Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision rendue par la division générale le 1er août 2014 est annulée, et l’appel de l’intimé devant la division générale est rejeté.

Introduction

[2] Le 1er août 2014, la division générale du Tribunal a établi ce qui suit :

  • - L’intimé était fondé à quitter son emploi, au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »).

[3] L’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 21 août 2014. La division d’appel a accordé la permission d’en appeler le 19 mars 2015.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • - La complexité des questions faisant l’objet de l’appel.
  • - Le fait que la crédibilité des parties ne devrait pas être une question déterminante.
  • - L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des renseignements additionnels.
  • - L’exigence prévue par le Règlement du Tribunal de la sécurité sociale de tenir l’instance de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelante, représentée par Rachel Paquette, et l’intimé étaient présents à l’audience.

Droit applicable

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’elle a conclu que l’intimé était fondé à quitter son emploi, au titre des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’appelante fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • - Elle ne conteste pas la décision de la division générale à l’égard de la question de la disponibilité. Elle soutient cependant que la division générale a commis une erreur en concluant que l’intimé n’avait pas quitté volontairement son emploi et, par conséquent, en accueillant l’appel concernant la question du départ volontaire.
  • - Il importe peu que l’employeur ait communiqué ou non avec l’intimé pour lui offrir un nouveau quart de travail, car c’est ce dernier, et non l’employeur, qui a entamé la cessation d’emploi.
  • - La Cour d’appel fédérale a soutenu qu’un employé qui informe son employeur qu’il ne peut plus être aussi disponible qu’il l’était auparavant demande à ce dernier de mettre fin à son contrat d’emploi, si l’employeur ne peut accepter la disponibilité réduite de l’employé.
  • - En l’espèce, l’intimé a remis une lettre dans laquelle il confirme qu’une fois qu’il aura commencé ses études, il ne pourra plus travailler selon un quart de travail de jour, même si son employeur lui avait déjà confirmé qu’il ne pouvait pas accepter sa demande.
  • - Le congédiement n’est donc que la sanction de la cause réelle de la perte d’emploi, c’est‑à‑dire la décision de l’employé de poursuivre ses études dans des conditions qui ne lui permettent pas d’être aussi disponible qu’auparavant.
  • - Une fois qu’il a été établi que le départ était volontaire, le prestataire doit satisfaire au critère juridique prévu à l’alinéa 29c) de la Loi relativement à un départ volontaire, c’est‑à‑dire qu’il doit démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances.
  • - Une application correcte du critère juridique aux faits de la présente affaire mène à la conclusion raisonnable qu’il n’y a aucune justification, aux termes de l’alinéa 29­c) de la Loi. L’intimé peut donc être exclu du bénéfice des prestations, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi. Une solution raisonnable qui s’offrait à lui était qu’il demeure aussi disponible qu’auparavant afin de garder son emploi.
  • - L’intimé a probablement pris une bonne décision, sur le plan personnel, en décidant de ne pas laisser passer cette occasion d’améliorer ses conditions de vie et de faire progresser sa carrière, mais la Cour d’appel fédérale confirme que le fait de quitter volontairement son emploi pour poursuivre des études ne constitue pas une « justification ».
  • - Il existe une jurisprudence abondante et constante selon laquelle, lorsque le prestataire accorde la priorité à ses études, la perte d’emploi qui en découle constitue un choix personnel qui n’équivaut pas à une justification; dans un tel cas, un prestataire ne peut faire supporter par les contribuables à la caisse le poids économique de sa décision.
  • - La division générale a commis une erreur et demande que la division d’appel rende la décision qui aurait dû être rendue, conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[9] L’intimé invoque les arguments suivant contre l’appel :

  • - Avant d’être congédié, l’intimé travaillait de 14 h à 22 h, ainsi que les week‑ends. Ces cours devaient avoir lieu du lundi au vendredi, de 8 h à 14 h. Il a donc demandé à l’employeur s’il pouvait commencer à travailler une heure plus tard et faire modifier son horaire afin de travailler de 15 h à 23 h les jours de semaines, et les week‑ends. Il aurait pu ainsi travailler selon un horaire comprenant une trentaine à une quarantaine d’heures par semaine tout en poursuivant ses études.
  • - Dans le passé, le directeur présentait les nouveaux horaires toutes les six à huit semaines, puis les modifiait selon les besoins des employés.
  • - Le fait d’apporter de petites modifications aux horaires ne semblait jamais causer de problèmes, et il était permis d’échanger des quarts de travail prévus sur approbation des directeurs.
  • - Lorsque l’intimé s’était adressé au directeur, à ce moment‑là, pour lui faire part de son intention de retourner aux études, le directeur lui a dit qu’il devait obtenir l’approbation du conseil d’administration. L’intimé a trouvé que cette façon de faire était plutôt étrange. Elle lui semblait également déraisonnable étant donné que le conseil d’administration se trouvait en Floride et que personne n’avait jamais entendu parler de cette nouvelle procédure.
  • - De plus, personne n’avait le droit d’échanger de quarts de travail avec lui, même s’il n’y avait qu’une heure de différence avec son horaire, que d’autres employés auraient voulu avoir un quart commençant plus tôt et qu’ils accomplissaient tous le même travail.
  • - L’intimé se demande pourquoi d’autres employés ont eu le droit de modifier leur horaire, puisque trois femmes travaillaient et poursuivaient des études.
  • - Il n’y a aucune raison de ne pas lui permettre de travailler selon un horaire modifié, puisque, dans d’autres cas, on avait permis à certains employés de le faire.
  • - L’employeur ne lui a fourni aucune réponse et ne lui a pas donné l’occasion de réagir ou de négocier de façon adéquate les mêmes possibilités que celles offertes à d’autres employés dans sa situation.
  • - L’intimé a vraiment fait de son mieux pour garder son emploi. Il avait besoin de cet emploi pour payer ses dépenses courantes et scolaires. Il estime avoir été victime de discrimination et d’intimidation, et qu’on l’a poussé à quitter son emploi.
  • - L’employeur pensait tout simplement que ça ne fonctionnerait pour lui. Il n’a pas voulu lui donner la possibilité de modifier son horaire, comme il l’avait fait pour d’autres employés, et ne lui a pas dit pourquoi.

Norme de contrôle

[10] L’appelante soutient que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable – Blais c. Canada (PG), 2011 CAF 320.

[11] L’intimé n’a présenté aucune observation concernant la norme de contrôle applicable.

[12] Le Tribunal reconnaît que la Cour d’appel fédérale a établi que la norme de contrôle applicable à une décision rendue par un conseil arbitral (maintenant la division générale) ou un juge‑arbitre (maintenant la division d’appel) concernant les questions de droit est celle de la décision correcte – Martens c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 240 –, et que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable – Blais c. Canada (PG), 2011 CAF 320, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[13] Lorsqu’elle a accueilli l’appel de l’intimé, la division générale a tiré les conclusions suivantes :

[Traduction]

« [56] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas quitté son emploi, mais qu’il attendait plutôt une réponse de son employeur concernant sa demande relative à un changement possible d’horaire. Il a ajouté qu’il avait communiqué avec son employeur afin d’obtenir des précisions au sujet de son éventuel horaire. C’est à ce moment‑là qu’on lui a appris qu’il avait quitté son emploi et que son relevé d’emploi avait été envoyé à Service Canada par voie électronique, mais pas à lui.

[57] Le Tribunal conclut qu’il privilégie la preuve présentée par le prestataire, car elle porte sur son départ volontaire. Il tient pour avéré que le prestataire a expliqué que l’employeur lui avait laissé trois jours pour décider ce qu’il voulait faire, et qu’il s’était rendu au bureau trois jours plus tard pour informer l’employeur de sa décision, mais qu’il n’y avait personne pour le rencontrer. Le prestataire a donc laissé sa lettre au service des ressources humaines et a attendu une réponse.

[58] Le Tribunal tient également pour avéré que l’employeur avait permis à une collègue du prestataire de travailler selon un horaire variable. Ce fait est fondé sur tous les renseignements fournis par le prestataire au sujet de la situation de sa collègue, y compris l’université qu’elle fréquentait. Le Tribunal conclut donc qu’il était possible que le prestataire s’attende véritablement à ce que l’employeur lui offre un nouveau quart de travail.

[59] Le Tribunal conclut également que le prestataire n’a été informé qu’il avait été congédié que lorsqu’il a communiqué avec le service des ressources humaines pour savoir si on lui avait accordé un nouveau quart de travail. Le Tribunal estime qu’il s’est écoulé quatre semaines entre le moment où le prestataire a présenté sa lettre au service des ressources humaines et celui où l’employeur l’a congédié, et que le prestataire n’a pas eu la possibilité de donner une réponse au service des ressources humaines, puisqu’il n’a appris qu’il était congédié qu’après s’être informé sur sa situation, soit après que l’employeur eut indiqué sur son relevé d’emploi qu’il avait quitté son emploi.

[60] Compte tenu des conclusions susmentionnées, le Tribunal conclut également que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi étant donné que l’employeur l’a congédié sans lui donner la possibilité de donner son opinion et qu’il avait permis à une autre employée de travailler selon un horaire variable. »

[14] La décision de la division générale ne peut malheureusement pas être maintenue.

[15] La preuve non contestée présentée à la division générale démontre que l’intimé a quitté son emploi pour retourner aux études. L’employeur a accordé à l’intimé quelques jours pour qu’il réfléchisse à ce qu’il voulait faire, c’est‑à‑dire soit retourner aux études, soit garder son emploi. L’intimé a choisi de retourner aux études et a proposé à l’employeur que l’on modifie son horaire. Ce dernier a refusé parce qu’il estimait que cela ne fonctionnerait pas pour l’intimé. De toute évidence, c’est l’intimé, et non l’employeur, qui a entamé la cessation d’emploi.

[16] En l’espèce, le congédiement n’est que la sanction de la cause réelle de la perte d’emploi, c’est‑à‑dire la décision de l’intimé de poursuivre ses études dans des conditions qui ne lui permettent pas d’être aussi disponible qu’auparavant.

[17] Il est de droit constant que le fait de quitter volontairement son emploi pour entreprendre des études ne constitue pas une « justification » au sens de la Loi : Canada (PG) c. King, 2011 CAF 29, Canada (PG) c. MacLeod, 2010 CAF 201, Canada (PG) c. Beaulieu, 2008 CAF 133, Canada (PG) c. Caron, 2007 CAF 204, Canada (PG) c. Côté, 2006 CAF 219, Canada (PG) c. Bois, 2001 CAF 175.

[18] La Cour d’appel fédérale a répété fréquemment qu’un employé qui quitte volontairement son emploi pour suivre un cours qui n’est pas autorisé par la Commission a certes, sur le plan personnel, un excellent motif pour agir ainsi, mais cela est contraire aux principes mêmes qui sont à la base du système d’assurance‑emploi que cet employé puisse faire supporter par les contribuables à la caisse le poids économique de sa décision.

[19] Par conséquent, la division générale ne pouvait pas conclure raisonnablement que l’intimé était fondé à quitter son emploi.

[20] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli.

Conclusion

[21] L’appel est accueilli, la décision rendue par la division générale le 1er août 2014 est annulée, et l’appel de l’intimé devant la division générale est rejeté.

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