Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur P. G., était présent à l’audience.

[2] Les autres parties n’étaient pas représentées.

[3] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience En personne pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que la crédibilité puisse être une question déterminante.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  3. Le fait que plus d’un participant, tel un témoin pourrait être présent.
  4. Ce mode d’audience est celui qui permet le mieux de répondre aux besoins d’adaptation des parties.

Introduction

[4] Dans ce dossier, la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a imposé une inadmissibilité à compter du 10 novembre 2014 au 6 février 2015 en concluant que l’appelant était impliqué dans l’exploitation d’une entreprise et n’était pas en chômage et ce, conformément aux articles 9 et 11 de la Loi sur l’Assurance-emploi (la Loi) et à l’article 30(1) du Règlement sur l’assurance-emploi (le Règlement).

[5] Cette décision a généré un trop payé de 2 591$.

[6] L’appelant a fait une demande de révision. La décision initiale a été maintenue le 25 mars 2015.

[7] L’appelant a interjeté appel au Tribunal de la sécurité sociale le 17 avril 2015

Question en litige

[8] Le  Tribunal doit déterminer si l’appelant était en chômage et si l’inadmissibilité imposée conformément aux articles 9 et 11 de la Loi et de l’article 30 du Règlement est justifiée.

Droit applicable

[9] Article 9 de la Loi:

Lorsqu'un assuré qui remplit les conditions requises aux termes de l'article 7 ou 7.1 formule une demande initiale de prestations, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité avec la présente partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.

[10] Définition d’une semaine de chômage : Paragraphe 11(1) de la Loi.

Il s’agit d’une semaine où le prestataire n’effectue pas une semaine entière de travail.

[11] Pour trancher la question de savoir si les activités que menait l’appelant pour son propre compte constituaient une semaine entière de travail, il faut se référer aux dispositions de l’article 30 du Règlement, et plus particulièrement aux paragraphes suivants :

[12] Le paragraphe 30(1) du Règlement illustre la présomption d’une semaine entière de travail effectuée par les travailleurs indépendants:

Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite à une entreprise, soit à son compte, soit à titre d’associé ou de co-intéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.

[13] Le paragraphe 30(2) du Règlement quant à lui est une exception permettant de renverser la présomption de la semaine entière de travail si l’exercice de l’emploi ou l’exploitation de l’entreprise se fait dans une mesure si limitée qu’elle ne constitue pas normalement le moyen principal de subsistance d’une personne :

Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.

[14] Les facteurs à prendre en considération pour évaluer qu’est-ce qu’une mesure si limitée sont contenus au paragraphe 30(3) du Règlement qui prévoit que :

Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :

  1. a) le temps qu’il y consacre;
  2. b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis :
  3. c) la réussite ou l’échec financier de l’emploi ou de l’entreprise;
  4. d) le maintien de l’emploi ou de l’entreprise;
  5. e) la nature de l’emploi ou de l’entreprise;
  6. f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher sans tarder un autre emploi;

Preuve

Preuve au dossier

[15] L’appelant a établi une demande de prestations d’assurance-emploi à compter du 8 juin 2014 (pages GD3-3 à GD3-10).

[16] Apprenant que l’appelant avait enregistré une entreprise 9312-5623 Québec Inc/ Impact Signalisation (Impact Signalisation), la Commission a amorcé une enquête (pages GD3-11 à GD3-19).

[17] L’appelant a confirmé que la date de constitution de son entreprise était le 6 novembre 2014, mais qu’elle n’était pas en activité. Il en est l’unique propriétaire. Il s’agit d’une entreprise en signalisation de chantiers routiers. Il a acheté du matériel de signalisation, un véhicule de marque Volvo et un Dodge Ram le 18 décembre 2014. Le 19 décembre, il a acheté des fournitures de bureau et finalisé des ententes concernant le financement de cette entreprise.

[18] L’appelant a obtenu un prêt de 135 000$, remboursable sur 5 ans et garanti par hypothèque immobilière sur les équipements et le matériel roulant ainsi que le cautionnement personnel. Il détient une marge de crédit de 50 000$, garantie par les inventaires et les comptes à recevoir ainsi que le cautionnement personnel, une carte de crédit Master Card de 15 000$ ainsi qu’un prêt pour fonds de roulement de 75,000$, remboursable sur 5 ans et garanti par cautionnement personnel. L’appelant a également ouvert un compte commercial. Il en est le signataire ainsi que Monsieur L. S., qui est un investisseur sans droit de regard.

[19] En plus de répondre au questionnaire, l’appelant a fourni à la Commission plusieurs documents que nous retrouvons de la page GD3-20 à GD3-88 notamment; le certificat de constitution de sa compagnie, l’avis de confirmation à la TPS et TVQ, le bail commercial ainsi que des différents documents relatifs à l’investissement et à sa participation au programme de Soutien au travail autonome.

[20] L’appelant a déclaré qu’il avait consacré environ 3 heures par jour au démarrage de son entreprise, travaux qu’il effectuait entre 6h00 et 9h00 du matin pour une période d’environ 1 mois. Par la suite, il a consacré environ une dizaine d’heures étalées sur une période de 2 mois pour faire la présentation de son projet aux institutions de financement. Sa planification était d’être en activité pour le mois de mars 2015.

[21] Concernant le démarrage de son entreprise, l’appelant a déclaré qu’il s’est présenté le 21 octobre à Emploi-Québec pour s’inscrire au Programme de soutien au travail autonome. Il a été référé à un responsable d’Innovation et Développement économique Trois-Rivières (IDE Trois-Rivières) afin d’évaluer son admissibilité. Ayant reçu une confirmation écrite, il a par la suite complété son admission à ce programme avec Emploi Québec le 29 octobre 2014. Son admission devait être ratifiée et finalisée le 5 février 2015.

[22] Concernant ses recherches d’emploi antérieures, l’appelant a déclaré qu’il ne se considérait pas comme un travailleur autonome et recherchait activement de l’emploi. L’appelant a fourni à la Commission la liste de ses recherches d’emploi que nous retrouvons en pages GD3-30, 33 et 89.

[23] D'après les faits au dossier, la Commission avait conclu initialement que l’appelant était impliqué dans l’exploitation d’une entreprise et a conclu qu’il n’exploitait pas cette entreprise dans une mesure si limitée. La Commission avait aussi conclu que l’appelant n’était pas disponible pour travailler pendant la mise sur pied de cette entreprise. La Commission a avisé l’appelant qu’il n’avait pas démontré être en chômage et elle a imposé une inadmissibilité à compter du 10 novembre 2014, et ce, conformément aux articles 9 et 11 de Loi et à l’article 30(1) du Règlement (pages GD3-121 à GD3-122).

[24] A la suite de la demande de révision, la Commission a modifié sa décision initiale. L’inadmissibilité a été maintenue mais circonscrite à compter du 10 novembre 2014 jusqu’au 6 février 2015, date à laquelle l’appelant a été admis au Programme de soutien du travail autonome. Cette décision révisée ne fait plus état de la disponibilité de l’appelant (pages GD3- 132 et GD3-133)

Preuve de l’appelant à l’audience

[25] Il est âgé de 62 ans et a travaillé comme banquier de 1972 à 1992. Par la suite, il a œuvré à des postes de gestion pour différentes entreprises, notamment dans le domaine de la signalisation routière.

[26] Après la perte de son emploi, il a recherché de l’emploi activement, mais sans succès. Il a alors décidé de démarrer sa propre entreprise dans le domaine de la signalisation routière

[27] Il a rencontré la personne responsable chez IDE Trois-Rivières le 29 octobre 2014. Cette personne, madame H. a signé la lettre d’acceptation de son projet en le recommandant à Emploi Québec comme participant au programme de Soutien au travail autonome.

[28] Il a rencontré le comité le 5 février 1995 et a été accepté formellement sur le programme. Le comité de novembre était complet et il ne siégeait pas en janvier.

[29] Il a toujours été un lève-tôt et avait constitué son plan d’affaires le matin entre 6 heures et 9 heures. Par la suite, il a consacré en moyenne 10 heures par semaine à la mise sur pied de son entreprise.

[30] Il ne se versait aucun salaire et ne tirait aucun revenu de son entreprise. Les premiers contrats sont survenus en avril 2015.

[31] A part le matériel roulant (les camions et autos), le reste du matériel a été livré en février 2015.

[32] Il a fait plusieurs recherches d’emplois au cours de sa période de prestations. Il était inscrit sur des sites de recherches d’emploi comme Workopolis, Endeen, Monster et sur le site d’Emploi- Québec. Il a aussi utilisé ses contacts personnels auprès d’entrepreneurs et recherché de l’emploi chez Costco, Korvette et IGA. S’il avait trouvé un emploi, il l’aurait accepté.

Arguments des parties

[33] L’appelant a fait valoir que :

  1. Lorsqu’il a perdu son emploi à 61 ans, il a constaté les difficultés à retrouver de l’emploi à cet âge. Il a décidé de démarrer sa propre entreprise au cas où ses recherches sur le marché du travail continueraient d’être vaines ;
  2. il a toujours déclaré que son entreprise avait été enregistrée en novembre 2014, mais il n’y a avait aucune activité en cours. Il a fait le minimum requis pour être prêt à démarrer son entreprise s’il était accepté par Emploi Québec au programme de Soutien au travail autonome ;

[34] L’intimée a soutenu que :

  1. dans le présent dossier, la Commission en est venue à la conclusion que l’appelant était un exploitant d’entreprise ;
  2. afin de déterminer si le travail autonome de l’appelant s'exerçait dans une mesure limitée ou non, la Commission a appliqué le test objectif en vertu du paragraphe 30(2) du Règlement aux six facteurs énumérés au paragraphe 30(3) du Règlement;
    1. Temps consacré :
      1. Le prestataire affirme avoir consacré trois (3) heures par jour, de 6h00 à 9h00, pour faire le montage des prévisions financières sur une période d’environ un (1) mois. Par la suite, c’est un total d’environ dix (10) heures étalées sur une période de deux (2) mois pour faire la présentation du dossier aux institutions financières afin d’obtenir les approbations. Il a suivi des formations, mais de fin de semaine.
      2. A compter du 9 février 2015, date à laquelle a débuté le projet de Soutien au travail autonome (STA), le prestataire a commencé à consacrer tout son temps à l’entreprise (GD3-31 et GD3-130).
    2. Nature et montant du capital et autres ressources investies :
      1. Prêt aux petites et moyennes entreprises : 135 000$, marge de crédit : 50 000$, Master Card : 15 000$, Banque Nationale du Canada : 75 000$ et capitaux propre 100,000$ (GD3-31).
    3.  Réussite ou l’échec financier de l’emploi ou de l’entreprise :
      1. Les opérations débuteront en mars 2015 mais un échec mettrait la situation financière du prestataire en difficulté. Le prestataire a hypothéqué sa maison. Le prestataire affirme qu'il a entrepris les démarches financières à l'automne, car il voulait s'assurer que tout allait être en place pour le début de son projet avec Emploi-Québec qui était prévu commencer au début février 2015 et qui a bien commencé le 09 février 2015 (GD3-32 et GD3-130).
    4.  Maintien de l’emploi ou de l’entreprise :
      1. Le 29 octobre2014, le prestataire signe une entente pour le programme de Soutien au travail autonome (STA) avec Emploi-Québec (GD3-82 à GD3-85);
      2. le 6 novembre 2014, il enregistre son entreprise auprès du Registraire des entreprises du Québec (GD3-104 à GD3-107);
      3. le 6 novembre 2014 également, un certificat de constitution lui est émis (GD3-34) et le prestataire se fait confirmer son inscription au fichier de TPS/TVH et au fichier de TVQ, le tout en vigueur au 06 novembre 2014(GD3-35 et GD3-37);
      4. le 17 novembre 2014, le prestataire signe un bail d’une durée de trois (3) ans à raison de 1 650$ par mois sauf pour la période du 24 novembre 2014 au 31 décembre 2014 où il reçoit gratuité afin de lui permettre de procéder à l’aménagement des lieux loués et bien partir son commerce. L’énergie est à la charge des locateurs dès la prise de possession (GD3-38 à GD3-52);
      5. le 4 décembre 2014, la Régie du Bâtiment du Québec (RBQ) lui émet une licence (GD3-108);
      6. le 12 décembre 2014, bien que la livraison ne soit prévue qu’en février 2015, le prestataire place une commande d’équipement d’une valeur de 46 136,70$ (GD3-109 à GD3-111);
      7. le 18 décembre 2014, le prestataire fait l’acquisition d’un camion Volvo au coût de12 000$ (GD3-112);
      8. le 19 décembre 2014, le prestataire effectue des achats d’équipement de bureau chez Fournitures de bureau Denis au coût de 1 719,94$ (GD3-113);
      9. le 22 décembre 2014, le prestataire fait l’acquisition d’un camion Dodge au coût de 3 500$ (GD3-114);
      10. Finalement, le 9 janvier 2015, il a commencé à envoyer des courriels à des clients potentiels affichant le logo de l’entreprise de laquelle il se présente comme étant le directeur général (GD3-115 à GD3-120).
    5.  Nature de l’emploi ou de l’entreprise :
      1. L’appelant a toujours travaillé dans le domaine de la gestion. Il possède de l’expérience dans le domaine de la signalisation routière.
    6. L'intention et la volonté de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi :
      1. Le prestataire confirme que jusqu'au 8 février 2015, il était prêt et disponible à travailler pour un employeur à titre de salarié. Bien qu'il n'ait pas fait d'application concrète chez des employeurs après le mois de juillet 2014, il recevait quotidiennement les alertes emploi de différents sites internet. Aucun emploi annoncé ne convenait à ses compétences et connaissances. Le prestataire dit avoir parlé avec des employeurs, avoir démontré un intérêt pour du travail de façon verbale, mais personne n'était prêt à l'embaucher et il n'a pas gardé les noms ni les dates de ses démarches, ignorant qu’il devait le faire. S’il avait obtenu une offre d’emploi, il aurait accepté cet emploi jusqu’au 8 février 2015 et aurait par la suite démissionné afin de se consacrer à son entreprise.
  3. Lorsque considérés objectivement, tous les 6 facteurs mènent au constat que l’implication du prestataire dans son entreprise est celle d’une personne qui dépendrait normalement sur ce niveau de travail indépendant comme principal moyen de subsistance. Bien que le prestataire déclare qu’il n’a consacré que peu d’heures au démarrage de son entreprise depuis le 10 novembre 2014 et qu’il demeurait disponible pour un emploi de salarié, son implication financière est très importante.
  4. De plus, les faits démontrent que le prestataire mettait tous les efforts nécessaires afin que son entreprise soit prête pour le début de sa mesure de soutien par Emploi-Québec pour le début février. Dès le mois de novembre 2014, le prestataire était engagé dans son projet. L’obtention de financement important, la signature du bail, l’achat de matériel, la recherche de contrats et l’intention du prestataire de se créer son propre emploi démontrent que le prestataire était fortement impliqué dans le démarrage de son entreprise et n’était pas en chômage. En conséquence, le prestataire n’a pas réfuté la présomption qu’il n’était pas en chômage parce qu’il ne rencontre pas l’exception du paragraphe 30(2) du Règlement.

Analyse

[35] La Cour fédérale a réaffirmé que le facteur le plus important et le plus pertinent pour déterminer si le prestataire travaille une semaine entière de travail était le temps consacré suivi par la volonté du prestataire de chercher un emploi et d’accepter immédiatement un autre emploi (Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240; Charbonneau c. Canada (PG), 2004 CAF 61; Marlowe c. Canada (PG), 2009 CAF 102).

[36] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel le paragraphe 30(2) du Règlement annulera l’application du paragraphe 30(1) du Règlement, si le prestataire peut démontrer que le niveau d’implication dans l’exploitation de son entreprise, considérée objectivement à la lumière des six facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement, est si peu que le demandeur ne devrait normalement pas se prévaloir de ce niveau d’engagement en tant que principal moyen de subsistance (Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240).

[37] Dans ce dossier, l’appelant ayant perdu son emploi et constatant qu’il ne réussirait pas à se replacer sur le marché du travail a décidé de mettre sur pied sa propre entreprise. Toutefois, il soutient que le temps consacré au démarrage de son entreprise était minime et que pendant sa période de prestations il était en chômage, disponible à travailler, recherchait de l’emploi et aurait été disposé à accepter un emploi.

[38] La jurisprudence pertinente indique très clairement que les 6 facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement, doivent être pris en considération afin de déterminer si l’exception prévue au paragraphe 30(2) du Règlement s’applique. Les plus importants sont, en tout premier lieu, le temps que le prestataire consacre à son entreprise et ensuite, l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.

[39] Dans l’arrêt de la Cour fédérale PG c. Alfred J. Jouan A-366-94, sur le temps consacré par le prestataire dans une entreprise, on peut lire à la page 5 :

C’est d’ailleurs la démarche qu’impose le bon sens. Quelle que soit l’importance des autres facteurs en jeu (qu’il s’agisse des capitaux investis, de la réussite de l’entreprise ou encore de la durée de celle-ci), ces autres éléments n’ont pas de pertinence propre, car, dans chaque cas, la conclusion dépendra directement et nécessairement du temps consacré, car la seule chose qui nous intéresse en l’occurrence c’est de travailler une semaine entière.

[40] C’est en vertu des principes dégagés par la jurisprudence que le Tribunal statuera sur ce dossier.

[41] J’ai examiné la preuve au dossier. Il apparaît que l’appelant à toujours fait preuve d’une grande transparence en dévoilant ses activités et ses projets de démarrage d’entreprise. D’ailleurs la Commission en page GD4-8 le reconnaît et je la cite textuellement : de prime abord, la Commission voudrait préciser que la narration du prestataire a été claire et concise sur la chronologie des événements survenus et liés au démarrage de son entreprise et qu’il est tout à fait crédible quand il mentionne qu’il a fourni tous les documents qu’il avait en sa possession. Il ne fait aucun doute également que le prestataire a répondu au meilleur de sa connaissance lorsqu’il a complété ses déclarations du prestataire et lors des divers entretiens qu’il a eus avec la Commission et celle-ci ne doute aucunement de son honnêteté.

[42] D’emblée, en regard de l’honnêteté et de la transparence dont a fait preuve l’appelant, je partage l’avis exprimé par la Commission. A l’audience, l’appelant s’est exprimé avec clarté et précision. Il m’apparait que l’appelant est un homme posé, structuré, désireux de collaborer afin d’éclaircir son dossier. J’ai apprécié son témoignage et je note qu’il concorde en tous points avec ses déclarations au dossier. J’accorde à l’appelant toute crédibilité quant à ses explications concernant ses efforts pour se retrouver de l’emploi, ses démarches de démarrage d’entreprise, le temps qu’il y a consacré et les montants de ses investissements.

[43] En regard des facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement, je disposerai d’abord de l’examen des facteurs autres que le temps consacré et la volonté de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi. Il s’agit notamment de la nature et montant du capital et autres ressources, de la réussite ou de l’échec financier de l’entreprise, du maintien de l’emploi ou de l’entreprise ainsi que de la nature de l’emploi ou de l’entreprise.

[44] Nature et montant du capital investi : Je remarque que l’appelant a toujours déclaré qu’il avait démarré son entreprise, car il ne se trouvait pas d’emploi. Ceci n’est pas contesté. Je note aussi que l’enregistrement de son entreprise s’est fait en novembre 2014 et que les principaux montants investis se situent en décembre 2014 soit après que l’appelant ait reçu une recommandation de la part d’IDE Trois-Rivières pour le programme de Soutien au Travail autonome, cette rencontre ayant eu lieu le 29 octobre 2014. La preuve démontre que l’appelant a graduellement investi dans son projet de démarrage d’entreprise, au fur et à mesure que ses approches avec IDE Trois-Rivières et Emploi Québec se concrétisaient.

[45] La réussite ou échec financier de l’entreprise : il est évident que l’appelant souhaite que son projet d’entreprise soit couronné de succès. Le cas contraire serait étonnant. Mais cela ne prouve pas pour autant qu’il ne fût pas au chômage au sens de la Loi avant le début de son admission au STAU (soutien du travailleur autonome) avec Emploi Québec en début février.

[46] Le même raisonnement s’applique lorsqu’il s’agit de considérer le maintien de l’emploi ou sa nature.

[47] Lorsqu’on examine la notion d’être en chômage, on ne peut présumer qu’à titre de propriétaire d’entreprise, l’appelant est un travailleur indépendant ou qu’il exploite une entreprise sans examiner également s’il ne peut se prévaloir de l’exemption énoncée au paragraphe 30(2) du Règlement.

[48] Dans Martens, Henry c Canada(P.G.) A-256-07 on peut lire au paragraphe 43 : On doit garder en mémoire que les facteurs prévus au paragraphe 30(3) doivent être examinés dans le contexte du paragraphe 30(2). Ce test exige un examen objectif de la question de savoir si l’intensité du travail indépendant ou de l’exploitation d’une entreprise est telle qu’une personne pourrait normalement en faire son moyen principal de subsistance.

[49] Je note qu’au cours de la période en litige, soit du 10 novembre 2014 au 6 février 2015, l’entreprise ne générait aucun revenu. Cette entreprise n’était pas en activité au sens où aucun travail n’était contracté. Cette phase de démarrage s’est faite graduellement et n’exigeait pas de travail à temps plein. De plus, l’appelant ne touchait aucun revenu ou salaire de l’entreprise en devenir.

[50] En vertu de ce qui précède, il m’apparaît qu’il n’aurait pas été normal ou raisonnable que l’entreprise de l’appelante puisse constituer son principal moyen de subsistance pendant sa période de prestations.

[51] En regard du temps consacré, j’estime que l’appelant a toujours été conséquent dans ses déclarations. Il a affirmé consacrer environ 3 heures par jour le premier mois et par la suite une dizaine d’heures en moyenne à son projet. Son expérience de travail dans le domaine de la signalisation et ses compétences en administration ont été prouvées. Rien ne contredit le fait que l’appelant consacrait ses débuts de journée et ses temps libres au démarrage de son entreprise. J’estime réaliste l’estimé du temps limité que l’appelant ait consacré ait ce projet de novembre 2014 à février 2015.

[52] J’ai aussi examiné les quelques courriels échangés entre l’appelant et ses contacts d’affaires qui représentaient des clients potentiels, documents que nous retrouvons en pages GD3-115 à GD3-120. J’estime plausible que l’appelant disposait du réseau de contacts nécessaire pour cibler et approcher des clients ainsi que des connaissances requises pour faire le suivi administratif sans y consacrer des semaines entières de travail. Au cours la période en litige, l’appelant n’a pas fait d’autre publicité ou consacré d’autres efforts pour faire connaître ses nouveaux services. Encore là, je retiens l’estimation de l’appelant quant aux nombres d’heures en moyenne qu’il consacrait au démarrage de son entreprise et\ou au démarchage de futurs clients.

[53] Le dernier facteur à considérer est celui de l’intention et de la volonté d’un prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi. A l’audience, l’appelant a réitéré qu’il avait recherché de l’emploi. Il utilisait pour ce faire principalement des sites de recherches d’emploi et son réseau de contacts. Il aurait accepté, dit-il, sans tarder un emploi et ce, jusqu’au 8 février 2015 date à laquelle il a été accepté au STAU (soutien du travailleur autonome).

[54] J’ai écouté les explications de l’appelant en regard des difficultés rencontrées pour se retrouver un emploi à 62 ans. J’arrive à la conclusion qu’il avait l’intention et la volonté de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi. Malheureusement, cela ne s’est pas produit.

[55] Dans Lemay (A-662-97) et Turcotte (A-664-97), la Cour a maintenu que lorsqu’un prestataire exploite une entreprise, c'est à lui qu'incombe de réfuter la présomption selon laquelle il a effectué une semaine entière de travail

[56] À la lumière des faits et des arguments présentés, le Tribunal conclut que l’exception prévue au paragraphe 30(2) du Règlement s’applique. Dans ce dossier, l’appelant a démontré que la mise sur pied et l’exploitation de l'entreprise se faisaient dans une mesure si limitée qu’elle ne constituait pas normalement son moyen principal de subsistance. De ce fait, il n’est pas censé y travailler une semaine entière. L’appelant a rencontré son fardeau de preuve pour réfuter la présomption selon laquelle il a effectué une semaine entière de travail.

[57] Le Tribunal conclut que l’appelant était en état de chômage du 10 novembre 2014 au 6 février 2015. De ce fait, l’inadmissibilité imposée ne s’applique pas.

Conclusion

[58] L’appel est accueilli sur la question en litige, soit l’imposition d’une inadmissibilité, conformément aux articles 9 et 11 de la Loi et de l’article 30 du Règlement. Découlant de cette décision, aucun trop payé n’est applicable.

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