Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli et le dossier est retourné à la division générale pour une nouvelle audience sur chacun des points en litige.

Introduction

[2] En date du 25 mars 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’Appelante avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »);
  • La répartition de la rémunération de l’Appelante avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »);
  • L’imposition d’une pénalité était fondée aux termes de l’article 38 de la Loi;
  • L’émission d’un avis de violation était fondée aux termes de l’article 7.1 de la Loi.

[3] L’Appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 24 avril 2015. La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 12 juin 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelante était présente et représentée par Me Jean-Guy Ouellet. L’Intimée était représentée par Julie Meilleur.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en fait ou en droit en concluant que :

  • L’Appelante avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi;
  • La répartition de la rémunération de l’Appelante avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement;
  • L’imposition d’une pénalité était fondée aux termes de l’article 38 de la Loi;
  • L’émission d’un avis de violation était fondée aux termes de l’article 7.1 de la Loi.

Arguments

[8] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • La décision du membre de la division générale n'a pas respecté les règles de justice naturelle en procédant par audition téléphonique alors qu'il ressortait à la face même du dossier des éléments totalement contradictoires;
  • La décision du membre de la division générale est en soi contradictoire quant aux questions en litige et les conclusions inconciliables avec son constat que « le Tribunal n'ait pas douté de la sincérité de l’appelante » qui nie avoir travaillé pour l'employeur présumé;
  • La décision du membre de la division générale ne rencontre pas les exigences relatives à une décision en omettant d'indiquer clairement les motifs l'amenant à ne pas tenir compte des éléments de preuve déposés par l'Appelante démontrant le potentiel manque de crédibilité dudit employeur présumé;
  • La décision du membre de la division générale a outrepassé sa juridiction et a commis une erreur en droit alors que l’existence même de l'emploi est en cause et qu'il revient à l'Agence du revenu du Canada de conclure sur cet aspect;
  • La décision du membre de la division générale est erronée en faits et en droit en concluant que l’Intimée s'est déchargée de son fardeau de preuve que l'Appelante a quitté volontairement un emploi qu'elle nie avoir exercé;
  • La décision du membre de la division générale est erronée en faits et en droit quant au maintien de la pénalité et de l'avis de violation compte tenu de la preuve déposée au dossier et s'avère dans les circonstances arbitraire à savoir que l’Appelante a témoigné n'avoir jamais travaillé pour ledit employeur présumé;
  • La décision du membre de la division générale est mal fondée en faits et en droit car ne correspondant pas au fardeau imposé au soutien du maintien de la pénalité et de l'avis de violation, notamment du fait de sa conclusion relative à la sincérité de l'Appelante.

[9] L’Intimée a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante:

  • La division générale n’a pas erré en droit ou en fait, et elle a correctement exercé sa compétence;
  • La division d’appel n’est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences de la division d’appel sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social;
  • À moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit, ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et que cette décision est déraisonnable, le tribunal doit rejeter l'appel;
  • Dans cette affaire, plusieurs renseignements contradictoires ont été présentés et l’Intimée est d’avis que le Tribunal a examiné en détail les éléments de preuve présentés afin de pouvoir évaluer la crédibilité des parties;
  • La division générale a expliqué qu’elle avait retenu la version de l’employeur comme étant la plus probable car celui-ci avait déposé des éléments de preuve concrets non négligeable, tels que les relevés d’emploi et de paye. Ainsi, la division générale a fourni une explication raisonnable sur les raisons qui l’ont convaincue d’accorder une plus grande crédibilité à l’employeur;
  • La preuve au dossier démontre que l’Appelante a travaillé chez 9255-8576 Québec Inc. du 19 février au 4 mars 2012 et qu’elle n’a pas déclaré ses gains et son départ volontaire;
  • En ne fournissant aucun motif entourant son départ volontaire, l’Appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable de quitter son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi et qu’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas;
  • Par ailleurs, la rémunération versée à titre de salaire est une rémunération au sens de l’alinéa 35(2)a) du Règlement. Selon les dispositions du paragraphe 36(4) du Règlement, la rémunération versée à titre de salaire doit être répartie sur la période où les services ont été rendus;
  • L’Appelante n’a fourni aucune explication raisonnable pour réfuter la présomption que les déclarations fausses ou trompeuses avaient été faites sciemment et maintient, par conséquent, que la pénalité était justifiée dans les circonstances;
  • L’Intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en signifiant un avis de violation à l’Appelante. Après avoir tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, un avis de violation signifié aux termes de l’article 7.1 de la Loi était approprié;
  • Puisque la question en litige dans cette affaire ne concernait pas l’assurabilité de l’emploi, aucune demande ne devait être envoyée pour décision à l’Agence du revenu du Canada en vertu de l’article 90 de la Loi.

Normes de contrôle

[10] Les parties soumettent que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision de la division générale et de la division d’appel relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable -  Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[11] Bien que le mot « appel » soit utilisé dans l'article 113 de la Loi (anciennement l'article 115 de la Loi) pour décrire la procédure introduite devant la division d’appel, la compétence de la division d’appel est pour l'essentiel identique à celle qui était anciennement conférée aux juges-arbitres et qui est conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. La procédure n'est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit - Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253.

[12] Le Tribunal est d’avis que le degré de déférence que la division d’appel devrait accorder aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le degré de déférence qui était accordé aux décisions des anciens conseils arbitraux en appel, devant un juge-arbitre en matière d'assurance-emploi.

[13] La Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190, Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[14] Les questions en litige correspondent à l'imposition d'une exclusion pour départ volontaire initiant une réclamation de 12 090.00$, une pénalité de 2 970.00$ imposée pour ne pas avoir déclaré un revenu au cours des semaines du19 février au 4 mars 2012 et un avis de violation.

Départ volontaire et Rémunération

[15] Dès sa lettre d'appel devant la division générale, l'Appelante a déclaré qu'elle n'avait pas travaillé chez l’employeur à l'origine des décisions contestées (GD 2-4-5). L’Intimée est plutôt d’avis que l’Appelante a effectivement travaillé chez l’employeur en question et repose sa décision sur le relevé d'emploi émis par l'employeur contesté, talons de paye et déclarations de l'employeur contesté (GD 3-31 à GD 3-36 et GD 3-82).

[16] Dans son analyse, la division générale prend acte du caractère contradictoire des informations au dossier (décision de la division générale, par.22).

[17] Sur la question du départ volontaire, la division générale a conclu que :

« [24] Dans le présent cas, la Commission a considéré que la version présentée par l’employeur était plus crédible étant donné les éléments de preuve déposés. Le Tribunal a évalué les deux versions présentées et retient également la version de l’employeur comme étant plus probable. Bien qu e le Tribunal n’ait pas douté de la sincérité de l’ appelante, l’employeur a déposé en preuve des éléments concrets qui ne sont pas négligeables, notamment, le relevé d’emploi et le relevé de paye. Les éléments de preuve démontrent que l’appelante a été payée par l’entreprise 9255-8576 Québec Inc. pour les périodes indiquées par l’employeur. (pièce GD 3- 42 et GD4-11). » (Soulignement du soussigné).

[18] Et sur la question de la rémunération, la division générale a conclu que :

« Le Tribunal conclut que le salaire que l’appelante a reçu constitue une rémunération au sens où l’entend le paragraphe 35(2) du Règlement puisqu’il lui a été remis à titre de paiement pour les heures travaillées chez 9255-8576 Québec Inc. Le Tribunal conclut que cette rémunération a été correctement répartie conformément aux paragraphes 36(4) et 36(9) du Règlement. »

[19] Le Tribunal est d’avis que les conclusions de la division générale sur la question du départ volontaire et sur la rémunération sont contradictoires, ou à tout le moins incohérentes et ambiguës.

[20] La division générale mentionne dans sa décision ne pas avoir douté de la sincérité de l’Appelante, ce qui implique manifestement que la division générale a considéré son témoignage comme étant véridique ou authentique. (Définition sincérité : dictionnaire Larousse).

[21] Si le témoignage de l’Appelante est sincère, la division générale ne pouvait par la suite conclure que l’Appelante avait travaillé pour l’employeur contesté et encore moins conclure qu’elle avait reçu une rémunération de cet emploi, elle qui a toujours nié avoir occupé l’emploi en question.

[22] Au surplus, la division générale a accordé plus de poids à la preuve de l’employeur, notamment le relevé d’emploi et le relevé de paye, sans pour autant expliquer pourquoi elle a accordé moins de poids à la preuve de l’Appelante.

[23] L'Appelante appuyait sa position sur le désir de vengeance de son ancien employeur, sur la non collaboration de son ex-employeur au dépôt de sa demande, sur le fait qu'elle a dû se plaindre à la Commission des normes du travail pour voir respecté ces droits par son ex-employeur, sur l'attention portée par des journalistes sur la probité douteuse des dites entreprises en cause dans son dossier et sur les liens évidents entre son ancien employeur et l'employeur contesté bien avant les évènements en cause et également après. Elle a également mis en preuve une possible incongruité quant à l'adresse insérée sur le relevé d'emploi alors que selon la documentation trouvée, elle ne pouvait rattacher cette adresse aux dites compagnies et au présumé employeur.

[24] Lorsque la division générale est confrontée à des éléments de preuve contradictoires, elle ne peut les ignorer. Elle doit les considérer. Si elle décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, elle doit en expliquer les raisons – Bellefleur c. Canada (PG), 2008 CAF 13, Parks c. Canada (PG), A-321-97.

[25] Pour ces motifs, le Tribunal est d’avis que les conclusions de la division générale sur les questions du départ volontaire et de la rémunération sont arbitraires et déraisonnables.

Pénalité et Avis de violation

[26] Lorsqu’elle a rejeté l’appel de l’Appelante sur la question de pénalité, la division générale a conclu ce qui suit :

« [34] Les raisons invoquées par l’appelante sont qu’elle n’a jamais travaillé pour l’entreprise 9255-8576 Québec Inc. et qu’elle pensait que les montants émis correspondaient à des montants dus par la Clinique Image. Bien que le Tribunal sympathise avec la situation particulière de l’appelante, les motifs invoqués ne permettent pas au Tribunal de conclure que les déclarations fausses n’ont pas été faites sciemment. Il est étonnant que l’appelant ait pu encaisser des chèques sans connaître l’entreprise qui les émettaient. De plus, l’appelant n’a pu expliquer pourquoi elle n’a pas déclaré ces montants à la Commission.

[27] Les raisons invoquées par l’Appelante pour expliquer ses réponses incorrectes sont qu’elle n’a jamais travaillé pour l’entreprise contestée et qu’elle pensait que les montants payés correspondaient à des montants dus par son ancien employeur et non par l’employeur contestée. À la lecture de la décision, le Tribunal est d’avis que la division générale n’a pas considéré si les explications de l’Appelante étaient raisonnables. En fait, la division générale n’explique tout simplement pas pourquoi « les motifs invoqués ne permettent pas au Tribunal de conclure que les déclarations fausses n’ont pas été faites sciemment ».

[28] Le simple scepticisme à l'égard du témoignage d’un prestataire ne constitue pas un fondement suffisant pour justifier la conclusion qu’il a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. L'auteur de la fausse déclaration doit savoir qu'elle est fausse – Canada (PG) c. Gates, A-600-94.

[29] De plus, la conclusion de la division générale à l’effet que l’Appelante avait une connaissance subjective du fait qu’elle faisait une fausse déclaration est difficilement conciliable avec la reconnaissance par la division générale de la sincérité de l’Appelante.

[30] Considérant la décision du Tribunal sur la question de la pénalité, la décision de la division générale sur la question de l’avis de violation ne peut être maintenue.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli et le dossier est retourné à la division générale pour une nouvelle audience sur chacun des points en litige.

[32] Le Tribunal recommande à l’Intimée de soumettre à l'Agence  du revenu du Canada la question de savoir si l'emploi contesté est un emploi assurable au sens de la Loi.

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