Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

D. P. : appelant

Introduction

[1] Une période de prestations débutant le 19 avril 2015 a été établie pour la demande A de l’appelant. (GD3- 3-13) Cette demande avait été rejetée le 18 mai 2015, puisque la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) avait conclu que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations pour avoir perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, le 4 avril 2015. (GD 3-20) L’appelant a demandé une révision de cette décision, qui lui a été accordée, à l’issue de laquelle la Commission a cependant choisi de maintenir sa décision originale. (GD3 – 42) L’appelant a ensuite interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale, le 29 juillet 2015.

[2] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions en litige;
  2. La crédibilité ne devrait pas représenter un enjeu décisif;
  3. Le fait que l’appelant sera la seule partie présente;
  4. Les renseignements figurant au dossier et le besoin d’obtenir des renseignements supplémentaires;
  5. Le mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] Il s’agit de déterminer si l’appelant devrait être exclu du bénéfice des prestations conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) pour avoir perdu son emploi en raison de son inconduite.

Droit applicable

[4] Les alinéas 29a) et b) de la Loi prévoient ce qui suit :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant[.]

[5] Voici ce que prévoit le paragraphe 30(1) de la Loi :

  1. (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. i) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. ii)  qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[6] Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[7] D’après la preuve au dossier, l’appelant a travaillé chez Forbes Bros. en Alberta du 26 mai 2014 au 4 avril 2015, date de son congédiement. (GD 3-14)

[8] L’appelant a été congédié par son employeur le 4 avril 2015 pour avoir enfreint sa politique sur l’usage de drogues et d’alcool.

[9] Dans sa demande de prestations, l’appelant a déclaré qu’il avait été congédié.

[10] Il a également précisé que son employeur lui avait dit pourquoi il avait été congédié. (GD3-7)

[11] L’employeur de l’appelant affirme que l’appelant :

  1. A été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage des drogues;
  2. S’est soumis à ce test après s’être évanoui au travail;
  3. Était un conducteur de grue.

[12] L’appelant affirme ce qui suit :

  1. Il a été congédié parce qu’il avait échoué au test de dépistage des drogues;
  2. On a détecté 33 nanogrammes de marijuana chez lui alors que la limite était de 29 nanogrammes;
  3. Il avait été affecté par les gaz d’échappement durant son quart de travail, et c’est pourquoi il s’était évanoui.

[13] L’appelant s’est évanoui au travail et avait donc été amené à l’hôpital par mesure de précaution, pour connaître la cause possible de son évanouissement. Les tests se sont révélés négatifs.

[14] Puisque l’appelant conduisait une grue, et conformément à la politique (GD3-33), il avait dû se soumettre à un test de dépistage des drogues après l’incident et, y ayant échoué, il avait été congédié sur-le-champ.

[15] L’appelant affirme qu’il fume un ou deux [traduction] « joints » chaque soir pour mieux dormir.

[16] La Commission a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle lui a donc imposé une exclusion pour une période indéfinie, en vigueur à compter du 5 avril 2015, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi.

Observations

[17] L’appelant a fait valoir qu’il devrait être admissible au bénéfice des prestations pour les raisons suivantes :

  1. Il avait besoin de marijuana chaque jour pour s’endormir.
  2. Il ne croit pas aux somnifères.
  3. Il n’a jamais eu d’accident.
  4. Il fumait seulement la drogue à la maison, jamais au travail.

[18] L’intimée a soutenu que l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour les raisons suivantes :

  1. Il a été congédié le 4 avril 2015 pour inconduite.
  2. L’appelant a échoué à un test de dépistage des drogues, ce qui a causé son congédiement conformément à la politique affichée et écrite de l’employeur.
  3. Les actes de l’appelant ont mis un terme à sa relation avec l’employeur.
  4. Ses actes étaient délibérés et l’appelant aurait dû savoir qu’ils entraîneraient ou pourraient entraîner son congédiement.

Analyse

[19] L’article 30 de la Loi précise qu’un «  […] prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification […] ».

[20] La Loi comme telle ne définit pas « l’inconduite ». Pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement du travail. (Tucker A-381-85)

[21] Les tribunaux doivent se concentrer sur la conduite du prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas celle de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le demandeur s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi. (McNamara, 2007 CAF 107; Fleming, 2006 CAF 16).

[22] Il incombe à l’employeur et à la Commission de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (LARIVEE A-473-06, FALARDEAU A-396-85).

[23] Il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte d’emploi. Il faut que l’inconduite cause la perte d’emploi et qu’elle en soit une cause opérante. Il faut également, en plus de la relation causale, que l’inconduite soit commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Cartier 2001 CAF 274; Smith A- 875-96; Brissette A-1342-92; Nolet A-517- 91).

[24] En agissant comme il l’a fait, le prestataire aurait dû savoir que sa conduite était de nature à mener à son congédiement (Kaba 2013 CAF 208; Hastings 2007 CAF 372).

[25] C’est le test de dépistage des drogues auquel l’appelant a échoué qui a entraîné son congédiement.

[26] Cet incident a immédiatement mis un terme à la relation de confiance qui existait entre l’appelant et l’employeur.

[27] L’affirmation de l’appelant selon laquelle il s’agissait d’un congédiement injustifié n’a aucune pertinence en l’espèce puisque ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause.

[28] L’appelant a admis, au moins à deux occasions, avoir fumé de la marijuana chaque jour pour l’aider à dormir et il devrait/pourrait donc s’attendre à ce qu’une quantité résiduelle de la substance demeure dans son système, ce qui contrevient à la politique sur l’usage de drogues et d’alcool de son employeur.

[29] La question de savoir si l’employeur a correctement évalué sa [traduction] « dépendance aux drogues » n’est pas pertinente pour le Tribunal. (GD3-31)

[30] J’estime que la Commission et l’employeur, sur qui reposait la charge de la preuve, ont démontré que les actes de l’appelant étaient délibérés au point où il aurait dû ou aurait pu s’attendre à ce qu’ils entraînent son congédiement.

[31] Je juge que la perte d’emploi de l’appelant est une cause directe de son inconduite et qu’il est donc exclu du bénéfice des prestations.

[32] Le Tribunal doit évaluer les faits et ne pas simplement s’en remettre à la conclusion d’inconduite tirée par l’employeur. Il faut une appréciation objective permettant de dire que l’inconduite avait vraiment été la cause de la perte de l’emploi (Meunier A-130-96).

Conclusion

[33] L’ayant fait, le membre conclut, après avoir dûment tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, que les actes de l’appelant constituaient une inconduite par application de la Loi; en conséquence, l’appel est rejeté.

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