Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli et le dossier est retourné à la division générale pour une nouvelle audience uniquement sur la question de l’état de chômage.

Introduction

[2] En date du 4 juin 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • - L’inadmissibilité imposée aux termes des articles 9 et 11 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et à l’article 30 du Règlement sur l’assurance- emploi (le « Règlement ») était non fondée parce que l’Intimé avait prouvé qu’il était en chômage.

[3] L’Appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 25 juin 2013.  Permission d’en appeler a été accordée par la division d’appel en date du 15 janvier 2015.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait par téléconférence, pour les raisons suivantes :

  • - la complexité de la ou des questions en litige;
  • - du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • - du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • - de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] L’Appelante était représentée lors de l’audience par Julie Meilleur.  L’Intimé et son représentant étaient absents lors de l’audience bien que dûment convoqués.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en fait et en droit en concluant que l’inadmissibilité imposée à l’Intimé aux termes des articles 9 et 11 de la Loi et à l’article 30 du Règlement était non fondée parce que l’Intimé avait prouvé qu’il était en chômage.

Arguments

[8] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • - Le conseil a erré dans son analyse des six facteurs du paragraphe 30(3) du Règlement pour trancher la question devant lui;
  • - Le conseil devait déterminer dans quelle mesure l’Intimé exerçait son activité indépendante et si celui-ci l’exerçait dans une mesure si limitée qu'elle ne constituerait pas normalement son principal moyen de subsistance;
  • - Le conseil arbitral a erré en fait et en droit lorsqu’il a déterminé que l’Intimé était en chômage à compter du 6 juin 2010 puisqu’il n’était qu’un actionnaire du Café;
  • - Les faits au dossier démontrent que l’Intimé exploitait une entreprise et détenait 50% des parts. Il y consacrait de 3 à 4 heures par jour et ce, 7 jours par semaine. Il effectuait des tâches et participait à des activités nécessaires au fonctionnement de l’entreprise : contrôle de la qualité, sollicitation, rencontre de contacts, appels. Il prenait aussi les décisions avec son associé;
  • - L’Intimé souhaitait que l’entreprise devienne rentable et qu’elle puisse être vendue dans une quinzaine d’années pour prendre leur retraite. Il souhaitait que l’entreprise devienne sa principale source de revenu; L’Intimé a investi des sommes très importantes dans le commerce.
  • - Compte tenu de ce qui précède, la conclusion du conseil à l’effet que l’Intimé n’était qu’un simple actionnaire est déraisonnable et incompatible avec la preuve au dossier;
  • - Bien que l’Intimé ait indiqué qu’il ne travaillait pas dans son entreprise, une mise en demeure indique qu’il a réclamé de son associé une somme de 284 700$ pour son travail effectué dans le commerce entre le 3 mars 2010 et le 12 août 2011, à raison de 60 heures par semaine pendant 73 semaines à un taux horaire de 65$;
  • - Lors de l’audience, l’Intimé a indiqué qu’il ne s’attendait pas à ce que son avocat réclame des montants farfelus qui n’ont rien à voir avec la réalité. L’Appelante soumet que c’est suite aux instructions de l’Intimé que son avocat a rédigé et envoyé une mise en demeure à l’ancien associé de l’Intimé. Une copie a été acheminée à l’Intimé par courriel.  Il était donc au courant de son contenu;
  • - Considérant l'ensemble de la preuve que le conseil arbitral avait devant lui, il était déraisonnable pour les membres du conseil de conclure que l’Intimé n’était qu’un actionnaire du Café et qu’il était par conséquent en chômage.

[9] L’Intimé soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante:

  • - La décision du conseil arbitral est bien fondée en fait et en droit, il a correctement exercé sa compétence;
  • - Lorsque l’Intimé affirme être au café de 3 à 4 heures par jour, ce n'est pas pour y travailler, mais parce qu'il y fait des démarches afin de se trouver un emploi;
  • - Ce n'est que durant une infime partie de son temps sur place qu'il exerce ses tâches de vérification et de contrôle;
  • - Les appels et les contacts auxquels il est fait référence dans la décision du conseil arbitral ne visent pas la gestion du café mais bien des appels et des contacts auprès d'employeurs potentiels;
  • - L’Intimé a témoigné que sa seule présence au café, alors qu'il effectuait des recherches d'emploi, lui permettait de s’assurer du contrôle de la qualité : il n'était pas là pour cette raison, mais puisque le café était bien situé et a proximité de plein d'employeurs potentiels, il était mieux à même d'être disponible pour se trouver un emploi;
  • - L’Intimé voulait que l'entreprise devienne sa principale source de revenu au moment de sa retraite, à savoir 15 ans plus tard. Manifestement, il n'avait pas les moyens d'attendre 15 ans avant de pouvoir bénéficier d'entrées d'argent;
  • - Ce dossier est principalement une question de crédibilité, ce qui a été évalué par le conseil arbitral puisqu'il a eu la chance de rencontrer l’Intimé, de l'entendre expliquer la situation et de lui poser les questions pertinentes;
  • - Seul le conseil arbitral était bien placé pour évaluer cette crédibilité, contrairement à l’Appelante qui base principalement son argumentaire sur des faits lui ayant été rapportés par l’ex-associé qui désire se venger de l’Intimé;
  • - L’Appelant a envoyé, pendant la période d'environ 15 mois pendant laquelle il n'a pas eu d'emploi, environ 400 Curriculum Vitae, ce qui signifie environ 30 Curriculum Vitae par mois, en plus de nombreux appels téléphoniques auprès de ses contacts, des recherches d'employeurs, des entrevues. Ceci démontre sans le moindre doute non seulement sa volonté de se trouver un emploi, mais également qu'il y consacrait la très grande majorité de son temps.

Normes de contrôle

[10] L’Appelante soumet que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle applicable à des questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330.

[11] L’Intimé n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[12] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159, Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330.

Analyse

[13] Le Tribunal a procédé à l’audience de l’appel en l’absence de l’Intimé et de son représentant puisque satisfait qu’ils avaient été avisés de la tenue de l’audience.

[14] Le représentant de l’Intimé a présenté une demande de remise le lendemain de l’audience, laquelle demande a été refusée par le Tribunal en date du 16 novembre 2015, pour les motifs suivants :

  1. « a) Considérant que l’audience du présent dossier a eu lieu le 5 novembre 2015 à 9h30 am;
  2. b) Considérant la demande de remise présentée par le procureur de l’Intimé le lendemain de l’audience, soit le 6 novembre 2015;
  3. c)  Considérant qu’il s’agit de la deuxième demande de remise au motif que l’Intimé est à l’extérieur la ville;
  4. d) Considérant que le procureur n’explique aucunement la raison pourquoi il n’a pas lui-même assisté à l’audience du 5 novembre 2015 fixée depuis le 29 mai 2015;
  5. e)  Considérant que l’Appelante s’oppose à la demande tardive de remise présentée par l’Intimé;
  6. f)  Considérant que la remise n’est pas justifiée par des circonstances exceptionnelles conformément à l’article 11(2) du Règlement du Tribunal de la Sécurité Sociale;

La demande de remise est refusée. »

[15] Le Tribunal procède donc à rendre sa décision en tenant compte du dossier, de la décision du conseil arbitral et des arguments écrits des parties.

[16] Le Tribunal constate que la décision du conseil arbitral contient des conclusions factuelles contradictoires, ou à tout le moins incohérentes et ambigües.  En effet, le conseil arbitral mentionne initialement que l’Intimé exploitait une entreprise et procède à l’analyse des six critères prévus à l’article 30 (3) du Règlement pour ensuite indiquer que l’Intimé avait investi dans l’entreprise en tant que simple actionnaire.

[17] Pourtant la preuve devant le conseil arbitral démontre sans équivoque que l’Intimé est plus qu’un simple investisseur.  c’est-à-dire quelqu’un qui a investi une somme d’argent dans une entreprise et qui n’est pas impliqué dans la gestion de l’entreprise.

[18] Il est coactionnaire à 50% et Vice-Président de l’entreprise crée le 20 mai 2010. Il a investi la somme de 75,000$ et il a fourni sa maison en garantie des emprunts de l’entreprise. Dans son questionnaire sur l’emploi, l’Intimé déclare qu’il travaille à son compte de 3 à 4 heures par jours du lundi au dimanche.  Dans sa déclaration à la Commission, il mentionne consacrer 3 à 4 heures par jour à son entreprise.  Il travaille le soir car il veut garder le jour pour sa recherche d’emploi en tant qu’ingénieur. Il mentionne que lui et son associé négocient les contrats de son entreprise.  Il mentionne qu’il va surveiller ses œufs le soir et la fin de semaine.

[19] Lors de son témoignage devant le conseil arbitral, l’Intimé confirme qu’avant le lancement de la compagnie, il se rendait sur les lieux pour suivre l’évolution des travaux. II y passait une à deux heures par jour. Après le démarrage il y allait plus souvent trois à quatre heures par jour pour jaser avec les employés, prendre un café, rencontrer des contacts. II y a même passé une entrevue. Durant les deux dernières semaines de janvier 2011, il était disponible sept jours sur sept et se présentait sur les lieux sans s'annoncer pour faire du contrôle de qualité, après ses entrevues. Entre février et avril, il passait quatre à cinq heures par semaine, à sa convenance, surtout le soir.

[20] La conclusion du conseil à l’effet que l’Intimé n’était qu’un simple actionnaire est manifestement déraisonnable et incompatible avec la preuve au dossier.

[21] Le Tribunal est également d’avis que le conseil arbitral a erré en fait et en droit parce qu’après avoir considéré les 6 critères prévus à l’article 30 (3) du Règlement, il ne s’est pas posé la question de savoir si la mesure de participation de l’Intimé dans cet emploi ou cette activité pendant la période de prestation, déterminée à la lumière des facteurs prévus au paragraphe 30(3) du Règlement, était telle qu’elle n’aurait pu constituer son principal moyen de subsistance.

[22] Pour les motifs ci-dessus mentionnés, il y a lieu de retourner le dossier à la division générale pour une nouvelle audience uniquement sur la question de l’état de chômage.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli et le dossier retourné à la division générale pour une nouvelle audience uniquement sur la question de l’état de chômage.

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