Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 10 juillet 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l'appel du demandeur relatif à la demande de révision/recalcul de son taux de prestations hebdomadaires conformément à l'article 14 de la Loi sur l'assurance‑emploi (LAE). La Commission de l'assurance-emploi du Canada (Commission) avait approuvé le versement de prestations de maladie au demandeur et calculé son taux de prestations hebdomadaires à un montant de 149 $.Le demandeur a demandé la révision du calcul et a fait valoir que son taux de prestations devrait être d'une valeur 252 $. La Commission a maintenu sa décision concernant la révision.

[2] Le demandeur a envoyé un courriel au Tribunal le 29 août 2015 dans lequel il est déclaré que le demandeur avait seulement joint un avocat la veille et dans lequel le demandeur demande une prorogation du délai au 8 septembre 2015 afin de rencontrer l'avocat. Le demandeur a également mentionné ce qui suit dans le courriel : [traduction] « [...] calcul de 6 % à cet égard et de 7 %, alors je ne présente pas une demande pour l'assurance-emploi pour maladie. »

[3] Le tribunal a envoyé une lettre datée du 11 septembre 2015 au demandeur pour l'informer que, pour que la division d'appel (DA) du Tribunal examine sa demande de prorogation du délai, il devra fournir les renseignements suivants :

  1. expliquer pourquoi l'appel a été interjeté en retard (c.-à-d., s’il existe une explication raisonnable pour le retard);
  2. expliquer la mesure dans laquelle il y a eu une intention continue d'interjeter appel (c.-à-d. les mesures qui ont été prises et qui démontrent l'intention d'interjeter appel);
  3. expliquer pourquoi la cause est défendable;
  4. expliquer pourquoi la prorogation du délai pour interjeter appel ne porte pas préjudice aux autres parties si elle est accordée.

La lettre demandait également d'autres renseignements obligatoires, à savoir :

  • le nom, l'adresse, le numéro de téléphone et, au besoin, le numéro de télécopieur et l'adresse électronique de votre représentant;
  • les motifs de la demande (les motifs pour lesquels vous interjetez appel de la décision);
  • les énoncés des faits ayant été présentés à la division générale et sur lesquels le demandeur s’appuierait dans le cadre de cette demande;
  • votre numéro d'assurance sociale;
  • votre adresse complète et, au besoin, votre numéro de télécopieur et votre adresse électronique du demandeur (Remarque : si vous n'avez pas un numéro de téléphone, veuillez fournir une réponse écrite faisant état du fait que vous ne possédez pas un numéro de téléphone);
  • une déclaration selon laquelle les renseignements fournis dans la demande sont, à votre connaissance, véridiques. Vous pouvez faire parvenir une déclaration au Tribunal en indiquant ce qui suit sur une feuille vierge :
    • votre nom complet,
    • le numéro du Tribunal (c’est-à-dire le numéro mentionné en objet);
    • la déclaration suivante : « Je, (nom complet du demandeur), déclare que les renseignements fournis pour l’appel no (numéro de l’appel) sont, à ma connaissance, véridiques. »

Un formulaire de demande de permission d'en appeler était (demande) était joint afin que le demandeur puisse le remplir.

[4] Le demandeur a fourni sa réponse par courriel le 29 septembre 2015. Ce courriel comprend un exposé qui semble porter sur certains renseignements demandés par le Tribunal.

[5] Le 30 septembre 2015, le Tribunal a accusé réception du courriel du 29 septembre, a fait remarquer que la demande n'était pas complète et a mentionné les renseignements requis pour compléter la demande. Le demandeur a envoyé des courriels au Tribunal le 30 septembre et les 2, 6 et 7 octobre 2015. Le demandeur a envoyé le formulaire de demande le 9 octobre 2015 par télécopieur. Le Tribunal a jugé la demande complète le 9 octobre 2015.

[6] Le demandeur a envoyé d'autres courriels au Tribunal le 22 octobre, les 6, 17, 26, 29 et 30 novembre, et les 1er, 2, 3, 4, 7, 17, 19, 20 et 21 décembre 2015. Le demandeur a également appelé le Tribunal le 2 novembre 2015.

[7] Le 22 décembre 2015, le Tribunal a informé le demandeur que le membre de la DA affecté au dossier avait conclu que la demande manquait des renseignements exigés, à savoir une explication du retard du dépôt de l'appel et les motifs de l'appel. Le 23 décembre 2015, le demandeur a répondu par courriel et il a déclaré avoir déjà envoyé tous ses renseignements. Sa réponse était la suivante :

[traduction]

La chose dont vous parlez a déjà été envoyée par télécopieur à deux reprises... Est-ce qu'un employé dans votre bureau a un problème de santé mentale?

À quel genre de jeu jouez-vous pour demander plusieurs fois les mêmes renseignements? Je crois que, après tout ce que j'ai fait pour mettre fin à - moi bénéficiaire moyen de l'aide au revenu des services sociaux de Vancouver, il est temps de mettre fin au mode d'enquête sur Manuel Tadros et Efrya. J'ai suffisamment vu son visage de fraise. Je crois que vous êtes plus intelligent. Regardez... c'est presque pareil. Des personnes embarrassantes qui reçoivent une rémunération de son travail de crédit...

Je dois vous envoyer les détails par télécopieur et répondre à la même question...

J’EN AI MARRE DE VOTRE INCOMPÉTENCE À PAYER LES BONS TRAVAILLEURS QUI MÈNENT UNE VIE SAINE

[8] Le demandeur a envoyé d'autres courriels au Tribunal les 23, 24, 27, 28 et 29 décembre 2015, et les 4 et 5 janvier 2016. Ces courriels ne contenaient aucune explication supplémentaire concernant le dépôt tardif de l'appel ou les motifs de l'appel. Certains courriels comportent des renseignements qui semblent concerner une nouvelle demande de prestations d'assurance-emploi présentée à la Commission qui n'a aucun lien avec cette affaire et qui ne relève pas de la compétence du Tribunal.

Questions en litige

[9] Pour que la demande soit prise en considération, il faut que soit accordée une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler à la DA.

[10] La DA doit ensuite déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[11] Aux termes des paragraphes 57(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler est présentée à la DA dans les 30 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester. En outre, la DA peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[12] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la DA « accorde ou refuse cette permission ».

[13] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[14] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Prorogation du délai

[15] Le 9 octobre 2015, la demande a été estampillée et considérée comme complète. Bien que le demandeur ait envoyé un courriel au Tribunal faisant état d'une intention d'interjeter appel et demandant une prorogation du délai pour interjeter appel le 29 août 2015, la demande n'a pas été reçue avant le 9 octobre 2015.

[16] La décision de la DG a été envoyée au demandeur avec une lettre d’accompagnement le 13 juillet 2015. Selon la demande, le demandeur a reçu la décision [traduction] « probablement trois semaines » après la date de l'audience.

[17] En application de l’alinéa 19(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, je répute la décision de la DG avoir été communiquée au demandeur 10 jours après la date du 13 juillet 2015 à laquelle cette décision lui a été envoyée par la poste. Par conséquent, j'estime que la décision a été communiquée au demandeur le 23 juillet 2015.

[18] La demande a donc été présentée 78 jours après la date où le demandeur a reçu communication de la décision, soit 48 jours après l’expiration du délai de 30 jours.

[19] Les facteurs que le Tribunal prend en considération et soupèse pour déterminer s’il y a lieu de proroger le délai au-delà des 30 jours durant lequel un demandeur est tenu de déposer sa demande de permission d’en appeler sont les suivants :

  1. s’il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. si le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[20] Le demandeur a présenté des observations pour tenter d'aborder ces facteurs. Bien que le Tribunal ait demandé des clarifications supplémentaires, le demandeur a répondu avoir tout présenté auparavant. Par conséquent, la DA doit interpréter les nombreux courriels du demandeur qui font état de ce qui suit :

  1. il a tenté de consulter un avocat, mais il a jugé qu'il s'agissait d'une perte de temps;
  2. [traduction ] « votre employé » a fait une erreur (bien que l'organisation pour lequel travaille l'employé ne soit pas clarifiée);
  3. il était occupé, car il était retourné travailler;
  4. il ne peut pas accepter le montant des prestations versées par la Commission, car celui-ci est trop peu élevé;
  5. il demeure dans un refuge et il a besoin d'argent pour obtenir une chambre à un autre endroit, des meubles et des aliments de qualité supérieure.

[21] Dans la décision Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale (CAF) a statué que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi fait observer qu’il n’était pas nécessaire de répondre, en faveur du requérant, aux quatre questions pertinentes à l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation de délai.

[22] Au paragraphe 26 de la décision X, 2014 CAF 249, la CAF énonce le critère à appliquer pour déterminer s’il convient de proroger le délai :

Lorsqu’il s’agit de décider s’il convient d’accorder une prorogation de délai pour déposer un avis d’appel, le critère le plus important est celui qui consiste à rechercher s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation. Les facteurs à considérer sont les suivants :

  1. a) s’il y a des questions défendables dans l’appel;
  2. b) s’il existe des circonstances particulières justifiant le non-respect du délai prévu pour déposer l’avis d’appel;
  3. c) si le retard est excessif;
  4. d) si la prorogation du délai imparti causera un préjudice à l’intimé.

[23] Dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 4, la CAF a affirmé que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si un demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[24] En ce qui concerne le dépôt tardif de la demande devant la DA, une explication a été fournie. Bien que je ne sois pas certaine que l'explication aborde tous les facteurs pertinents susmentionnés, j'estime que le demandeur avait bel et bien une intention continue d'interjeter appel étant qu'il a communiqué à un grand nombre de reprises avec le Tribunal, qu'il existe des circonstances particulières justifiant le dépôt tardif de la demande, que le retard n'est pas excessif et que la prorogation du délai imparti ne causera pas un préjudice à la défenderesse.

[25] Le demandeur soutient que sa cause est défendable pour les motifs qu'il a exprimés dans sa demande. Étant donné que la question de savoir si l'appel a une chance raisonnable de succès est déterminante pour l'issue de la demande, je discuterai ci-dessous de la question de la chance raisonnable de succès.

[26] Compte tenu de la longueur du retard et de l’explication fournie par le demandeur pour justifier ce retard, ainsi que dans l’intérêt de la justice, j’accorde une prorogation de délai pour le dépôt de la demande.

Demande de permission d'en appeler

[27] La demande invoque comme motif d’appel que :

  1. le demandeur ne peut pas accepter le montant de prestations peu élevé de 149 $ par semaine;
  2. il demeure dans un refuge et il a besoin d'argent pour obtenir une chambre à un autre endroit, des meubles et des aliments de qualité supérieure;
  3. il ne demande pas l'aide au revenu ni un don des services sociaux;
  4. il veut une réponse définitive et il en a assez des enquêtes.

Les nombreux courriels du demandeur répètent ces arguments sous de nombreuses formes et ils font également référence à des questions qui ne sont pas liées à l'appel. Une grande partie du contenu des communications du demandeur avec le Tribunal ressemble au courriel cité plus haut au paragraphe [7].

[28] La demande ne renvoie pas au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, et je ne vois pas exactement en quoi la DG aurait commis une erreur. Il a été demandé au demandeur de préciser les prétendues erreurs figurant dans la décision de la DG (en inscrivant le numéro du paragraphe où se trouve l’erreur et en décrivant l’erreur en question). Le demandeur n'a pas répondu à la question d'une façon permettant à la DA de glaner ces renseignements.

[29] La question devant la DG portait sur le calcul des prestations de maladie du demandeur.

[30] Pendant l’audience devant la DG, le demandeur a invoqué des arguments semblables à ceux présentés dans la demande.

[31] Dans sa décision, aux paragraphes [5], [6], et [16] à [24], la DG a énoncé les bons critères juridiques et le bon fondement législatif pour déterminer la période de référence et le calcul du taux hebdomadaire de prestations.

[32] De plus, le demandeur ne précise pas en quoi la DG aurait commis une erreur, si ce n'est qu'il répète son point de vue selon lequel il ne peut pas accepter cette somme peu élevée de prestations et qu'il a besoin de plus d'argent. Essentiellement, le demandeur cherche à plaider à nouveau sa cause devant la DA.

[33] Une fois que la permission d’en appeler a été accordée, le rôle de la DA consiste à déterminer si une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été commise par la DG et, si c’est le cas, de fournir un redressement pour corriger cette erreur. En l’absence d’une telle erreur susceptible de contrôle, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. Le rôle de la DA n’est pas de reprendre de novo l’instruction de l’affaire. C’est dans ce contexte que la DA doit déterminer, au stade de la permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[34] J’ai lu et examiné soigneusement la décision de la DG et le dossier. Il n’est aucunement prétendu par le demandeur que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision. Le demandeur n’a relevé aucune erreur de droit, pas plus qu’il n’a signalé de conclusions de fait erronées que la DG aurait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle en est arrivée à sa décision.

[35] Pour qu’il y ait une chance raisonnable de succès, le demandeur doit expliquer en quoi la DG a commis au moins une erreur susceptible de révision. La demande présente des lacunes à cet égard, et je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[36] La demande est refusée.

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