Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La décision du conseil arbitral est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

Introduction

[2] Le 10 avril 2013, un conseil arbitral (le conseil) a accueilli l’appel interjeté par l’intimée à l’encontre d’une décision antérieure de la Commission.

[3] En temps utile, la Commission a déposé une demande d’autorisation d’interjeter appel auprès de la division d’appel, et l’autorisation d’appel a été accordée.

[4] Le 16 juin 2015, une audience par téléconférence a été tenue. La Commission y a participé, et elle a présenté des observations. L’intimée a communiqué par écrit avec le Tribunal pour dire que [traduction] « malheureusement, il y a eu un empêchement » et qu’elle n’assisterait pas à l’audience. Comme elle n’a pas demandé un ajournement et qu’elle avait clairement reçu l’avis de l’audience, j’ai instruit l’appel en son absence.

Droit applicable

[5] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), il est indiqué que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Comme l’a établi antérieurement la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Jewett 2013 CAF 243 et Chaulk c. Canada (Procureur général) 2012 CAF 190 ainsi que dans plusieurs autres affaires, la norme de contrôle applicable aux questions de droit et de compétence se rapportant aux appels en matière d’assurance‑emploi est celle de la décision correcte, alors que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit concernant ces appels est celle de la décision raisonnable.

Analyse

[7] La présente affaire porte sur l’application du droit et de la jurisprudence concernant le départ volontaire.

[8] La Commission a interjeté appel de la décision du conseil sur la base que celui‑ci a ignoré la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale ainsi que les éléments de preuve non contestés pour déterminer que l’intimée était fondée à quitter son emploi.

[9] L’intimée n’a fait aucune observation substantielle concernant cet appel.

[10] Dans sa décision, le conseil a conclu que l’intimée [traduction] « aurait continué de travailler chez [son employeur] si elle n’avait pas eu à faire son dernier trimestre [scolaire] de façon condensée pour le terminer plus rapidement afin de travailler comme enseignante suppléante ». Le conseil a aussi estimé que l’intimée avait [traduction] « une assurance raisonnable de travail comme enseignante suppléante dans un avenir immédiat ». Le conseil a ensuite accueilli son appel sur la base qu’elle avait [traduction] « épuisé toutes les solutions raisonnables et était fondée » à quitter son emploi.

[11  ]Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi « sans justification ».

[12] La Cour d’appel fédérale a traité à de nombreuses reprises la question de départ volontaire ayant pour motif des études. La décision Canada (Procureur général) c. Côté, 2006 CAF 219, est représentative de cette jurisprudence lorsqu’elle indique qu’une personne qui quitte son emploi pour poursuivre des études non autorisées par la Commission n’est pas « justifiée » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] Dans Canada (Procureur général) c. Martel, A-1691-92, la Cour a affirmé que la raison d’être de ce jugement est la suivante :

L’employé qui quitte volontairement son emploi aux fins de suivre un cours de formation qui n’est pas autorisé par la Commission a certes, sur le plan personnel, un excellent motif pour agir. Mais il nous paraît contraire aux principes mêmes qui sont à la base du système d’assurance-chômage que cet employé puisse faire supporter par les contribuables à la caisse le poids économique de sa décision.

[14] L’intimée a affirmé dans sa demande initiale de prestations qu’elle a quitté son emploi pour terminer ses études. Aucun élément de preuve ne suggère qu’elle avait l’autorisation de la Commission pour le faire. Malgré cela, le conseil a estimé qu’elle était fondée à le faire, car elle avait l’assurance raisonnable d’obtenir un autre emploi dans un avenir immédiat.

[15] Cette conclusion reposait sur une lettre d’un directeur d’école dans laquelle ce dernier affirmait que [traduction]  « puisque [l’intimée] a terminé son stage à notre école, elle avait plus de chance d’être embauchée par nous que les autres candidats qui ne connaissaient pas notre école ».

[16] En toute déférence, rien ne permet de conclure que cette lettre constitue l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Je note qu’il n’y a eu aucune offre d’emploi réelle, et qu’un tel emploi potentiel serait possible uniquement une fois les études de l’intimée complétées.

[17] J’estime que l’intimée n’avait pas l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat. Le fait que l’intimée a bel et bien trouvé un tel emploi par la suite n’est pas pertinent.

[18] Comme l’a indiqué la Cour dans Canada (Procureur général) c. Lessard, 2002 CAF 469, le fait de ne pas comprendre correctement le sens d’« assurance raisonnable » et d’« avenir immédiat » constitue une erreur de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[19] Je note aussi que comme l’a établi la Cour dans Canada (Procureur général) c. Bell, 2013 CAF 155, le fait que le conseil n’a pas appliqué la jurisprudence établie rend sa décision déraisonnable.

[20] J’estime qu’un examen de la preuve au dossier ne permet qu’une seule conclusion : l’intimée a quitté son emploi pour terminer ses études plus rapidement, contrairement à la jurisprudence précitée. Cette conclusion est amplement étayée par les déclarations de l’intimée qui ne sont pas contestées, et elle est la même que celle du conseil (nonobstant leurs décisions finales).

[21] Par conséquent, en me fondant correctement sur la jurisprudence de la Cour, je peux uniquement conclure que l’intimée n’a pas démontré qu’elle était « fondée » à quitter son emploi et que le conseil a commis une erreur en concluant autrement.

[22] Puisque j’ai tiré cette conclusion, l’intimée ne peut pas profiter des heures assurables obtenues dans le cadre de l’emploi qu’elle a quitté volontairement. Sans ces heures, elle n’a pas suffisamment d’heures d’emploi assurable pour avoir droit à des prestations.

[23] La décision du conseil ne peut pas être maintenue.

Conclusion

[24] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli. La décision du conseil arbitral est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

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