’ (c) en ne remplissant les obligations qu’il aurait eues auprès de ses employés advenant une mise à pied. Les appelants ont soutenu que l’employeur était motivé à créer une occasion de fermer la Lake Erie Works, ce qui n’a rien à voir avec le conflit collectif.

[99] À l’appui de leur position, selon laquelle des forces et des motifs économiques avaient poussé l’employeur à initier l’arrêt de travail, les appelants ont présenté des éléments de preuve provenant de différents médias et d’économistes du domaine ainsi que des rapports financiers de l’employeur, montrant que l’employeur a subi des pertes en 2012, et essuyé une perte de 73 millions de dollars au premier trimestre de 2013. D’autres articles d’économistes et d’analystes de l’industrie parus dans les médias traitent de l’offre excédentaire d’acier sur le marché, du besoin de l’employeur de réaliser des économies et de la réduction de coûts possible grâce au fonctionnement au ralenti du haut fourneau et à la fermeture d’usines (GD3-161 à GD3-184, GD3-189 à GD3-190, GD3-215 à GD3-233 et GD3-349 à GD3-425). Les appelants ont aussi fourni une lettre rédigée par madame J. K. à l’intention des employés qui témoigne que la Lake Erie Works continue de perdre de l’argent alors que d’autres usines font de l’argent (GD3-185 à GD3- 186). Des entrevues réalisées avec le directeur général de l’employeur, où il commente la conjoncture économique difficile dans l’industrie sidérurgique et ses pertes, ont aussi été présentées (GD3-187 à GD3-188, GD3-191, GD3-215 à GD3-233).

[100] À l’appui de leur position voulant que l’employeur avait donc utilisé l’arrêt de travail pour réaliser des économies, les appelants ont fourni une copie de leur protocole d’accord d’avril 2010. Les appelants ont souligné les dépenses qu’aurait dû engager l’employeur s’il avait mis à pied ses employés, notamment parce qu’il aurait dû compléter leurs prestations d’assurance-emploi, leur fournir des crédits de pension et des avantages sociaux collectifs, et payer des indemnités de départ potentielles (GD3-192 à GD3-203). Les appelants ont également fourni des graphiques montrant la mise à l’arrêt planifiée du haut fourneau à la Lake Erie Works, qui révèlent que l’arrêt et l’entretien initialement prévus en juin 2012 avaient été reportés à plusieurs occasions, jusqu’au 4 avril 2013 (GD3-204 à GD3-214). Ils ont aussi fait valoir que l’employeur avait prévu de mettre au ralenti les fours à coke longtemps avant l’expiration de la convention collective, et ce en commandant les couvertures qui servent à maintenir la température des fours en préparation à un arrêt à long terme, et en expédiant 2 000 rouleaux laminés à chaud à d’autres usines.

[101] En réponse à la position des appelants, l’employeur a soutenu que l’arrêt de travail n’est pas dû à un ralentissement économique, qu’une mise à l’arrêt n’avait pas été prévue et qu’en fait, il prévoyait produire de l’acier à la Lake Erie Works (et faire fonctionner le haut fourneau et les fours à coke) à capacité quasi maximale (normale) jusqu’à la fin de 2013 (GD3-615 à GD3-617). Le lock-out ne servait pas à réaliser des économies; au contraire, le conflit collectif avait coûté des millions de dollars à l’employeur. Il maintient que l’arrêt de travail est strictement dû au conflit collectif.

[102] L’employeur a fourni un témoignage direct de madame J. K. et une preuve documentaire à l’appui de sa position. À l’audience, madame J. K. a admis que la U.S. Steel Canada Inc. (qui comprend la Lake Erie Works et la Hamilton Works) avait globalement enregistré des pertes depuis son arrivée au pays, à l’exception d’un seul trimestre, mais que la compagnie poursuivait ses activités et continuait de produire de l’acier puisque l’employeur (la U.S. Steel Inc.) en tire somme toute profit, comme en témoignent les états financiers de la U.S. Steel Inc. (GD3-941 à GD3-972). Madame J. K. a témoigné que la batterie de four à coke, le haut fourneau et le laminoir à bandes à chaud de la Lake Erie Works fonctionnaient pleinement avant l’arrêt de travail, et qu’il était prévu d’exploiter l’usine au maximum de sa capacité. L’employeur a souligné cela est manifeste dans les prévisions qui montrent que le haut fourneau devait être utilisé à 92,33 % de sa capacité maximale, et que le plan était le même jusqu’à la fin de décembre 2013. À titre de comparaison, cela n’était pas le cas de la Hamilton Works au moment de sa mise à l’arrêt en 2010 (GD3-976 à GD3-978). De plus, madame J. K. a témoigné qu’elle avait mené plus de 1 000 entrevues pour des postes syndiqués au cours de 12 mois qui ont précédé le conflit collectif, prévoyait embaucher 150 nouveaux employés et avait, dans les faits, embauché de nouveaux employés le 8 avril 2013. Madame J. K. a témoigné qu’un plan d’embauche approuvé en janvier 2013 (GD3-979) visait à pallier l’attrition et à bâtir un effectif pour l’avenir en embauchant des stagiaires coop et des apprentis (qui, vu l’arrêt de travail, ont dû être affectés à la Hamilton Works). Madame J. K. a témoigné que le syndicat était au courant du plan d’embauche et que ses membres avaient activement participé à la formation. Elle a indiqué que le conflit collectif était l’unique raison pour laquelle le plan avait été mis de côté.

[103] Madame J. K. a admis que l’entretien du haut fourneau avait été reporté plusieurs fois, mais a indiqué que cela avait eu lieu pour des raisons commerciales et opérationnelles valables, et de façon à s’harmoniser aux autres entretiens prévus dans toute le compagnie, comme en témoigne l’horaire (GD3-973 et GD3-974). Le témoignage de madame J. K. est fidèle à l’explication qu’elle avait précédemment donnée par écrit relativement aux délais (GD3-615). L’entretien du haut fourneau a commencé le 2 avril 2013 et devait nécessiter un temps d’arrêt de 25 jours et, au moment de l’arrêt de travail, il restait encore une semaine avant que l’entretien soit terminé. De même, madame J. K. a affirmé qu’il n’était pas prévu de mettre les fours à coke au ralenti avant le 12 avril 2013, quand il s’est avéré clair qu’une entente ne serait pas ratifiée. Madame J. K. a admis que les couvertures pour le coke avaient été achetées bien à l’avance dans le cadre d’un plan d’urgence pour le [traduction] « pire des scénarios » étant donné le long délai d’approvisionnement pour celles-ci. Elle a affirmé que les fours à coke avaient seulement été arrêtés en raison du conflit collectif.

[104] Madame J. K. a témoigné qu’un lock-out avait comme seul avantage de permettre à l’employeur de contrôler la date à laquelle il commençait de manière à protéger ses immobilisations et à mettre les machines au ralenti de façon sécuritaire. Madame J. K. a confirmé à monsieur Talbot que l’employeur ne craignait pas que le syndicat ait l’intention de mettre en danger ses immobilisations, mais simplement que 72 heures ne suffisent pas à une mise à l’arrêt sécuritaire. Elle a indiqué qu’il n’était pas avantageux, d’un point de vue financier, d’imposer un lock-out aux employés et qu’en fait, l’employeur avait perdu de l’argent durant le lock-out puisqu’il ne bénéficiait d’aucun revenu pour pallier les coûts d’exploitation même durant la mise à l’arrêt. Elle a témoigné que les employés n’avaient pas été touchés négativement par la mise à l’arrêt des fours à coke et qu’il n’y avait aucun plan d’entreprise visant à fermer l’usine. Le témoignage de madame J. K. corroborait les déclarations qu’elle a faites auprès de la Commission (GD3-479 à GD3-480, GD3-608 à GD3-610 et GD3-615 à GD3-617).

[105] Le membre a examiné les nombreux éléments de preuve provenant de sources variées qu’ont fournis les appelants au sujet de la situation économique de l’industrie sidérurgique et de l’employeur, la U.S. Steel Canada Inc. (et la U.S. Steel Inc.). Ces éléments de preuve ne sont pas contestés et sont bien documentés par des économistes et des analystes du secteur. Le membre comprend donc la position des appelants, selon laquelle l’employeur était motivé à saisir des occasions lui permettant de réaliser des économies et que de telles économies seraient possibles en mettant le haut fourneau à l’arrêt ou en fermant l’usine. Ces éléments de preuve témoignent également du climat économique dans lequel l’employeur a opéré. Cela dit, le membre estime pour deux différentes raisons que l’ensemble de la preuve ne soutient pas la prétention des appelants, voulant que l’employeur ait interrompu ses activités à la Lake Erie Works le 28 avril 2013 pour ces raisons économiques ainsi que pour réaliser des économies.

[106] D’une part, la preuve documentaire produite par les appelants ne permet pas de conclure qu’il existait un lien entre la mise à l’arrêt et l’arrêt de travail et des forces économiques ou la manigance supposée de l’employeur pour réaliser des économies (GD3-192 à GD3-214). Par exemple, la preuve documentaire (protocole d’accord) présentée par les appelants montre uniquement qui l’employeur aurait été forcé d’engager certaines dépenses s’il avait mis à pied ses employés. Cette preuve a été réfutée par madame J. K., qui a témoigné que l’imposition d’un lock-out et la mise à l’arrêt de l’usine n’étaient pas avantageuses sur le plan financier; que l’employeur avait perdu des millions de dollars en mettant l’usine à l’arrêt. De plus, les appelants n’ont pas fourni de preuve démontrant qu’une fermeture de l’usine ou une mise à pied étaient imminentes, indépendamment du conflit collectif. La preuve ne permet pas de conclure que l’employeur aurait choisi d’imposer un lock-out à ses employés plutôt que de les mettre à pied pour économiser. Dans le même ordre d’idées, montrer que l’entretien du haut fourneau (graphiques d’interruptions) avait été reporté à répétition jusqu’à ce qu’il puisse [traduction] « opportunément » être mis à l’arrêt de façon sécuritaire durant un lock-out prévu ne relève pas de la preuve mais bien de la supposition, et ne démontre pas que l’employeur prévoyait mettre à l’arrêt l’usine (et qu’il l’a mise à l’arrêt) pour des raisons économiques.

[107] D’autre part, la preuve documentaire produite par les appelants a efficacement été réfutée par le témoignage direct de l’employeur et sa preuve documentaire le corroborant. Par exemple, l’employeur a présenté une preuve directe, accompagnée de documents justificatifs, qui fournit une autre explication plausible au retard accusé pour l’entretien du haut fourneau. De la même manière, l’explication de madame J. K. quant à l’achat hâtif de couvertures pour le coke en préparation au [traduction] « pire des scénarios » est à la fois plausible et raisonnable. Le témoignage de madame J. K., selon lequel l’employeur exploitait pleinement la batterie de four à coke, le haut fourneau et le laminoir à bandes à chaud de la Lake Erie Works avant l’arrêt de travail, et qu’il prévoyait exploiter l’usine au maximum de sa capacité jusqu’à la fin de décembre 2013, est également appuyé par une preuve documentaire. Celle-ci appuie aussi son témoignage voulant que l’employeur n’a pas mis les fours à coke au ralenti avant le 12 avril 2013, trois jours avant l’expiration de la convention collective. L’allégation des appelants selon laquelle l’employeur prévoyait fermer l’usine et mettre à pied des employés est d’autant plus réfutée que madame J. K. a témoigné et fourni des documents démontrant que l’employeur avait, en fait, embauché des employés jusqu’au 8 avril 2013 inclusivement, et fourni la preuve d’un plan d’embauche qui, selon son témoignage, était connu du syndicat et appuyé par celui-ci. Enfin, madame J. K. a témoigné qu’ils devaient négocier et négociaient des changements à l’indemnité compensatrice du coût de la vie et au droit aux vacances, notamment, aux fins de durabilité de la Lake Erie Works.

[108] Le membre a examiné les éléments de preuve produits par les deux parties. Le membre accepte les nombreux éléments de preuve présentés par les appelants qui sont des [traduction] « avis d’experts » concernant la conjoncture économique de l’industrie sidérurgique, la situation financière de la U.S. Steel Inc. et le besoin de celle-ci de réaliser des économies. Cependant, la preuve documentaire fournie ne permettait pas de conclure que l’arrêt de travail était dû à ces facteurs. Le membre a accordé plus d’importance aux éléments de preuve directe fournis par l’employeur, cohérents et accompagnés de pièces justificatives, qu’à la preuve documentaire des appelants. Le membre a également considéré que le témoignage de madame J. K. était fondé sur son expérience auprès de l’employeur, sa participation directe aux événements entourant l’arrêt de travail et sa connaissance de la situation. Les appelants n’ont eu recours à aucune preuve directe pour contester ou réfuter le témoignage de madame J. K. ou pour appuyer sa position selon laquelle l’employeur allait fermer l’usine.

[109] Si le membre reconnaît que l’industrie sidérurgique a connu un ralentissement économique et que l’employer a enregistré des pertes considérables au cours des dernières années, il juge que l’arrêt de travail du 28 avril 2013 n’est pas dû à ces facteurs. Le membre estime que la conjoncture économique et que la motivation commensurable de l’employeur à réaliser des économies étaient présentes bien avant l’éclatement du conflit collectif en l’espèce, et qu’elles l’étaient toujours pendant et après celui-ci. Le membre s’accorde donc avec les appelants pour dire que ces facteurs/raisons n’avaient rien à voir avec le conflit collectif (GD3-569). Cependant, le membre n’est pas d’accord que ces facteurs, la conjoncture économique et la motivation de l’employeur à faire des économies, étaient la cause/raison de l’arrêt de travail du 28 avril 2013. La preuve qui précède ne permet pas de conclure que l’arrêt de travail ayant débuté le 28 avril 2013 est directement lié ou dû à ces facteurs. Au contraire, le membre estime que la Lake Erie Works était pleinement opérationnelle avant le lock-out et que l’employeur n’avait pas prévu de mettre l’usine à l’arrêt pour des raisons d’ordre économique.

Négociations

[110] Le membre a aussi tenu compte des observations des appelants concernant la nature des négociations étant donné leur prétention qu’il n’y avait [traduction] « aucune raison » de mettre à l’arrêt ou au ralenti l’usine à ce moment précis durant le conflit collectif (GD3-571). Les appelants ont fait valoir que le manque d’intention de l’employeur à négocier était un autre facteur, une autre raison expliquant l’arrêt de travail. En fait, ils avancent que l’employeur a orchestré un arrêt de travail prématuré en négociant d’une telle façon qu’il pourrait décréter un lock-out à la date de sa convenance. L’employeur a entretenu une impasse sur des questions qui étaient considérées comme secondaires.

[111] Les appelants ont soutenu que peu importe ce que [traduction] « dit » l’employeur, son intention de mettre l’usine à l’arrêt était manifeste compte tenu de ce qu’il a [traduction] « fait » durant les négociations de la convention collective. Par exemple, les appelants allèguent que l’employeur a demandé un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation le 19 mars 2013, bien avant la date à laquelle expirait le contrat, le 15 avril 2013, avant que les questions salariales eussent été discutées et alors que rien n’indiquait que les négociations n’allaient pas porter fruit. Les appelants ont également allégué que la production du rapport en question n’avait pas été demandée conjointement, comme l’a prétendu l’employeur. De plus, l’employeur ne s’est pas adéquatement représenté à la plupart des séances; madame J. K. n’avait pas le pouvoir de négocier les questions salariales de fond. Les appelants soutiennent que les cadres de X qui pouvaient négocier de telles questions sont seulement venus le 11 avril 2013, qu’ils avaient échangé [traduction] « quelques mots » et qu’ils étaient repartis. Ils sont revenus à la dernière heure de la séance du 15 avril 2013 pour lancer un ultimatum, puis ils sont immédiatement retournés à X. Les appelants ont aussi soutenu que le haut fourneau avait été mis à l’arrêt sous le couvert d’un entretien qui avait été reporté jusqu’à tout juste avant l’expiration du contrat. Enfin, l’employeur a mis au ralenti les fours à coke le 12 avril 2013, bien avant l’expiration de la convention collective.

[112] De son côté, l’employeur a soutenu qu’il avait négocié de bonne foi et qu’il avait l’intention et l’espoir sincère de parvenir à conclure une entente. L’employeur a allégué que les appelants font des allégations sans aucune preuve. Si les appelants avaient eu le sentiment que l’employeur négociait de mauvaise foi, ils auraient pu déposer une [traduction] « allégation de mauvaise foi » au titre de la Loi de 1995 sur les relations de travail, mais ne l’ont pas fait. L’employeur a soutenu, à l’inverse, que sa demande sans précédent pour tenir un [traduction] « vote sur la proposition finale » aux termes de la Loi de 1995 sur les relations de travail témoignait de son désir véritable et sincère de conclure une entente et de permettre à l’usine de poursuivre ses activités. Il a soutenu qu’une telle mesure d’exception a démontré son désir désespéré d’exploiter l’usine et de permettre aux employés de recommencer à travailler.

[113] En ce qui concerne le rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation, l’employeur a indiqué que madame J. K. avait témoigné qu’il avait été demandé conjointement par les deux parties afin de pouvoir travailler en fonction d’une même échéance. Elle a noté que son témoignage est appuyé par des notes prises durant la séance du 19 mars 2013 (GD3-892). Elle a affirmé qu’il s’agissait plus d’une formalité et que l’une ou l’autre des parties peut demander ce rapport 17 jours avant l’expiration de la convention collective de façon à pouvoir légalement décréter une grève ou un lock-out. De plus, madame J. K. a témoigné qu’elle était la négociatrice principale de l’employeur et qu’elle avait tout à fait le pouvoir de négocier les questions salariales. Elle a souligné avoir déjà négocié les mêmes enjeux dans le cadre d’autres conventions collectives, sans que des représentants de X soient présents. Madame J. K. a également témoigné, au sujet des négociations précédant tout juste l’expiration de la convention collective, que l’employeur avait dit au syndicat, après avoir échangé des propositions le 12 avril 2013, qu’il se pencherait sur les coûts associés à ses propositions les 13 et 14 avril 2013, et qu’il lui en donnerait des nouvelles le lundi 15 avril 2013. Madame J. K. a témoigné qu’il était normal, dans le cadre d’un tel processus, d’estimer les coûts de la dernière offre avant de donner une réponse au syndicat. Madame J. K. a témoigné qu’elle était constamment en contact avec les représentants de X. Voilà pourquoi les questions salariales n’avaient pas été discutées les 13 et 14 avril 2013; ce n’était pas parce qu’elle n’avait pas le pouvoir de les négocier. Elle a fait remarquer que son témoignage est corroboré par les notes de la séance du 13 avril 2013 (GD3-823).

[114] De plus, il existe une preuve incontestée que l’employeur a mis les fours à coke au ralenti le 12 avril 2013. Madame J. K. a témoigné que les fours à coke avaient été mis au ralenti lorsqu’il est devenu clair qu’une convention collective ne serait pas ratifiée; par conséquent, le conflit collectif est la seule raison pour laquelle les fours à coke ont été arrêtés. Les éléments de preuve documentaire fournis par les appelants comme par l’employeur démontrent que, durant les jours qui ont précédé le 12 avril 2013, des propositions et des contre-propositions avaient été échangées les 8, 9 et 10 avril 2013, et que l’indemnité compensatrice du coût de la vie et les salaires avaient été discutés (GD3-159, GD3-570 et GD3-811). Une séance avec le conciliateur a eu lieu le 11 avril 2013 et le syndicat avait été autorisé à tenir un vote de grève (GD3-7, GD3-29 et GD3-464, GD3-895).

[115] Les appelants ont soutenu que la Commission n’avait pas tenu compte des détails entourant les événements ayant mené à l’arrêt de travail. La Commission a donc seulement tenu compte des apparences trompeuses et non du fond, ou du manque de fond, des actions de l’employeur. Les appelants ont aussi fait valoir que ni la Commission ni l’employeur n’avait fourni de preuve indiquant que les négociations avaient été sincères (GD3-570 à GD3-571).

[116] Le membre, pour sa part, a tenu compte des récits des deux parties relativement aux événements qui se sont déroulés durant les négociations et des détails rapportés par chacune des parties quant au déroulement de la trentaine de séances qui ont été tenues (GD3-158 à GD3-160, GD3-569 à GD3-570, GD3-574 à GD3-575, GD3-613 à GD3-614 et GD3-809 à GD3-812). Le membre a tenu compte de l’opportunité de la demande du rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation, de l’entretien du haut fourneau et de la mise au ralenti des fours à coke. Le membre a aussi tenu compte de la preuve testimoniale directe fournie à l’audience par le témoin de l’employeur, madame J. K., qui a réfuté les allégations formulées par les appelants et justifié les actions de l’employeur. C’est donc en se fondant sur la preuve que le membre a tiré les conclusions qui suivent quant aux observations des appelants.

[117] Le membre conclut que l’observation des appelants, voulant que l’employeur ne s’était pas adéquatement représenté à la plupart des séances et que madame J. K. n’avait pas le pouvoir de négocier les questions salariales de fond, n’est tout simplement pas appuyée par la preuve. Les appelants ont allégué que madame J. K. n’avait pas l’autorité requise sans pourtant fournir de preuve à l’appui de cette allégation. Madame J. K., pour sa part, a fourni une preuve directe indiquant l’inverse, confirmant qu’elle était la négociatrice principale au nom de l’employeur et qu’elle avait le pouvoir de tout négocier, y compris les questions salariales. La preuve documentaire révèle que madame J. K. a participé à l’ensemble des 30 séances de négociations (GD3-809).

[118] En ce qui concerne le rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation, le membre conclut que les appelants ont allégué que seul l’employeur en avait fait la demande, sans avoir fourni de preuve appuyant leur allégation. Madame J. K., de son côté, a fourni un témoignage direct voulant que la séance du 19 mars 2013 s’était bien déroulée, que les deux parties avaient demandé que le rapport soit produit afin de pouvoir travailler en fonction d’une échéance commune et qu’une telle demande n’était qu’une formalité. Elle a fait référence au compte rendu de la séance de cette journée-là pour appuyer son propos. Le membre a donc préféré la preuve directe de l’employeur à l’observation des appelants sans preuve à l’appui, et conclut donc que les deux parties avaient demandé au conciliateur un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation le 19 mars 2013. Cela dit, peu importe si le rapport découlait de la demande de l’une des parties ou des deux, le membre conclut qu’il est manifeste, dans les lettres du conciliateur destinées aux parties, qu’il revient au conciliateur de déterminer si les parties ont abouti à une impasse et, pour cette raison, il n’est pas conseillé d’instituer une commission de conciliation. En l’espèce, le conciliateur a pris cette décision et en a avisé les parties le 30 mars 2013 (GD3-24). Par conséquent, le membre conclut que la demande d’un rapport recommandant de ne pas instituer de commission de conciliation, ou le moment de celle-ci, n’appuient pas la position des appelants voulant que l’employeur avait signalé son manque d’intention de négocier dès le 19 mars 2013, au courant des négociations.

[119] Semblablement, le membre conclut que l’observation des appelants concernant le moment de la mise à l’arrêt du haut fourneau pour un entretien n’est qu’une simple conjecture des appelants pour en expliquer le retard. La preuve directe fournie par l’employeur a efficacement réfuté les observations des appelants. Le témoignage de madame J. K. était corroboré et appuyé par la preuve et a fourni une explication raisonnable aux allégations des appelants en ce qui concerne le moment de l’entretien du haut fourneau et les raisons des retards accusés. Le membre a donc accordé plus d’importance à cette preuve directe qu’aux observations sans preuve à l’appui des appelants, voulant que l’entretien avait intentionnellement été reporté pour qu’il coïncide avec l’expiration de l’entente. Compte tenu du témoignage de madame J. K. concernant les retards dans l’entretien du haut fourneau (voir l’analyse qui précède), le membre conclut que l’employeur avait reporté la mise à l’arrêt du haut fourneau jusqu’au 2 avril 2013 pour des raisons opérationnelles valables. L’employeur a mis à l’arrêt le haut fourneau le 2 avril 2013 seulement en raison d’un entretien prévu et non pour que l’entretien coïncide avec le lock-out.

[120] Pour ce qui des fours à coke mis au ralenti, le membre a tenu compte de la séquence des événements fournie par les deux parties, des notes prises durant les séances et des propositions échangées jusqu’à la mise au ralenti des fours à coke le 12 avril 2013. D’une part, les appelants ont soutenu que les notes des séances tenues du 12 au 15 avril 2013 soutiennent leur position, selon laquelle l’employeur n’avait pas de véritable intérêt à conclure une entente, et que ni madame J. K. ni monsieur G. S. ne paraissaient détenir l’autorité requise pour négocier les questions salariales (GD3-813 à GD3-867). Le membre a également remarqué que les parties se sont rencontrées de nouveau les 13 et 14 avril 2013 sans pourtant discuter des questions salariales. Le membre note également que les parties avaient également convenu d’un protocole de 72 heures dans l’éventualité d’une grève ou d’un lock-out. Le membre comprend donc pourquoi les appelants ont pu interpréter la mise au ralenti des fours à coke du 12 avril 2013 comme un signe de la part de l’employeur que les négociations étaient terminées et qu’il n’avait pas l’intention de conclure une entente avant le 15 avril 2013, date de l’expiration de la convention collective. D’autre part, le membre note que le syndicat avait pu tenir un vote de grève le 11 avril 2013, qui a été appuyé massivement par 99 % de voix. De plus, les notes de la séance confirment que des propositions avaient été échangées le 12 avril 2013, sans qu’une entente soit conclue sur les questions salariales. Ces événements ont laissé croire à l’employeur que la convention collective ne serait pas ratifiée le 15 avril 2013. Madame J. K. a témoigné qu’ils avaient mis au ralenti les fours à coke lorsqu’il était devenu clair qu’une entente ne serait pas ratifiée. De plus, madame J. K. a réfuté l’observation des appelants, selon laquelle l’employeur n’avait pas eu d’intérêt à conclure une entente dans les dernières heures, et ce en fournissant une explication raisonnable aux notes de la séance du 13 avril 2913 (GD3-823) et aux questions salariales qui n’avaient pas été discutées les 13 et 14 avril 2013. Le membre a accordé plus d’importance au témoignage cohérent et constant de madame J. K., fondé sur sa participation directe aux séances en question et appuyé par la preuve documentaire, qu’aux observations indirectes des appelants. Le membre accepte donc que l’employeur avait mis les fours à coke au ralenti le 12 avril 2013 parce qu’il avait eu le sentiment qu’une entente ne serait pas ratifiée d’ici à la date butoir du 15 avril 2013.

[121] Le membre a également examiné l’observation des appelants concernant les négociations en tant que telles, leur sincérité, la volonté des parties à retourner à la table des négociations, les autres solutions que le lock-out, etc. (GD17) Cependant, le membre fait remarquer que le Tribunal n’a pas compétence pour déterminer si les parties [traduction] « ont négocié de bonne/mauvaise foi », si elles l’ont fait de façon sincère, dans la présence des parties requises, ou si elles avaient eu une véritable intention de négocier. Le membre a aussi tenu compte du fait que la loi ne fait pas état d’une telle position non plus. Le membre a fondé ses conclusions sur une appréciation de la preuve et n’a pas approfondi le fond des négociations ou le comportement des parties durant celles-ci.

[122] Enfin, compte tenu des conclusions dans la présente, le membre n’est pas en mesure de conclure, comme l’ont allégué les appelants, que les actions de l’employeur avaient témoigné de son manque d’intérêt à poursuivre les négociations et qu’il avait intentionnellement entretenu une impasse ayant mené à un lock-out et à un arrêt de travail.

Crédibilité de l’employeur

[123] Le membre a ensuite examiné l’observation des appelants selon laquelle une évaluation de la crédibilité de l’employeur s’imposait compte tenu de ses [traduction] « déclarations intéressées » voulant que le conflit collectif était l’unique raison pour laquelle il y avait eu un arrêt de travail. Les appelants ont soutenu que la Commission a, en ignorant ce facteur, commis une erreur de droit et accepté les déclarations de l’employeur comme des faits. Les appelants ont affirmé que la Commission a omis de mener une évaluation de la crédibilité tout en sachant que c’était la troisième fois que l’employeur [traduction] « […] avait fermé une usine dans la foulée d’un conflit, et toujours à un moment où la compagnie perd de l’argent et est incitée à faire quelque chose pour réduire ses coûts » (GD17-24).

[124] De plus, les appelants ont soutenu avoir fait part de préoccupations continues à l’égard de la crédibilité de l’employeur, faisant référence à de nombreux éléments de preuve que possédait déjà la Commission concernant (a) deux lock-out précédents, à la Lake Erie Works en 2009 et à la Hilton (Hamilton) Works en 2010, (b) le non-respect de son entente conclue avec le gouvernement du Canada au titre de la Loi sur Investissement Canada lors de son achat de deux usines de Stelco en 2007, et (c) la présente affaire, où il a imposé un lock-out aux appelants sans participer aux négociations de façon sincère. Les appelants ont soutenu que tout ce qui précède corrobore un sérieux problème de crédibilité chez l’employeur (GD3-561 à GD3-564).

[125] Les appelants souhaitent donc que la Commission, et maintenant le membre, procèdent à une évaluation globale de la crédibilité de l’employeur en fonction de ses actions dans l’affaire qui nous occupe, tout en tenant compte de ses actions passées, dans le cadre de leur évaluation de leur position selon laquelle le conflit collectif était l’unique cause de l’arrêt de travail.

[126] D’une part, en ce qui concerne les actions de l’employeur, le membre comprend qu’il s’agit du troisième lock-out qu’a imposé l’employeur à ses employés et l’observation voulant qu’il n’avait pas respecté son entente avec le gouvernement du Canada. Cependant, le membre juge qu’une conclusion générale quant à la crédibilité de l’employeur fondée sur des circonstances différentes à un moment différent et qu’une application de celle-ci aux faits de cette affaire ne seraient pas fiables et pourraient ne pas tenir la route puisque les circonstances des lock-out précédents étaient différentes de celles dont il est ici question.

[127] D’autre part, et plus important encore, une conclusion quant à la crédibilité de l’employeur (ou des appelants) n’était pas nécessaire en l’espèce puisque le membre a été en mesure de tirer des conclusions en se basant seulement sur la preuve documentaire et la preuve directe. Le membre a été capable d’évaluer la crédibilité de la preuve d’après sa valeur intrinsèque et l’a appréciée en comparaison à la valeur de la preuve contraire. Le membre a également tenu une audience de novo, dans le cadre de laquelle les trois parties ont présenté des observations et l’employeur a fourni une preuve directe. Il n’a été avancé (ou trouvé) aucune raison pour remettre en question la crédibilité du témoin et, en fait, il a été jugé que son témoignage était corroboré et appuyé par la preuve documentaire. Le membre ne s’est pas trouvé dans une situation où les éléments de preuve produits par les deux parties s’équivalaient d’une manière qu’il soit nécessaire d’évaluer la crédibilité du témoin ou de l’employeur. Le membre a disposé de la preuve directe de madame J. K., qui pouvait faire l’objet d’un contre-interrogatoire de la part des appelants ou de la Commission, contrairement à cette dernière qui n’avait disposé que des observations de l’employeur et des appelants et de la preuve documentaire fournie par les deux parties.

[128] Le membre conclut donc que la crédibilité de l’employeur, en l’espèce, n’était pas un facteur dont il fallait tenir compte dans l’évaluation des faits de cette affaire. Elle n’était pas nécessaire pour déterminer si l’arrêt de travail était dû à un conflit collectif.

Impartialité

[129] Les appelants ont soutenu que la Commission n’a pas été impartiale, non seulement dans la façon dont elle les a traités, mais du fait qu’elle n’a pas pleinement apprécié et analysé la preuve et le droit. Les appelants ont également soutenu que le ministre Finley avait affirmé le 13 mai 2013, sur les ondes d’une station de radio locale, que les travailleurs ne seraient pas admissibles à des prestations d’assurance-emploi puisque les lock-out n’étaient pas couverts (GD25). La déclaration du ministre a préétabli et dicté à la Commission la décision attendue quant à l’admissibilité à des prestations dans cette affaire. Les appelants ont aussi fait valoir que le manque de partialité de la Commission a perpétué un déséquilibre dans la lutte qui a favorisé une issue au conflit collectif qui était au détriment des appelants.

[130] En réponse à ces allégations, la Commission a indiqué que rien ne permet de conclure qu’elle n’avait pas agi de façon impartiale, qu’elle avait été partiale au détriment des appelants ou qu’elle avait commis un manquement à la justice naturelle. La Commission a soutenu s’être concentrée sur les faits essentiels qui avaient été portés à sa connaissance et avoir appliqué les principes de droit sans idées préconçues. De plus, un simple extrait d’une entrevue radiophonique dont on ne peut confirmer la véracité et qui ne pourrait représenter la loi dans tous ses détails ne changerait rien aux faits que la Commission a recueillis de la part des parties. La déclaration du ministre était une déclaration générale sur l’article 36 et n’enlève rien à l’appréciation des faits approfondie qui a été menée pour rendre une décision dans cette affaire.

[131] L’employeur, à son tour, a soutenu que la Commission avait fait preuve de rigueur dans son appréciation des éléments de preuve portés à sa connaissance; elle a examiné chaque aspect du conflit et demandé aux deux parties de déposer des observations et des éléments de preuve. L’employeur a donc soutenu qu’il n’avait bénéficié d’aucun avantage sur le plan procédural. La Commission a suivi le processus prévu par la loi, ce qui n’a pas causé de préjudice aux appelants. En ce qui concerne l’entrevue radiophonique avec le ministre Finley, l’employeur a soutenu qu’il s’agit d’un ouï-dire, indirect, qui n’est pas corroboré. De plus, rien ne permet de conclure que le décideur dans cette affaire avait connaissance de la déclaration du ministre.

[132] Le membre a tenu compte des observations des appelants concernant l’impartialité de la Commission, du principe d’impartialité, de la jurisprudence abondante et des exemples de sa position (GD2, GD3-39 à GD3-41, GD3-556 à GD3-561 et GD17-4 à GD17-7).

[133] D’abord, le membre remarque que même s’il se rangeait à l’avis des appelants ou prenait position sur l’un des arguments qu’ils ont avancés au sujet de l’impartialité de la Commission, son appréciation et son analyse de la preuve ont été effectuées de novo. Toutes les parties ont eu l’occasion de présenter des observations à nouveau et de fournir une preuve directe au Tribunal. Ainsi, indépendamment de la façon font la Commission a traité la demande ou a rendu sa décision, le membre a posé un nouveau regard sur l’ensemble de la preuve qui avait été portée à la connaissance de la Commission et sur la nouvelle preuve produite à l’audience, et a rendu une décision indépendante et impartiale. Le membre a tenu compte de la position des appelants durant l’audience ainsi que durant la présente analyse et s’est montré sensible à son sujet.

[134] Ensuite, le membre s’est penché sur la pertinence de cette considération dans le cadre du critère juridique en question. Si les appelants ont soutenu que les actions du ministre et le manque d’impartialité de la Commission (et l’inadmissibilité comme telle) ont exercé une influence négative sur l’issue du conflit collectif, et ce, à leur détriment, il ne s’agit pas de la cause de l’arrêt de travail. Autrement dit, que la Commission ait ou non exercé sa compétence de manière impartiale après l’arrêt de travail n’est pas pertinent pour déterminer la cause de l’arrêt de travail et s’il était dû à un conflit collectif.

[135] Enfin, le membre comprend et reconnaît que les appelants ont présenté des observations portant sur le principe d’impartialité en général et sur la question de savoir s’il doit (ou devrait) être préservé dans des cas comme celui-ci où il y a un lock-out, plutôt qu’une grève, et où les parties ne sont pas nécessairement sur un pied d’égalité. Cependant, le membre note que cette disposition doit pour l’instant être appliquée telle qu’elle est libellée, même si elle est jugée lacunaire par les appelants. Une inadmissibilité doit être imposée lorsqu’il est conclu que l’arrêt de travail est dû à un conflit collectif.

Conclusion

[136] Dans la présente espèce, les appelants ont allégué qu’il ne convenait pas de leur imposer une inadmissibilité parce que l’arrêt de travail ayant débuté le 28 avril 2013 était dû à d’autres facteurs que le conflit collectif et, quoiqu’un tel conflit existait alors, il ne s’agissait pas de la [traduction] « principale raison » de l’arrêt de travail (GD3-42). Même si elle a reconnu que d’autres facteurs présents durant le conflit collectif avaient pu contribuer à l’arrêt de travail, la Commission maintient que celui-ci était dû au conflit collectif. Pour sa part, l’employeur a allégué qu’il n’existait pas d’autres facteurs et que l’arrêt de travail du 28 avril 2013 était strictement dû à un conflit collectif.

[137] En définitive, après avoir longuement examiné les observations de l’ensemble des parties et la preuve, le membre s’accorde avec l’employeur pour dire qu’un conflit collectif était la seule cause de l’arrêt de travail. Le membre a conclu que, quoiqu’il y ait eu un ralentissement économique au sein de l’industrie sidérurgique et que l’employeur a subi des pertes financières et était motivé à réaliser des économies, la preuve ne permet pas de penser que l’employeur prévoyait fermer la Lake Erie Works en 2013 en dépit du conflit collectif. Le membre n’a pas conclu que l’employeur a fait preuve d’un manque d’intention de négocier, qui aurait mené à une impasse qui, à son tour, aurait conduit à l’arrêt de travail. De plus, le membre n’a pas trouvé de lien de causalité entre ces facteurs/raisons et l’arrêt de travail. Le membre conclut plutôt que l’arrêt de travail ayant débuté le 28 avril 2013 avait uniquement été causé par le conflit collectif et qu’il y était donc strictement dû. Le membre s’est également penché sur les observations des appelants portant sur la crédibilité (ou le manque de crédibilité) de l’employeur, mais a conclu qu’il ne s’agissait pas là d’un facteur qui devait entrer en jeu dans l’appréciation des éléments de preuve produits en l’espèce. Finalement, le membre était conscient des observations des appelants sur le manque d’impartialité de la Commission et en a tenu compte; cependant, cette affaire a été instruite de novo et tous les faits essentiels ont été réexaminés.

[138] Si le membre est d’avis, au même titre que la Commission, que le paragraphe 36(1) de la Loi n’indique pas qu’un conflit collectif doive être l’unique cause de l’arrêt de travail, il conclut en l’espèce que cela était néanmoins le cas.

[139] Enfin, la Commission a la charge de prouver qu’une inadmissibilité doit être imposée (Valois [1986] 2 RCS 439, Benedetti A-32-09). En l’espèce, le membre souscrit à l’observation de l’employeur, selon laquelle la Commission a examiné minutieusement les faits portés à sa connaissance et a rendu une décision raisonnable et juste. Le membre conclut donc que la Commission s’est acquittée de cette charge en appliquant la preuve (les faits) à l’expression juridique « conflit collectif », en concluant que l’arrêt de travail était dû à un conflit collectif et en imposant une inadmissibilité.

[140] Le membre conclut, selon la prépondérance des probabilités, que l’arrêt de travail ayant débuté le 28 avril 2013 était dû à un conflit collectif et qu’une inadmissibilité doit être imposée au titre du paragraphe 36(1) de la Loi.

[141] Les appelants sont exclus du bénéfice des prestations du 29 avril 2013 au 10 septembre 2013 parce qu’ils n’ont pas pu reprendre leur emploi durant cette période en raison d’un arrêt de travail dû à un conflit collectif au titre de l’article 36 de la Loi.

[142] L’appel est rejeté.

Annexe 1

A., M.      GE-14-1565
A., M.      GE-14-1569
A., A,      GE-14-1525
A., S.      GE-14-1564
A., D.      GE-14-1563
A., F.      GE-14-2312
A., G.      GE-14-1561
A., J.      GE-14-1562
A., S.      GE-14-1560
A., E.      GE-14-1575
A., D.      GE-14-1574
B., G.      GE-14-1573
B., G.      GE-14-2318
B., J.      GE-14-1572
B., A.      GE-14-1590
B., N.      GE-14-1595
B., J.      GE-14-1597
B., A.      GE-14-1728
B., S.      GE-14-1712
B., G.      GE-14-1714
B., W.      GE-14-1715
B., J.      GE-14-1716
B., L.      GE-14-1717
B., T.      GE-14-1700
B., B.      GE-14-1701
B., D.      GE-14-1702
B., B.      GE-14-1703
B., J.      GE-14-1704
B., R.      GE-14-1708
B., W.      GE-14-1707
B., S.      GE-14-1709
B., W.      GE-14-1710
B., M.      GE-14-1711
B., M.      GE-14-1681
B., D.      GE-14-1647
B., P.      GE-14-1682
B., J.      GE-14-1684
B., J.      GE-14-1686
B., C.      GE-14-1688
B., S.      GE-14-1689
B., M.      GE-14-1690
B., S.      GE-14-1692
B., L.      GE-14-1698
B., S.      GE-14-1660
B., R.      GE-14-1661
B., R.      GE-14-1662
B., G.      GE-14-1663
B., J.      GE-14-1672
B., G.      GE-14-1673
B., C.      GE-14-1674
B., T.      GE-14-1676
B., R.      GE-14-1678
B., K.      GE-14-1734
B., K.      GE-14-1733
B., J.      GE-14-1680
B., J.      GE-14-1650
B., A.      GE-14-1651
B., S.      GE-14-1652
B., J.      GE-14-1730
B., J.      GE-14-1729
B., A.      GE-14-1731
B., M.      GE-14-1735
B., R.      GE-14-1732
C., C.      GE-14-1740
C., R.      GE-14-1742
C., S.      GE-14-1746
C., C.      GE-14-1738
C., R.      GE-14-1739
C., B.      GE-14-1737
C., C.      GE-14-1736
C., P.      GE-14-1743
C., M.      GE-14-1745
C., E.      GE-14-1744
C., I.      GE-14-1752
C., V.      GE-14-1750
C., G.      GE-14-1749
C., G.      GE-14-1748
C., J.      GE-14-1751
C., R.      GE-14-1747
C., C.      GE-14-1723
C., C.      GE-14-1753
C., P.      GE-14-1720
C., J.      GE-14-1531
C., M.      GE-14-1722
C., D.      GE-14-1721
C., S.      GE-14-1725
C., D.      GE-14-1754
C., R.      GE-14-1568
C., D.      GE-14-1719
C., O.      GE-14-1536
C., J.      GE-14-1537
C., D.      GE-14-1726
C., T.      GE-14-1539
C., G.      GE-14-1554
C., D.      GE-14-1724
C., P.      GE-14-1534
C., C.      GE-14-1535
C., R.      GE-14-1556
C., G.      GE-14-1558
C., A.      GE-14-1555
C., C.      GE-14-1557
C., P.      GE-14-3313
C., J.      GE-14-1559
D., A.      GE-14-1543
D., W.      GE-14-1547
D., H.      GE-14-1527
D., D.      GE-14-1571
D., M.      GE-14-1587
D., D.      GE-14-1549
D., R.      GE-14-1551
D., J.      GE-14-1552
D., M.      GE-14-1570
D., D.      GE-14-1771
D., G.      GE-14-1727
D., M.      GE-14-1759
D., J.      GE-14-1598
D., V.      GE-14-1761
D., S.      GE-14-1772
D., J.      GE-14-1765
D., S.      GE-14-1763
D., R.      GE-14-1756
D., J.      GE-14-1774
D., G.      GE-14-1764
D., K.      GE-14-1762
D., D.      GE-14-1757
D., R.      GE-14-1773
D., S.      GE-14-1767
D., J.      GE-14-1775
D., J.      GE-14-1760
E., D.      GE-14-1770
E., D.      GE-14-1769
E., J.      GE-14-1780
E., B.      GE-14-1785
E., S.      GE-14-1786
E., T.      GE-14-1781
E., D.      GE-14-1788
E., K.      GE-14-1790
E., N.      GE-14-1791
E., S.      GE-14-1793
F., G.      GE-14-1659
F., E.      GE-14-1889
F., J.      GE-14-1658
F., R.      GE-14-1654
F., J.      GE-14-1885
F., B.      GE-14-1648
F., R.      GE-14-1803
F., W.      GE-14-1795
F., J.      GE-14-1657
F., J.      GE-14-1649
F., D.      GE-14-1799
F., R.      GE-14-1883
F., A.      GE-14-1653
F., B.      GE-14-1656
F., J.      GE-14-1877
F., J.      GE-14-1655
F., P.      GE-14-1797
G., A.      GE-14-1906
G., M.      GE-14-1905
G., D.      GE-14-1907
G., J.      GE-14-1915
G., R.      GE-14-1898
G., A.      GE-14-1900
G., S.      GE-14-1927
G., L.      GE-14-1910
G., J.      GE-14-1904
G., R.      GE-14-1891
G., O.      GE-14-1926
G., R.      GE-14-1919
G., T.      GE-14-1922
G., G.      GE-14-1903
H., K.      GE-14-1776
H., P.      GE-14-1940
H., M.      GE-14-1863
H., M.      GE-14-1933
H., K.      GE-14-1939
H., S.      GE-14-1937
H., J.      GE-14-1935
H., S.      GE-14-1929
H., G.      GE-14-1934
H., J.      GE-14-1858
H., M.      GE-14-1958
H., P.      GE-14-1860
H., W.      GE-14-1875
H., W.      GE-14-1865
H., K.      GE-14-1884
H., R.      GE-14-1909
H., J.      GE-14-1916
H., J.      GE-14-1873
H., B.      GE-14-1894
H., K.      GE-14-1888
H., J.      GE-14-1896
H., R.      GE-14-1874
H., N.      GE-14-1902
H., K.      GE-14-1931
H., M.      GE-14-1866
H., C.      GE-14-1876
H., J.      GE-14-1887
H., S.      GE-14-1867
H., S.      GE-14-1868
H., V.      GE-14-1892
H., G.      GE-14-1908
H., R.      GE-14-1957
H., J.      GE-14-1977
H., S.      GE-14-1897
H., M.      GE-14-1914
H., J.      GE-14-1871
H., P.      GE-14-1917
I., C.      GE-14-1995
J., S.      GE-14-2199
J., R.      GE-14-2226
J., C.      GE-14-2025
J., R.      GE-14-2203
J., A.      GE-14-2232
J., O.      GE-14-2019
J., R.      GE-14-2224
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