Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Madame A. R., l’appelante, a participé à l’audience.

Monsieur Davin Hildebrand, représentant la Northwest School Division No. Union a assisté à l’audience.

Introduction

[1] Le 4 janvier 2015, l’appelante a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi. Le 11 février 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a refusé des prestations à l’appelante parce qu’elle n’avait pas été fondée à quitter volontairement son emploi. Le 12 mars 2015, l’appelante a présenté une demande de révision. Le 11 mai 2015, la Commission a maintenu sa décision originale et l’appelante a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience fut tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions portées en appel;
  2. Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  3. Le mode d’audience doit respecter les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale à savoir qu’il doit procéder de façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’on devrait imposer une exclusion du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) au motif que l’appelante a volontairement quitté son emploi sans justification.

Droit applicable

[4] Pour l’application des articles 30 à 33 de la Loi, l’article 29 de la Loi se lit comme suit :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi, la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin;
    2. ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre;
    3. iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment de la mutation;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[5] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

  1. (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
  2. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7,1, pour recevoir des prestations de chômage;
  3. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

Preuve

[6] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’appelante a déclaré avoir quitté son emploi à cause d’un conflit personnel au travail. Elle était en conflit avec l’enseignante ressource qui la harcelait en vérifiant continuellement son travail, ce qui n’était pas dans la description des tâches de celle-ci. Elle fait référence à un incident particulier : l’enseignante associée lui avait demandé de corriger des travaux d’étudiants pendant que ceux-ci faisaient de la lecture silencieuse. L’appelante a affirmé qu’elle serait retournée pour aider des étudiants individuels, mais que le temps manquait pour aider les autres étudiants; elle a donc plutôt choisi de faire ceci. L’appelante a affirmé que l’enseignante ressource était entrée dans la classe et avait verbalement grondé l’enseignante pour avoir donné à l’appelante des travaux à corriger. Elle a dit qu’il y avait eu d’autres affrontements, mais que celui-ci représentait le point de rupture. L’appelante a déclaré avoir abordé l’enseignante ressource pour lui rappeler qu’elle avait travaillé là pendant vingt ans et qu’elle connaissait bien son métier. Lorsque l’enseignante ressource avait répliqué, « je n’en suis pas sûre », l’appelante en avait été très choquée et ne pouvait plus tolérer les frasques de celle-ci. (GD3-9 à GD3-10).

[7] Dans sa demande, l’appelante a déclaré qu’elle avait été bouleversée et qu’elle pleurait lorsqu’elle en avait parlé au directeur : elle lui avait dit qu’elle ne pouvait plus supporter l’enseignante ressource, puis elle était partie. Elle a affirmé que le directeur avait laissé un message le lundi suivant le week-end : il lui demandait si elle voulait sérieusement démissionner et, si oui, pourrait-elle lui faire parvenir une lettre de démission. Elle a affirmé être membre d’un syndicat, mais qu’elle n’avait pas contacté le représentant syndical parce qu’elle n’en voyait pas l’utilité puisqu’elle était déjà décidée. Elle a affirmé n’avoir contacté aucun organisme extérieur parce que c’en était terminé. Elle n’a pas demandé un transfert parce qu’il n’y avait nulle part où se faire muter. Elle n’avait pas cherché un autre emploi puisqu’elle avait démissionné sur un coup de tête et qu’il n’y avait pas d’autres écoles en ville (GD3-10 à GD3-11).

[8] Un relevé d’emploi indique que l’appelante a été employée par la Northwest School Division No. Union du 26 août 2014 au 5 décembre 2014, au moment où elle a quitté son emploi (GD3-19).

[9] Le 11 février 2015, la Commission a contacté l’appelante qui a confirmé le conflit avec l’enseignante ressource. Elle a déclaré qu’elle était appelée à interagir avec cette dernière à divers moments de la journée et lors des réunions de groupe. Elle a déclaré que le conflit avait débuté durant la dernière année scolaire et qu’au début il ne s’agissait que de commentaires en aparté de type correctif. Elle a dit que l’enseignante ressource détenait l’autorité et ne la détenait pas. Celle-ci avait la responsabilité de l’organisation et de la répartition du travail parmi les AE (assistantes en éducation). Mais, c’était la titulaire de classe qui supervisait et dirigeait le travail des AE dans la classe. Elle a affirmé qu’elle et d’autres AE avaient discuté ensemble du comportement de l’enseignante ressource, mais qu’elle ne s’était jamais adressée au directeur à son sujet. Elle a déclaré qu’elle aurait peut-être dû le faire, mais qu’elle ne voulait pas causer des ennuis. Elle a affirmé avoir discuté avec l’enseignante ressource, mais celle-ci s’était montrée condescendante; elle ne croyait pas avoir été déplacée. L’appelante a mentionné qu’en plus de ce conflit, elle avait eu de mauvaises nouvelles plus tôt ce mois-là, à savoir que son mari avait reçu un diagnostic de cancer (GD3-20).

[10] L’appelante a déclaré que l’enseignante ressource avait adressé ses commentaires à l’autre enseignante présente dans la salle de classe, mais pas à elle. Au retour en classe de l’appelante, l’enseignante s’est excusée de l’avoir vraisemblablement mise dans le pétrin. Elle a déclaré qu’elle ne pourrait pas retourner à son emploi. Elle a déclaré ne pas avoir discuté avec le directeur ou le syndicat parce qu’elle n’aimait pas causer des ennuis (GD3-21).

[11] Le 11 février 2015, la Commission a avisé l’appelante qu’elle ne pouvait lui verser des prestations parce que celle-ci avait volontairement quitté son emploi sans justification (GD3-23).

[12] Le 12 mars 2015, l’appelante a présenté une demande de révision. Elle a affirmé qu’après l’altercation avec l’enseignante ressource, elle était partie parce qu’elle ne croyait pas avoir d’autres options. Elle a affirmé qu’il n’y avait aucun intérêt à consulter le directeur ou le syndicat puisque les choses ne se seraient pas améliorées. Il s’agissait de la deuxième attaque verbale de la part de l’enseignante ressource et celle-ci n’aimait pas qu’on remette en question son autorité, du moins son autorité présumée. Elle croyait que les conditions de travail seraient devenues complètement insupportables si elle en avait parlé à quiconque. Elle a affirmé aimer son travail et qu’il lui manque beaucoup. Elle a affirmé avoir contribué à l’AE depuis plus de 30 ans et elle croit qu’elle devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploi (GD3-24 à GD3-25).

[13] Le 7 mai 2015, la Commission a contacté l’employeur qui l’a informée qu’en fin de compte, il avait reçu une lettre de démission de la part de l’appelante. Il a affirmé que l’appelante n’avait discuté de ses problèmes ni avec le directeur ni avec les ressources humaines (RH). Il a affirmé que le directeur était le supérieur immédiat de l’appelante, mais que ce dernier partageait certaines responsabilités avec l’enseignante ressource (GE3-27).

[14] Le 11 mai 2015, l’appelante a affirmé à la Commission qu’elle croit qu’elle aurait dû prendre un congé autorisé, mais qu’une fois qu’elle s’était engagée dans cette direction, elle sentait qu’elle ne pourrait revenir au travail avec l’enseignante ressource. Elle a affirmé que l’enseignante ressource n’était pas sa patronne, mais que celle-ci dressait les horaires et que, quand survenaient des problèmes, elle s’adressait à cette dernière. En classe, elles étaient sous la direction de l’enseignante. Elle a convenu qu’elle aurait pu déposer une plainte ou encore un grief auprès du syndicat, mais que venant d’une employée de soutien, elle sentait que cela ne donnerait rien parce que la personne avec qui elle était en conflit était une enseignante ressource principale (GDE3-28).

[15] Le 11 mai 2015, la Commission a avisé l’appelante et l’employeur qu’elle maintenait sa décision au sujet du départ volontaire (GD3-29 à GD3-30).

[16] Dans son avis d’appel, l’appelante a déclaré qu’elle avait envoyé une explication détaillée des événements qui ont mené à la situation résultante au directeur et au directeur adjoint et qu’elle était sûre que ceux-ci auraient fait suivre l’information au surintendant. Elle a déclaré avoir appris plus tard, de la part de l’agent de Service Canada, que cedernier n’était pas au courant de la situation qui l’a amenée à mettre fin à son emploi. Elle a affirmé avoir depuis fait parvenir une copie de ladite lettre au surintendant. Elle a affirmé qu’il existait des conclusions erronées et un manque de communication au sein de la division scolaire. Elle a affirmé vivre dans une petite ville où il n’y a aucune autre école vers laquelle elle pourrait se faire transférer et que d’impliquer le syndicat n’aurait fait que rendre la situation avec l’enseignante ressource encore plus difficile. Une lettre explicative de la situation, datée le 30 janvier 2015, était incluse (GD2-1 à GD2-8).

Preuve lors de l’audience

[17] L’appelante a affirmé qu’il ne s’agissait peut-être pas de harcèlement comme tel, mais qu’en la contrôlant sans cesse, l’enseignante ressource l’avait fait se sentir incompétente et que c’en était simplement devenu trop.

[18] L’appelante a affirmé qu’en classe elles devaient suivre les directives de la titulaire de la classe.

[19] L’appelante a répété comment s’était déroulé le dernier incident comme elle l’avait fait dans ses observations devant la Commission.

[20] L’employeur a déclaré qu’une politique contre le harcèlement était en place et que l’enseignante ressource était responsable d’appuyer les AE.

[21] L’appelante a déclaré avoir fait parvenir une lettre au directeur le 30 janvier 2015, mais que c’était après qu’elle eût démissionné.

[22] L’appelante a déclaré que tout cela s’était produit un vendredi et que le lundi, le directeur l’avait appelée pour vérifier si elle comptait sérieusement démissionner et si elle déposerait une lettre de démission.

[23] L’appelante a affirmé avoir été au courant de la politique concernant les congés de maladie, mais qu’elle n’avait pas discuté avec (le service de) la paie et qu’elle avait déjà pris sa décision.

[24] L’appelante a affirmé que sa lettre de démission indiquait qu’elle quittait son emploi pour être auprès de son mari. Elle a dit qu’une amie avait livré la lettre de démission.

[25] L’employeur a déclaré ne pas avoir été conscient de la situation avant d’avoir reçu la lettre datée le 30 janvier 2015, ce qui était après les faits.

Observations

[26]  L’appelante a fait valoir ce qui suit : 

  1. Il ne s’agissait peut-être pas de harcèlement comme tel, mais par ses contrôles incessants, l’enseignante ressource la faisait se sentir incompétente;
  2. Elle n’en pouvait plus et avait décidé qu’elle ne voulait pas retourner au travail;
  3. Elle ne s’était adressée à personne parce qu’elle ne voulait pas causer d’ennuis et qu’elle croyait que cela ne ferait aucune différence puisqu’elle n’était qu’une simple AE et que l’enseignante ressource était l’enseignante ressource principale;
  4. L’enseignante principale n’était pas sa supérieure, mais c’est cette dernière qui avait la charge de préparer les horaires;
  5. Elle a contribué au système d’assurance-emploi pendant plus de trente ans et elle croit qu’elle devrait avoir droit aux prestations.

[27] L’employeur a fait valoir ce qui suit :

  1. Il n’avait pas été conscient d’aucune situation problématique avant que l’appelante ne démissionne et lui fasse parvenir lune lettre datée le 30 janvier 2015;
  2. Le directeur était le supérieur immédiat de l’appelante bien que l’enseignante ressource partageait certaines responsabilités dont celle des horaires et du travail des AE.

[28] L’intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelante n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi parce qu’elle n’avait pas envisagé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à elle avant de le quitter;
  2. Une solution raisonnable aurait été de chercher conseil auprès de son syndicat au sujet de son conflit avec l’enseignante ressource principale ou de demander un congé afin de faire face à ses difficultés personnelles et au travail;
  3. Une solution raisonnable aurait été d’obtenir des conseils médicaux ou du counselling puisque sa situation lui rendait difficile de se présenter au travail à cause du stress qu’elle dit y avoir subi;
  4. On ne saurait être fondé à quitter son emploi en se basant sur un seul incident, sans avoir tenté de résoudre le problème plutôt que de démissionner;
  5. Sans envisager la possibilité d’impliquer le syndicat, l’appelante a décidé de quitter son emploi pour des motifs purement personnels.

Analyse

[29] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante devrait être exclue du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi au motif qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification. L’alinéa 29c) de laLoi prévoit qu’un employé est fondé à quitter son emploi si, compte tenu des circonstances énumérées dans une liste, notamment celles du sous-alinéa (i),

le harcèlement, de nature sexuelle ou autre. Le critère à appliquer consiste à déterminer si la prestataire avait une autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait, compte tenu de toutes les circonstances.

[30] La Cour d’appel fédérale a réaffirmé le principe voulant que lorsqu’une prestataire quitte volontairement son emploi, il appartienne à la prestataire de prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas cf. Canada (PG) c. White, (2011) CAF 190 (CanLII).

[31] En l’espèce, selon la preuve au dossier et la preuve testimoniale de l’appelante, personne ne saurait contester que l’appelante avait quitté volontairement son emploi; ainsi, il lui revient de prouver qu’elle était fondée à le faire.

[32] Dans l’affaire Rena - Astronomo (A-141-97), qui a confirmé le principe établi dans Tanguay (A-1458-84) selon lequel il incombe au prestataire ayant volontairement quitté son emploi de prouver qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-là, le juge MacDonald de la Cour d’appel fédérale (Cour) a indiqué ce qui suit : «  Compte tenu de toutes les circonstances, le critère à appliquer se rapporte à la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, le départ du prestataire constitue la seule solution raisonnable. »

[33] L’appelante a d’abord déclaré qu’elle avait quitté son emploi pour cause de harcèlement; toutefois, à l’audience elle a affirmé qu’il ne s’agissait peut-être pas de harcèlement, mais plutôt du fait que l’enseignante ressource rendait les conditions de travail difficiles et qu’elle la faisait se sentir incompétente. Elle a affirmé que le stress était trop intense et qu’elle ne pouvait plus tolérer la situation ce qui fait qu’elle a démissionné.

[34] Le Tribunal doit appliquer le critère consistant à établir si la prestataire avait une autre solution raisonnable plutôt que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. La Loi impose à la prestataire de ne pas créer délibérément le risque de chômage. Une prestataire qui a volontairement quitté son emploi et n’en a pas trouvé d’autre n’est justifiée d’agir ainsi que si, au moment où elle a démissionné, il y avait des circonstances qui l’excusaient de prendre le risque de faire porter à autrui le fardeau de son chômage. Il incombe à la prestataire d’épuiser toutes les autres solutions raisonnables avant de se placer en situation de chômage.

[35] À la lumière du témoignage oral de l’appelante, le Tribunal conclut qu’elle avait des problèmes avec l’enseignante ressource, cependant, aucun élément de preuve ne permet de confirmer que l’enseignante ressource était responsable des horaires des AÉ, l’emploi de l’appelante. Le Tribunal conclut que la preuve, à savoir que l’enseignante ressource partageait certaines responsabilités avec le directeur, a été corroborée. Par conséquent, lorsque l’enseignante ressource s’est adressée à l’enseignante cela faisait partie de ses responsabilités.

[36] À la lumière de la preuve de l’appelante, le Tribunal conclut que l’enseignante ressource ne s’était pas adressée directement à l’appelante, mais qu’elle avait plutôt parlé à l’enseignante titulaire qui avait demandé à l’appelante de corriger les tests.

[37] Le Tribunal conclut que même si l’appelante n’a pas été d’accord avec les actions de l’enseignante ressource, il semble ressortir de la preuve que cette dernière s’acquittait de ses tâches et que si l’appelante était en désaccord avec ces actions, elle avait le choix d’en discuter avec le directeur, qui était son superviseur immédiat.

[38] Il a déjà été mentionné que les conditions de travail insatisfaisantes constituent une justification à quitter son emploi seulement a) lorsqu’elles sont « manifestement assez déplorables pour donner lieu à un véritable grief » et que le prestataire a pris toutes les mesures raisonnables pour régler les griefs et les insatisfactions en en discutant avec l’employeur, en plus d’avoir tenté de trouver un autre emploi; ou b) lorsque ces conditions sont si intolérables que l’employé n’a d’autre choix que de quitter cet emploi. On accorde une grande importance à l’obligation du prestataire de chercher des solutions aux conditions de travail intolérables avant de quitter un emploi. Un prestataire qui prend les moyens raisonnables pour minimiser les conditions de travail intolérables sera fondé à quitter son emploi si ces moyens ne portent pas leurs fruits.

[39] En l’espèce, le Tribunal compatit avec l’appelante d’autant qu’elle avait travaillé pour cet employeur depuis vingt ans et qu’elle avait le sentiment de n’être pas traitée équitablement. Toutefois, le Tribunal conclut que l’appelante avait des solutions raisonnables, mais qu’elle a pris la décision personnelle de quitter son emploi avant d’avoir épuisé ces possibilités.

[40] À la lumière de la preuve au dossier et du témoignage oral de l’appelante et de l’employeur, le Tribunal conclut que l’appelante n’a entrepris aucune démarche pour tenter de redresser le problème face à l’enseignante ressource en discutant avec le directeur, l’employeur ou le syndicat. À la lumière de la preuve, le Tribunal conclut également que l’employeur n’a pris connaissance du motif de la démission de l’appelante qu’après avoir reçu une lettre de sa part le 30 janvier 2015, après le fait. Le Tribunal conclut qu’il aurait été raisonnable pour l’appelante de demeurer dans son emploi, de présenter la lettre à son employeur lui donnant ainsi la possibilité de s’attaquer aux problèmes.

[41] À la lumière du témoignage oral de l’appelante, le Tribunal conclut qu’elle avait reçu un appel téléphonique du directeur le lundi suivant, que dans le message qu’il avait laissé, il demandait à l’appelante si elle considérait sérieusement sa démission et, si oui, elle devrait lui remettre une lettre de démission. Le Tribunal estime que l’appelante avait là l’occasion de rappeler le directeur pour discuter de la situation; cependant, l’appelante a déclaré qu’elle ne l’avait pas rappelé et qu’elle avait plutôt écrit une lettre de démission dans laquelle elle affirmait quitter son emploi afin d’être au chevet de son mari; lettre qu’elle avait fait livrer par une amie.

[42] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas donné l’occasion à l’employeur de trouver une solution aux problèmes qui la confrontaient face à l’enseignante ressource, mais qu’elle a pris la décision personnelle de démissionner.

[43] L’appelante invoque l’argument qu’elle n’avait pas contacté son syndicat ni déposé un grief parce qu’elle ne voulait pas semer le trouble et qu’elle croyait que cela n’aurait fait aucune différence.

[44] Le Tribunal estime malheureux le sentiment de l’appelante, mais les faits au dossier révèlent qu’elle faisait partie d’un syndicat qu’elle aurait pu contacter; il conclut que l’appelante n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans cette situation, d’autant qu’elle avait des options. Le fait que l’appelante présumait que rien n’y serait fait n’appuie aucunement l’existence d’une quelconque raison pressante qui l’aurait empêché de déterminer ses droits. Le Tribunal conclut que l’inaction de l’appelante n’a pas fourni au syndicat la possibilité d’enquêter sur la question et de déterminer si ses allégations pouvaient être prouvées.

[45] À l’écoute du témoignage oral de l’appelante, le Tribunal estime qu’elle subissait beaucoup de stress dû au travail et à ses problèmes personnels, mais qu’elle avait déclaré ne pas avoir cherché de conseils d’ordre médical.

[46] Le Tribunal conclut qu’une solution raisonnable à la situation de stress considérable de l’appelante aurait été de demander un avis médical, de requérir un examen de santé, puis de demander un congé qui lui aurait permis de se rétablir, puis d’affronter son stress au travail.

[47] À la lumière de la preuve au dossier et du témoignage de l’appelante le Tribunal conclut qu’elle n’avait pas cherché d’autre emploi avant de démissionner parce qu’elle avait démissionné de façon précipitée. Le Tribunal estime que l’appelante avait l’obligation de se chercher de l’emploi avant de se placer en situation de chômage. Le Tribunal est conscient du départ précipité de l’appelante, cependant, celle-ci a déclaré que son conflit avec l’enseignante ressource durait depuis l’année scolaire précédente. L’appelante aurait donc pu se chercher un autre emploi, d’autant qu’elle ne voulait pas porter ses problèmes à l’attention de ses supérieurs.

[48] L’appelante invoque l’argument qu’elle a contribué au programme d’assurance-emploi depuis plus de 30 ans et qu’elle devrait avoir droit aux prestations.

[49] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas droit aux prestations simplement parce qu’elle a contribué au programme d’assurance-emploi depuis des années, mais qu’elle doit également satisfaire aux exigences pour y avoir droit. En l’espèce, l’appelante n’a pas démontré de justification pour avoir quitté volontairement son emploi ni qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable; par conséquent, l’appelante ne répond pas aux exigences.

[50] Le Tribunal se fonde sur la décision Landry (A-1210-92), dans laquelle la Cour a conclu qu’il ne suffit pas que le prestataire prouve qu’il a agi de façon raisonnable en quittant son emploi, mais qu’il doit plutôt démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[51] Le Tribunal compatit à la situation de l’appelante ainsi qu’aux problèmes familiaux auxquels elle fait face, cependant il doit respecter la législation.

[52] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de modifier les exigences de la Loi et doit respecter la législation, quelles que soient les circonstances personnelles de l’appelante. Canada (PG) c. Levesque, (2001) CAF 304.

[53] Le Tribunal cite l’arrêt Canada (PG) c. Knee, (2011) CAF 301, où il est dit ceci :

« […] Toutefois, aussi tentant que cela puisse être dans certains cas (et il peut bien s’agir en l’espèce de l’un de ces cas), il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire. »

[54] Le Tribunal estime que les raisons personnelles de l’appelante peuvent être de bonnes raisons pour démissionner, mais qu’elles ne constituent pas une justification au sens de la Loi. Le Tribunal conclut que la prestataire devrait être exclue du bénéfice des prestations en application du paragraphe 30(1) de a Loi pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification.

Conclusion

[55] L’appel est rejeté.

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