Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 11 février 2015, la division générale du Tribunal a notamment conclu que :

  • L’Intimée était justifiée de procéder au réexamen de la demande de prestations en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi (la «Loi»).

[3] L’Appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 4 mars 2015. La permission d’en appeler a été accordée le 10 juin 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait par téléconférence, pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] L’Appelant était présent lors de l’audience.  L’Intimée était absente malgré la réception d’un avis d’audience.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en fait et en droit en concluant que l’Intimé était justifiée de procéder au réexamen de la demande de prestations en vertu de l’article 52 de la Loi, et en concluant que suite au changement de région économique, l’Appelant n’avait pas assez d’heures pour se qualifier et qu’il y avait lieu de modifier le taux de prestations et de réduire le nombre de semaines de prestations.

Arguments

[8] L’Appelant soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • Il conteste la décision de la division générale à l’effet de maintenir le délai de 72 mois pour le réexamen de sa demande; C’est la seule décision et la seule question qu’il porte en appel;
  • La division générale n’a pas tenu compte dans sa décision du fait qu’il a été mal renseigné par un agent de l’Intimée du bureau de Cap-Aux-Meules qui lui a indiqué d’utiliser l’adresse de son domicile saisonnier aux Iles dans ses déclarations (Permission d’en appeler, AD1-1;
  • Il ignorait qu’il devait utiliser son adresse permanente lors d’une demande de prestations; Cet agent ne pouvait ignorer la Loi et lui donner des instructions fausses et erronées (Permission d’en appeler, AD1-1);
  • Il n’y a jamais eu de déclaration fausse ou erronée de sa part dans ses demandes de prestations;
  • La notion de « résidence habituelle » est complexe et ambiguës pour le citoyen ordinaire et il n’a jamais eu l’intention de frauder l’Intimée.

[9] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelant:

  • Tel qui appert du dossier d’appel de la division générale, celle-ci devait se prononcer sur le lieu de résidence habituelle de l’Appelant afin de déterminer la région économique qui doit servir pour calculer le nombre de semaine admissible, son taux de prestations ainsi que sa durée;
  • Bien que l’Appelant sente un profond attachement aux Iles-de-la-Madeleine, les éléments de preuves présentés démontrent qu’il n’y habitait que ponctuellement dans la résidence de son frère ou dans une roulotte que pour les fins du travail. Le fait d’aller travailler aux Iles-de-la-Madeleine chaque année pendant la période estivale ne modifie pas son lieu de résidence habituel;
  • Les faits démontrent que le lieu de résidence habituel de l’Appelant était bien à Waterloo où il détient une résidence avec sa conjointe. Une adresse temporaire ne peut constituer un lieu de résidence habituel, aux termes de la Loi. Les faits demeurent que sa maison à Waterloo constitue sa résidence principale et il y retournait chaque année après la saison de pêche;
  • La décision de la division générale est raisonnablement compatible avec les faits au dossier. La division générale s’en est remis à l’ensemble de la preuve qui lui était présentée (André Lépine (A-78-89) et elle a expliqué ses conclusions dans un raisonnement cohérent et logique (McDonald (A-297- 97);
  • La division générale avait à se prononcer sur une question d’appréciation des faits. Or, les tribunaux ont, à maintes reprises, affirmé que le conseil arbitral, maintenant la division générale, est celle qui est le mieux placé pour évaluer la preuve et la crédibilité et qu’ils ne peuvent substituer leur opinion à la sienne à moins que l’ensemble de la preuve ne pouvait raisonnablement lui permettre d’en arriver à la décision prise (Rancourt, A-355-96);
  • La Cour d’appel fédérale (A-115-94 et A-255-95) a bien indiqué qu'un juge- arbitre, maintenant la division d’appel, ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral (maintenant la division générale), sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;

Normes de contrôle

[10] L’Appelant n’a  fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’Intimée soumet que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable -  Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[12] Bien que le mot « appel » soit utilisé dans l'article 113 de la Loi (anciennement l'article 115 de la Loi) pour décrire la procédure introduite devant la division d’appel, la compétence de la division d’appel est pour l'essentiel identique à celle qui était anciennement conférée aux juges-arbitres et qui est conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. La procédure n'est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit - Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253.

[13] Le Tribunal est d’avis que le degré de déférence que la division d’appel devrait accorder aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le degré de déférence qui était accordé aux décisions des anciens conseils arbitraux en appel, devant un juge-arbitre en matière d'assurance-emploi.

[14] La Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190, Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[15] La présente décision concerne les dossiers AD-15-113, AD-15-114, AD-15-115, AD-15-116, AD-15-117, AD-15-118, AD-15-119 et AD-15-120, puisque les questions en litige présentées devant la division générale sont identiques dans chacun des dossiers de l’Appelant.

Délai de 72 mois

[16] Dans sa demande pour permission d’en appeler, laquelle a été accordée par le Tribunal, l’Appelant conteste la décision de la division générale de maintenir le délai de 72 mois pour le réexamen de ses demandes de prestations (AD1-1). Dans ses observations au Tribunal, l’Appelant réitère qu’il s’agit de la seule décision et question qu’il soulève en appel devant le Tribunal (AD2-1).

[17] L’Appelant insiste sur l’absence de déclaration fausse ou trompeuse de sa part qui aurait permis à l’Intimée de prolonger le délai de révision à soixante-douze (72) mois. L’erreur provient d’informations inexactes qu’il a reçues d’une agente du bureau de Cap- aux-Meules. Il plaide que l’Intimée a annulé les pénalités et la violation car il n’a pas fait de déclaration fausse ou trompeuse.

[18] La Cour d'appel fédérale a déterminé dans Langelier (A-140-01), Lemay (A-172-01) et Dussault (A-646-02) que, pour bénéficier de la prolongation du délai de réexamen prévue au paragraphe 52(5) de la Loi, la Commission n'a pas à établir que le prestataire visé a fait des déclarations fausses ou trompeuses mais doit plutôt simplement démontrer qu'elle pouvait raisonnablement estimer qu'une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite relativement à une demande de prestations. (soulignement du soussigné).

[19] Au stade du réexamen, l’Intimée n’avait donc pas à démontrer qu’il y avait effectivement eu déclaration fausse ou trompeuse de la part de l’Appelant. L’Intimée devait simplement estimer qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite.

[20] L’Intimée pouvait-elle, dans les circonstances du présent dossier, raisonnablement estimer qu'il y avait eu déclaration ou représentation fausse ou trompeuse de la part de l’Appelant?

[21]  En l'espèce, l’Intimée a estimé que l’Appelant avait omis de fournir des renseignements au sujet de son lieu de résidence habituel.

[22]  L’Appelant a rempli ses déclarations en indiquant que son adresse résidentielle était située à Fatima. Cependant, dans une entrevue en date du 27 novembre 2013, l’Appelant a déclaré être propriétaire d'une maison au X X à Waterloo depuis 2004. Il a déclaré qu’il s'agissait de sa résidence principale.

[23] À chaque année, lorsqu'il se rend aux Iles pour travailler l'été, il mentionne qu’il habite dans une roulotte lui appartenant qui est localisée dans un camping.

[24] L’Appelant a affirmé avoir donné l'adresse de son frère W. L. (X, X à Fatima à son employeur et que c'est aussi l'adresse qu'il donne lorsqu'il fait sa demande d'assurance emploi car il a l'habitude de déposer sa demande là-bas puis de revenir à Waterloo seulement quelques semaines après avoir terminé son emploi. En 2013, il a donné l'adresse de son ami G. P. (X X à Fatima) car son frère n'était pas là cette année.

[25] L’Appelant a affirmé qu'il savait que cela nécessitait moins d'heures assurables pour établir une demande d'assurance emploi lorsque celle-ci était déposée aux Iles de la Madeleine. Il a affirmé être conscient du fait qu'il donnait l'adresse de quelqu'un d'autre mais a affirmé que comme en fin de saison il ferme sa roulotte et reste chez son frère ou son ami, il donne cette adresse temporaire. L’Appelant a finalement affirmé que sa conjointe demeurait à Waterloo durant toute la période où il se rendait aux Iles de la Madeleine pour travailler (GD3-16-17).

[26] Suite à l’entrevue du 27 novembre 2013, l’Intimée a transmis sa décision datée du 23 décembre 2013 à l’Appelant (GD3-21-22).

[27] Vu les faits ci-dessus mentionnés et en appliquant les enseignements de la Cour d’appel fédérale au présent dossier, le Tribunal considère de la preuve que l’Intimée pouvait raisonnablement estimer qu’il avait eu déclaration ou représentation fausse ou trompeuse de la part de l’Appelant de façon à bénéficier d'une période de 72 mois pour réexaminer la demande de prestations de l’Appelant.

Lieu de résidence habituel

[28] De la preuve soumise devant elle, la division générale a conclu ce qui suit :

« [61] Le Tribunal a examiné en détails les circonstances en l’espèce. Dans l’affaire CUB 21968 le juge-arbitre Strayer affirme :

« Le critère servant à établir le « lieu de résidence habituel » implique la considération de faits tant subjectifs qu'objectifs. De plus, ce critère doit être appliqué à la situation qui existait au cours de la semaine pertinente, c'est-à-dire, dans le cas qui nous occupe, la semaine précédant celle de la présentation de la demande de prestations (...) »

[62] Bien que l’appelant sente un profond attachement aux Iles-de-la-Madeleine, les éléments de preuves présentés démontrent qu’il n’y habitait que ponctuellement dans la résidence de son frère ou dans une roulotte que pour les fins du travail. Le fait d’aller travailler aux Iles-de-la-Madeleine chaque année pendant la période estivale ne modifie pas son lieu de résidence habituel. Les faits démontrent que le lieu de résidence habituel de l’appelant était bien à Waterloo où il détient une résidence avec sa conjointe. Une adresse temporaire ne peut constituer un lieu de résidence habituel, aux termes de la Loi. Les faits demeurent que sa maison à Waterloo constitue sa résidence principale et il y retournait chaque année après la saison de pêche.

[63] Dans l'affaire Luc L. Lévesque (CUB 46001), le juge Forget affirme :

« Bien que l'expression « lieu de résidence habituel » ne fait l'objet d'aucune définition dans le texte législatif, la Commission soumet que le sens du mot « résidence » doit vouloir dire le lieu où l'assuré habite de façon durable et que le qualificatif « habituel » exclut clairement tout séjour en un lieu qu'on ne se propose pas d'habiter définitivement.»

[64] Bien que l’appelant détienne un compte bancaire aux Iles-de-la-Madeleine ainsi qu’un abonnement pour son téléphone sans fil, les faits démontrent clairement qu’il est propriétaire d’une maison à Waterloo et que ses actifs sont à Waterloo. Le Tribunal sympathise avec les circonstances particulières de l’appelant; toutefois, les éléments de preuve présentés démontrent que le lieu de résidence habituel est bien celui de Waterloo qui correspond à la région économique Centre du Québec #17.

[65] Le Tribunal conclut qu’avoir une résidence temporaire pour les fins d’un emploi et une résidence habituelle, sont deux notions distinctes. En l'espèce, l’appelant a sa résidence habituelle à Waterloo et il se rendait aux Iles-de-la- Madeleine pour la période estivale. Il n’avait donc pas sa résidence habituelle aux Iles-de-la-Madeleine puisqu’il n’y restait que ponctuellement pendant la saison estivale. »

[29] Tel que mentionné lors de l’audience en appel, le Tribunal n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences du Tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[30] À moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

[31] Dans l'arrêt Le Centre de valorisation des produits marins de Tourelle Inc. (A- 547-01), le juge Létourneau indiquait que le rôle du Tribunal se limite « à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral (maintenant la division générale) était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier ».

[32] Le Tribunal en vient à la conclusion que la décision de la division générale repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision raisonnable qui est conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[33] Rien ne justifie l’intervention du Tribunal.

[34] Il est important de préciser en terminant que la Cour d’appel fédérale a décidé dans l’affaire Lanuzo c. Canada, 2005 CAF 324, que lorsqu’un prestataire reçoit de l’argent auquel il n’a pas droit, l’erreur commise par l’Intimée ne le dispense pas de rembourser cette somme.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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