Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, B. G., a assisté à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] Le prestataire a cessé de travailler le 29 mai 2014 et a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi le 2 juin 2015. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (ci-après « la Commission ») a rejeté sa demande d’antidatation parce que, selon ce qui a été déterminé, le prestataire n’avait pas de motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande entre le 29 mai 2014 et le 2 juin 2015. Le prestataire s’est aussi vu refuser le bénéfice des prestations parce qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour y être admissible. Il a demandé une révision de la décision de la Commission, que cette dernière a maintenue dans une lettre datée du 28 août 2015. Le prestataire a ensuite interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (ci-après « le Tribunal »).

[2] L’audience s’est déroulée par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité des questions en litige.
  2. Le fait que le prestataire sera la seule partie à assister à l’audience.
  3. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des renseignements additionnels.

Questions en litige

[3] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le prestataire a-t-il démontré qu’il avait un motif valable de tarder à présenter sa demande initiale de prestations aux termes du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (ci-après « la Loi »)?
  2. Le prestataire a-t-il accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour qu’une demande de prestations soit établie à son profit en vertu de l’article 7 de la Loi?

Droit applicable

Antidatation
[4] Selon le paragraphe 10(4) de la Loi, lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Période de prestations non établie

[5] Aux termes du paragraphe 7(1) de la Loi, les prestations de chômage sont payables à un assuré qui remplit les conditions requises pour les recevoir.

[6] Selon le paragraphe 7(2) de la Loi, l’assuré autre qu’une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois :

  1. a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;
  2. b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures prévu en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.

[7] Le paragraphe 7(4) de la Loi énonce que la personne qui devient ou redevient membre de la population active est celle qui, au cours de la période de 52 semaines qui précède le début de sa période de référence, a cumulé moins de 490 heures d’emploi assurable.

Preuve

[8] Le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi dans laquelle il déclare ne pas avoir accumulé de périodes d’emploi additionnelles au cours des 52 semaines précédentes. Il indique également ne pas avoir touché d’indemnisation des accidentés du travail, ne pas avoir été incapable de travailler pour des raisons médicales, ne pas avoir touché d’indemnité en vertu d’un régime collectif d’assurance-salaire, ne pas avoir été empêché de travailler en raison d’un conflit de travail, ne pas avoir suivi de cours de formation, ne pas avoir été emprisonné et ne pas avoir reçu de paiement du Programme de protection des salariés au cours des deux années précédentes (pages GD3-3 à GD3-13).

[9] L’employeur a fourni un relevé d’emploi daté du 13 juin 2014 selon lequel le prestataire a commencé à travailler comme analyste-développeur le 12 octobre 2013 et cessé de travailler le 29 mai 2014, après avoir accumulé 1 312 heures d’emploi assurable. Le prestataire a reçu une paie de vacances de 904,80 $, une indemnité de préavis de 14 476,92 $ et une allocation de retraite de 62 189,24 $. L’employeur a indiqué « Autre » comme raison justifiant la production du relevé d’emploi, précisant dans un commentaire que le versement de l’allocation de retraite était en attente (page GD3-14).

[10] La Commission a fait savoir que, du 10 mai au 6 juin 2015, le taux de chômage dans la région économique de Calgary s’élevait à 5,5 % et que le nombre d’heures d’emploi assurable requises pour être admissible à des prestations régulières s’élevait donc à 700 (page GD3-15).

[11] Le prestataire a demandé l’antidatation de sa demande de prestations datée du 2 juin 2015 afin qu’elle prenne effet le 13 juin 2014. Il a déclaré qu’une condition liée à son engagement lui interdisait d’utiliser un ordinateur et donc de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi. Il a indiqué que, selon l’information qu’il avait reçue, ce type de demande devait se faire par ordinateur. Il a également déclaré que son avocat avait fait modifier cette condition le 8 mai 2015 et que, depuis, il avait le droit d’utiliser un ordinateur et Internet de façon limitée. Le prestataire a expliqué que, grâce à cette modification, les agents de libération conditionnelle ne peuvent plus faire valoir l’interprétation selon laquelle il ne peut pas se trouver dans une pièce où il y a un ordinateur (page GD3-16).

[12] Le prestataire a fourni une copie des conditions liées à son engagement, dont voici un extrait : [traduction] « 9. Vous ne devez ni avoir ni utiliser d’accès Internet à votre résidence […] 11. Vous ne devez ni avoir ni utiliser d’ordinateur, de téléphone cellulaire ou d’autres appareils permettant d’accéder à Internet, à moins que vous soyez au travail et que ce soit à des fins professionnelles » (page GD3-17).

[13] Le prestataire a également présenté une version modifiée de la condition 11 datée du 8 mai 2015, qui est maintenant ainsi formulée : [traduction] « Vous ne devez ni avoir ni utiliser d’ordinateur, de téléphone cellulaire ou d’autres appareils permettant d’accéder à Internet à moins que vous soyez au travail et que ce soit à des fins professionnelles, qu’il s’agisse d’un ordinateur situé dans un endroit public ou que vous soyez supervisé par un autre adulte connaissant les accusations criminelles à votre endroit » (page GD3-19).

[14] Dans une lettre datée du 22 juin 2015, la Commission a informé le prestataire que sa demande de prestations d’assurance-emploi ne pouvait pas prendre effet le 29 mai 2014 parce qu’il n’avait pas démontré qu’entre le 29 mai 2014 et le 2 juin 2015, il avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande (page GD3-21).

[15] Dans une lettre datée du 22 juin 2015, la Commission a indiqué au prestataire qu’il n’avait accumulé aucune heure d’emploi assurable entre le 1er juin 2014 et le 30 mai 2015, alors qu’il lui aurait fallu en accumuler 700 pour être admissible au bénéfice des prestations (page GD3-22).

[16] Dans sa demande de révision, le prestataire a déclaré avoir utilisé le système téléphonique, qui ne précisait pas qu’il pouvait présenter une demande papier. Si cette option existait et si elle lui avait été proposée, il s’en serait prévalu. Il a également déclaré que, selon l’interprétation que faisait son agent de libération conditionnelle des restrictions légales le visant, le fait de demander à une autre personne d’utiliser un ordinateur à sa place aurait constitué un manquement à ses restrictions, tout comme le fait de se trouver dans une pièce où il y avait un ordinateur en marche. Le prestataire a expliqué que son avocat avait dû s’y prendre à deux reprises pour faire modifier la restriction de manière à ce qu’il puisse présenter une demande de prestations d’assurance-emploi (page GD3-25).

[17] La Commission a communiqué avec le prestataire. Ce dernier a indiqué avoir composé un numéro de téléphone trouvé dans l’annuaire, mais ne pas avoir été informé alors qu’il pouvait présenter une demande papier. Il a ajouté que le conseil qu’il avait obtenu du service téléphonique était de présenter sa demande en ligne. Il a expliqué qu’il ne pouvait pas le faire en raison de l’interprétation des restrictions à son endroit par l’agent de libération conditionnelle et qu’il avait fait appel à deux avocats différents pour faire modifier ces restrictions afin de pouvoir présenter une demande en ligne, ce qui lui avait coûté beaucoup d’argent et de temps (page GD3-26).

[18] Le prestataire a confirmé que, à aucun moment entre la date de sa cessation d’emploi et celle à laquelle il a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi, il n’avait demandé à un ami ou à un membre de sa famille de s’informer quant à la façon dont il pourrait présenter une demande de prestations. Il a expliqué s’être fié au système téléphonique, selon lequel il devait présenter sa demande en ligne. Il a également confirmé ne jamais s’être rendu lui-même au bureau de Service Canada pour prendre des renseignements en personne, indiquant qu’il y était allé une semaine après avoir présenté sa demande et que la personne au comptoir avait reconnu qu’il aurait pu faire une demande papier (page GD3-26).

[19] Le prestataire a déclaré que la seule raison pour laquelle il s’était rendu au bureau de Service Canada était pour s’assurer qu’il avait présenté sa demande correctement et qu’il n’y aurait pas de problèmes ni d’obstacles relativement à celle-ci. Il a indiqué que c’est à cette occasion que la personne au comptoir avait reconnu qu’il aurait pu présenter une demande papier (page GD3-28).

[20] La Commission a fourni une transcription du message communiqué à toute personne qui appelle pour se renseigner au sujet des prestations d’assurance-emploi. Selon elle, ce message informe les prestataires qu’ils doivent présenter leur demande en ligne et que, s’ils n’ont pas accès à Internet, ils peuvent se rendre au Centre Service Canada le plus proche pour faire leur demande. Le message indique aussi que le fait de présenter une demande plus de quatre semaines après le dernier jour de travail peut rendre une personne inadmissible au bénéfice des prestations. D’après la transcription du message, les personnes qui appellent sont invitées à faire le 0 pour parler à un agent. Toutefois, après examen du message, il appert qu’aucune invitation du genre n’est communiquée (pages GD3-29 à GD3-34).

[21] Lors de son témoignage à l’audience, le prestataire a déclaré que si ses raisons pour avoir tardé à présenter sa demande n’étaient pas valables, alors aucune ne l’était. Il a indiqué que le système téléphonique ne fournissait pas l’option de parler à un agent. Il a déclaré avoir lu la transcription fournie par la Commission à plusieurs reprises et que la possibilité d’appuyer sur le « 0 » pour parler à un agent n’était pas offerte. Il a indiqué avoir tout de même découvert comment joindre un agent, expliquant que lors de l’appel, deux options sont proposées : « assurance-emploi » ou « numéro d’assurance sociale ». En appuyant sur le « 0 » à cette étape, il est possible de s’entretenir avec un agent, mais cette option n’est offerte à aucun autre moment. Il a déclaré que le système avait été source d’une grande frustration, qu’il avait fait de nombreuses tentatives et qu’à une occasion, tandis qu’il appuyait sur des touches au hasard, le système lui avait indiqué qu’il serait mis en attente pour parler à un agent. Il a déclaré avoir parlé à un agent, mais que cela ne s’était pas révélé très utile. Lors des tentatives qui ont suivi, il n’est pas arrivé à joindre qui que ce soit en raison des longs temps d’attente. Il a déclaré que cela se situait très tard dans le processus et qu’il souhaitait parler aux personnes qui avaient déjà rejeté sa demande afin de présenter des arguments sur des faits nouveaux, mais que la ligne téléphonique ne permettait pas de joindre les personnes auxquelles il avait déjà parlé. Il a déclaré que le problème, avec les conversations téléphoniques, était que la Commission appelait quand elle était prête, alors que lui était pris au dépourvu et n’était pas préparé; après avoir raccroché, il avait réfléchi et pensé qu’il devait s’entretenir de nouveau avec la Commission.

[22] Le prestataire a fourni une chronologie des événements : il a déclaré avoir utilisé le service téléphonique de l’assurance-emploi pour tenter de présenter une demande de prestations et avoir demandé à quelqu’un de se rendre pour lui sur le site Web pour s’assurer qu’il n’avait rien oublié, démarche qu’il a dû annuler par la suite. Il a eu l’intention de se rendre dans un Centre Service Canada, mais a aussi dû abandonner ce projet. Il a ajouté que quelqu’un l’aidait avec un site Web de possibilités de carrière du gouvernement de l’Alberta, qui jumelle les gens à des emplois ou des domaines, précisant qu’il dictait à cette personne les réponses aux questions posées sur le site Web. Il a déclaré avoir rendu visite à son agent de libération conditionnelle peu après et avoir découvert avec stupéfaction que le fait de demander à quelqu’un d’utiliser un ordinateur pour lui était considéré comme un manquement aux restrictions lui interdisant d’utiliser un ordinateur. Il a déclaré que, selon l’interprétation de son ordonnance d’engagement par l’agent de libération conditionnelle, il ne pouvait même pas se trouver dans une pièce où il y avait un ordinateur en marche. Il a indiqué avoir dû rappeler son ami pour qu’il cesse ses recherches sur le site Web de Service Canada et avoir décidé de ne pas se rendre dans un Centre Service Canada, où il y a des ordinateurs en marche. Il a déclaré que tout cela s’était passé avant qu’il apprenne qu’il était possible de présenter une demande de prestations papier. Il a ajouté qu’il avait aussi dû revoir son plan de recherche d’emploi par Internet, même s’il s’agit de la façon de procéder de nos jours. Il a déclaré avoir conclu qu’il avait besoin d’un avocat pour faire retirer cette restriction et qu’il lui avait fallu environ un an pour y parvenir.

[23] Le prestataire a déclaré avoir mentionné qu’il avait fait assouplir ses restrictions pendant qu’il se trouvait avec des amis et avoir lancé à la blague qu’il pourrait maintenant faire sa déclaration de revenus. Un de ses amis lui a alors dit qu’il devrait reprendre contact avec l’assurance-emploi. Le prestataire a indiqué qu’il lui avait fallu tant de temps qu’il avait complètement oublié l’histoire de l’assurance-emploi. Il a déclaré avoir relancé le processus et avoir présenté une demande de prestations, puis s’être présenté dans un Centre Service Canada pour confirmer qu’il avait fait les choses correctement. C’est à ce moment que la personne à laquelle il a parlé lui a confirmé que le formulaire électronique était, en effet, la seule façon de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi.

[24] Le prestataire a déclaré que, la première fois, sa demande avait été rejetée en raison d’une inconduite professionnelle. Il a indiqué avoir fait savoir qu’il n’y avait pas eu d’inconduite et qu’il pouvait immédiatement envoyer une lettre par télécopieur pour le prouver. La Commission a refusé de lui fournir un numéro de télécopieur et lui a dit que la seule façon de procéder était d’interjeter appel. Selon les explications que lui a fournies la Commission, comme elle n’avait pas en main la lettre prouvant qu’il n’y avait pas eu d’inconduite, elle n’avait d’autre choix que de rejeter la demande et n’aurait aucun moyen d’y revenir une fois la lettre reçue. Le prestataire a déclaré que, le même jour, il s’était rendu dans un bureau de Service Canada et avait déposé un appel, soumis la lettre et fait revérifier sa demande par un représentant de Service Canada pour s’assurer d’avoir tout fait correctement. Il a déclaré avoir parlé à la même représentante qui lui avait assuré qu’il ne pouvait présenter de demande que par voie électronique, mais que cette fois, elle lui avait dit qu’il était possible, en fait, de présenter une demande papier.

[25] Le prestataire a déclaré qu’il était de nouveau retourné au bureau de Service Canada et que cette fois, un autre représentant s’était penché sur son dossier. Ce représentant l’a informé que la raison pour laquelle il s’était vu refuser des prestations n’était pas la même que celle qui lui avait été fournie par téléphone; sa demande avait été rejetée parce qu’il avait attendu trop longtemps avant de la présenter, ce qui ne correspond pas à de l’inconduite. Il a indiqué que l’appel déposé serait rejeté parce qu’il n’abordait pas la bonne question. Le prestataire a déclaré que la démarche suivante n’avait pas réussi parce qu’il n’avait pas utilisé la demande papier. Il a fait savoir à la Commission qu’il ne pouvait pas utiliser la demande papier parce que cela revenait à demander à quelqu’un d’utiliser Internet pour lui, mais la Commission a répondu qu’elle aurait pu traiter sa demande sans utiliser d’ordinateur et que, par conséquent, le motif du retard n’était pas valable.

[26] Le prestataire a confirmé que les restrictions relatives aux ordinateurs lui avaient été imposées avant sa cessation d’emploi et a précisé qu’il avait perdu son emploi quelques jours plus tard. Il a également confirmé que son ordonnance d’engagement lui permettait d’utiliser un ordinateur pour le travail ou à des fins professionnelles, mais a ajouté que l’interprétation de son agent de libération conditionnelle avait été plus loin : il ne pouvait pas se trouver dans une pièce où il y avait un ordinateur ni demander à quelqu’un d’utiliser un ordinateur pour lui. Le prestataire a ajouté avoir été informé que s’il violait les conditions de sa libération, il serait envoyé immédiatement en prison, et que l’agent de libération conditionnelle avait le pouvoir de le faire. Il a déclaré qu’il était inquiet et avait peur d’aller à la bibliothèque, où il y avait des ordinateurs, ou encore à l’épicerie, parce que le point de vente était branché à Internet. Les guichets automatiques sont branchés à Internet, alors techniquement, il n’avait d’autre choix que de manquer régulièrement à ses conditions de libération. Le prestataire a indiqué qu’il avait dû faire assouplir cette restriction et que son incapacité de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi était si loin dans la liste de ce qui était illogique qu’il n’avait pas immédiatement songé à faire une demande tout de suite après avoir réussi à faire assouplir la restriction.

[27] Le prestataire a confirmé que les restrictions relatives aux ordinateurs dont il faisait l’objet ont été levées le 8 mai 2015 et qu’il avait été informé de cette décision le même jour. Il a déclaré que du temps s’était écoulé entre l’assouplissement des restrictions et la présentation de sa demande de prestations d’assurance-emploi parce que cela lui était sorti de l’esprit; il avait simplement oublié et ce n’est que lorsqu’il est sorti avec ses amis et que l’un d’eux lui a rappelé de retourner à l’assurance-emploi que tout lui est revenu.

Observations

[28] Le prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. La décision relative à ses heures d’emploi assurable est fondée sur le rejet erroné du motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande et devrait être révisée à la lumière des changements apportés à ses restrictions (page GD3-25).
  2. Une fois les restrictions levées, il est devenu possible pour lui de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi en ligne, ce qu’il a fait (page GD3-26).
  3. Il s’est fié au message du système téléphonique de la Commission, selon lequel il devait présenter sa demande de prestations en ligne. Il n’a pas songé à se rendre au bureau local de Service Canada, car le message ne lui donnait aucune autre option. (page GD3-28).
  4. On lui refuse des prestations d’assurance-emploi parce qu’il ne savait pas d’instinct qu’il pouvait présenter une demande papier, une option dont les systèmes automatisés ne font toujours pas mention. Au moment où il aurait dû présenter sa demande, il lui était expressément interdit de faire quoi que ce soit qui puisse donner l’impression qu’il demandait à quelqu’un d’utiliser un ordinateur pour lui. Il ne lui était permis d’entreprendre aucun processus nécessitant de faire appel à quelqu’un pour saisir le contenu de sa demande dans le système informatique à des fins de traitement et de suivi. Il n’a eu d’autre choix que d’engager un avocat pour faire lever les restrictions et a pensé qu’il était raisonnable de retarder la présentation de sa demande de prestations jusqu’à ce qu’il lui soit possible de le faire (page GD2-2).
  5. Comme il lui était interdit de demander à quelqu’un d’utiliser un ordinateur pour lui, il n’avait pas accès au formulaire papier. De plus, il était de sa responsabilité et non de celle des autres d’appliquer les restrictions; la Commission aurait normalement eu à recourir à un ordinateur pour traiter sa demande et il a cru qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elle procède autrement dans son cas.
  6. Il était tellement préoccupé par le fait qu’il pouvait se faire arrêter à l’épicerie ou pendant qu’il accomplissait d’autres tâches courantes qu’il en avait complètement oublié l’assurance-emploi. Toutefois, lorsque son ami lui a rappelé de revenir à sa demande de prestations, il l’a fait immédiatement.

[29] La Commission a fait valoir ce qui suit :

Antidatation

  1. Le prestataire remplirait les conditions requises à la date antérieure. Par ailleurs, pour démontrer qu’il avait un motif valable, un prestataire n’est pas tenu d’établir que des circonstances sur lesquelles il n’avait aucun contrôle l’ont empêché de présenter sa demande à la date antérieure. Selon le critère applicable, il doit plutôt démontrer avoir agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances (page GD4-4).
  2. Le prestataire n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi. La Commission soutient que la situation dans laquelle le prestataire s’est retrouvé, soit l’interdiction d’utiliser Internet, n’est pas exceptionnelle. Il est vrai que le système téléphonique qu’il a utilisé informe les prestataires qu’ils doivent présenter leur demande de prestations en ligne et que, s’ils n’ont pas accès à Internet, ils doivent aller au Centre Service Canada le plus proche pour faire leur demande en ligne. La Commission fait cependant valoir que ce système téléphonique donne aussi l’option de parler à un agent. Compte tenu du fait que le prestataire savait qu’il lui était interdit d’utiliser un accès Internet, elle estime que, dans la même situation, une personne raisonnable aurait choisi l’option de parler à un agent de Service Canada. Si le prestataire l’avait fait, il se serait vu offrir de remplir un formulaire de demande de prestations d’assurance-emploi papier. En l’espèce, le prestataire ne s’est pas prévalu de l’option de parler à un agent, même si cette option était à sa disposition (page GD4-4).
  3. Peu après avoir cessé de travailler, le prestataire a fait un premier appel pour s’informer de la façon de présenter une demande de prestations, mais n’a pas écouté toutes les options offertes. La Commission estime que lorsque le prestataire a appris qu’il devait présenter sa demande en ligne, comme il savait qu’il ne pouvait pas le faire, dans sa situation, il aurait été raisonnable de s’adresser à un agent et de se renseigner sur les autres options. Il se serait ainsi assuré de protéger ses droits et de respecter ses obligations. Le prestataire avait toujours le devoir de s’enquérir de ses droits et de ses obligations et il aurait dû prendre des mesures pour protéger sa demande. Comme il ne l’a pas fait, il n’a pas de motif valable justifiant l’antidatation de sa demande (page GD4-4).
  4. Le prestataire n’a pas de motif valable pour avoir tardé à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas exploré l’option qui lui a été présentée par l’intermédiaire du système téléphonique, soit celle de parler à un agent pour s’informer des autres façons de présenter une demande de prestations (page GD4-5).

Période de prestations non établie

  1. Le prestataire n’était pas une personne qui devenait ou redevenait membre de la population active puisque, conformément au paragraphe 7(4) de la Loi, il avait accumulé au moins 490 heures de participation au marché du travail dans les 52 semaines précédant le début de sa période de référence. Par conséquent, il devait accumuler le nombre d’heures d’emploi assurable précisé à l’alinéa 7(2)b) (page GD4-5).
  2. Selon le tableau du paragraphe 7(2) de la Loi, le prestataire devait accumuler au moins 700 heures d’emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations, compte tenu du taux de chômage de 5,5 % dans la région où il résidait. Cependant la preuve montre qu’il n’a accumulé aucune heure d’emploi assurable pendant sa période de référence. La Commission soutient donc que le prestataire n’a pas démontré qu’il était admissible à des prestations d’assurance-emploi aux termes du paragraphe 7(2) de la Loi (page GD4-5).
  3. Le prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’il satisfaisait aux exigences minimales d’admissibilité à des prestations puisqu’il a été déterminé qu’il n’avait pas accumulé d’heures d’emploi assurable pendant sa période de référence alors qu’il lui fallait en accumuler un minimum de 700 (page GD4-6).

Analyse

Antidatation

[30] Selon le paragraphe 10(4) de la Loi, l’antidatation des demandes est autorisée dans les cas où l’existence d’un motif valable justifiant la présentation tardive de la demande de prestations est établie. Pour établir l’existence d’un motif valable, la jurisprudence de cette cour exige qu’une personne démontre qu’elle « a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi » (Canada [Procureur général] c. Albrecht, A-172-85).

[31] Il est également établi en droit qu’il incombe au prestataire de « vérifier assez rapidement » s’il a droit à des prestations d’assurance-emploi et de s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi (Canada [Procureur général] c. Carry, 2005 CAF 367).

[32] L’obligation de présenter avec célérité sa demande de prestations est considérée comme étant très exigeante et très stricte. C’est la raison pour laquelle l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » est appliquée parcimonieusement (Canada [Procureur général] c. Brace, 2008 CAF 118).

[33] Le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable durant toute la période pour laquelle une antidatation est demandée (Canada [Procureur général] c. Chalk, 2010 CAF 243).

[34] Le fardeau de la preuve incombe au prestataire (Canada [Procureur général] c. Kaler, 2011 CAF 266).

[35] La Commission a déterminé que le prestataire avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à la date antérieure. Par conséquent, le Tribunal doit se pencher sur la question de savoir si le prestataire avait un motif valable pour tarder à présenter sa demande initiale de prestations.

[36] La Commission a déclaré qu’il n’était pas nécessaire, pour un prestataire, de démontrer que des circonstances indépendantes de sa volonté l’avaient empêché de présenter sa demande plus tôt. Le Tribunal n’est pas entièrement d’accord. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Gauthier, A-1789-83, la Cour d’appel fédérale déclare ce qui suit : « À tout le moins, à notre avis, les circonstances dans lesquelles il est raisonnable pour un prestataire de retarder délibérément la présentation de sa demande doivent-elles également constituer des motifs justifiant un retard. Les tribunaux ne devraient pas, par des obstacles artificiels, nuire aux démarches louables d’un prestataire qui, pour des motifs raisonnables, retarde la présentation de sa demande de prestations. »

[37] En l’espèce, l’agent de libération conditionnelle du prestataire a fourni une interprétation des conditions d’engagement selon laquelle le prestataire ne pouvait se trouver dans une pièce où il y avait un ordinateur en marche et ne pouvait demander à quelqu’un d’utiliser un ordinateur pour lui. Le prestataire craignait que si quelqu’un remplissait pour lui une demande de prestations, même un représentant de la Commission, son agent de libération conditionnelle conclurait qu’il n’avait pas respecté son ordonnance d’engagement et l’enverrait immédiatement en prison; le prestataire a donc demandé un assouplissement des restrictions. Le Tribunal est d’avis qu’il s’agit là d’un motif valable pour tarder à présenter une demande de prestations d’assurance-emploi, car le prestataire jugeait nécessaire de faire assouplir ses restrictions avant de présenter une demande en ligne.

[38] Un prestataire doit aussi être en mesure de démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans sa situation pour s’assurer de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi. La Commission a reconnu que le prestataire avait utilisé la ligne téléphonique d’information sur l’assurance-emploi peu après avoir cessé de travailler et que le système téléphonique informe les prestataires qu’ils doivent présenter leur demande en ligne ou se rendre dans un Centre Service Canada pour le faire. Le Tribunal constate que le prestataire a pris assez promptement des mesures pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations, mais qu’il a cru qu’il lui était impossible de présenter une demande de prestations d’assurance-emploi parce que la seule option offerte consistait à procéder en ligne alors qu’il avait été informé du fait qu’il lui était interdit de se trouver dans une pièce où il y avait un ordinateur en marche et de demander à quelqu’un d’utiliser un ordinateur pour lui. Comme chaque affaire doit être jugée en fonction des faits qui lui sont propres, le Tribunal conclut que le prestataire a fait ce qu’aurait fait une personne raisonnable et prudente dans une situation similaire; il a pris des mesures pour faire assouplir ses restrictions.

[39] La Commission soutient également que le prestataire n’a pas écouté toutes les options offertes et que, par conséquent, il n’a pas parlé à un agent pour déterminer s’il existait un formulaire de demande papier. Cependant, le message de la Commission ne fournit pas l’option de parler à un agent; seule la transcription du message comporte cette option. De plus, selon l’agent de libération conditionnelle, le prestataire avait été informé qu’il n’était pas autorisé à demander à quelqu’un d’accéder pour lui à un ordinateur et, comme l’a indiqué le prestataire dans son témoignage, il était de sa responsabilité d’assurer le respect des restrictions qui lui étaient imposées par un tribunal. Le Tribunal convient qu’il aurait été déraisonnable pour le prestataire de présenter une demande de prestations papier et de s’attendre à ce que la Commission traite sa demande sans utiliser d’ordinateur. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que le prestataire avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations du 29 mai 2014, date à laquelle il a cessé de travailler, au 8 mai 2015, lorsque ses restrictions ont été assouplies.

[40] Cependant, dans son témoignage, le prestataire a déclaré avoir appris le 8 mai 2015 que ses restrictions avaient été assouplies, mais avoir présenté sa demande de prestations seulement le 2 juin 2015, soit un peu plus de trois semaines plus tard. Aux termes du paragraphe 10(4) de la Loi, le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable durant toute la période écoulée, soit à partir de la date antérieure jusqu’à la date à laquelle il a présenté sa demande initiale. Le prestataire a admis qu’un délai s’était écoulé entre l’assouplissement de ses restrictions et la présentation de sa demande, expliquant qu’il avait eu tellement d’autres choses à faire et que tellement de temps s’était écoulé qu’il avait tout simplement oublié de présenter sa demande de prestations. Il a précisé que ce n’est que lorsqu’un ami lui avait rappelé de remplir sa demande de prestations qu’il l’avait fait. Le Tribunal n’accepte pas cette explication comme un motif valable. Comme il a été mentionné dans la décision Brace, l’obligation de présenter sa demande de prestations sans tarder est considérée comme étant très exigeante et stricte. Le prestataire n’a pas travaillé et n’a pas eu de revenu pendant un an et a reconnu avoir été limité dans ses efforts de recherche d’emploi. Même si on peut comprendre que le prestataire avait des choses à faire, la protection de sa demande de prestations d’assurance-emploi aurait dû se trouver en tête de liste, car il avait été informé que s’il tardait à présenter sa demande de prestations régulières au-delà de quatre semaines après son dernier jour de travail, il risquait de perdre des prestations.

[41] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations d’assurance-emploi et que, par conséquent, il ne peut faire antidater sa demande. La Commission a raison de refuser d’antidater sa demande en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi.

Période de prestations non établie

[42] Pour qu’une période de prestations soit établie à son profit, un prestataire doit avoir accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pendant sa période de référence.

[43] Le prestataire n’a pas présenté de demande de prestations d’assurance-emploi immédiatement après sa cessation d’emploi parce qu’il lui était interdit d’utiliser un ordinateur ou tout appareil permettant d’accéder à Internet. Selon son relevé d’emploi, son dernier jour de travail était le 29 mai 2014, mais il a présenté sa demande de prestations seulement le 2 juin 2015. Le Tribunal accepte le fait que le prestataire n’a pas occupé d’autre emploi pendant cette période. Il accepte également le fait que, en raison de la période écoulée, le prestataire n’a accumulé aucune heure d’emploi assurable pendant sa période de référence.

[44] Le Tribunal estime que le prestataire n’était pas une personne qui devenait ou redevenait membre de la population active aux termes du paragraphe 7(4) de la Loi parce qu’il avait accumulé au moins 490 heures de participation à la population active dans les 52 semaines précédant sa période de référence. Par conséquent, il devait accumuler 700 heures d’emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations.

[45] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Lévesque, 2001 CAF 304, de la Cour d’appel fédérale, la juge Desjardins s’est exprimée comme suit :

Il lui manque une heure de travail pour rencontrer les conditions requises par cet article afin d’être éligible aux prestations de chômage. Cette exigence de la Loi ne permet aucun écart et ne donne aucune discrétion. Ni le conseil arbitral ni le juge-arbitre ne pouvaient relever la prestation de son défaut.

[46] Le Tribunal est d’avis que le prestataire n’a pas accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Les exigences de la Loi sont claires et ne prévoient aucune exception ni aucun pouvoir discrétionnaire. Le prestataire devait accumuler 700 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence, mais il n’en a accumulé aucune.

[47] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était admissible à des prestations d’assurance-emploi en vertu du paragraphe 7(2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[48] L’appel est rejeté.

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