Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision de la division générale datée du 24 juillet 2014 est annulée et l’appel de l’intimée devant la division générale est rejeté.

Introduction

[2] Le 24 juillet 2014, la division générale du Tribunal a établi que :

  • - L’intimée répondait aux critères de l’exception décrite à l’alinéa 33(2)a) du Règlement sur l’assurance‑emploi (le « Règlement ») et avait donc droit à des prestations pour ses semaines de chômage entre le 29 juin 2012 et le 3 septembre 2012.

[3] L’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 11 septembre 2014. La permission d’en appeler a été accordée par la division d’appel le 11 mars 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu audience par téléconférence pour les motifs suivants :

  • - La complexité de la ou des questions en litige.
  • - Le fait que la crédibilité des parties ne figurera probablement pas au nombre des questions principales.
  • - L’information au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires.
  • - L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelante était représentée à l’audience par Rachel Paquette. L’intimée était également présente.

Droit applicable

[6] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur de fait et de droit en concluant que l’intimée répondait aux critères de l’exception décrite à l’alinéa 33(2)a) du Règlement et avait donc droit à des prestations pour ses semaines de chômage entre le 29 juin 2012 et le 3 septembre 2012.

Arguments

[8] L’appelante présente les arguments suivants à l’appui de l’appel :

  • - La division générale a conclu à juste titre que l’intimée n’exerçait pas les fonctions d’enseignante sur une base occasionnelle ou de suppléance au cours de sa période de référence et qu’elle n’avait aucun emploi hormis celui dans l’enseignement. Il a donc été déterminé à bon droit qu’elle ne répondait pas aux critères d’inadmissibilité visés par l’exception selon les alinéas 33(2)b) ou 33(2)c) du Règlement.
  • - La division générale a commis une erreur en statuant que la date de fin de contrat de l’intimée, le 29 juin 2012, constituait la fin d’un contrat au titre de l’alinéa 33(2)a) du Règlement, qu’il y avait eu une véritable fin de relation employeur-employé et que l’intimée n’avait pas de période de congé puisqu’elle ne travaillait pas aux termes d’un contrat à temps plein.
  • - La Cour d’appel fédérale a jugé que le fait qu’il puisse exister un intervalle entre deux contrats pendant laquelle l’enseignante n’est pas sous contrat, ne fait pas en sorte qu’il y a une véritable rupture de la relation entre l’enseignante et son employeur.
  • - En l’espèce, l’intimée et son employeur ont confirmé que, même s’il n’y avait aucune admissibilité à des prestations de maladie ou à des gains du 1er juillet 2012 au 3 septembre 2012, l’intimée avait de l’ancienneté, une réserve de congés de maladie et des cotisations de retraite reportées.
  • - L’intimée n’a signé son contrat que le 3 septembre 2012, mais avait reçu une offre verbale de continuer d’occuper le même poste avant le 29 juin 2012.
  • - En outre, le paragraphe 33(1) définit la période de congé comme une période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement et que cette période n’est pas définie par les dates prévues au contrat de l’enseignant.
  • - Une bonne application des faits de l’espèce à la loi et à la jurisprudence amène à la conclusion raisonnable que l’intimée n’était pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé estival parce que sa situation ne correspondait à aucune des exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

[9] L’intimée présente les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • - Son contrat a pris le 29 juin 2012 et elle n’a accepté l’offre du district scolaire de l’Est qu’en septembre 2012.
  • - Elle cherchait activement du travail durant la période estivale en question.
  • - Elle n’a reçu absolument aucun salaire durant la période estivale en question.
  • - La décision de la division générale est fondée en fait et en droit.

Norme de contrôle

[10] L’appelante fait valoir que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable – Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190. L’intimée n’a présenté aucune observation sur la norme de contrôle applicable.

[11] Le Tribunal reconnaît que la Cour d’appel fédérale a déterminé que la norme de contrôle applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) ou d’un juge‑arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est celle de la décision correcte – Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, et que la norme de contrôle applicable à des questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable – Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[12] Le paragraphe 33(2) du Règlement dit que le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci.

[13] Par conséquent, la division générale devait déterminer si l’intimée répondait à un des trois critères énoncés au paragraphe 33(2) du Règlement. La division générale a conclu à juste titre, en se fondant sur la preuve, que les exceptions prévues aux alinéas 33(2)b) et 33(2)c) ne s’appliquaient pas à l’intimée.

[14] L’intimée a fait valoir à la division générale qu’elle est admissible au bénéfice des prestations selon l’alinéa 33(2)a) du Règlement parce qu’elle s’est retrouvée au chômage après que son contrat à durée déterminée du 1er septembre 2011 au 29 juin 2012 a pris fin et est restée en chômage jusqu’au 4 septembre 2012.

[15] La Cour d’appel fédérale a répété à de nombreuses reprises le critère juridique applicable de l’alinéa 33(2)a) du Règlement : déterminer s’il y a eu une rupture claire dans la continuité de l’emploi de la prestataire, de sorte que cette dernière est devenue une chômeuse.

[16]  Il n’est pas suffisant de s’en tenir, comme l’a fait en l’instance la division générale, aux dates de fin et début des contrats pour déterminer si le contrat de travail dans l’enseignement d’une prestataire a pris fin au sens de l’alinéa 33(2)a) du Règlement.  Le fait qu’il puisse exister un intervalle entre deux contrats pendant laquelle l’enseignante n’est pas sous contrat, ne fait pas en sorte qu’il y a une véritable rupture de la relation entre l’enseignante et son employeur – Bazinet c. Canada (PG), 2006 CAF 174.

[17]  En outre, il est vrai que l’absence de rémunération de l’employeur est peut‑être une indication que le contrat de l’employeur a pris fin, mais l’absence de rémunération en soi ne signifie pas que le contrat a pris fin. La Cour d’appel fédéral a confirmé à plusieurs reprises que, même en l’absence de rémunération, le contrat de travail n’avait pas pris fin et que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations – voir par exemple : Canada (PG) c. Donachey, A-411-96; Canada (PG) c. St‑Cœur, A-80-95; Canada (PG) c. Taylor, A-681-90.

[18] La Cour d’appel fédérale a aussi  confirmé que lorsque les contrats des enseignants se terminent à la fin de juin et qu’ils sont réengagés pour l’année scolaire suivante, les enseignants n’ont pas droit à l’assurance‑emploi pour les mois de juillet et d’août – voir Bishop c. Canada (Commission de l’assurance‑emploi) (2002), 292 N.R. 158 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Partridge (1999), 245 N.R. 163 (C.A.F.); Gauthier c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1995] A.C.F. no 1350 (C.A.) (QL) et Canada (Procureur général) c. Hann, [1997] A.C.F. no 974 (C.A.) (QL).

[19] Compte tenu des enseignements de la Cour d’appel fédérale, la division générale a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il y avait eu une véritable rupture de la relation entre l’enseignante et son employeur?

[20] Dans l’affaire en cause, la preuve démontre que l’intimée a occupé un poste à durée déterminée durant l’année scolaire 2011‑2012 tout en prenant un congé sabbatique de l’enseignement. Une offre de continuer à enseigner en occupant le même poste au cours de la période du 4 septembre au 16 novembre 2012 lui a été faite le 21 juin 2012 avant la fin de son contrat précédent. L’intimée et l’employeur ont confirmé que, même s’il n’y avait aucune admissibilité à des prestations de maladie ou à des gains du 1er juillet 2012 au 3 septembre 2012, l’intimée avait de l’ancienneté, une réserve de congés de maladie et des cotisations de retraite reportées. Elle travaillait également pour le district scolaire de l’Est depuis 2009 et est bel et bien retournée à ses fonctions en septembre 2012.

[21] Le Tribunal estime que la division générale ne pouvait raisonnablement conclure, d’après les éléments de preuve qui lui étaient présentés, qu’il y avait une rupture claire dans la continuité de l’emploi de l’intimée. La division générale a aussi commis une erreur de droit lorsqu’elle s’est fondée sur la décision  Ying c. Canada (PG), A-101-98, à l’appui de sa décision, en prenant en considération la jurisprudence subséquente de la Cour d’appel fédérale – Bazinet c. Canada (PG), 2006 CAF 174.

[22] Pour les motifs énoncés ci‑haut, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’intervenir et  conclut que l’intimée n’était pas admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé estival parce que sa situation ne correspondait à aucune des exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli, la décision de la division générale datée du 24 juillet 2014 est annulée et l’appel de l’intimée devant la division générale est rejeté.

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