Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

K. P., la prestataire, n’a pas participé à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] La prestataire s’est retrouvée sans emploi le 24 octobre 2014. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 15 novembre 2014. Une période de prestations débutant le 26 octobre 2014 a initialement été établie. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a approuvé la demande de prestations d’AE, mais l’employeur a demandé à la Commission de procéder à une révision de sa décision. Après sa révision, la Commission a conclu, dans une lettre datée du 9 mars 2015, que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi. La prestataire a porté cette décision en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question en litige;
  2. Le fait que la crédibilité pourrait constituer un enjeu important;
  3. Le fait que la prestataire sera la seule partie présente;
  4. Les renseignements au dossier et le besoin d’obtenir des renseignements supplémentaires;
  5. L’accès à un service de vidéoconférence dans la région où réside la prestataire.

Question préliminaire

[3] La prestataire a participé à l’audience par vidéoconférence prévue le 25 août 2015 et a fait savoir au Tribunal qu’elle avait récemment été hospitalisée et qu’elle n’avait pas eu la chance de se préparer en vue de l’audience. Elle a demandé que l’audience soit ajournée jusqu’au début de décembre 2015 pour qu’elle puisse avoir le temps de s’occuper de son problème de santé, qui suppose qu’elle participe à un programme de traitement de six semaines, et de se préparer convenablement pour l’audience. L’audience a été ajournée dans l’intérêt de la justice naturelle.

[4] L’audience a été reportée au 8 décembre 2015. Cependant, l’avis d’audience, qui avait été expédié par courrier recommandé, a été renvoyé au Tribunal après ne pas avoir été réclamé le 20 septembre 2015. L’avis d’audience a de nouveau été envoyé à la prestataire le 1er octobre 2015, cette fois par la poste ordinaire.

[5] La prestataire ne s’est pas présentée à l’audience du 8 décembre 2015. Elle a communiqué avec le Tribunal ce jour-là et les notes au dossier relatives à cette conversation révèlent qu’elle a expliqué qu’elle s’était embrouillée et avait raté l’audience et qu’elle a demandé s’il était possible de la reporter. Le Tribunal a tenté de remettre à plus tard l’audience ce jour-là et était prêt à instruire l’affaire par téléconférence plutôt que par vidéoconférence pour faciliter le changement à l’horaire. La prestataire a cependant refusé cette offre, affirmant que si une téléconférence avait lieu, elle ne l’utiliserait que pour demander un ajournement, puisqu’elle n’était pas prête à procéder. Elle expliqué que le programme de traitement de six semaines sur lequel elle comptait devait commencer quelque temps ce mois-là et qu’elle désirait l’avoir terminé avant que son appel soit instruit. Elle a demandé que l’audience soit reportée à mars 2016 ou à plus tard. On lui a demandé de présenter une demande par écrit et d’en préciser les motifs. Elle a affirmé qu’elle enverrait sa demande par courriel. 

[6] Conformément au paragraphe 11(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), toute partie peut présenter au Tribunal une demande de remise de l’audience ou d’ajournement en déposant celle-ci, avec motifs à l’appui, auprès du Tribunal.

[7] Le Tribunal a attendu pendant plus d’une semaine de recevoir une demande écrite pour un autre ajournement, mais il n’a rien reçu.

[8] Conformément au paragraphe 11(2) du Règlement, si le Tribunal accorde la remise ou l’ajournement, le Tribunal refuse toute demande subséquente de remise ou d’ajournement de l’audience à moins que la partie puisse établir que la remise ou l’ajournement est justifié par des circonstances exceptionnelles.

[9] Le paragraphe 12(2) du Règlement prévoit aussi que le Tribunal tient l’audience en l’absence de la partie à la demande de laquelle il a déjà accordé une remise ou un ajournement s’il est convaincu qu’elle a été avisée de sa tenue.

[10] Bien que le premier avis d’audience ne soit pas parvenu à la prestataire sans problème, le Tribunal est convaincu que cette dernière a reçu l’avis d’audience envoyé par la poste ordinaire, puisqu’elle a communiqué avec le Tribunal, le jour de l’audience, peu après l’heure prévue, pour lui expliquer pourquoi elle n’y avait pas participé. De plus, conformément à l’article 19 du Règlement, un document est présumé avoir été communiqué à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste si elle est transmise par la poste ordinaire.

[11] La prestataire a fait savoir qu’elle comptait demander un ajournement mais, d’après les notes au dossier prises sur cette conversation, elle justifie cette demande en recourant aux mêmes motifs que ceux sur lesquels était fondée sa première demande d’ajournement. Elle n’a pas participé au programme de traitement de six semaines qui avait justifié l’ajournement initial, et le Tribunal est donc convaincu que la prestataire avait disposé d’amplement de temps pour se préparer à l’audience. Même si le Tribunal comprend que la prestataire aimerait avoir terminé ce programme avant la tenue de l’audience, elle n’a fourni aucune preuve qui établirait la nécessité de ce programme, et n’a pas expliqué pourquoi elle a besoin d’un tel traitement ou pourquoi elle est incapable de participer à l’audience sans avoir terminé le programme. De plus, elle n’a pas expliqué pourquoi il lui est nécessaire de suivre ce traitement de façon à se préparer et à participer à l’audience, et n’a pas précisé quand elle participera au programme; par conséquent, le Tribunal juge qu’il ne s’agit pas de circonstances exceptionnelles et suspecte la prestataire de s’adonner à de l’évitement procédural.

[12] De plus, aux termes de l’alinéa 3(1)a) du Règlement, le Tribunal veille à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;

[13] Pour ces raisons, le Tribunal refuse d’accorder un second ajournement puisque la prestataire n’a pas fourni de motifs par écrit à l’appui de sa demande et que les motifs qu’elle a fournis d’après les notes relatives à la conversation ne représentent pas des circonstances exceptionnelles. De plus, comme le Tribunal est convaincu qu’elle a reçu l’avis d’audience, il doit instruire l’affaire en son absence.

Questions en litige

[14] La question qui fait l’objet de l’appel consiste à déterminer si la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Droit applicable

[15] L’article 30 de la Loi sur l’AE prévoit, notamment, que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

[16] Le sous-alinéa alinéa 29c)(i) de la Loi sur l’AE prévoit que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas compte tenu de toutes les circonstances, notamment de harcèlement, de nature sexuelle ou autre.

Preuve

[17] La prestataire a fait une demande de prestations régulières d’AE, déclarant qu’elle avait quitté son emploi en raison d’un conflit personnel. Elle a expliqué être en conflit avec le gestionnaire de répartition et avec un répartiteur, et a affirmé que le gestionnaire de répartition l’avait discriminée et jugée en raison de son sexe. Elle a ajouté que le répartiteur l’avait également jugée de façon injuste et que les humeurs n’étaient pas maîtrisées avec professionnalisme. (pages GD3-3 à GD3-8)

[18] La prestataire a expliqué le dernier événement en affirmant qu’elle avait déjà reçu un dernier avertissement écrit, qu’elle subissait un stress énorme et qu’elle avait fait une sieste à un point de livraison avant de revenir prudemment. La journée suivante, le répartiteur a convoqué une réunion, au sujet de laquelle la prestataire a affirmé ce qui suit : [traduction] « Je me doutais que j’allais être renvoyée ou qu’on allait encore me donner un avertissement, alors j’ai décidé de nous épargner les tracas et les tensions et de passer à autre chose. Le répartiteur a plus tard confirmé mon congédiement par texto. » (page GD3-9)

[19] La prestataire a affirmé qu’elle avait parlé aux gens concernés mais que les problèmes ne s’étaient pas réglés; les répartiteurs n’assumaient jamais leur part de responsabilité et l’utilisaient comme bouc émissaire pour ne pas perdre leurs primes. Elle a aussi affirmé que le propriétaire savait qu’elle avait de la difficulté à bien s’intégrer au groupe. La prestataire n’a pas consulté d’agences externes, précisant qu’ [traduction] « [elle] ne voulait pas se battre pour un emploi qui ne la rend pas heureuse, qui l’inquiète, où elle sent qu’on ne lui fait pas confiance et qu’on la tient pour acquise et où on l’intimide. » (pages GD3-9 et GD3-10)

[20] La prestataire a déclaré qu’elle avait cherché un autre emploi avant de quitter le sien et qu’elle avait un poste qu’il l’attendait depuis qu’elle avait commencé cet emploi. (page GD3-10)

[21] L’employeur a soumis un relevé d’emploi qui indique que la prestataire avait commencé à travailler comme conductrice de camion le 12 juin 2014 et qu’elle avait quitté son emploi le 24 octobre 2014, pour un total de 867 heures d’emploi assurable. (page GD3-18)

[22] La prestataire a expliqué que le gestionnaire de répartition lui faisait constamment des avances, et que cela avait cessé après qu’elle eût mis son employeur au courant du harcèlement. Elle a affirmé que le gestionnaire de répartition s’était mis à être déplaisant à son endroit après qu’il se soit rendu compte qu’il n’allait pas réussir à la charmer. Elle a expliqué qu’il lui confiait des livraisons difficiles qu’elle n’aurait pas dû faire, et qu’il lui disait que conduire des camions était une affaire d’hommes mais qu’elle ne devait pas s’inquiéter parce qu’il lui montrerait comment faire. Elle a affirmé qu’elle avait 10 ans d’expérience et elle pense que le gestionnaire de répartition était fâché contre elle parce qu’elle refusait de le fréquenter. (page GD3-19)

[23] La prestataire a affirmé que le répartiteur envoyait tous les conducteurs à des endroits qui n’avaient pas besoin d’un remplissage de carburant. Elle a expliqué qu’il fallait prendre certaines mesures, avant de livrer le carburant, afin de connaître la quantité de carburant qui allait être nécessaire, et qu’une fois qu’on commençait à pomper le carburant, il était impossible de s’arrêter jusqu’à ce que le camion soit entièrement vidé. La prestataire a affirmé que le répartiteur l’avait fait partir à cinq occasions avec un camion trop rempli. Elle était donc incapable de vider tout le carburant et ne pouvait pas bien faire son travail, et elle croit qu’il cherchait ainsi à la faire mal paraître. La prestataire a ajouté que le répartiteur avait fait la même chose à d’autres conducteurs. (page GD3-19)

[24] La prestataire a déclaré que la répartition était souvent mal organisée, que les tournées étaient mal organisées et que la répartition n’était pas faite à temps, et que les conducteurs étaient donc en retard pour leurs tâches. Elle a ajouté que lorsque quelque chose allait mal, il semblait que les répartiteurs n’assumaient pas leur part de responsabilité pour leurs erreurs et qu’ils essayaient de donner l’impression que c’était de sa faute à elle, et le propriétaire n’écoutait que les répartiteurs. Elle a également affirmé qu’elle aimait le travail et le propriétaire, mais qu’elle avait de la difficulté à composer avec le manque d’organisation qui retombait tout le temps sur les conducteurs. (page GD3-19)

[25] La prestataire a soutenu qu’elle endossait la responsabilité pour ces erreurs, mais que la situation est devenue si grave qu’elle a arrêté de le faire puisque ces erreurs n’étaient pas les siennes. Elle a dit à son patron qu’elle n’allait plus endosser ces erreurs dont elle n’était pas responsable. Elle a aussi informé le propriétaire du comportement du répartiteur à son endroit, mais rien n’a été fait. La prestataire a affirmé qu’il s’agissait d’une petite entreprise familiale, sans syndicat, et qu’elle ne pouvait être mutée nulle part, mais qu’elle avait cherché un emploi. (page GD3-19)

[26] La prestataire a expliqué qu’elle avait reçu son premier avertissement durant les six premières semaines ayant suivi son embauche, et qu’il concernait un épanchement. Elle a affirmé qu’elle avait livré du carburant et que le camion qu’elle utilisait avait un tuyau défectueux. Un autre conducteur avait pris des notes sur l’utilisation du tuyau défectueux mais il avait oublié de les lui donner, et elle ne savait donc pas qu’il fallait manipuler ce tuyau d’une certaine façon pour éviter un épanchement. Elle a fini par laisser moins de 30 litres de carburant s’échapper et a répandu du sable par-dessus et s’en ait bien occupé, mais elle a quand même reçu un avertissement. (page GD3-19)

[27] La prestataire a expliqué le dernier événement en indiquant que les conducteurs établissent leurs propres heures et qu’il n’y a pas de problème tant qu’ils font leur demande à cet égard avant minuit. Le répartiteur voulait que la prestataire travaille le lundi et il était très autoritaire sur cette question. La prestataire a affirmé que le répartiteur avait refusé de lui donner une feuille de répartition mais qu’il avait exigé qu’elle vienne travailler. La prestataire a fait savoir qu’elle ne travaillerait pas sans avoir une feuille de répartition. (page GD3-20)

[28] La prestataire a aussi affirmé qu’elle avait perdu deux membres de sa famille la semaine précédente et qu’il lui avait fallu composer avec ces deuils. Elle a soutenu que le répartiteur lui avait envoyé un texto lui indiquant qu’elle était censée être au travail. La prestataire avait répondu en lui expliquant pourquoi elle avait été absente, mais le répartiteur ne l’avait pas crue et lui avait répondu, au sujet de sa situation, par un texto qui indiquait [traduction] « MDR » (mort de rire), ce qu’il l’a choquée. La prestataire a affirmé que lorsqu’elle est allée au travail, le répartiteur lui a tout de suite demandé de signer des papiers, ce qu’elle a fait sans les avoir lus, et elle a trouvé qu’elle en avait assez de cette situation. (page GD3-20)

[29] La prestataire a poursuivi en affirmant qu’une rencontre avec le propriétaire avait été prévue, mais qu’elle ne voulait pas y aller et pleurer devant le patron et discuter des raisons de son absence durant la semaine précédente, et elle a dit à son répartiteur pourquoi elle ne pouvait pas participer à la rencontre. Elle a déclaré qu’elle ne voulait pas parler de sa situation avec le propriétaire et le répartiteur alors qu’il n’y avait pas vraiment de travail pour elle, et qu’elle ne voulait pas composer avec le stress lié à l’emploi alors qu’elle vivait son deuil. La prestataire a également expliqué que le répartiteur lui a répondu par un texto indiquant ce qui suit [traduction] : « Tu vas être congédiée donc à partir de maintenant tu es congédiée MDR ». (page GD3-20)

[30] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas déposé de plainte de harcèlement sexuel puisqu’il s’agissait d’une petite entreprise et que cela serait leur parole contre la sienne. Elle a ajouté qu’elle n’a pas de temps pour cela, qu’elle s’en moque maintenant et que cela ne l’inquiète plus; elle veut simplement obtenir un autre emploi et passer à autre chose. (page GD3-20)

[31] La Commission a communiqué avec l’employeur et celui-ci a affirmé que la prestataire n’avait pas expliqué les raisons de son départ, mais qu’il croyait que cela était attribuable à l’accident majeur qu’elle avait causé au travail, quand elle avait perdu environ 1 100 litres de carburant sur un lieu de travail, et qu’il ne l’avait pas vue depuis cette soirée-là. Le propriétaire a déclaré qu’il était possible que le tuyau se soit désolidarisé alors que la prestataire vidait le carburant du camion, mais il a affirmé que leurs camions n’ont pas de tuyaux défectueux parce qu’il ne dirige pas sa compagnie comme cela. L’employeur a expliqué que le conducteur est responsable de procéder à un test par immersion avant de vider le carburant du camion, et qu’il ne doit pas le vider s’il est trop rempli. (page GD3-21)

[32] Le propriétaire a affirmé qu’ils avaient essayé de communiquer avec la prestataire, mais qu’elle ne les avait jamais rappelés pour discuter de cette affaire. Il avait dû envoyer une équipe d’évacuation sur le terrain pour tout nettoyer. Il a aussi soutenu qu’il n’était au courant d’aucun problème entre la prestataire et les répartiteurs, et a ajouté qu’il ne savait pas que les répartiteurs avaient de la difficulté à faire venir travailler la prestataire. Il a affirmé qu’ils essayaient de la faire venir travailler à 7 h, mais qu’elle n’arrivait souvent qu’à 13 h ou 14 h. Le propriétaire a également dit que les conducteurs font leur propre horaire, mais que la majorité d’entre eux commencent à travailler à 7 h ou 8 h. Le propriétaire a affirmé que la prestataire avait d’abord reçu un avertissement verbal avant de recevoir un avertissement écrit. (page GD3-21).

[33] Le propriétaire a affirmé que la prestataire avait été prévenue, à son embauche, qu’il n’était pas permis d’avoir des passagers à bord puisque leur assurance ne couvrait pas les passagers. Il a également dit que les conducteurs sont censés indiquer l’heure à laquelle ils commencent à travailler chaque jour et que la compagnie a besoin d’une certaine routine pour être en mesure de dire aux clients l’heure quotidienne de la livraison, et que la plupart des conducteurs commencent à travailler à 7 h ou 8 h. Il a affirmé que les conducteurs reçoivent toutes les directives concernant leur travail par texto ou par courriel. (page GD3-22).

[34] L’employeur a soumis un avertissement écrit signé par la prestataire en date du 4 septembre 2014. La prestataire avait reçu un avertissement écrit parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de la compagnie sur la conduite convenable au travail. L’incident est décrit comme un grand épanchement, qui n’avait pas été correctement nettoyé et duquel aucun agent ou répartiteur n’avait été avisé, de façon à être reflété dans sa prime et possiblement pour qu’elle assume les frais du nettoyage. La prestataire a écrit ce qui suit sur l’avertissement : [traduction] « Ajustement au niveau du réservoir doit être remplacé, essayé de bien nettoyer et notification au réveil ». (page GD3-24)

[35] L’employeur a soumis un avertissement écrit signé par la prestataire en date du 16 septembre 2014, indiquant qu’il s’agissait de son second avertissement pour non-conformité à la réglementation provinciale ou fédérale en matière de sécurité. L’incident à la source de cet avertissement était la non-conformité aux instructions, le défaut de tester le carburant nécessaire dans le sol avant l’ouverture, et un épanchement de 50 à 80 litres. Une copie de la procédure de déchargement lui a été remise à titre de rappel, ainsi qu’une note indiquant [traduction] « de demander une autre formation si cela est nécessaire. » (page GD3-25).

[36] L’employeur a soumis un avertissement écrit signé par la prestataire en date du 2 octobre 2014, soulignant qu’il s’agissait de son troisième avertissement pour non-conformité à la réglementation provinciale ou fédérale en matière de sécurité et pour non-conformité à la politique de l’entreprise concernant l’utilisation sécuritaire d’un véhicule commercial. L’incident a été décrit comme le défaut de procéder à des inspections quotidiennes avant et après les tournées, ayant causé une fermeture à l’échelle en raison d’une crevaison d’un pneu déjanté et des livraisons qui ne sont pas assez rapides. (page GD3-26).

[37] L’employeur a soumis un avertissement écrit signé par la prestataire en date du 17 octobre 2014, qui précisait qu’il s’agissait de son dernier avertissement pour non-conformité à la réglementation provinciale ou fédérale en matière de sécurité, pour ne pas avoir respecté les directives de la répartition, ne pas avoir indiqué qu’elle allait être en retard, avoir livré du carburant n’importe où de façon arbitraire, ne pas avoir fait part de ses actions, avoir conservé des documents pendant une semaine, avoir appelé des clients, avoir dit que ce n’était [traduction] « pas si grave » et avoir trompé des employés et des supérieurs pour éviter de devoir affronter les conséquences de ses gestes. Cet avertissement expliquait également que la prestataire devait se conformer à la réglementation provinciale ou fédérale en matière de sécurité ou aux politiques de son entreprise et que toute autre violation entraînerait son congédiement. (page GD3-27).

[38] La Commission a communiqué avec la prestataire, qui a affirmé ne pas être au courant d’un accident où 1 100 litres de carburant se seraient déversés. Elle a expliqué avoir connaissance d’un épanchement de 30 litres, qu’elle avait recouvert de sable conformément aux consignes de sécurité de sa compagnie; elle avait rangé le camion plus loin et était demeurée sur le site et avait fait une sieste avant de repartir. Elle avait parlé de l’épanchement avec son employeur, et a affirmé qu’elle avait communiqué avec l’employeur après avoir quitté son emploi, et c’était ainsi que celui-ci avait pu obtenir sa nouvelle adresse et lui faire parvenir son relevé d’emploi. Elle a ajouté qu’elle avait aussi appelé l’employeur pour savoir si elle allait recevoir un autre chèque de paye, et on l’a informée que son dernier chèque de paye avait servi au nettoyage de l’épanchement. (page GD3-28)

[39] La prestataire a soutenu que son employeur pourrait ne pas se souvenir que son camion avait un tuyau défectueux puisque l’accident avait eu lieu environ trois mois plus tôt. La prestataire a expliqué qu’un autre accident s’était produit, alors que le joint d’étanchéité du tuyau ne fonctionnait pas bien et que le client avait dû le remplacer, mais le client n’en était pas ravi du tout et en a informé l’employeur le jour suivant. (page GD3-28)

[40] La prestataire a expliqué que les feuilles de répartition étaient envoyées la nuit, et qu’on s’attendait à ce que le travail soit terminé avant minuit la nuit suivante. Elle a affirmé qu’elle partait parfois à 3 h ou 5 h pour faire ses livraisons et que certains jours, il lui fallait 12 ou 14 heures pour terminer son quart de travail. Elle était libre de choisir les heures où effectuer son travail. (page GD3-28)

[41] La Commission a envoyé une lettre datée du 6 janvier 2015 à l’employeur, l’informant que la demande de prestations d’AE de la prestataire avait été approuvée. (page GD3-29)

[42] L’employeur a présenté une demande de révision, précisant que la prestataire avait bénéficié de plusieurs chances pour améliorer son rendement et qu’elle avait choisi d’ignorer les avertissements qui lui avaient été donnés. La prestataire a quitté son emploi et n’est jamais revenue, et la lettre de cessation d’emploi ne lui a donc jamais été remise. (page GD3-30).

[43] L’employeur a soumis un avis de cessation d’emploi daté du 25 octobre 2014, indiquant ce qui suit :

[traduction]

  1. N’a pas communiqué avec la répartition; la répartition a essayé de joindre la prestataire trois fois le 24 octobre 2014 pour savoir pourquoi il lui avait pris 4,5 heures pour faire son premier arrêt comme le camion avait été chargé la journée précédente et pour changer son chargement, mais elle n’a jamais rappelé la répartition.
  2. N’a pas communiqué avec la répartition ou un gestionnaire pour signaler son épanchement majeur du 24 octobre 2014.
  3. Les actions de la prestataire nécessitaient des mesures immédiates. Vu la quantité perdue en litres, la prestataire devait signaler l’incident non seulement à l’équipe de gestion mais aussi à Environnement Canada.
  4. Il a été signalé à l’employeur qu’un passager non autorisé avait été aperçu à plusieurs occasions à bord du camion de la prestataire; la police d’assurance ne couvre pas les passagers non autorisés.
  5. Compte tenu de la gravité de l’incident, les politiques de la compagnie exigent que les conducteurs qui rencontrent des problèmes à répétition subissent un test de dépistage des drogues.

[44] Une note manuscrite sur l’avis de cessation d’emploi précise que la prestataire est passée après la fermeture du bureau le 27 octobre 2014 et a déposé des documents, des cartes et des clés, entre autres, et qu’elle n’est jamais revenue, et que cet avis n’a donc jamais été remis. (page GD3-32).

[45] La Commission a communiqué avec l’employeur et le propriétaire a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec la décision que la Commission avait rendue parce qu’il était d’avis que la prestataire ne devrait pas avoir droit à des prestations d’AE après avoir volontairement abandonné son emploi. Le propriétaire a affirmé qu’un chargement avait été préparé pour que la prestataire le livre cette journée-là, mais qu’elle ne s’est jamais présentée au travail. Il a ajouté que la prestataire lui avait fait part de ses inquiétudes concernant le gestionnaire de répartition, mais qu’elle avait également dit avoir réglé la situation; elle n’avait jamais parlé de harcèlement, et il n’a pas vraiment plus de détails sur cette situation puisque la prestataire lui avait dit qu’elle avait réglé l’affaire. Le propriétaire a affirmé qu’elle ne lui avait rien dit à propos du répartiteur. (page GD3-39)

[46] La Commission a communiqué avec la prestataire. Au sujet de sa dernière journée de travail, le 24 octobre 2014, elle a affirmé avoir ramené le camion puis être retournée chez elle. Elle a affirmé qu’elle était allée au travail le dimanche pour voir si l’horaire pour la semaine suivante était affiché, et qu’elle avait ainsi remarqué qu’elle n’avait aucun quart de travail à l’horaire. Le répartiteur lui a alors demandé de revenir lundi, mais elle ne voulait pas revenir parce qu’elle savait qu’elle allait être congédiée puisque le répartiteur lui avait envoyé un texto indiquant qu’elle était renvoyée. Lorsque la Commission lui a demandé d’expliquer pourquoi le répartiteur lu aurait envoyé un texto disant qu’elle était renvoyée et lui aurait ensuite demandé de se présenter pour une rencontre, la prestataire a affirmé qu’il se pouvait que le texto ait plutôt été envoyé par la suite, mais que cela n’était pas important puisqu’elle était renvoyée. Elle a expliqué que l’employeur essayait de se débarrasser d’elle et qu’elle avait reçu des avertissements pour de nombreuses erreurs dont elle n’était pas responsable. La prestataire a affirmé qu’il y avait une feuille qu’elle remplissait pour indiquer l’heure à laquelle elle voulait travailler. Le répartiteur ne lui donnait pas cette feuille et elle ne voulait donc pas se rendre au travail si elle n’avait pas de quart prévu à l’horaire. (page GD3-42).

[47] La prestataire a expliqué qu’elle signait les avertissements écrits parce qu’elle n’y réfléchissait pas trop et qu’elle voulait garder son emploi. Elle a affirmé qu’elle pensait que les avertissements allaient un jour être retirés. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas quitté son emploi et qu’elle avait plutôt été congédiée. On lui a demandé de communiquer avec le fournisseur de services pour voir si elle pouvait soumettre ce texto qui indiquait qu’elle était renvoyée (page GD3-42).

[48] La prestataire a affirmé que le fournisseur de services ne voulait pas lui fournir ce texto sans mandat de la police. Elle a affirmé n’avoir aucune autre preuve de son congédiement, mis à part le relevé d’emploi. On l’a informée que le relevé d’emploi indiquait qu’elle avait démissionné, et elle a demandé un numéro de télécopieur pour soumettre une copie du relevé d’emploi car il devait s’agir d’une erreur. (page GD3- 43)

[49] La Commission a communiqué avec la prestataire, et cette dernière a affirmé qu’elle était incapable de retrouver son relevé d’emploi. On l’a informée que l’employeur considérait qu’elle avait quitté son emploi, et que la raison indiquée sur le relevé d’emploi n’avait donc pas d’importance. La prestataire a affirmé qu’il était injuste que la Commission prenne parti pour l’employeur. Elle a dit que la rencontre à laquelle on l’avait conviée ne concernait pas un quart de travail, et qu’elle ne s’était donc pas sentie obligée d’y être et ne s’y était pas présentée puisque le répartiteur lui avait dit qu’elle était renvoyée. La prestataire a affirmé que le répartiteur lui avait demandé de venir faire un test de dépistage des drogues. La Commission a informé la prestataire que sa décision initiale allait être modifiée puisqu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. (page GD3-44)

Observations

[50] La prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. Elle était fondée à ne pas retourner au travail. Son répartiteur a confirmé par texto qu’elle n’était plus une employée et il n’y avait pas de feuille de chargement la soirée précédente pour lui dire où elle devait se rendre dans le cadre de son travail. (page GD2-3)
  2. Elle se trouvait en situation de conflit avec les deux répartiteurs pour toute la durée de son emploi et a reçu des avertissements qu’elle a signés par inadvertance. Elle ne se sentait pas à sa place du tout et était intimidée par les deux répartiteurs, au point où elle signait les avertissements qu’elle recevait simplement pour arrêter les disputes ou pour assumer la responsabilité pour que ce soit plus simple. (page GD2-3)

[51] La Commission a fait valoir ce qui suit :

  1. La prestataire a soutenu qu’elle avait été congédiée par l’entremise d’un texto envoyé par son répartiteur. La Commission prétend que la prestataire n’a fourni aucun texto montrant qu’elle avait été congédiée. La prestataire a contredit ses affirmations voulant qu’elle avait été congédiée puisqu’elle a clairement déclaré dans sa demande qu’elle avait quitté son emploi. Si elle avait été congédiée, elle aurait dû sélectionner l’option à cet effet dans sa demande de prestations. Même dans sa conversation initiale avec la Commission, la prestataire a affirmé qu’elle avait quitté son emploi et qu’elle n’avait pas voulu aller à la rencontre à laquelle l’employeur l’avait convoquée. Au cours des différentes conversations que la prestataire a eu avec la Commission, elle a affirmé qu’elle n’avait pas voulu se présenter à la rencontre du lundi parce qu’elle croyait qu’elle allait être renvoyée. Si la prestataire avait été congédiée par texto, la Commission a l’impression que cela aurait été plus crédible après la rencontre à laquelle elle ne s’était pas présentée et l’abandon de son emploi, essentiellement. Cependant, c’est la prestataire qui a amorcé la cessation d’emploi en abandonnant son emploi. (page GD4-4)
  2. La prestataire a soutenu qu’aucune feuille de chargement n’avait été imprimée pour lui indiquer de se rendre au travail. La Commission estime que cela n’a aucune importance puisque la prestataire aurait pu se présenter à la rencontre et ne pas avoir renoncé à son emploi quand elle l’a fait. Encore une fois, la Commission fait valoir que rien ne démontre que l’employeur ait congédié la prestataire compte tenu du fait que toutes ses affirmations révèlent qu’elle a abandonné son poste. (page GD4-5)
  3. La prestataire a affirmé qu’elle était en situation de conflit avec les deux répartiteurs pour toute la durée de son emploi. L’employeur a affirmé que la prestataire avait dit qu’elle avait réglé l’affaire avec le gestionnaire de répartition, et l’employeur n’était au courant d’aucun problème avec le répartiteur. La Commission soutient que la seule plainte que la prestataire a formulée à l’endroit du répartiteur était qu’il l’envoyait, ainsi que d’autres conducteurs, à des endroits qui n’avaient pas besoin d’un remplissage de carburant. La Commission ne voit pas en quoi il s’agirait de harcèlement alors que cela semble simplement faire partie du travail et que les autres conducteurs se trouvent dans la même situation à ce sujet. La Commission fait également valoir que cela ne semble pas être la raison pour laquelle elle a quitté son emploi. (page GD4-5)
  4. La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi le 24 octobre 2014 puisqu’elle n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à elle avant son départ. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, une solution raisonnable aurait été de trouver un autre emploi avant de quitter le sien, ou encore de discuter de sa situation avec son employeur afin de régler ses soucis. L’appelante n’a donc pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au sens de la Loi sur l’AE.

Analyse

[52] La question de savoir si une personne était fondée à quitter volontairement son emploi nécessite un examen visant à établir si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable (MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance-emploi du Canada), 2009 CAF 306; Canada (Procureur général) c. Imran, 2008 CAF 17).

[53] Dans l’affaire Tanguay c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada) (A-1458-84), la Cour d’appel fédérale a établi une distinction entre un « motif valable » et une « justification » en ce qui a trait à un départ volontaire.

[54] D’après l’arrêt Canada (Procureur général) c. Laughland, 2003 CAF 129, de la Cour d’appel fédérale, la question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais plutôt de savoir son départ était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances. Agir de façon raisonnable peut constituer un « motif valable », mais pas nécessairement une « justification ».

[55] Un prestataire qui invoque le harcèlement comme raison de son départ doit démontrer que le harcèlement qu’il dénonce rendait son milieu de travail véritablement intolérable. Même si le harcèlement a été prouvé, il peut se trouver dans l’obligation de faire tous les efforts raisonnables pour corriger la situation avant de quitter son emploi.

[56] Le prestataire a la charge de prouver qu’il était fondé à quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95).

[57] En l’espèce, la prestataire avait d’abord présenté une demande de prestations d’AE en affirmant qu’elle avait quitté son emploi en raison d’un conflit personnel impliquant le gestionnaire de répartition et un répartiteur. Elle a aussi affirmé qu’elle avait déjà reçu un dernier avertissement écrit et qu’elle se doutait qu’elle allait être renvoyée ou recevoir un autre avertissement écrit lorsqu’elle a été convoquée, et c’est pourquoi elle a décidé d’éviter des ennuis et de passer à autre chose. Elle a affirmé que le répartiteur avait plus tard confirmé par texto qu’elle avait été congédiée.

[58] La prestataire plaide maintenant qu’elle n’a pas quitté son emploi, et qu’elle a plutôt été congédiée puisqu’elle avait reçu un texto du répartiteur lui indiquant que cela était le cas. Bien qu’il se peut que la prestataire allait être congédiée, elle ne s’est pas présentée à la rencontre pour savoir si cela était le cas. Le relevé d’emploi indique que la prestataire a quitté son emploi; l’employeur a affirmé que la prestataire avait abandonné son emploi; et la prestataire a fait une demande de prestations d’AE en indiquant qu’elle avait quitté son emploi; le Tribunal est donc convaincu que la prestataire a quitté volontairement son emploi pour éviter d’être congédiée. Elle savait qu’elle avait déjà reçu un avertissement final et se doutait qu’elle allait être congédiée durant la rencontre à laquelle elle avait été convoquée; elle a choisi de ne pas se présenter à la réunion et n’est pas retournée au travail. Elle a donc abandonné son emploi.

[59] La prestataire a affirmé qu’elle avait été fondée à ne pas retourner au travail. Elle a expliqué qu’elle était en situation de conflit avec les deux répartiteurs pour toute la durée de son emploi et qu’elle ne se sentait pas du tout à sa place et qu’elle était intimidée par les deux répartiteurs, au point où elle signait les avertissements qu’elle recevait simplement pour arrêter les disputes. Le Tribunal a admis les affirmations de l’employeur, selon lesquelles la prestataire ne lui avait pas fait part de ses inquiétudes mis à part la situation avec le gestionnaire de répartition, qu’elle avait affirmé avoir déjà réglée lorsqu’elle en a discuté avec lui. Le Tribunal accepte également l’affirmation de la prestataire, voulant que le harcèlement qu’elle subissait de la part du gestionnaire de répartition avait cessé après qu’elle en ait eu avisé son employeur.

[60] Le Tribunal s’est inspiré de la décision CUB 66480, dans laquelle le juge Goulard s’est exprimé dans les termes suivants :

Dans la décision CUB 18973, le juge Martin a déclaré que le système d’assurance-emploi avait été mis en place pour les personnes qui, indépendamment de leur volonté, se retrouvent au chômage et sont incapables de trouver un emploi. Il ne s’agit pas d’un régime visant le versement de prestations à des personnes qui ont quitté le marché du travail pendant une certaine période parce qu’elles n’étaient plus satisfaites de leurs conditions de travail et avaient besoin d’un changement. La personne qui choisit de quitter son emploi pour une raison du genre doit le faire à ses dépens, et non à ceux des employés et des employeurs qui cotisent au régime d’assurance-emploi. Voici ce qu’a déclaré le juge-arbitre dans la décision CUB 24198A :

« La jurisprudence a clairement établi que des conditions de travail insatisfaisantes, quelles qu’elles soient, ne constituent généralement pas un motif valable de quitter un emploi à moins que ces conditions soient à ce point intolérables que l’employé n’a d’autre choix que de cesser d’exercer cet emploi. Il est préférable pour cette personne de garder son emploi, même dans des circonstances difficiles, que de ne pas avoir d’emploi du tout. »

[61] De plus, le juge Layden-Stevenson de la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190 :

La jurisprudence de la Cour impose dans la plupart des cas au prestataire l’obligation de tenter de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi […].

[62] Le Tribunal conclut que la prestataire n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi. Il revient à la prestataire de protéger son emploi en tentant de résoudre les conflits de travail ou d’essayer de trouver un autre emploi avant de prendre la décision de quitter le sien. La prestataire ne s’entendait pas bien avec ses collègues, mais admet que le harcèlement a cessé après sa discussion avec son employeur. Elle a aussi affirmé qu’elle avait des problèmes avec le répartiteur, mais n’en a pas fait part à son employeur dans le but de régler la situation. De plus, même si la prestataire prétend être responsable d’un seul épanchement, les avertissements écrits qu’elle a signés indiquent plutôt que trois épanchements ont eu lieu, et que certains d’entre eux étaient d’une quantité considérable. La prestataire a affirmé qu’elle n’était pas responsable de ces incidents et que les répartiteurs refusaient d’assumer la responsabilité de leurs erreurs; cependant, l’employeur a affirmé que la prestataire était responsable de procéder à un test par immersion avec de vider le camion, et qu’il pouvait se produire un déversement de pétrole s’il elle n’effectuait pas d’abord ce test. Le Tribunal n’est pas convaincu que la prestataire a signé les avertissements écrits pour mettre fin aux disputes ou pour accepter la responsabilité d’erreurs qu’elle n’avait pas commises. Même si les répartiteurs l’ont envoyée faire des livraisons alors qu’elle transportait trop de carburant, la prestataire a admis qu’ils l’avaient fait à tous les autres conducteurs; on ne peut donc pas affirmer que la prestataire était personnellement visée ou intimidée. Pour ces raisons, le Tribunal n’est pas convaincu que l’emploi occupé par la prestataire était intolérable à un point tel qu’elle n’avait eu d’autre choix que de le quitter quand elle l’a fait. Le Tribunal est convaincu que la prestataire avait reçu trois avertissements écrits ainsi qu’un dernier avertissement, et qu’elle a décidé de quitter volontairement son emploi puisqu’elle se doutait qu’elle allait être congédiée.

[63] Le critère juridique qui doit être appliqué consiste à déterminer si la prestataire ne disposait d’aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi quand elle l’a fait. Le Tribunal est d’avis que la prestataire disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Compte tenu de toutes les circonstances, la prestataire aurait pu se présenter à la réunion pour savoir si son employeur allait véritablement la congédier. L’employeur a affirmé qu’il avait donné plusieurs chances à la prestataire pour améliorer son rendement, et a ajouté qu’un camion avec un chargement était prêt pour la prestataire ce jour-là, mais qu’elle ne s’était pas présentée; il y avait donc une possibilité que l’employeur était prêt à continuer de travailler avec elle. La prestataire avait la possibilité raisonnable de communiquer avec une agence externe si elle avait l’impression que les camions n’étaient pas bien entretenus ou que certains de leurs tuyaux étaient défectueux, et elle avait la responsabilité de chercher un autre emploi avant de quitter l’emploi qu’elle occupait.

[64] La prestataire a allégué qu’elle n’avait pas eu de feuille de chargement et qu’elle n’avait donc pas senti le besoin de se rendre au travail puisqu’elle n’était pas à l’horaire. Le Tribunal juge que cet argument n’est pas pertinent. La prestataire avait été convoquée à une réunion avec son employeur, et on s’attendait à ce qu’elle s’y présente; le fait qu’elle n’avait pas de quart à l’horaire ne justifie pas qu’elle ignore une réunion avec son employeur.

[65] Pour ces raisons, le Tribunal conclut que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[66] L’appel est rejeté.

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