Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 26 avril 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - La répartition de la rémunération de l’Appelante avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »).

[3] L’Appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 30 mai 2013.  La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 7 janvier 2015.

[4] En date du 9 avril 2015, la division d’appel a accepté de joindre les dossiers AD13‑166, 13-264, 13-265, 13-277, 13-1097, 13-1098,  13-1099, 13-1100, 13-1101, 13-1102, pour l’audience en appel.

[5] Le Tribunal a tenu une conférence préparatoire en date du 19 juin 2015 afin de préciser les questions en litige, régler toutes questions préliminaires, établir la durée de l’audience et établir une date d’audience.

Mode d’audience

[6] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait en personne, pour les raisons suivantes :

  • - la complexité de la ou des questions en litige;
  • - du fait que plus d’une partie assistera à l’audience;
  • - de l’information au dossier, y compris la nature de l’information manquante et la nécessité d’obtenir des clarifications;
  • - du fait que les parties sont représentées.

[7] L’Appelante et son représentant, Sylvain Bergeron, étaient présents lors de l’audience.  L’Intimée était représentée par Me Lauren Heyer.

La loi

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[9] Voici les questions en litige soumises au Tribunal par les parties :

  1. a) Est-ce que la décision du conseil arbitral exigeant le remboursement selon les termes de l'article 45 de la Loi est correcte?
  2. b) Le conseil arbitral a-t-il rendu une décision correcte quant à la prescription applicable au dossier?
  3. c) A la lumière des faits et du droit applicable, le conseil arbitral a-t-il rendu une décision raisonnable dans ce dossier?

Arguments

[10] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Le conseil arbitral a erré dans ses conclusions de faits et son application de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») lorsqu'il écrit que l'article 45 se situe dans la section des articles 42 à 47 et que cette disposition n'est pas greffée d'un délai de prescription.  Le conseil ignore ainsi l'article 46.01 comme s'il n'était pas inscrit dans la Loi;
  • - Le conseil persiste et signe en affirmant que l’Intimée a correctement utilisé l'article 45 et en ignorant les délais relevant de l'article 52 du Règlement;
  • - Ainsi, le conseil arbitral applique les délais reliés à une fausse déclaration à la prescription en cas de licenciement ou de congédiement, ce qui est un déni de la justice naturelle;
  • - L’article 46.01 de la Loi se divise en deux parties. D'abord le délai de prescription de trente-six mois. Dans le présent dossier, la fin d'emploi date de plus de trente-six mois;
  • - Le dernier jour de travail de l’Appelante est le 9 janvier 2009 et la réclamation de l’Intimée est datée du 19 décembre 2012, pour un total de plus de trente-six mois;
  • - Pour ce qui est de la seconde partie de l’article 46.01 de la Loi, le Tribunal a le pouvoir de rendre la décision en évaluant la situation; pour ce faire, il peut évaluer l'ensemble des frais liés à la définition des coûts administratifs;
  • - Le conseil arbitral a erré en droit et a commis un déni de justice naturel.

[11] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante:

  • - Il avait lieu d'appliquer l'article 45 de la Loi dans le dossier de l'Appelante et le délai de prescription a été respecté;
  • - Le conseil arbitral n'a pas erré dans son interprétation et son application des articles 45 et 46.01 de la Loi;
  • - L’Appelante a reçu un montant de 2007.00$ en mai 2012 représentant un préavis et une paie de vacances. Ce montant se qualifie comme étant une rémunération au sens de l'article 35(2) du Règlement et engendre ainsi une répartition de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations selon l'article 36 du Règlement;
  • - Les sommes redistribuées aux salaries suite à une entente de règlement pour régler un grief constituent une rémunération aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement si ces sommes sont directement liées à son emploi;
  • - Puisque l'Appelante avait déjà reçu des prestations d'assurance-emploi, le montant versé en guise de règlement du grief engendrait ainsi un double- paiement pour la période du 25 janvier 2009 au 8 mars 2009 créant ainsi un trop-payé de 856$. Dans cette situation, l'article 45 de la Loi prévoit que le prestataire doit rembourser le trop-payé;
  • - L'arrêt Chartier porte entres autres sur la question de la prescription applicable au remboursement de prestations par le prestataire conformément a l'article 45 de la Loi, ce qui est précisément la question en litige;
  • - Dans cette décision, la Cour d'appel fédérale a confirmé que le délai de prescription de l'article 52 de la Loi ne s'applique pas aux articles 45 et 46 de la Loi car les articles en question visent des situations différentes;
  • - En ce qui concerne la question de la prescription, la prescription applicable est celle de six ans et non de trois ans comme il a été soulevé par l'Appelante;
  • - L'article 47(1) et (3) de la Loi vient préciser que le recouvrement des sommes payables en vertu de l'article 45 de la Loi comme dans cette instance se prescrivent par 72 mois (6 ans) à compter de la date ou la créance a pris naissance;
  • - La créance a pris naissance en mai 2012, date à laquelle les sommes qui ont engendré le trop-payé ont été versées. L'Intimée a avisé l'Appelante par lettre datée du 19 décembre 2012, soit sept mois après le versement des sommes, qu'il y avait un trop-payé au dossier. La créance n'est donc pas prescrite selon la Loi;
  • - L’appel interjeté le 18 janvier 2013 a eu pour effet d'interrompre la prescription conformément à l’article 47(4) de la Loi;
  • - L'article 46.01 de la Loi ne trouve application qu'à partir du 6 janvier 2013  et seulement pour la rémunération reçue par un prestataire pour laquelle la Commission, à cette date, n'avait pas encore fait l'exercice de déterminer s'il y avait eu versement de « prestations excédentaires qui n'auraient pas été payée si, au moment où elles l’ont été, la rémunération avait été ou devait être versée ».
  • - Dans le présent dossier, cette détermination a été faite au mois de décembre 2012 soit avant même l'existence de l'article 46.01de la Loi;
  • - Si, toutefois, le Tribunal en venait à la conclusion que l’article 46.01 de la Loi s'applique en l'instance, l'Intimée soumet que bien que le délai de 36 mois (3 ans) cité à l'article 46.01 de la Loi se soit écoulé, le Tribunal devrait retourner le dossier à l’Intimée afin qu’elle puisse statuer sur le deuxième critère, soit celui faisait référence au coût administratif, puisque selon les termes employés, les deux critères sont cumulatifs et l'évaluation du coût administratif est un pouvoir discrétionnaire de l’Intimée;
  • - A la lumière des faits et du droit applicable au dossier, le conseil arbitral a rendu une décision raisonnable fondée sur la preuve présentée et la législation pertinente. L’Intimée soumet que l’Appelante n'a pas démontré que le conseil arbitral, un tribunal spécialisé clans son domaine, avait fondé sa décision sur une conclusion de faits erronés.

Normes de contrôle

[12] L’Appelante n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[13] L’Intimée soumet que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG).

[14] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[15] L’Appelante interjette appel de la décision du conseil arbitral en date du 26 avril 2013 qui a maintenu la répartition de la rémunération effectuée par l’Intimée aux termes des articles 35 et 36 du Règlement.

[16] Les faits au dossier sont simples et non contestés.

[17] L’Intimée a établi une période initiale de prestations d'assurance-emploi prenant effet le 11 janvier 2009. Le dernier jour de travail de l’Appelante chez Bechtel était le 9 janvier 2009.  L’Intimée a été avisée que l’Appelante avait reçu 2007.00 $ de la Commission des Normes du Travail à la suite d'un règlement de grief impliquant l'employeur BPR Bechtel. Le montant représente un préavis et une paie de vacances. Comme l’Appelante avait reçu des prestations, suite au versement de cette somme, un trop-payé a été créé.  Le 19 décembre 2012, l’Intimée a informé l’Appelante que le montant reçu en mai 2012 constituait une forme de rémunération et que suite à un nouveau calcul, le montant de 2007.00$ avait été réparti sur la période du 25 janvier au 8 mars 2009 engendrant ainsi un trop-payé de 856$.

[18] En appel devant le Tribunal, l’Appelante ne conteste pas la répartition de la rémunération effectuée par l’Intimée mais s’objecte vigoureusement à ce que l’Intimée puisse retourner plus de trente-six mois en arrière afin de lui réclamer un trop payé alors qu’elle n’a fait aucune fausse déclaration.

[19] Plus particulièrement, l’Appelante soutient que le conseil arbitral a erré en droit en ignorant le délai de prescription de trente-six mois prévu à l’article 52 de la Loi qui s’applique lorsqu’il n’y a pas de fausse déclaration.

[20] Les dispositions législatives pertinentes au présent dossier sont les suivantes :

«45. Lorsque le prestataire reçoit des prestations au titre d’une période et que, soit en application d’une sentence arbitrale ou d’un jugement d’un tribunal, soit pour toute autre raison, l’employeur ou une personne autre que l’employeur — notamment un syndic de faillite — se trouve par la suite tenu de lui verser une rémunération, notamment des dommages-intérêts pour congédiement abusif ou des montants réalisés provenant des biens d’un failli, au titre de la même période et lui verse effectivement la rémunération, ce prestataire est tenu de rembourser au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations les prestations qui n’auraient pas été payées si, au moment où elles l’ont été, la rémunération avait été ou devait être versée.

46.01 Aucune somme n’est à rembourser aux termes de l’article 45 ou à retenir aux termes du paragraphe 46(1), à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations, s’il s’est écoulé plus de trente-six mois depuis le licenciement ou la cessation d’emploi du prestataire pour lequel la rémunération est payée ou à payer et que, de l’avis de la Commission, le coût administratif pour la détermination du remboursement est vraisemblablement égal ou supérieur à sa valeur.

47. (1) Les sommes payables au titre des articles 38, 39, 43, 45, 46 ou 46.1 constituent des créances de Sa Majesté, dont le recouvrement peut être poursuivi à ce titre soit devant la Cour fédérale ou tout autre tribunal compétent, soit selon toute autre modalité prévue par la présente loi.

Prescription

Le recouvrement des créances visées au présent article se prescrit par soixante-douze mois à compter de la date où elles ont pris naissance.

Interruption de la prescription

(4) Tout appel ou autre voie de recours formé contre la décision qui est à l’origine de la créance à recouvrer interrompt la prescription visée au paragraphe (3).

52. (1) Malgré l’article 111 mais sous réserve du paragraphe (5), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations.

(2) Si elle décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, ou n’a pas reçu la somme pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission calcule la somme payée ou à payer, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.

(3) Si la Commission décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations auxquelles elle n’avait pas droit ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible :

a) la somme calculée au titre du paragraphe (2) est celle qui est remboursable conformément à l’article 43;

b) la date à laquelle la Commission notifie la personne de la somme en cause est, pour l’application du paragraphe 47(3), la date où la créance a pris naissance.

(4) Si la Commission décide qu’une personne n’a pas reçu la somme au titre de prestations pour lesquelles elle remplissait les conditions requises et au bénéfice desquelles elle était admissible, la somme calculée au titre du paragraphe (2) est celle qui est payable au prestataire.

(5) Lorsque la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de soixante-douze mois pour réexaminer la demande. »

[21] Est-ce que le conseil arbitral a erré en refusant d’appliquer le délai de prescription de trente-six (36) mois prévu à l’article 52 de la Loi et ce, compte tenu que l’Appelante n’a pas fait de fausse déclaration?

[22] Le Tribunal retient la décision de la Cour d’appel fédérale, Chartier c. Canada (PG), 2010 CAF 150, qui nous enseigne ce qui suit sur la question de prescription :

« [29] L'article 46 vise une situation bien différente de celle de l'article 52. Il permet à la Commission de subvenir aux besoins immédiats d'un prestataire qui a perdu son emploi, entre autres à cause de la situation financière précaire de son entreprise, même si elle sait que, dans la faillite ou la proposition d'arrangement avec les créanciers, des sommes dues au prestataire lui seront éventuellement payées. Il est bien connu que les procédures de faillite ou l'élaboration d'une proposition concordataire peuvent s'échelonner dans le temps et que les besoins d'un prestataire de subvenir à sa famille ou de se sustenter sont pressants.

[30] C'est pourquoi l'article 46 prévoit que, dans la mesure où le prestataire remplit les conditions requises pour avoir droit aux prestations (voir par exemple l'article 7 de la Loi : le terme anglais utilisé est « qualifies ») et n'est pas inadmissible à recevoir ces prestations (voir par exemple l'article 18 de la Loi : le terme anglais utilisé est « is not entitled to be paid benefits »), ce qui s'avérait le cas des demandeurs, la Commission versera des prestations, sachant qu'elle pourra récupérer les excédents versés lorsqu'une rémunération due, mais différée, sera payée.

[31] Les articles 45, 46 et 47 respectent le but et les objectifs de la Loi qui sont d'apporter un soutien matériel aux personnes affligées par la perte de leur emploi. La Loi prévoit un régime contributoire d'assurance. Elle ne vise, ne permet, ni n'encourage la réception et la rétention de prestations excédentaires. Il ne faut pas perdre de vue que le coût du régime d'assurance-emploi est supporté par les travailleurs et les employeurs. Le régime n'est ni conçu, ni administré pour l'enrichissement de certains prestataires au détriment des autres prestataires ainsi que des travailleurs et employeurs qui le financent. Il est à propos de citer un extrait de la décision de notre Cour dans l'affaire Procureur général du Canada c. Walford, A-263-78, 5 décembre 1978. À la page 4 des motifs, le juge Pratte écrit :

La Loi sur l'assurance-chômage établit un régime d'assurance en vertu duquel on accorde une protection aux prestataires contre la perte de revenu par suite du chômage. Ce régime a évidemment pour objet d'indemniser les chômeurs d'une perte; il n'a pas pour objet de verser des prestations à ceux qui n'ont subi aucune perte. Or, à mon avis, on ne peut pas dire que le chômeur que son ancien employeur a indemnisé de la perte de son salaire, a subi une perte. Une perte dont on a été indemnisé n'existe plus. La Loi et les Règlements doivent donc être interprétés, dans la mesure du possible, de manière à empêcher ceux qui n'ont subi aucune perte de revenu de réclamer des prestations en vertu de la Loi.

[32] Si, dans la poursuite des objectifs de la Loi, il est souhaitable que la Commission soit autorisée à verser des prestations aux prestataires dans le besoin tout en sachant qu'une rémunération leur sera versée plus tard et qu'il en sera à ce moment-là fait une répartition aux fins de la Loi, il est tout aussi souhaitable que ces prestataires remboursent les montants excédentaires qu'ils ont pu recevoir.  C'était là le but visé par le législateur en édictant l'article 46. Et c'est aussi la raison pour laquelle il a prévu un délai de prescription de soixante-douze (72) mois pour le recouvrement des créances, sachant que de longs délais souvent caractérisent les procédures judiciaires, les négociations d'ententes judiciaires ou hors cours ainsi que les compromis en matière de faillite ou de concordat.

[33] Par contre, l'article 52 de la Loi procède d'une toute autre prémisse, perspective et finalité. Tel que déjà mentionné, il autorise le réexamen par la Commission d'une demande de prestations alors que les articles 45 et 46 ne visent que la récupération de versements excédentaires.

(…)

[37] C'est à l'analyse des conditions de l'article 52 qu'émerge sa véritable finalité et qui distinguent son champ d'application de celui de l'article 46. L'article 52 vise une situation de fait et de droit contraire à celle de l'article 46. On se rappellera que l'obligation de l'article 46, imposée à un employeur ou autre personne, prend naissance lorsqu'un prestataire dûment qualifié et admissible reçoit des prestations qui, par la suite, sont excédentaires de celles auxquelles il avait un droit non équivoque.

[38] Or, le pouvoir de réexamen de l'article 52 s'exerce lorsque le prestataire n'était pas qualifié pour ou admissible à recevoir des prestations. Une récupération de prestations payées à un prestataire qui n'y a pas droit diffère légalement et factuellement d'une récupération de l'excédent de prestations versées à un prestataire qui y avait droit. Dans le cas premier, on ne parle pas d'excédents de prestations dues et exigibles, mais d'appropriations indues, faites de bonne ou de mauvaise foi selon les circonstances.

[39] Toujours dans le premier cas, la Commission ignore que les prestations n'étaient pas dues, sinon elle ne les aurait pas versées. Dans le deuxième cas, soit celui de l'article 46, la Commission anticipe ou sait qu'elle paie plus qu'il n'est dû, mais elle le fait pour assister le prestataire, sachant que l'employeur est tenu de faire éventuellement parvenir au Receveur général la rémunération due au prestataire pour qu'ensuite une répartition des sommes soit faite selon la Loi.

[40] Dans un cas d'application de l'article 52, un prestataire peut avoir agi et touché des prestations de bonne foi alors qu'on s'aperçoit par la suite qu'il ne rencontrait pas les critères de la Loi ou était inadmissible à recevoir ces prestations. Le législateur, dans l'intérêt public, a permis le réexamen de la demande de prestations. Mais par souci d'équité et de finalité, il a exigé que celui-ci s'effectue dans les trente-six (36) mois du moment où les prestations ont été payées ou sont devenues payables. Par contre, en cas de mauvaise foi s'exprimant par des déclarations fausses ou trompeuses, il a porté le délai à soixante-douze (72) mois.

[41] Il n'est pas question de bonne ou de mauvaise foi dans l'article 46 qui doit se lire avec l'article 45 où repose l'obligation du prestataire de rembourser les versements excédentaires de prestation lorsqu'une rémunération différée lui est versée.

[42] Enfin, contrairement à l'article 52, il n'y a pas sous l'article 46 de réexamen de la demande de prestation initiale. Celle-ci demeure telle que formulée par le prestataire, et reçue et acceptée par la Commission. Il ne découle de l'application des articles 45 et 46 qu'une opération de répartition des sommes payées et, selon le cas, une remise de sommes au prestataire ou une récupération des versements excédentaires. Pour emprunter les termes du juge-arbitre Cullen dans le CUB 37418, Pogue, 3 juin 1996 en faisant la correspondance des numéros d'articles, l'article 45 « ne concerne pas le prestataire qui est inadmissible ou exclu du bénéfice des prestations ». Il « concerne le prestataire qui est en règle avec la Commission, mais qui a simplement reçu trop de prestations ». L'article 45 « n'a pas de fonction décisionnelle comparable » à celle de l'article 52. « Au contraire, c'est plutôt une disposition administrative qui permet d'effectuer des corrections à des calculs relativement aux prestations à verser. C'est pourquoi il est possible d'invoquer l'article 45 sans se fonder sur le paragraphe 52(1) ». Il en va de même pour l'article 46.

(…)

[49] Je suis d'accord avec le juge-arbitre Cullen dans l'affaire Pogue, précitée, que des calculs au terme des articles 45 et 46 peuvent être effectués en tout temps lorsqu'une raison comme celles énumérées à ces articles le justifie : voir la page 3 des motifs de la décision. Et par calculs, il faut également entendre la répartition qui les fonde.

[50] En somme, le juge-arbitre n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a conclu que le délai de prescription de l'article 52 ne s'applique pas au recouvrement des créances de l'article 46. »

(soulignement du soussigné)

[23] Le Tribunal se doit d’appliquer cet enseignement de la Cour d’appel fédérale aux faits du présent dossier.

[24] L’Intimée a été informée qu’une entente de règlement de griefs était intervenue entre l’Appelante et son employeur et qu’elle avait reçu un montant représentant un préavis et une paie de vacances. Il s’agit spécifiquement d’une raison comme celles énumérées aux articles 45 et 46 de la Loi qui permet d'effectuer des corrections à des calculs relativement aux prestations à verser.

[25] Dans ces circonstances, la Loi a prévu un délai de prescription de soixante-douze (72) mois pour le recouvrement des créances, sachant que de longs délais souvent caractérisent les procédures judiciaires, les négociations d'ententes judiciaires ou hors cours et ce, même si le prestataire est de bonne foi.

[26] Par conséquent, le Tribunal en vient à la conclusion que le conseil arbitral n’a pas commis d'erreur lorsqu'il a conclu que le délai de prescription de trente-six mois prévu à l’article 52 de la Loi ne s'appliquait pas au recouvrement des créances de l'article 45.

[27] L’Appelante soutient également que le conseil arbitral a erré en droit en refusant d’appliquer la prescription de trente-six mois prévue au nouvel article 46.01 de la Loi.  Il plaide que cet article est en vigueur depuis le 29 juin 2012 et doit donc recevoir application dans le présent dossier.  Il soutient qu’un décret ministériel ne peut outrepasser la mise en vigueur de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable qui a reçu la sanction royale le 29 juin 2012.

[28] L’Intimée est plutôt d’avis que l’article 46.01 de la Loi ne trouve application qu’à partir du 6 janvier 2013 en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et de l’ordre du Gouverneur en conseil SI/2012-98.

[29] L’article 5.(2) de la Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I-21) prévoit que, sauf disposition contraire y figurant, la date d’entrée en vigueur d’une loi est celle de sa sanction royale.

[30] En l’espèce, la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable a reçu la sanction royale le 29 juin 2012.  Cependant, l’article 691 de cette loi prévoit spécifiquement que les articles 605 et 607, qui vise notamment l’application de l’article 46.01 de la Loi, entrent en vigueur seulement à la date fixée par décret.

[31] Le 29 novembre 2012, le Gouverneur général en conseil a effectivement fixé au 6 janvier 2013 la date d’entrée en vigueur des articles 605 et 607 de cette loi.  L’article 46.01 de la Loi trouve donc application à partir du 6 janvier 2013 en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et de l’ordre du Gouverneur en conseil SI/2012-98.

[32] L’article 5.(4) de la Loi d’interprétation précitée prévoit spécifiquement la possibilité de reporter la date d’entrée en vigueur d’une disposition malgré que la loi ait reçu la sanction royale.

[33] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que le conseil arbitral n’a pas erré en refusant d’appliquer l’article 46.01 de la Loi puisque cette disposition n’était pas en vigueur lors de la décision de l’Intimée en date du 19 décembre 2012 de réclamer les versements excédentaires de prestation de l’Appelante.

Réponses aux questions en litige

[34] Le conseil arbitral n’a pas erré en exigeant le remboursement selon les termes de l'article 45 de la Loi.  Il a rendu une décision correcte quant à la prescription applicable au présent dossier.  À la lumière des faits au dossier, la décision du conseil arbitral est raisonnable et conforme à la législation et à la jurisprudence.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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