Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelante, C. M. : était présente à l’audience.

P. L. : représentant de 9080899 Canada Inc., était présent à l’audience.

Introduction

[1] L’appelante a présenté une demande de prestations, et l’employeur a demandé une révision. L’intimée a avisé l’appelante qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations, car elle avait déterminé qu’elle avait perdu son emploi par sa propre faute. L’appelante a alors interjeté appel devant le Tribunal, et une audience a été prévue.

[2] L’audience a eu lieu par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. le fait que la crédibilité pourrait constituer un enjeu important ;
  2. le fait que plus d’une partie y assisterait ;
  3. le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] L’appelante interjette appel de la décision de l’intimée découlant de sa demande de révision en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) au sujet de l’imposition d’une exclusion en application des articles 29 et 30 de la Loi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Droit applicable

[4] Les alinéas 29a) et b) de la Loi sont ainsi libellés :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations ;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant ;

[5] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[6] Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations [d’un appelant] qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[7] L’article 112 de la Loi prévoit ce qui suit :

  1. (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un [appelant] faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.
  2. (2) [L’intimée] est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.
  3. (3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où [l’intimée] peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).

Preuve

[8] L’appelante a présenté une demande de prestations régulières le 5 mai 2015. Elle a indiqué qu’elle a été congédiée par son employeur pour inconduite, et cela, pour avoir inscrit un commentaire inapproprié dans un journal de bord. Elle a indiqué qu’elle n’était pas au courant de la politique interdisant un tel comportement et qu’elle n’a pas été avertie ou disciplinée au cours des 6 mois précédents. (GD3-3 à 15)

[9] L’appelante a travaillé pour 9080899 Canada Inc. O/A Comfort du 19 janvier 2015 au 24 avril 2015, date à laquelle elle a été congédiée de cet emploi. (GD3-16)

[10] L’employeur a informé l’intimée le 9 juin 2015 que l’appelante a été congédiée pour avoir écrit des commentaires inappropriés dans le cartable de soins d’un client. L’appelante a écrit « what the fuck » [interjection grossière provenant de l’anglais qui exprime un questionnement] comme commentaire dans le cartable. L’employeur indique que ce n’est pas acceptable en ce qui concerne la consignation de notes au dossier et que l’appelante avait enfreint la politique de l’entreprise en ce qui a trait à une conduite appropriée. (GD3-17)

[11] L’appelante a indiqué à l’intimée le 9 juin 2015 qu’elle a été congédiée après avoir écrit un commentaire dans le journal de bord qui a été considéré comme inapproprié par son employeur. Elle a indiqué qu’elle a écrit « WTF » [sigle provenant de l’interjection anglaise « what the fuck »], et non pas la formulation au long dans le journal de bord, car les comprimés d’un client disparaissaient constamment et les comprimés n’étaient pas placés dans une plaquette thermoformée. L’appelante a indiqué qu’elle a essayé pendant plusieurs mois d’obtenir une plaquette thermoformée, car les comprimés de ce client disparaissaient constamment. Elle a été congédiée, et elle indique qu’elle n’a jamais été informée de l’existence d’une politique précise à l’égard de ce qu’elle écrit. Elle a indiqué qu’elle savait qu’elle devait agir de façon convenable, mais qu’il n’y a jamais eu de discussion au sujet de commentaires dans le journal de bord. (GD3-18)

[12] L’intimée a avisé l’employeur le 9 juin 2015 que les heures travaillées par l’appelante C. M. du 19 janvier 2015 au 27 avril 2015 sont utilisées pour établir le bien-fondé de sa demande de prestations d’assurance-emploi. (GD3-19)

[13] L’employeur a présenté une demande de révision de la décision de l’intimée le 30 juin 2015. Il y a joint une copie du journal de bord avec le commentaire inapproprié et une copie de la politique avec des explications. Les lignes directrices précisent ce qui suit : [traduction] « Le registre des communications est également à la disposition des clients, de leur famille et de toute autre agence qui participe à leur assurer des soins afin que ceux-ci puissent réviser ce qui a eu lieu au cours du quart de travail ainsi que toutes les notes d’évaluation que nos fournisseurs de soins ont rédigées pour les membres de leur famille. Puisque le registre des communications peut être lu par un client et sa famille, il est important d’être extrêmement prudents quant à ce qui est mis par écrit. Restez professionnel et rédigez UNIQUEMENT des commentaires factuels nécessaires pour assurer une continuité des soins. » (GD3-20 – 26)

[14] L’employeur a informé l’intimée le 20 juillet 2015 que puisque l’entreprise offre des services de soutien à la personne pour des soins à domicile aux patients extrêmement malades, il est essentiel qu’ils aient des politiques très strictes et rigides relatives au comportement et que tous les employés soient au courant des politiques et des procédures. L’employeur a cité les lignes directives du registre des communications qui prévoient ce qui suit : [traduction] « Si vous avez des plaintes, des frustrations ou si vous avez besoin de vous défouler, appeler le bureau. Ne consignez pas vos frustrations dans le journal du client. » L’employeur a indiqué qu’après que l’appelant ait inscrit le commentaire « WTF » dans le journal de bord avec des points d’interrogation partout sur les commentaires de la fille du patient à l’intention des préposées aux services de soutien à la personne, la fille du patient a appelé le bureau et elle était très contrariée. L’employeur a indiqué qu’elle a envoyé une photo du commentaire et qu’elle a demandé des explications. L’employeur a indiqué que la fille qui s’occupait des soins de son père menaçait d’annuler tous les services qu’offrait l’entreprise en raison de cet incident. En raison du manquement grave à la politique et des résultats de son comportement, il a eu l’impression que l’infraction de la politique de l’entreprise était suffisamment grave pour justifier un licenciement immédiat. L’employeur a indiqué que l’appelante n’est jamais venue lui parler de ses préoccupations concernant les médicaments du patient, et que si elle était venue le voir pour l’informer des erreurs quant aux médicaments et pour lui recommander de les mettre dans des plaquettes thermoformées, il en aurait parlé avec les médecins du patient ainsi qu’avec sa fille (qui détient les droits de mandataire). (GD3-27, 28)

[15] L’appelante a informé l’intimée le 21 juillet 2015 que son superviseur occupait son poste depuis peu et qu’il suivrait trop à la lettre les règles écrites. Elle a également indiqué qu’il ne comprenait pas les réalités du métier et qu’il n’était pas au courant de celles-ci. Elle a indiqué qu’elle savait qu’elle n’aurait pas dû faire ce qu’elle a fait, mais qu’il s’agissait d’une erreur de sa part. Elle a indiqué qu’elle était contrariée et qu’elle sait que ce qu’elle a fait n’était pas approprié, mais qu’elle avait passé une mauvaise journée et elle ne pensait pas que ses actions allaient changer la donne. (GD3-19, 20)

[16] Le 23 juillet 2015, l’intimée a avisé l’appelante et l’employeur qu’à la suite de son examen approfondi des circonstances de l’affaire ainsi que des renseignements additionnels déposés et en se basant sur ses propres constatations et sur la législation, elle n’était pas en mesure de verser des prestations régulières de l’assurance-emploi à l’appelant à partir du 26 avril 2015, car elle a perdu son emploi pour 9080899 Canada Inc. le 27 avril 2015 en raison de son inconduite. (GD3-33 à 36)

[17] L’appelante a interjeté appel auprès du Tribunal le 7 août 2015.

[18] Le Tribunal a informé l’appelante de l’audience et a demandé qu’elle soit ajoutée en tant que personne mise en cause. (GD5-1)

[19] L’employeur a demandé qu’il soit ajouté en tant que personne mise en cause à l’appel. (GD6-1, 2)

[20] Le Tribunal a fixé une date d’audience. (GD1-1)

[21] L’appelante a fourni une copie de la demande d’audience numéro : 70155511- 0 au ministère du Travail (GD8-1 à 4).

[22] L’appelante a indiqué au Tribunal qu’elle a commis une erreur de jugement et qu’elle était frustrée à ce moment-là en raison de problèmes antérieurs de médicaments manquants. Elle a indiqué qu’elle n’a envisagé à aucun moment qu’elle pourrait être congédiée en raison d’un commentaire dans le journal de bord du patient qui, selon elle, reflète sa frustration. Elle a indiqué qu’elle avait un excellent dossier de travail et aucune mention de mesures disciplinaires.

[23] L’employeur a informé le Tribunal que bien qu’il ait un manuel des politiques et des procédures qu’il a présenté à l’intimée (GD3-24, 25), il n’a pas présenté celui-ci à l’appelante lorsqu’elle a été embauchée et il ne lui a pas fourni une copie avant de la licencier. L’employeur indique qu’il n’a pas présenté de contrat de travail à l’appelante pour qu’elle l’examine et le signe. Il l’a tout simplement embauchée puisqu’elle avait de l’expérience en tant que préposée aux services de soutien à la personne.

Observations

[24] L’appelante a fait valoir ce qui suit :

  1. Son employeur l’a congédiée subitement sans lui fournir d’explications.
  2. Elle a reçu ses prestations d’assurance-emploi pendant plusieurs mois, puis elles allaient être annulées en raison de son inconduite. Elle s’est offusquée du terme « inconduite », indiquant que c’était blessant et que cela ne reflétait pas sa personnalité.
  3. Elle a écrit le terme répréhensible dans le journal de bord. Cependant, elle n’a jamais pensé que son emploi pouvait être compromis. Elle indique que son commentaire a été complètement mal interprété et que son intention était purement dans l’intérêt du patient et pour son bien-être.

[25] L’intimée a soutenu ce qui suit :

  1. Selon le paragraphe 30(2) de la Loi, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations pour une période indéterminée si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Pour que la conduite en question puisse constituer de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, elle doit être volontaire ou délibérée, ou résulter d’une insouciance telle qu’elle frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.
  2. En l’espèce, l’appelante travaillait comme préposée aux services de soutien à la personne pour Comfort Keepers, et par conséquent, elle était l’un des nombreux préposés aux services de soutien à la personne fournissant des soins aux patients. Le registre des communications est un outil standard utilisé pour assurer l’uniformité des soins et dans lequel chacun des préposés aux services de soutien à la personne écrit des notes au sujet des soins prodigués aux patients pour que le prochain employé à travailler soit au courant. L’employeur avait fourni à tous les employés, y compris à l’appelante, les politiques et les attentes ainsi que le registre des communications qui contient les directives.
  3. En ce qui a trait aux politiques et aux attentes, il est indiqué que les soins prodigués aux patients comprennent la documentation dans le journal de bord et le cartable des communications, et que le but du registre est de permettre aux autres membres du personnel de partager l’information afin d’aider à fournir des soins de qualité élevée. En caractère gras dans cette directive, il est écrit ce qui suit : [traduction] « Restez professionnel et rédigez UNIQUEMENT des commentaires factuels nécessaires pour assurer une continuité des soins » puisque le registre peut être lu par le client ou la famille. (GD3-24 à GD3-25)
  4. L’appelante a demandé que les médicaments du patient soient commandés dans une plaquette thermoformée. Cependant, la fille du patient, qui a également les droits de mandataire, a écrit dans le journal de bord que les médicaments allaient rester comme ils sont présentement au lieu d’être mis dans des plaquettes thermoformées. Dans un état de frustration, l’appelante a écrit « WTF » avec ses initiales, et a ajouté des points d’interrogation autour du commentaire de la fille du patient. Lorsque la fille du patient a vu le commentaire de l’appelante, elle a menacé d’annuler tous les services qu’offrait l’entreprise en raison de cet incident. Par conséquent, l’employeur a congédié Mme C. M. en raison de son commentaire inapproprié qui à son tour équivaut à une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.
  5. Le critère juridique servant à déterminer une inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi est le suivant : est-ce que l’information au dossier vient appuyer une conclusion d’inconduite, et est-ce que l’information au dossier vient appuyer la conclusion selon laquelle elle aurait perdu son emploi à cause de ces actions ?
  6. Lorsque Mme C. M. a présenté sa première demande de prestations d’assurance-emploi, elle a reconnu avoir écrit un commentaire inapproprié dans le journal de bord des employés, et ensuite, lorsqu’elle a communiqué avec l’intimée, elle a également indiqué ne pas avoir écrit les [traduction] « mots au long », mais plutôt avoir écrit « WTF ».
  7. Dans l’appel de l’appelante, elle soutient que ce sigle signifiait plutôt « Why the Friction » [traduction : Pourquoi cette tension], et que cela a plutôt été mal interprété. Si l’appelante voulait réellement dire « Why the Friction » en utilisant ce sigle, elle n’aurait pas indiqué que le commentaire était inapproprié et aurait précisé le sens de « WTF » la première fois qu’elle a parlé avec l’intimée. L’employeur a fourni le registre des communications, ainsi qu’une photo de l’endroit dans le journal où l’on voit clairement que l’appelant a écrit « WTF » ainsi que plusieurs points d’interrogation avec ses initiales.
  8. L’intimée a conclu que l’acte de l’appelante d’écrire un commentaire inapproprié dans le journal de bord qu’elle partageait avec d’autres préposés aux services de soutien à la personne ainsi qu’avec la famille du patient constituait une inconduite au sens de la Loi, car l’appelante a agi délibérément et aurait dû savoir que son comportement aurait une incidence négative sur la relation de travail. L’appelante a reconnu qu’elle savait que ce qu’elle a fait n’était pas correct et que son commentaire dans le journal était inapproprié (GD3-18, GD3- 29).
  9. L’intimée soutient que la jurisprudence confirme sa décision. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe voulant qu’il y ait inconduite lorsque la conduite de l’appelante était délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement étaient conscients, voulus ou intentionnels. Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36
  10. La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite pour l’application du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont l’appelante savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée à l’appelante et son emploi ; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Canada (Procureur général) c. Lemire, 2010 CAF 314
  11. À la dernière page de la lettre de décision du ministère (GD8-4), l’appelante a marqué par des astérisques ce que l’agent du ministère préposé aux cas a écrit : [traduction] « Je conclus que le fait que l’appelante ait écrit WTF dans le journal de bord constitue une inconduite, car il s’agit d’un sigle pour désigner un juron, et cela vient contester l’autorité de la fille du client de l’employée en ce qui a trait à la façon de donner les médicaments. » Le ministère a également déterminé que l’appelante n’avait pas droit à une indemnité de départ d’une semaine de salaire normal en plus d’une paie de vacances, conformément à la Loi sur les normes d’emploi de l’année 2000. Cependant, les deux décisions ne sont pas pertinentes à cet appel. Le ministère du Travail ne dispose d’aucune compétence sur les décisions rendues par l’intimée au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, tout comme l’intimée ne dispose d’aucune compétence sur les décisions rendues par ministère du Travail au titre de la Loi sur les normes d’emploi de l’année 2000. Le fait que le ministère du Travail ait conclu que l’appelante avait droit à une indemnité de départ d’une semaine n’a aucune incidence lorsqu’il revient à déterminer si le motif de cessation d’emploi de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi.
  12. L’intimée soutient que l’observation de l’appelante concernant la décision du ministère du Travail conformément à la Loi sur les normes d’emploi de l’année 2000 n’est pas pertinente en vertu de la loi quant à la question de l’exclusion en raison d’une inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi qui est actuellement devant le Tribunal.

Analyse

[26] La seule question dont le Tribunal est saisi consiste à déterminer si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi.

[27] La Loi ne définit pas l’« inconduite ». Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. Selon la Cour d’appel fédérale :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite [d’un appelant] est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque [l’appelant] savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. Mishibinijima, A-85-06.

[28] Depuis l’affaire Ticker, la jurisprudence est très claire : un acte est délibéré s’il est accompli consciemment, délibérément ou intentionnellement.

[29] Le Tribunal ne doit pas décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer, selon une appréciation objective de la preuve, s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiement.

[30] Pour déterminer si la notion appropriée d’intentionnalité, telle que définie précédemment, a été prouvée, le Tribunal a examiné l’ensemble des circonstances et de la preuve entourant le congédiement de l’appelante, y compris les avis et les éléments de preuve de l’employeur.

[31] En l’espèce, l’employeur a congédié l’appelante, car il soutenait que l’appelante avait placé une note dans le journal de bord du patient qu’il jugeait offensante. (GD3-23). Le Tribunal conclut que les éléments de preuve de l’appelante ainsi que ceux de l’employeur appuient cette allégation, et il en convient que la note a été placée par l’appelante.

[32] La plainte de l’employeur fait référence à une transgression des politiques de l’entreprise [traduction] « Politiques et attentes des fournisseurs de soins » (GD3-24 et 25), mais il n’a pas fourni de document afin de démontrer qu’on avait bel et bien présenté cette politique à l’appelante au moment de son embauche. Les éléments de preuve directe fournie par l’employeur au Tribunal confirment que l’appelante n’a jamais reçu de copie de la politique de l’employeur. L’employeur n’a pas fourni une copie de la lettre de congédiement de l’appelante.

[33] Le Tribunal estime que l’appelante a fourni une explication raisonnable pour avoir inscrit le commentaire dans le journal de bord du patient, lorsqu’elle a indiqué qu’elle était frustrée à cause de la disparition des médicaments et voulait s’assurer que les médicaments soient fournis dans une plaquette thermoformée afin qu’elles puissent être comptabilisées. Le Tribunal n’est ni d’accord ni en désaccord sur le fait que le commentaire était approprié.

[34] Le commentaire doit être « volontaire ou délibéré ou encore procéder d’une telle insouciance qu’elle frôle le caractère délibéré » (M. Brissette, Cour fédérale A-1342-92). La preuve d’une inconduite doit être « suffisamment circonstanciée » pour permettre au conseil de déterminer que la conduite en question était « répréhensible » (M. L. Joseph, Cour fédérale A-636-85).

[35] Le Tribunal conclut que l’appelante a fourni au Tribunal des éléments de preuve directe qu’elle n’a jamais reçu de documentation écrite au sujet de la politique de l’employeur et elle n’a cru à aucun moment que ses actions pourraient compromettre son emploi.

[36] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu’un appelant est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification. La notion juridique d’inconduite, aux fins de cette disposition, a été définie dans la jurisprudence comme étant un acte délibéré d’inconduite, lorsqu’un appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite allait mener à son congédiement : Canada (Procureur général) c. Tucker, [1986] 2 C.F. 329 (C.A.F.).

[37] Le Tribunal préfère la preuve directe de l’appelante au cours de l’audience, lorsqu’elle a indiqué qu’elle n’avait pas eu l’intention d’enfreindre les dispositions de la politique de l’employeur et ne croyait pas qu’elle l’ait fait. Le Tribunal n’a guère trouvé de preuve directe à l’appui de l’allégation de l’employeur selon lequel l’appelante était au courant de la politique de l’entreprise et qu’un manquement à cette politique entraînerait son congédiement immédiat.

[38] La notion d’inconduite délibérée n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable ; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle : Canada (Procureur général) c. Secours (1995), 179 NR 132 (CAF).

[39] Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas d’inconduite, car les actions de l’appelante n’étaient pas délibérées, c’est-à-dire que les actes qui ont mené à son congédiement n’étaient pas conscients, voulus ou intentionnels, dû au fait que l’appelante croyait qu’elle ne s’est jamais attendue à ce qu’elle soit congédiée de son emploi à cause des incidents faisant l’objet de la plainte.

[40] Dans l’affaire Tucker (A-381-85), la Cour d’appel fédérale a adopté le libellé de la décision du juge Reed en tant que juge-arbitre :

[…] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d’une intention délictuelle […]

[41] Il est bien établi qu’il incombe à la partie ou aux parties qui prétendent qu’il a a eu inconduite de prouver celle-ci (Bartone (A-369-88), Meunier (A-130-96), Gagnon (A-3-96). En l’espèce, le Tribunal préfère la preuve directe de l’appelante, lorsqu’elle a indiqué qu’on ne lui a jamais remis de copie de la politique de l’entreprise, et qu’elle n’a jamais pensé qu’elle pouvait être congédiée pour un commentaire qu’elle a inscrit dans le journal de bord du patient.

[42] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi.

Conclusion

[43] L’appel est accueilli.

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