Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur N. I., était présent lors de l’audience téléphonique (téléconférence) tenue le 6 janvier 2016.

Introduction

[2] Le 10 novembre 2014, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 26 octobre 2014. L’appelant a déclaré avoir travaillé pour l’employeur SSQ Société d’Assurance-vie inc., du 22 mai 2012 au 22 octobre 2014 (pièces GD3-3 à GD3-11).

[3] Le 12 mai 2015, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a informé l’appelant qu’il avait reçu un montant global de 17 056,79 $, soit 830,79 $ à titre de salaire de dernière semaine, 649,05 $, à titre de paye de vacances, 2 596,20 $, à titre de préavis et 12 980,78 $ provenant de l’entente de règlement conclue avec son employeur. La Commission a indiqué à l’appelant que ce montant de 17 056,79 $ qu’il a reçu, était considéré comme un revenu. Le montant en question allait être déduit de ses prestations, pour la période du 19 octobre 2014 au 17 janvier 2015 et un montant de 0,66 $ allait être réparti de ses prestations, au cours de la semaine du 18 janvier 2015 (pièces GD3-20 et GD3-21).

[4] Le 9 juin 2015, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-24 et GD3-25).

[5] Le 28 juillet 2015, la Commission a informé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit le 12 mai 2015, concernant la répartition de sa rémunération (pièces GD3- 28 et GD3-29).

[6] Le 1er septembre 2015, l’appelant a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »), (pièces GD2-1 à GD2-11).

[7] Le 15 septembre 2015, le Tribunal a informé l’employeur SSQ Société d’Assurance-vie inc., que s’il souhaitait être ajouté à titre de « personne mise en cause » dans le présent dossier, il devait déposer une demande à cet effet, au plus tard le 30 septembre 2015 (pièces GD5-1 et GD5-2).

[8] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent (pièces GD1-1 à GD1-4).

Question en litige

[9] Le Tribunal doit déterminer si la somme d’argent reçue par l’appelant constitue une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement ») et, le cas échéant, déterminer si la répartition de cette rémunération a été effectuée conformément aux dispositions prévues à l’article 36 du Règlement.

Droit applicable

[10] Les dispositions relatives à la « détermination de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations » et à la « répartition de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations » sont respectivement mentionnées aux articles 35 et 36 du Règlement.

[11] Pour la « détermination de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations », l’article 35 du Règlement définit le « revenu » comme « […] Tout revenu en espèce ou non que le prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, notamment un syndic de faillite ». Cet article précise également quel revenu est considéré comme une rémunération.

[12] Le paragraphe 35(2) du Règlement précise en ces termes que :

(2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu’il faut prendre en compte pour vérifier s’il y a eu l’arrêt de rémunération visé à l’article 14 et fixer le montant à déduire des prestations à payer en vertu de l’article 19, des paragraphes 21(3), 22(5), 152.03(3) ou 152.04(4), ou de l’article 152.18 de la Loi, ainsi que pour l’application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi […].

[13] Une fois ce point établi, l’article 36 du Règlement indique sur quelles semaines cette rémunération doit être répartie.

[14] Ainsi, les sommes reçues de la part d’un employeur sont considérées comme une rémunération et doivent être réparties, à moins qu’elles ne soient visées par les exceptions prévues au paragraphe 35(7) du Règlement, ou qu’elles ne proviennent pas d’un emploi.

[15] En regard de la « répartition de la rémunération aux fins du bénéfice des prestations », le paragraphe 36(9) du Règlement précise que :

(9) Sous réserve des paragraphes (10) à (11), toute rémunération payée ou payable au prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi, de sorte que la rémunération totale tirée par lui de cet emploi dans chaque semaine consécutive, sauf la dernière, soit égale à sa rémunération hebdomadaire normale provenant de cet emploi.

Preuve

[16] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 3 novembre 2014, indique que l’appelant a travaillé à titre d’« analyste en rédaction de polices II », pour l’employeur SSQ Société d’Assurance-vie inc., du 22 mai 2012 au 22 octobre 2014, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur pour une raison « autre » (code K – autre), (pièce GD3-12) ;
  2. Un relevé d’emploi modifié ou remplacé (numéro de série du relevé modifié ou remplacé : W35855689), en date du 9 février 2015, indique que l’appelant a travaillé à titre d’« analyste en rédaction de polices II », pour l’employeur SSQ Société d’Assurance-vie inc., du 22 mai 2012 au 22 octobre 2014, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur pour une raison « autre » (code K – autre). Le relevé indique que l’appelant a reçu une indemnité de préavis au montant de 2 596,20 $ ainsi qu’une indemnité de départ, au montant de 12 980,78 $ (pièce GD3-13) ;
  3. Le 16 février 2015, l’appelant a transmis à la Commission une copie du document « Entente de règlement hors cour » (Commission des normes du travail du Québec), signé par l’employeur SSQ Société d’Assurance-vie inc. et par l’appelant lui-même, en date du 4 février 2015. Ce document prévoit les dispositions suivantes : « ATTENDU QUE le salarié a déposé une plainte pour congédiement fait sans une cause juste et suffisante […] selon l’article 124 et suivants de la Loi sur les normes du travail ; ATTENDU QUE le salarié a déposé une plainte pour harcèlement psychologique […] selon l’article 123.6 et suivants de la Loi sur les normes du travail : ATTENDU que le droit à la réintégration existe selon les articles 123.15 et 128 de la Loi sur les normes du travail ; ATTENDU que par le dépôt de ses plaintes, le salarié désirait obtenir le droit de réintégrer son emploi ; ATTENDU que le salarié a déjà reçu de l’employeur, au moment de la terminaison de son emploi, une somme correspondant à deux semaines de travail à titre d’indemnité de fin d’emploi prévue à l’article 82 de la Loi sur les normes du travail ; ATTENDU QU’après discussion entre les parties, le salarié renonce à la réintégration ; […] L’employeur s’engage à verser au salarié, à titre d’indemnité de perte d’emploi, une somme additionnelle brute de 12980.78 (sic) [12 980,78 $], dont 6 490,39 $, moins les retenues fiscales applicables, soit 20 % d’impôt provincial et 10 % d’impôt fédéral. La somme est payable selon les modalités d’exécution prévues à la présente ; […] Le salarié s’engage à soumettre la présente entente à Service Canada et verra à rembourser, s’il y a lieu, le trop-payé des prestations d’assurance-emploi […] » (pièces GD3-17 et GD3-18) ;
  4. Dans un document intitulé « Détails sur l’avis de dette (DH009) », en date du 16 mai 2015 et reproduit le 16 septembre 2015, le montant total de la dette de l’appelant a été établi à 5 024,00 $ (pièce GD3-22) ;
  5. Le 9 juillet 2015, l’employeur a déclaré que le montant de 12 980,78 $ versé à l’appelant représente une indemnité pour la perte de son emploi. Il a indiqué que cette somme n’était pas liée à une renonciation au droit de réintégrer son emploi puisque l’appelant ne pouvait pas reprendre son poste pour des raisons d’incompétence. Ce dernier n’ayant pas atteint le rendement demandé. L’employeur a précisé qu’il n’a jamais été question que l’appelant réintègre son poste et que l’entente avait été conclue en versant la somme de 12 980,78 $ pour l’indemniser de la perte de son emploi. Selon l’employeur, cette somme est une indemnité de départ. Il a mentionné que l’entente conclue avec l’appelant avait été chapeautée par la Commission des normes du travail du Québec (pièce GD3-26) ;
  6. Dans son Avis d’appel présenté le 1er septembre 2015, l’appelant a transmis une copie des documents suivants :
    1. « Entente de règlement hors cour » (Commission des normes du travail du Québec), (pièces GD2-6 et GD2-7) ;
    2. Courriel de l’appelant, adressé au médiateur de la Commission des normes du travail, en date du 9 janvier 2015, dans lequel l’appelant a notamment souligné l’importance d’être réintégré dans son emploi (pièce GD2-8) ;
    3. Courriel du médiateur de la Commission des normes du travail, adressé à l’appelant, en date du 21 janvier 2015, dans lequel il énonce les clauses pouvant faire partie de l’entente de règlement hors cour (pièce GD2-9) ;
    4. Lettre de la Commission (décision en révision), en date du 28 juillet 2015 (pièces GD2-10 et GD2-11) ;
  7. Le 29 septembre 2015, l’employeur a transmis au Tribunal une copie du document « Entente de règlement hors cour » (Commission des normes du travail du Québec) conclue en date du 4 février 2015 (pièces GD6-1 à GD6-6).

[17] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelant a rappelé les principaux éléments au dossier dans le but de démontrer que la somme reçue de la part de l’employeur SSQ Société d’Assurance-vie inc., dans le cadre d’une entente de règlement hors cour conclue avec celui-ci, en date du 4 février 2015, ne constitue pas une rémunération, en vertu du Règlement, et ne devrait pas faire l’objet d’une répartition de la part de la Commission (pièces GD3-17 et GD3-18) ;
  2. Il a précisé que son avis d’appel portait uniquement sur le montant de 12 980,78 $ qu’il a reçu de la part de l’employeur, à la suite de l’entente de règlement hors cour conclue avec celui-ci. L’appelant a indiqué que son appel ne concernait qu’une partie du montant global de 17 056,79 $, dont il est fait mention dans la décision initialement rendue par la Commission, en date du 12 mai 2015 (pièces GD3-20 et GD3-21).

Arguments des parties

[18] L’appelant a présenté les observations et les arguments suivants :

  1. Il a expliqué avoir déposé une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante auprès de la Commission des normes du travail du Québec, en novembre 2014. Il a indiqué que l’étape de médiation s’est terminée en février 2015 par une entente hors cour, en vertu de laquelle il a renoncé au droit d’être réintégré. L’appelant a précisé qu’une indemnité lui a été versée par son employeur en échange de cette renonciation. Il a mentionné que la Commission a soutenu que ce montant ne devait pas être exclu de sa rémunération, calculée aux fins du versement des prestations d’assurance-emploi qu’il a reçues, entre novembre 2014 et mars 2015. Selon l’appelant, l’indemnité qu’il a reçue ne constitue pas une rémunération aux fins de l’assurance-emploi, pour les raisonssuivantes :
    1. Le règlement intervenu en vertu du processus de médiation est conforme aux articles 123.15 et 128 de la Loi sur les normes du travail, qui permet à un salarié d’obtenir sa réintégration dans son emploi et/ou une indemnité. Par conséquent, la somme obtenue ne représente pas une compensation pour la perte d’un salaire ou d’autres avantages, découlant de son emploi, mais bien un montant obtenu à titre de compensation, en échange d’un droit découlant d’une loi provinciale ;
    2. L’appelant a demandé à être réintégré par voie du grief qu’il a soumis. Il a indiqué que le libellé de sa plainte, ainsi que la correspondance échangée avec le médiateur était explicite à cet égard ;
    3. Le montant a été versé à titre de compensation en échange de sa renonciation au droit d’être réintégré. Le libellé de l’entente de règlement appuie l’allégation selon laquelle le droit à la réintégration existe, que la réintégration a été demandée, qu’il y a eu renonciation à ce droit et que le montant versé par l’employeur vise à compenser la renonciation à ce droit d’être réintégré (pièce GD2-4) ;
  2. L’appelant a soutenu avoir reçu la somme de 12 980,78 $, à la suite de la renonciation à son droit de réintégration. Il a fait valoir que la législation était claire au sujet d’un montant reçu en échange de la renonciation au droit d’être réintégré dans son emploi et que la décision rendue à son endroit ne tenait pas compte de cela. Il a soutenu que le montant de 12 980,78 $ qui lui a été versé par son ancien employeur, était considéré, à tort, comme une rémunération. Il a expliqué que ce montant, reçu à la suite d’un règlement hors cour, en échange de la renonciation au droit d’être réintégré, devait être exclu de la rémunération, car ce montant n’a pas été gagné, grâce au travail ni payé en considération du travail accompli (pièces GD3-14 à GD3-16 et GD3-23 à GD3-25 et GD3-27) ;
  3. Il a expliqué que l’entente de règlement hors cour qu’il a conclue avait fait l’objet d’une interprétation différente de la sienne, par la Commission parce que dans l’entente de règlement, il était mentionné qu’il s’agissait d’une indemnité de perte d’emploi. Il a fait valoir que le préambule de ce document énonce clairement son droit à la réintégration et qu’il désirait réintégrer son emploi (pièces GD3-17 et GD3-18) ;
  4. L’appelant souligné qu’au début de la procédure d’appel qu’il a entreprise, la Commission n’avait pas pris connaissance, du contenu des messages courriel échangés entre lui et le représentant de la Commission des normes du travail ; celui-ci agissait à titre de médiateur, avant la conclusion de l’entente de règlement hors cour (pièces GD2-8 et GD2-9) ;
  5. Il a fait valoir que dans le courriel reçu de la part du médiateur, en date du 21 janvier 2015, celui-ci avait d’abord prévu inscrire dans l’entente de règlement hors cour, le texte suivant (texte préliminaire) : « L’employeur s’engage à verser au salarié une somme (pouvant être aménagée en montant net transféré dans un REER et un montant brut moins les retenues fiscales applicables) à titre de renonciation à la réintégration » (pièce GD2- 9). L’appelant a souligné que les discussions avec le médiateur de la Commission des normes du travail avaient porté sur cet aspect ;
  6. L’appelant a indiqué que le libellé concernant cet élément était différent dans le texte final de l’entente de règlement, en raison d’un manque d’attention de sa part, mais qu’il avait accepté de signer le texte final de cette entente, tel qu’il lui a été présenté. Il a affirmé que c’était l’employeur qui avait produit le texte de l’entente. Il a indiqué qu’il devait ensuite approuver le texte de ce document. L’appelant a mentionné qu’il aurait dû faire corriger le terme « indemnité de perte d’emploi » (pièce GD3-27) ;
  7. Il a expliqué qu’il aurait pu judiciariser le processus, mais que ça aurait alors pris plusieurs mois de plus, avant de pouvoir finaliser le dossier. Selon l’appelant, le médiateur de la Commission des normes du travail l’a persuadé d’arrêter les procédures, car il avait une entente qui était acceptable ;
  8. L’appelant a souligné que le préambule de l’entente spécifie qu’il a accepté de renoncer à la réintégration de son poste, après discussions entre les parties. Il a fait valoir que tout le processus mené auprès de la Commission des normes du travail avait été orienté dans le but de réintégrer son poste (pièces GD2-8 et GD2-9 et GD3-27) ;
  9. Il a soutenu que les faits sont là, mais que la Commission avait fait une interprétation stricte et trop restrictive du libellé de l’entente de règlement hors cour intervenue entre lui et l’employeur, sans avoir pris en considération l’esprit de cette entente. Selon l’appelant, la Commission a repris l’argument de l’employeur voulant que la somme de 12 980,78 $ qu’il a reçue, représente une indemnité pour la perte de son emploi et que cette somme n’était pas liée à une renonciation au droit de réintégrer son emploi. Il a également souligné que si l’on se fiait à l’opinion de l’employeur, il n’y aurait jamais de droit à la réintégration (pièce GD3-26) ;
  10. L’appelant a expliqué que la plainte qu’il a présentée auprès de la Commission des normes du travail pour un congédiement fait sans une cause juste et suffisante, était fondée et que son droit à la réintégration a été reconnu dans l’entente de règlement hors cour qu’il a conclue. Il a précisé que c’était la raison pour laquelle il avait déposé une plainte auprès de la Commission des normes du travail.

[19] L’intimée (la Commission) a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Elle a soutenu que malgré le fait que dans l’entente de règlement, il est inscrit que le droit à la réintégration existe selon les articles 123.15 et 128 de la Loi sur les normes du travail (Québec), que par le dépôt de ses plaintes, l’appelant désirait obtenir le droit de réintégrer son emploi et qu’après discussion entre les parties, celui-ci a renoncé à son droit à la réintégration, et que la somme de 12 980,78 $ lui a été versée à titre d’indemnité de perte d’emploi. La Commission a expliqué que cette somme ne peut être liée à la renonciation au droit de réintégration puisque l’appelant ne pouvait reprendre son poste pour des raisons d’incompétence parce qu’il ne pouvait atteindre le rendement requis, nécessaire au maintien de l’emploi (pièce GD4-3) ;
  2. La Commission a évalué que l’entente de règlement entre les parties a été conclue par la somme versée pour indemniser l’appelant de la perte de son emploi. Elle a souligné que cette entente de règlement stipule que l’employeur s’est engagé à verser à l’appelant, à titre d’indemnité de perte d’emploi, une somme additionnelle de 12 980,78 $ (pièce GD4- 3) ;
  3. Elle a déterminé en se fondant sur les faits apparaissant au dossier, que les sommes que l’appelant recevait à titre d’indemnité de perte d’emploi, constituaient une rémunération aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement. Elle a souligné qu’un paiement a été émis au prestataire en raison de la perte de son emploi, à la suite d’une entente de règlement survenue entre les parties (pièce GD4-3) ;
  4. La Commission a évalué que le montant de 12 980,78 $ ne peut être considéré comme une indemnité versée à titre de renonciation au droit de réintégration parce que l’appelant ne pouvait réintégrer le poste qu’il occupait. Elle a soutenu que l’appelant a perdu son poste en raison de son incompétence, puisqu’il ne rencontrait pas les exigences de rendement requis nécessaires à son maintien en emploi. La Commission a également soutenu qu’il y a eu paiement en raison de la cessation d’emploi de l’appelant, à titre de préavis et de paie de vacances qui ont été répartis, également à la cessation d’emploi. Elle a déterminé qu’en conséquence, et conformément au paragraphe 36(9) du Règlement, l’indemnité de perte d’emploi au montant de 12 980,78 $ a été répartie en se basant sur la rémunération hebdomadaire normale de l’appelant, de 1 312,00 $ à compter du 19 octobre 2014 (pièces GD3-20, GD3-21 et GD4-4).

Analyse

[20] La Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a clairement établi les conditions selon lesquelles un montant versé à la suite d’une cessation d’emploi peut être considéré comme ayant été versé pour compenser le droit d’être réintégré en emploi. Au départ, le droit d’être réintégré doit exister en vertu de la loi fédérale, d’une loi provinciale, d’un contrat ou d’une convention collective. En second lieu, le prestataire doit avoir demandé à être réintégré et l’entente de règlement doit démontrer que le montant a été versé à titre de compensation pour renoncer au droit d’être réintégré (Canada (PG) c. Nicole Meechan, 2003 CAF 368).

[21] Dans l’affaire Plasse (A-693-99), la Cour a déclaré :

Si un règlement comporte à la fois une acceptation de la perte de salaire et une renonciation à un droit de réintégration accordé par l’autorité compétente, seul le premier contitue (sic) [constitue] une « rémunération » et uniquement la valeur attribuable au premier est allouée aux termes de l’article 57 du Règlement. Il serait évidemment loisible à la Commission dans un cas précis de s’assurer qu’un prétendu règlement n’est pas un simple leurre pour contourner le régime de l’assurance-emploi en camouflant une indemnité pour perte de salaire en autre chose.

[22] La Cour a aussi affirmé que le droit à la réintégration est le droit d’un employé de reprendre son travail, à la suite d’un congédiement injustifié. À moins qu’un paiement puisse être qualifié d’indemnité pour la renonciation au droit de réintégration, il doit être réparti selon les dispositions du Règlement (Canada (PG) c. Warren, 2012 CAF 74).

[23] Dans cette décision (Warren, 2012 CAF 74), la Cour a déclaré :

[…] Tous conviennent qu’à moins que le paiement puisse être qualifié d’indemnité pour la renonciation au droit de réintégration, il peut être réparti selon les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) et du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement). […] le droit à la réintégration en droit fédéral est le droit d’un employé de reprendre son travail à la suite d’un congédiement injustifié. Dans ces circonstances, l’indemnité reçue pour renoncer au droit de réintégration à la suite d’un congédiement injustifié ne constitue pas une rémunération au sens de la Loi et du Règlement (Cantin, par. 33). Toutefois, le congédiement injustifié est une condition préalable à l’existence du droit de réintégration.

[24] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il appartient au prestataire d’établir que tout ou partie des sommes reçues suite à son congédiement constituait autre chose qu’une rémunération au sens de la Loi (Bourgeois c. Canada (PG), 2004 CAF 117).

[25] La Cour a affirmé le principe selon lequel les sommes versées en raison d'un licenciement ou d’une cessation d’emploi constituent des gains au sens de l’article 35 du Règlement et elles doivent être réparties selon le paragraphe 36(9) du Règlement (Canada (PG) c. Boucher Dancause, 2010 CAF 270 Canada (PG) c. Cantin, 2008 CAF 192).

[26] La Cour considère depuis longtemps qu’un paiement effectué en vertu d’un règlement intervenu dans le cadre d’une action pour congédiement injustifié, constitue un « revenu provenant [d’un] emploi », à moins que le prestataire puisse établir qu’en raison de « circonstances particulières », une partie de ce revenu doit être considérée comme une rémunération concernant une autre dépense ou perte (Canada (PG) c. Radigan, A-567-99).

[27] Dans l’affaire Bielich (2005 CAF 363), ou l’appel de la Commission a été rejeté, la Cour a déclaré :

Le conseil arbitral entendu le prestataire et a jugé son explication crédible. Sur la foi de la preuve dont il disposait, il a conclu que la libération ne représentait pas l’accord intervenu entre les parties et a convenu que la totalité du montant du règlement était attribuable à la renonciation, par le défendeur, à son droit de réintégration.

[28] La preuve au dossier démontre que l’appelant a reçu une somme de 12 980,78 $ de la part de l’employeur SSQ Société d’Assurance-vie inc. en application d’une entente de règlement hors cour, intervenue entre celui-ci et ledit appelant, en date du 4 février 2015 (pièces GD3-17 et GD3-18).

[29] Cette entente fait suite à la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi de l’appelant, le 22 octobre 2014 (pièces GD3-12 et GD3-13) et au dépôt d’une plainte par ce dernier, auprès de la Commission des normes du travail (Québec) en novembre 2014, pour un congédiement fait sans cause juste et suffisante (pièce GD2-4).

[30] L’entente de règlement hors cour prévoit spécifiquement les dispositions suivantes :

ATTENDU QUE le salarié a déposé une plainte pour congédiement fait sans une cause juste et suffisante […] selon l’article 124 et suivants de la Loi sur les normes du travail ; ATTENDU QUE le salarié a déposé une plainte pour harcèlement psychologique […] selon l’article 123.6 et suivants de la Loi sur les normes du travail ; ATTENDU que le droit à la réintégration existe selon les articles 123.15 et 128 de la Loi sur les normes du travail ; ATTENDU que par le dépôt de ses plaintes, le salarié désirait obtenir le droit de réintégrer son emploi ; ATTENDU que le salarié a déjà reçu de l’employeur, au moment de la terminaison de son emploi, une somme correspondant à deux semaines de travail à titre d’indemnité de fin d’emploi prévue à l’article 82 de la Loi sur les normes du travail ; ATTENDU QU’après discussion entre les parties, le salarié renonce à la réintégration ; […] L’employeur s’engage à verser au salarié, à titre d’indemnité de perte d’emploi, une somme additionnelle brute de 12980.78 (sic) [12 980,78 $], dont 6 490,39 $, moins les retenues fiscales applicables, soit 20 % d’impôt provincial et 10 % d’impôt fédéral. La somme est payable selon les modalités d’exécution prévues à la présente ; […] Le salarié s’engage à soumettre la présente entente à Service Canada et verra à rembourser, s’il y a lieu, le trop-payé des prestations d’assurance-emploi […] (pièces GD3-17 et GD3-18).

[31] Le Tribunal considère que la somme de 12 980,78 $ reçue par l’appelant de la part de l’employeur, ne constitue pas une rémunération, en vertu de l’article 35 du Règlement.

[32] Le Tribunal estime que l’appelant disposait d’un « droit à la réintégration », qu’il a cherché à s’en prévaloir et qu’il y a renoncé en contrepartie d’une compensation pécuniaire (Meechan, 2003 CAF 368).

[33] Les dispositions de l’entente de règlement hors cour indique clairement que le droit à la réintégration existe « en vertu de la loi fédérale, d’une loi provinciale, d’un contrat ou d’une convention collective » (Meechan, 2003 CAF 368).

[34] Cette entente indique spécifiquement qu’un tel droit existe, en vertu des articles 123.15 et 128 de la Loi sur les normes du travail (Québec). La référence faite, dans cette entente, aux articles 123.15 et 128 de la Loi sur les normes du travail (Québec), est très explicite sur cet aspect (pièces GD3-17 et GD3-18).

[35] L’appelant a également fait valoir que les dispositions prévues à la Loi sur les normes du travail étaient applicables à son cas, à la suite du dépôt d’une plainte auprès de la Commission des normes du travail en novembre 2014, à la suite de la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi, en octobre 2014 (pièces GD3-12 et GD3-13).

[36] Le Tribunal considère que la preuve présentée démontre clairement que l’appelant voulait être réintégré dans son poste (Meechan, 2003 CAF 368).

[37] Lors de l’audience, l’appelant a expliqué que la démarche qu’il a entreprise auprès de la Commission des normes du travail avait été spécifiquement orientée dans le but de réintégrer le poste qu’il occupait (pièces GD2-8 et GD2-9).

[38] Le contenu de l’entente de règlement précise d’ailleurs qu’avec le dépôt de ses plaintes auprès de la Commission des normes du travail, l’appelant « désirait obtenir le droit de réintégrer son emploi » (pièce GD3-17).

[39] En plus de faire mention que « le droit à la réintégration existe » et que l’appelant « désirait obtenir le droit de réintégrer son emploi », l’entente de règlement hors cour indique que l’employeur s’est engagé à verser à l’appelant une somme de 12 980,78 $ à titre d’« indemnité de perte d’emploi » (pièce GD3-17).

[40] L’employeur a soutenu que la somme de 12 980,78 $ versée à l’appelant représente une indemnité pour la perte de son emploi. Il a précisé que cette somme n’était pas liée à une renonciation au droit de l’appelant de réintégrer son poste, puisque celui-ci ne pouvait reprendre son poste pour des raisons d’incompétence (pièce GD3-26).

[41] Le Tribunal est d’avis que, dans le cas présent, l’indemnité de perte d’emploi que l’employeur s’est engagé à verser à l’appelant est directement en lien avec la renonciation de ce dernier à réintégrer son emploi.

[42] Le Tribunal considère que l’indemnité de perte d’emploi à laquelle l’appelant a droit, en vertu de cette entente, est indissociable de la renonciation de la part de celui-ci, à son droit de réintégration. Le Tribunal estime aussi que, normalement, la conclusion d’une entente de règlement hors cour n’est pas nécessaire lorsqu’un employeur accepte de verser une indemnité de perte d’emploi à un employé.

[43] Le Tribunal ne retient pas l’argumentation de la Commission voulant que la somme de 12 980,78 $ ait été versée à l’appelant à titre d’indemnité de perte d’emploi « parce que cette somme ne peut être liée à la renonciation au droit de réintégration puisque le prestataire ne pouvait reprendre son poste pour des raisons d’incompétence n’atteignant pas le rendement requis nécessaire au maintien de l’emploi » (pièce GD4-3).

[44] Le Tribunal estime que l’argumentation de la Commission occulte en très grande partie des éléments fondamentaux, clairement énoncés dans l’entente de règlement intervenue entre l’appelant et l’employeur soit, l’existence du droit à la réintégration et la volonté exprimée par l’appelant d’être réintégré dans ses fonctions.

[45] Rien n’indique, dans l’entente de règlement, que l’appelant ne pouvait réintégrer son poste pour des raisons d’incompétence parce celui-ci ne pouvait atteindre le rendement requis par son employeur pour son maintien en emploi. La Commission a tiré une telle conclusion en se basant uniquement sur une déclaration faite par l’employeur, plusieurs mois après que ce dernier ait conclu une entente dans laquelle il a explicitement reconnu le droit de l’appelant à la réintégration dans le poste qu’il occupait.

[46] Le Tribunal souligne que la question relative à la compétence de l’appelant, soulevée a posteriori par l’employeur, ne fait d’ailleurs pas partie de l’entente de règlement intervenue entre ces derniers. Cette entente indique qu’il n’y avait pas de raison de mettre fin à l’emploi de l’appelant et ne permet aucunement de faire la démonstration de l’incompétence de celui-ci.

[47] Le Tribunal considère plutôt que si l’employeur a reconnu, dans le cadre de cette entente, que l’appelant avait le droit de réintégrer son poste, il a reconnu, du même coup, que celui-ci possédait la compétence nécessaire au maintien de son emploi.

[48] Le Tribunal est d’avis que l’appelant avait le droit d’être réintégré dans son poste, qu’il a démontré sa volonté en ce sens, et qu’il a renoncé à ce droit, en échange d’une compensation pécuniaire (Meechan, 2003 FCA 368).

[49] Le Tribunal considère que le montant de 12 980,78 $ versé à l’appelant peut ainsi « être qualifié d’indemnité pour la renonciation au droit de réintégration » (Warren, 2012 CAF 74).

[50] Cette somme ne constitue pas une rémunération en vertu de l’article 35 du Règlement.

[51] En conséquence, la répartition de la somme de 12 980,78 $ reçue par l’appelant, n’est pas justifiée, en vertu des articles 35 et 36 du Règlement.

Conclusion

[52] L’appel est accueilli.

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