Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelant a pris part, avec son avocat, à l’audience par voie de conférence téléphonique les 12 et 27 janvier 2016. Aucune autre personne n’a comparu.

Décision

Répartition

[1] En ce qui concerne la répartition, le membre du Tribunal de la sécurité sociale, division générale, section de l’assurance-emploi (le « Tribunal ») conclut que la somme de 10 464,97 $ (telle que définie ci-dessous) et une somme supplémentaire de 6 028,78 $, provenant du montant de 55 000,00 $ de l’entente de règlement (telle que défini ci-dessous) devraient être réparties conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS /96-332 (le « Règlement »). L’appel est donc accueilli en partie.

Introduction

[2] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations le 17 avril 2013 (pièce GD3-16). La demande de l’appelant prenait effet le 14 avril 2013 (pièce GD4-1).

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a décidé, le 8 avril 2015, que l’appelant avait reçu 65 465,00 $ au titre de sa cessation d’emploi et que ce revenu avant déductions constituait une rémunération, laquelle allait être répartie du 7 avril au 12 octobre 2013 (pièce GD3-21).

[4] Un avis de dette au montant de 11 022,00 $ a été délivré le 11 avril 2015 (pièce GD3-23).

[5] L’appelant a déposé une demande de révision de cette décision auprès de la Commission. La Commission a décidé, le 19 juin 2015, de modifier sa décision initiale et de ne répartir que 39 695,93 $ de la façon  suivante : les montant payés au titre de la paye de vacances (4 807,50 $) et du salaire tenant lieu de préavis (5 657,47 $), pour un montant total de rémunération de 10 464,97 $ (le « montant de 10 464,97 $ »); la somme de 15 000,00 $ versée pour dommages moraux ne constituait pas une rémunération puisqu’elle a été payée pour une raison autre que l’indemnisation de la perte de salaire subie; le montant de 40 000,00 $ a été payé pour compenser la perte de salaire et doit être considéré comme une rémunération; seul le montant des honoraires d’avocat payé pour recouvrer la partie de remplacement du revenu pourrait être déduit au titre des dépenses. Comme la somme de 15 000 $ (le montant reçu qui ne constituait pas une rémunération) représentait 27,27 % du montant total de règlement de 55 000,00 $, seule la proportion restante de 72,73 % des dépens, qui s’élevaient à 14 808,11 $, a été déduite. Par conséquent, 10 769,04 $ ont été déduits au titre des frais juridiques (pièce GD3-71).

[6] L’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal le 28 juillet 2015 (pièce GD-2).

[7] L’audience a été tenue le 12 janvier 2016. À l’audience, le Tribunal a accédé à la demande présentée par l’appelant pour obtenir un ajournement au motif qu’il voulait produire d’autres documents et qu’il venait de retenir les services de son avocat (pièce GD6).

[8] Le 19 janvier 2016, l’appelant a présenté des observations additionnelles, versées dans la pièce GD6, et déposé un formulaire d’autorisation de divulgation (pièce GD7).

Mode d’audience

[9] L’appel a été entendu par voie de téléconférence pour les raisons indiquées dans les avis d’audience datés des 5 novembre 2015 et 15 janvier 2016.

Question en litige

Répartition

[10] Les montants que l’appelant a reçus de l’Employeur devraient-ils être répartis ou non aux termes des articles 35 et 36 du Règlement?

Droit applicable

Revenu :

[11] Le revenu est défini comme suit au paragraphe 35(1) du Règlement :

revenu Tout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, notamment un syndic de faillite.

Rémunération :

35(2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu’il faut prendre en compte pour vérifier s’il y a eu l’arrêt de rémunération visé à l’article 14 et fixer le montant à déduire des prestations à payer en vertu de l’article 19, des paragraphes 21(3), 22(5), 152.03(3) ou 152.04(4), ou de l’article 152.18 de la Loi, ainsi que pour l’application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi, notamment :
a) les montants payables au prestataire, à titre de salaire, d’avantages ou autre rétribution, sur les montants réalisés provenant des biens de son employeur failli; [soulignement ajouté]

Exceptions :

[12] Le paragraphe 35(7) du Règlement énumère certains éléments qui ne sont pas inclus dans le revenu. Cette disposition est ainsi libellée :

35(7) La partie du revenu que le prestataire tire de l’une ou l’autre des sources suivantes n’a pas valeur de rémunération aux fins mentionnées au paragraphe (2) :

  1. a) une pension d’invalidité ou une somme forfaitaire ou une pension versées par suite du règlement définitif d’une réclamation concernant un accident du travail ou une maladie professionnelle;
  2. b) les indemnités reçues dans le cadre d’un régime non collectif d’assurance-salaire en cas de maladie ou d’invalidité;
  3. c) les allocations de secours en espèces ou en nature;
  4. d) les augmentations rétroactives de salaire ou de traitement;
  5. e) les sommes visées à l’alinéa (2)e) si :
  6. (i) dans le cas du travailleur indépendant, ces sommes sont devenues payables avant le début de la période visée à l’article 152.08 de la Loi,
  7. (ii) dans le cas des autres prestataires, le nombre d’heures d’emploi assurable exigé aux articles 7 ou 7.1 de la Loi pour l’établissement de leur période de prestations a été accumulé après la date à laquelle ces sommes sont devenues payables et pendant la période pour laquelle il les a touchées;
  8. f) le revenu d’emploi exclu du revenu en vertu du paragraphe 6(16) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Allocation :

[13] Les paragraphes 36(1), (4), (9), (10) et (11) du Règlement prévoient ce qui suit :

36.(1) Sous réserve du paragraphe (2), la rémunération du prestataire, déterminée conformément à l’article 35, est répartie sur un nombre donné de semaines de la manière prévue au présent article et elle constitue, aux fins mentionnées au paragraphe 35(2), la rémunération du prestataire pour ces semaines.
(4) La rémunération payable au prestataire aux termes d’un contrat de travail en échange des services rendus est répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.

Rémunération en raison du licenciement ou de la cessation d’emploi :

(9) Sous réserve des paragraphes (10) à (11), toute rémunération payée ou payable au prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi, de sorte que la rémunération totale tirée par lui de cet emploi dans chaque semaine consécutive, sauf la dernière, soit égale à sa rémunération hebdomadaire normale provenant de cet emploi.
(10) Sous réserve du paragraphe (11), toute rémunération qui est payée ou payable au prestataire, par suite de son licenciement ou de la cessation de son emploi, après qu’une répartition a été faite conformément au paragraphe (9) relativement à ce licenciement ou à cette cessation d’emploi est additionnée à la rémunération ayant fait l’objet de la répartition, et une nouvelle répartition est faite conformément au paragraphe (9) en fonction de ce total, abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable.
[...]
(11) Lorsqu’une rémunération est payée ou payable à l’égard d’un emploi en exécution d’une sentence arbitrale ou d’une ordonnance du tribunal, ou par suite du règlement d’un différend qui aurait pu être tranché par une sentence arbitrale ou une ordonnance du tribunal, et que cette rémunération est attribuée à l’égard de semaines précises à la suite de constatations ou d’aveux qui permettent de conclure à la nécessité de mesures disciplinaires, elle est répartie sur un nombre de semaines consécutives commençant par la première semaine à laquelle la rémunération est ainsi attribuée, de sorte que la rémunération totale tirée par le prestataire de cet emploi dans chaque semaine, sauf la dernière, soit égale à sa rémunération hebdomadaire normale provenant de cet emploi.

Preuve

Demande de prestations (17 avril 2013, pièces GD3-2 à 18)

[14] L’appelant a travaillé à « De » (l’« Employeur ») du 16 avril 2012 au 12 avril 2013. L’appelant ne travaillait plus en raison d’une pénurie de travail. Le salaire annuel de l’appelant était de 125 000,00 $.

Requête introductive d’instance (pièces GD2-10 à 14, 28 août 2013) (la « Requête »)

[15] L’appelant a déposé la Requête à l’encontre de l’Employeur le 28 août 2013. L’appelant réclamait des dommages-intérêts de 125 000,00 $ représentant son salaire annuel, 10 000,00 $ représentant une perte de prime, 5 000,00 $ au titre des frais médicaux et de cotisations au régime de retraite, 50 000,00 $ pour le coût d’achat de nouvel équipement pour la société d’ingénierie de l’appelant, 24 000,00 $ pour les honoraires à payer à une agence de placement pour trouver des nouveaux employés, 20 000,00 $ pour former de nouveaux employés pendant un an, 3 632,66 $ représentant les arrérages accumulés par l’appelant dans son REER, que l’Employeur a détenus, et 100 000,00 $ pour violation de ses droits fondamentaux et en dommages-intérêts pour le stress subi, l’atteinte à la réputation et le dérangement causé.

Reçu, quittance, décharge et transaction (24 novembre 2014, pièces GD2-27 à 29) (l’« Entente de règlement »)

[16] L’Employeur et l’appelant ont conclu une entente de règlement dans laquelle l’Employeur convenait de payer « le montant total de 55 000,00 $ au titre du capital, des intérêts et des frais, montant qui est ventilé comme suit : a) 40 000,00 $ à verser dans le compte de REER [de l’appelant] dans les 20 jours suivant la réception [par l’Employeur] des détails pertinents sur le compte de REER [de l’appelant] [...] »; b) « 15 000,00 $ pour les dommages moraux allégués subis par [l’appelant] dans les 20 jours de la signature de la présente [l’Entente de règlement].

[17] Dans l’Entente de règlement, l’appelant a reconnu, entre autres choses, que les montants mentionnés représentaient le « règlement complet et définitif relatif à tout droit, action, plainte, recours, demande, dommage ou réclamation de quelque nature que ce soit, y compris ceux liés à [la procédure engagée par l’appelant devant le tribunaux] et à tout droit ou réclamation lié à l’emploi de [l’appelant] chez [l’Employeur] ou la cessation de cet emploi [...] »

[18] Le préambule prévoyait aussi que l’appelant entame une poursuite contre l’Employeur et que les parties souhaitaient régler leur différend entourant l’instance ou la Requête ainsi que « l’emploi de [l’appelant] chez [l’Employeur] et la cessation de cet emploi » et que l’appelant « alléguait avoir subi un préjudice moral en lien avec l’instance. » Le paragraphe 1 de l’Entente de règlement prévoyait que le préambule faisait partie intégrante de cette entente.

Communications de l’appelant avec la Commission

[19] L’appelant a confirmé avoir reçu les montants indiqués sur le RE au titre de la paye de vacances et du salaire tenant lieu de préavis. L’appelant a déclaré qu’il enverrait les reçus des honoraires qui ont été payés à ses avocats (notes de la Commission, 29 mai 2015, pièce GD3-31).

[20] Le 31 mai 2015, l’appelant a produit des copies des factures de son avocat (31 mai 2015, pièces GD3-32 à 57).

[21] Après discussion, l’appelant a convenu avec la Commission que le montant total des honoraires versés à son avocat semble s’élever à 14 808,11 $ lorsque l’on exclut du calcul les soldes précédents (notes de la Commission, 1er juin 2015, pièce GD3-58).

[22] L’appelant a convenu que le montant de 10 465,07 $ qui a été payé au titre de la paye de vacances et du salaire tenant lieu de préavis constitue une rémunération (notes de la Commission, 1er juin 2015, pièce GD3-58).

[23] L’appelant a soutenu que c’est l’intégralité du montant de 55 000,00 $, et pas seulement la somme de 15 000,00 $, qui devrait être prise en considération au titre des dommages moraux. L’appelant a déclaré avoir souffert de stress et de problèmes de santé pendant plus d’un an et avoir réclamé plus de 300 000,00 $ en dommages-intérêts. Il a déclaré que les 40 000,00 $ n’étaient pas pour la perte de salaire et que l’Entente de règlement ne dit pas cela (notes de la Commission, 1er juin 2015, pièce GD3-58).

[24] L’appelant a déclaré que son avocat prendrait contact avec l’avocat de l’Employeur. La Commission a déclaré qu’elle communiquerait aussi avec l’Employeur. L’appelant a déclaré qu’il demanderait à son avocat d’envoyer par écrit une autorisation de communiquer avec la Commission (notes de la Commission, 1er juin 2015, pièce GD3-58).

[25] L’appelant a soutenu que le préambule de l’Entente de règlement indique que le montant vaut pour les dommages moraux et que cela est très clair. L’appelant n’a jamais convenu de quoique ce soit à l’effet du contraire. L’Employeur a fait fermer son entreprise à l’appelant (notes de la Commission, 1er juin 2015, pièce GD3-59).

[26] L’appelant était en contact avec son avocat, qui a communiqué avec l’avocat de l’Employeur au sujet de l’Entente de règlement. L’avocat de l’Employeur a déclaré qu’il produirait une lettre indiquant que le montant du règlement était au titre des dommages moraux. L’avocat de l’Employeur est en vacances jusqu’au 10 juin 2015. L’avocat de l’appelant enverra aussi une lettre (notes de la Commission, 2 juin 2015, pièce GD3-60).

[27] L’appelant voulait confirmer que la question soit mise en suspens jusqu’au retour de l’avocat, le 10 juin 2015. L’avocat allait quitter le pays et demanderait à son avocat de présenter l’autorisation (notes de la Commission, 3 juin 2015, pièce GD3-64).

[28] La Commission a noté qu’elle n’avait pas reçu d’autorisation ni de retour d’appel de l’avocat (notes de la Commission, 15 juin 2015, pièce GD3-67).

Éléments de preuve supplémentaires de l’appelant

[29] Par lettre datée du 16 juin 2015, l’avocat de l’appelant a écrit à l’avocat de l’Employeur pour lui indiquer qu’il ne comprenait pas comment l’Employeur pouvait déclarer à la Commission que les 40 000,00 $ valaient pour la rémunération alors que l’entente n’a jamais mentionné cela. L’avocat de l’appelant demandait à son confrère de discuter de la question avec l’Employeur et de donner confirmation que ce montant était fourni au titre des dommages moraux. L’avocat de l’appelant mentionnait dans la lettre que si ces sommes avaient été versées pour toute autre raison, son client n’aurait jamais accepté l’entente (lettre de l’avocat de l’appelant, 16 juin 2015, pièce GD3-69).

[30] Par lettre datée du 17 juin 2015, l’appelant a informé la Commission (alors qu’il était à l’étranger) que les déclarations de l’Employeur étaient fausses et que ses avocats avaient envoyé une réponse et avaient demandé à ce que l’Employeur respecte les conditions de l’entente. L’appelant a déclaré qu’il envoyait en pièce jointe la lettre de son avocat adressée à l’attention de l’Employeur. L’appelant a demandé à ce que le dossier demeure ouvert jusqu’à son retour (lettre de l’appelant, 17 juin 2015, pièce GD3-68).

Preuve de l’Employeur : Relevés d’emploi

[31] D’après le relevé d’emploi daté du 1er mai 2013 (le « RE 1 »), l’appelant a travaillé comme professionnel du 16 avril 2012 au 12 avril 2013. La raison cochée pour l’émission du RE était « k », pour « autre » (pièce GD3-19). L’appelant a reçu 5 657,47 $ au titre de la paye de vacances et 4 807,50 $ comme « indemnité de préavis ». Dans la boîte des commentaires était écrit « préavis non travaillé ne répond pas aux exigences du poste ».

[32] D’après le relevé d’emploi daté du 10 décembre 2014 (le « RE 2 »), l’appelant a travaillé comme professionnel du 16 avril 2012 au 12 avril 2013. La raison cochée pour l’émission du RE était « k », pour « autre » (pièce GD3-20). L’appelant a reçu 5 657,47 $ au titre de la paye de vacances et 4 807,50 $ comme « indemnité de préavis », puis 55 000,00 $ comme « indemnité de départ ». Dans la boîte des commentaires était écrit « préavis non travaillé ne répond pas aux exigences du poste. 55 000 $ alloc. de départ n.e., dont 40 000 $ transf. en reer ».

[33] D’après le relevé d’emploi daté du 10 juin 2015 (le « RE3 »), l’appelant a travaillé comme professionnel du 16 avril 2012 au 12 avril 2013. Le motif d’émission du RE était « k », pour « autre » (pièce GD3-66). L’appelant a reçu 5 657,47 $ au titre de la paye de vacances, 4 807,50 $ comme « indemnité de préavis » et 40 000,00 $ comme « indemnité de départ ».  Dans la boîte des commentaires était écrit « préavis non travaillé ne répond pas aux exigences du poste. 40 000 $ alloc. de départ règlement de la cour supérieure et transf. reer ».

Conversations de la Commission avec l’Employeur

[34] La représentante de l’Employeur, SL, a déclaré qu’elle vérifierait l’information et rappellerait (notes de la Commission, 2 juin 2015, pièce GD3-61). SL a rappelé et déclaré que les 55 000,00 $ valaient pour les dommages moraux (notes de la Commission, 2 juin 2015, pièce GD3-62). SL a téléphoné quelques minutes plus tard à l’agent de la Commission pour indiquer qu’il y avait un doute et qu’elle vérifierait auprès de la personne responsable. SL a demandé à ce que l’on mette le dossier de côté jusqu’à ce qu’elle puisse obtenir confirmation de l’information (notes de la Commission, 2 juin 2015, pièce GD3-63).

[35] SL a déclaré qu’elle enverrait le RE3, qui indiquera une indemnité de départ de 40 000,00 $. Aux termes de l’Entente de règlement, l’appelant avait droit à des dommages moraux de 15 000,00 $. Comme ce montant n’a pas été considéré comme une rémunération, il n’apparaîtra nulle part. SL a confirmé que 15 000,00 $ seulement du montant de 50 000,00 $ étaient considérés comme des dommages moraux (notes de la Commission, 9 juin 2015, pièce GD3-65).

Témoignages à l’audience du 12 janvier 2016

[36] L’appelant a témoigné par voie d’affirmation solennelle.

[37] L’avocat de l’appelant a convenu de transmettre au Tribunal une autorisation dûment remplie de divulgation des documents.

[38] L’appelant a déclaré qu’il avait convenu que le montant de 10 464,97 $ qu’il avait initialement reçu au titre de la « paye de vacances » et de l’« indemnité de départ » serait réparti.

[39] L’appelant a plaidé que le montant complet de 55 000,00 $ valait pour les dommages moraux.

[40] L’avocat a fait valoir que le préambule faisait partie de l’Entente de règlement et que cette entente prévoyait que l’appelant avait subi les dommages moraux allégués. L’Entente de règlement faisait également mention de la Requête. L’avocat a affirmé que nombre des montants demandés au paragraphe 22 qui avaient trait aux coûts de redémarrage de l’entreprise de l’appelant et étaient aussi liés aux dommages moraux, de même que les 125 000,00 $ réclamés au titre de la rémunération et de la prime, n’étaient pas des réclamations sérieuses. L’avocat a affirmé que les réclamations les plus sérieuses de l’appelant valaient pour les dommages moraux.

[41] L’appelant a témoigné que, durant le processus de médiation, l’avocat de l’Employeur avait déclaré qu’il ne verserait aucun montant au titre de la perte de salaire ou de la rémunération et qu’il ne ferait de versements qu’au titre des dommages moraux.

[42] Répondant à la question du Tribunal, l’appelant a fait valoir que le montant que l’Employeur payait à l’appelant aurait été déductible dans la même mesure par l’Employeur, que ce montant ait été versé au titre de dommages moraux ou qu’il ait été payé comme rémunération.

[43] L’avocat a mentionné qu’il avait en main d’autres pièces de correspondance qui indiquaient qu’il y avait encore des pommes de discorde entre l’Employeur et l’appelant et que c’était la raison pour laquelle l’Employeur avait adopté la position qu’il avait présentée à la Commission.

[44] L’appelant a déclaré que, aux termes du paragraphe 3 de l’Entente de règlement, l’Employeur était censé transférer la ligne téléphonique de l’appelant à l’Employeur. L’appelant a témoigné que cela n’est survenu que quatre ou cinq mois après que la ligne téléphonique a été transférée et que l’appelant avait dû recourir à la menace d’une instance pour que cela se produise. Sa personne-ressource chez l’Employeur pour le transfert de la ligne téléphonique, « DG » était la même personne à qui SL, la représentante de l’Employeur, avait adressé la Commission pour obtenir un complément d’information. L’appelant a laissé entendre que c’était la raison pour laquelle l’Employeur ne coopérait pas ni ne fournissait à la Commission les renseignements corrects.

[45] L’avocat de l’appelant a aussi argué que l’Employeur avait changé d’avis parce qu’il y avait une indication, au dossier, que l’Employeur informerait initialement que le montant était fourni au titre de dommages moraux.

[46] L’avocat de l’appelant a plaidé que l’Entente de règlement n’avait pas été rédigée en termes clairs.

Documents produits le 19 janvier 2016 (pièce GD6)

[47] Par courriel daté du 2 juin 2015, l’avocat de l’appelant a répondu à la correspondance de l’avocat de l’Employeur en disant que, bien qu’il estimait que c’était à l’appelant qu’il incombait de communiquer avec la Commission et avec le gouvernement, il répondrait à la demande de l’appelant à son retour de vacances, après le 10 juin 2015. L’avocat de l’Employeur demandait aussi à l’avocat de l’appelant de confirmer que le client avait transmis copie de l’Entente de règlement à la Commission. L’avocat de l’Employeur a ajouté ceci entre parenthèses : « ce document indique très clairement la raison pour laquelle les montants ont été payés à [l’appelant]. » L’avocat demandait aussi à ce que l’appelant cesse de communiquer avec l’Employeur. L’avocat mentionnait que l’appelant avait fait cela de nombreuses fois concernant la question du téléphone cellulaire et que l’Employeur n’avait pas plus de temps pour répondre aux appels téléphoniques de l’appelant.

[48] Par courriel daté du 2 juin 2015, l’appelant a écrit à son avocat pour lui dire qu’il n’était pas intéressé à parler de nouveau à l’Employeur et que l’Employeur avait causé des problèmes parce qu’il n’avait pas fourni des renseignements suffisants concernant le transfert de la ligne téléphonique ou la bonne adresse. L’appelant indiquait que l’entente finale avait été conclue sur le fondement que l’argent était versé au titre des dommages moraux et qu’il n’aurait pas accepté cette entente si ces montants avaient été payés pour tout autre titre.

Témoignages à l’audience du 27 janvier 2016

[49] L’appelant a répété qu’il n’aurait pas signé l’Entente de règlement si le montant n’avait pas été payé au titre des dommages moraux.

[50] L’avocat de l’appelant a expliqué que, du fait que l’appelant avait travaillé chez l’Employeur moins d’un an, la réclamation de l’appelant pour 125 000,00 $ au titre de la rémunération et de la prime n’avait pas été considérée comme une réclamation sérieuse par les avocats pendant les négociations. L’avocat de l’appelant a déclaré que l’Employeur avait licencié l’appelant un an avant qu’une année se soit écoulée afin d’éviter les effets de la loi sur le congédiement de l’appelant.

[51] L’appelant a déclaré, dans son témoignage, que c’est l’avocat de l’Employeur qui avait initialement rédigé l’Entente de règlement.

[52] L’appelant a répété que « DG », chez l’Employeur, (la personne à qui la Commission a été adressée dans la pièce GD3-65) était l’une des personnes avec qui il avait eu des mots pendant le long différend qui avait perduré au sujet de la question du téléphone cellulaire, après la conclusion de l’Entente de règlement.

[53] L’avocat de l’appelant a argué que les montants avaient été versés à l’appelant pour un « motif différent » et a plaidé que les arrêts Hamilton 2007 CAF 104 et Forest 2007 CAF 362 étaient des affaires semblables.

Observations

[54] L’appelant a déclaré que le montant ne devrait pas être réparti de la manière proposée par la Commission pour les raisons suivantes :

  1. Une partie des 65 465,00 $ reçus de l’Employeur valait pour les dommages moraux, et la somme de 16 146,67 $ a été payée au titre des frais juridiques (Demande de révision, 27 avril 2015, pièce GD3-24).
  2. Les 15 000,00 $ étaient pour les dommages moraux et les 40 000,00 $ pour les préjudices faisant l’objet d’une réclamation en dommages-intérêts de 337 632,66 $ dans la Requête. Des honoraires de 16 143,67 $ ont été payés aux avocats, et la somme de 10 465,00 $ représente la différence entre 65 465,00 $ et 55 000,00 $ (Demande de révision, 27 avril 2015, pièce GD3-26).
  3. Les déclarations de l’Employeur sont fausses (faux témoignage).
  4. L’appelant n’aurait pas accepté l’Entente de règlement si le montant avait été payé pour tout autre titre que celui des dommages moraux (pièce GD6, témoignage);
  5. L’Employeur n’était pas honnête en raison des mauvaises relations entre l’Employeur et l’appelant (témoignage).
  6. L’Entente de règlement prévoyait que le montant était payé au titre des dommages moraux, et ce fait était répété dans les paragraphes 1 et 2b) de l’Entente de règlement ainsi que dans le préambule (témoignage).
  7. Les dommages-intérêts réclamés dans la Requête au titre du revenu d’emploi et de la rémunération n’étaient pas solides/sérieux, et c’est la raison pour laquelle l’Employeur a seulement convenu de payer à l’appelant un montant pour dommages moraux (témoignage).
  8. Les décisions Hamilton 2007 CAF 104 et Forest 2007 CAF 362 sont analogues.

[55] L’intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. Les sommes reçues d’un employeur sont présumées être une rémunération et doivent donc être réparties à moins qu’elles ne soient visées par une exception prévue au paragraphe 35(7) du Règlement ou qu’elles ne proviennent pas d’un emploi (pièce GD4-3).
  2. La rémunération versée par un employeur pour cause de cessation d’emploi doit être répartie aux termes des dispositions du paragraphe 36(9) du Règlement. C’est la raison ou le motif du paiement et non la date du paiement qui détermine la date à laquelle la répartition doit commencer (pièce GD4-3).
  3. La paye de vacances, l’indemnité de départ et le salaire tenant lieu de préavis constituent des rémunérations payées ou payables pour cause de licenciement ou de cessation d’emploi. Ces sommes sont donc réparties selon la rémunération hebdomadaire normale à partir de la date du licenciement ou de la cessation d’emploi, selon l’événement ayant donné lieu au versement de ces sommes (pièce GD4-3).
  4. L’argent que l’Employeur a payé expressément aux fins du remboursement des frais juridiques ne constitue pas un revenu du fait qu’il n’a pas pour objet de représenter un paiement au titre des avantages perdus liés au salaire ou à l’emploi (pièce GD4-3).
  5. Seul le montant des frais juridiques payés pour recouvrer la partie « remplacement du revenu » peut être déduit au titre des dépens. Ce montant est calculé en utilisant la proportion que la partie « remplacement du revenu » représente dans le montant total des dommages-intérêts reçus (pièce GD4- 3).
  6. À la lumière des faits, la Commission a déterminé que les 40 000,00 $ d’indemnité de cessation d’emploi à verser dans le compte de REER constituaient une rémunération en vertu du paragraphe 35(2) du Règlement parce que ce paiement a été fait pour compenser la perte de salaire (pièce GD4-3).
  7. La raison du paiement de 40 000,00 $ est la cessation d’emploi de l’appelant (pièce GD4-3).
  8. Par conséquent, le montant de l’indemnité de départ a été réparti, en vertu du paragraphe 36(9) du Règlement, selon la rémunération hebdomadaire normale de l’appelant, à partir du 14 avril 2013 (pièce GD4-3).
  9. Même si l’appelant déclare avoir reçu le montant total au titre des dommages moraux qu’il a subis, ce n’est pas ce que stipule l’entente que lui et l’Employeur ont signée (pièce GD4-4).
  10. Les montants payés en raison d’une cessation de la relation d’emploi constituent une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement et doivent faire l’objet d’une répartition aux termes du paragraphe 36(9) du Règlement (Boucher Dancause 2010 CAF 270; Cantin 2008 CAF 192), à moins que le prestataire puisse démontrer qu’en raison de « circonstances spéciales », une partie de ces montants devrait être considérée comme un dédommagement pour d’autres frais ou pertes (Radigan,A-567- 99) (pièce GD4-4).
  11. C’est au prestataire qu’il incombe d’établir que tout ou partie des sommes reçues par suite de son congédiement constituait autre chose qu’une rémunération au sens de la loi (Bourgeois 2004 CAF 117).

Analyse

Définition d’une rémunération

[56] Le Tribunal estime que les dispositions du Règlement ayant trait à la rémunération et à la répartition ont été rédigées et interprétées de façon large afin qu’il soit tenu compte du « revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi » (McLaughlin 2009 CAF 365).

[57] Il est depuis longtemps établi en droit et conforme à la Loi et au Règlement que toute somme versée par un employeur est considérée comme une rémunération et doit donc être répartie, sauf si elle correspond à une exception énoncée au paragraphe 35(7) du Règlement ou si elle ne découle pas d’un emploi (Ledzy Lam,Cub 51191) (Cub 27140).

[58] La justification de la répartition de la rémunération qu’un prestataire a reçue pendant qu’il touche des prestations est d’éviter la double indemnisation. Dans Procureur général du Canada c. Walford, A-263-78, 5 décembre 1978, le juge Pratte de la Cour d’appel fédérale s’est exprimé en ces termes :

« Le régime a évidemment pour objet d’indemniser les chômeurs d’une perte [...]. Une perte dont on a été indemnisé n’existe plus. La Loi et les Règlements doivent donc être interprétés, dans la mesure du possible, de manière à empêcher ceux qui n’ont subi aucune perte de revenu de réclamer des prestations en vertu de la Loi. »

[59] Ces remarques incidentes ont été reprises et invoquées dans des décisions subséquentes, notamment dans l’arrêt Chartier,2010 CAF 150.

Fardeau de la preuve

[60] Au chapitre du fardeau de la preuve, c’est à l’appelant qu’il incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le montant payé ou payable ne constitue pas une rémunération au sens de la Loi. L’appelant a aussi l’obligation de divulguer tous les montants qu’il a reçus (Ledzy Lam,CUB 51191; CUB 27140; Déry,2008 CAF 291; Cub 70735; Cub 11077; Romero, 1997 CanLII 6067 (CAF) (A-815-96).

[61] Il en va de même dans le cas d’une cessation d’emploi, d’un congédiement ou d’un licenciement pour cause de faillite. C’est au prestataire qu’il incombe d’établir que toute partie des sommes qu’il a reçues par suite de son congédiement ont constitué autre chose qu’une « rémunération » au sens de la Loi et du Règlement (Bourgeois,2004 CAF 117).

Les montants versés par l’Employeur constituaient-ils une « rémunération »?

L’Entente de règlement

[62] Pour ce qui est du montant que l’appelant a reçu aux termes de l’Entente de règlement, le Tribunal conclut que l’appelant a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que 85 % du montant de 55 000,00 $ prévu dans l’Entente de règlement (le « montant de l’Entente de règlement ») ne constituait pas une rémunération et que ce montant a été payé au titre de dommages moraux ou bien comme dédommagement pour d’autres dépenses ou pertes (Boucher Dancause,2010 CAF 270; Cantin,2008 CAF 192; Bourgeois,2004 CAF 117).

L’ambiguïté

[63] Le paragraphe 2 de l’Entente de règlement prévoit le versement de 55 000,00 $ à l’appelant. Cette somme de 55 000,00 $ est ensuite divisée en deux paiements distincts prévus dans les paragraphes 2A et 2B de l’Entente de règlement.

[64] Bien que le paragraphe 2B prévoit le paiement d’un montant de 15 000,00 $ au titre de dommages moraux, le paragraphe 2A ne prévoit que le versement de 40 000,00 $ dans le « REER » de l’appelant.

[65] À la différence du paragraphe 2B, le paragraphe 2A ne dit rien sur la nature, le but ou le caractère du paiement de 40 000,00 $. Le paragraphe 2A semble se préoccuper davantage des modalités ou du mode de paiement (probablement afin d’isoler ce montant de conséquences fiscales défavorables) et moins de définir la nature de ce paiement. Se pose alors la question de savoir à quoi correspond le paiement de 40 000,00 $, et c’est ce qui rend cette partie de l’Entente de règlement quelque peu ambiguë.

[66] À première vue, le Tribunal juge défendable l’argument plaidé par la Commission lorsqu’elle dit que le montant en question était lié à une perte de revenu d’emploi du fait que la Requête mentionnait chefs de dommages, dont les dommages liés à la situation d’emploi de l’appelant, et parce que l’Employeur avait indiqué dans le RE ainsi qu’au téléphone que ce montant n’était pas payé en lien avec des dommages moraux (pièce GD3-65, RE3).

[67] En présence de cette ambiguïté, toutefois, le Tribunal devait examiner l’entente dans son intégralité, y compris le préambule, la Requête et tout élément de preuve concernant l’intention des parties.

Le préambule

[68] En ce qui touche le préambule, l’appelant a soutenu qu’il était clair que l’intégralité du montant de 55 000,00 $ se rapportait aux « dommages moraux » parce que c’est ce que le préambule mentionnait et parce que le paragraphe 1 de l’Entente de règlement incorporait le préambule par référence et prévoyait qu’il faisait partie intégrante de l’Entente de règlement.

[69] Bien que les qualificatifs utilisés par les partis dans l’Entente de règlement pour décrire les sommes payées ne sont en aucun cas déterminants, le Tribunal a jugé significatif que la Requête faisait mention de bien d’autres chefs de dommages et que les « dommages moraux » étaient la seule allégation ou étiquette ayant été retenue ou mentionnée dans l’Entente de règlement. Cela militait en faveur de l’affirmation de l’appelant selon laquelle le montant intégral de 55 000,00 $ était payé au titre de dommages moraux (Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1993] 1. R.C.S. 1080, à la page 1123; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. C. (G.C.) [1988] 1 R.C.S. 1073; R. c. C.D. [2005] 3 R.C.S. 668; Bell Express Vu Limited Partnership c. Rex [2002] 2 R.C.S. 559).

[70] Le Tribunal ne pouvait toutefois pas faire fi du fait que le préambule mentionnait aussi que les parties souhaitaient régler leur différend relatif à la Requête et à la cessation de l’emploi de l’appelant.

L’intention des parties

[71] La preuve relative aux intentions des parties étaient contradictoire.

[72] L’Employeur a produit le RE3 (pièce GD3-66 le 15 juin 2010 et a en même temps fait à la Commission plusieurs déclarations qui indiquaient que le paiement de 40 000,00 $ constituait une « indemnité de départ » et ne représentait pas un paiement au titre des dommages moraux (pièce GD3-65).

[73] Dans le même temps, l’appelant a produit des documents (versés dans la pièce GD6) qui comprenaient une déclaration de l’avocat de l’Employeur, dans un courriel daté du 2 juin 2015, qui semblait corroborer la position de l’appelant concernant la qualification des paiements. Ce courriel de l’avocat de l’Employeur était antérieur à la position finale adoptée par l’Employeur au RE3 et dans les pièces GD3-65 et 66. L’information livrée par l’avocat de l’Employeur a pu être plus fiable que les déclarations finales de l’Employeur au vu du témoignage de l’appelant selon lequel l’avocat de l’Employeur était la personne qui avait rédigé l’Entente de règlement et selon lequel l’appelant avait une relation acrimonieuse avec l’Employeur au moment où les déclarations des pièces GD3-65 et 66 et du RE3 ont été faites.

[74] Également, il ressortait clairement de la pièce GD6 qu’en juin 2015, lorsque l’Employeur a communiqué sa position à la Commission, il y avait encore de la discorde entre les parties. Il était donc possible que l’Employeur ait pu se montrer moins coopératif ou honnête dans ses déclarations à la Commission concernant l’intention des parties et la nature du montant de 40 000,00 $ prévu dans l’Entente de règlement.

[75] En revanche, le Tribunal a jugé que, dans l’ensemble, le témoignage de l’appelant était convainquant, cohérent, fiable et crédible. Notamment les déclarations de l’appelant selon lesquelles il n’aurait pas signé l’Entente de règlement si les montants avaient été payés à tout autre titre que des dommages moraux.

[76] L’appelant était présent aux audiences et a répondu à toutes les questions du Tribunal à la satisfaction de celui-ci et d’une manière qui expliquait le bien-fondé de sa position. À cet égard, le Tribunal a préféré la preuve directe que l’appelant a produite en témoignant de vive voix (au téléphone) sur ces points à la preuve quelque peu contradictoire de l’Employeur au dossier, qui s’apparentait à une preuve indirecte par ouï-dire (Larivee,2007 CAF 312; Meunier,A-130-96, 1996 Canlii 8983 CAF; F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 RCS 41; Falardeau,A-396-85; Bartone,A-369-88; Davlut,A-241-82, [1983] S.C.C.A 398).

La Requête:

[77] Essentiellement, la Requête alléguait de nombreux chefs de dommages qui n’étaient pas spécifiquement liés au revenu d’emploi ou à la rémunération et qui (en plus des dommages moraux) seraient interprétés comme ayant inclut des dommages-intérêts pour fausses déclarations et des dommages pour restitution, pour la perte des intérêts commerciaux de l’appelant lorsqu’il a décidé de liquider les affaires de sa compagnie et d’occuper un poste chez l’Employeur.

[78] Le Tribunal a aussi jugé crédible le témoignage de l’appelant concernant la position de l’Employeur dans les négociations. Il était tout à fait concevable, pour une durée d’emploi inférieure à un an, que l’Employeur soutienne que les indemnités réclamées par l’appelant au titre de la perte d’un emploi et de la perte de salaire dans la Requête ne seraient que peu ou pas appuyées en droit et que l’Employeur ne paierait aucune somme de règlement en lien avec ce chef de dommage.

[79] Toujours est-il que le Tribunal devait concilier la réalité que, même si la position juridique défendue par l’appelant relativement à son statut d’emploi pouvait être faible, voire tout juste fondée, la cessation de la relation d’emploi formait la toile de fond de l’Entente de règlement, était intimement liée aux dommages moraux et était mentionnée dans le préambule de l’Entente de règlement de même que dans l’entente comme telle, au paragraphe 5.

[80] Le Tribunal a soigneusement étudié cette question et conclu que, dans les circonstances, seuls 15 % du montant de règlement étaient liés à l’indemnisation de la perte de rémunération découlant de la cessation de la relation d’emploi.

Conclusion au sujet de l’Entente de règlement

[81] Après avoir examiné la Requête, l’Entente de règlement dans son ensemble, y compris le préambule, et la preuve relative aux intentions des parties, le Tribunal conclut que l’appelant a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que les parties avaient convenu de caractériser 85 % du montant de l’Entente de règlement comme un versement effectué au titre de dommages moraux, ou à l’égard de dommages qui n’étaient pas liés à la rémunération, comme les préjudices pour la perte des intérêts commerciaux de l’appelant. À cet égard, le Tribunal estime que le défaut de mentionner cela au paragraphe 2A était le produit d’une erreur typographique, d’un oubli ou d’une autre erreur de la part des avocats ayant rédigé l’entente.

[82] Le Tribunal conclut que l’appelant s’est acquitté de l’obligation qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités (Hamilton,2007 CAF 104; Forest, 2007 CAF 362; F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 RCS 41), que 85 % des sommes versées par l’Employeur aux termes de l’Entente de règlement valaient pour les dommages moraux ou des éléments autres que la rémunération, au sens que donnent à ce terme la Loi, le Règlement et la jurisprudence (Boucher Dancause,2010 CAF 270; Cantin,2008 CAF 192).

[83] Pour que ce soit bien clair, le Tribunal conclut qu’une proportion de 15 % de la somme de 55 000,00 $ (le « Montant de 8 250,00 $ ») a été payée à l’appelant par l’Employeur au titre de la perte de salaire et de prime et de revenu d’emploi.

Le Montant de 10 464,97 $ et le Montant de 8 250,00 $

[84] Le Tribunal conclut que l’Employeur a payé à l’appelant le Montant de 10 464,97 $ à titre de paye de vacances et d’indemnité de départ ou de salaire tenant lieu de préavis. L’appelant n’a pas contesté ce fait (témoignage, pièces GD3-58 et GD3-26).

[85] Le Tribunal conclut que le Montant de 8 250,00 $ a été payé au titre de la perte de salaire et de prime et de la perte de revenu d’emploi.

[86] Le Tribunal conclut que les montants de 10 464,97 $ et 8 250,00 $ ne sont pas visés par l’une ou l’autre des exceptions énoncées au paragraphe 35(7) du Règlement.

[87] Sur ce fondement, le Tribunal conclut que la somme de 18 714,97 $ représentait une rémunération aux fins de l’article 35.

Répartition du Montant de 10 464,97 $ et du Montant de 8 250,00 $

[88] L’article 36 du Règlement décrit la façon dont la rémunération doit être répartie et les semaines durant lesquelles cette rémunération sera considérée comme ayant été tirée par le prestataire (Boone,2002 CAF 257).

[89] Le Tribunal estime qu’au moment de décider du paragraphe de l’article 36 à invoquer pour déterminer la méthode de répartition, c’est la raison ou le motif du paiement et non la date du paiement qui détermine la date à compter de laquelle la répartition de la rémunération doit commencer (Sarrazin,2006 CAF 313; CUB 74461, 2010; CUB 77407, 2011; CUB 49309, 2000).

[90] Le Tribunal convient avec la Commission que le Montant de 10 464,97 $ a été payé en raison du licenciement et a été payé ou était payable au moment de la cessation d’emploi (pièce GD3-19). Le Tribunal estime en outre que le Montant de 8 250,00 $ constituait une rémunération et était payable au moment de la cessation d’emploi.

[91] Le paragraphe 36(9) du Règlement explique comment une rémunération payée ou payable par suite d’une cessation d’emploi ou d’un licenciement est répartie. Ce paragraphe précise que la répartition commence la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi et qu’elle est répartie selon la rémunération hebdomadaire normale de l’appelant.

[92] Le Tribunal conclut, par conséquent, qu’aux termes du paragraphe 36(9) du Règlement, le Montant de 10 464,97 $ et le Montant de 8 250,00 $ devaient être répartis selon la rémunération hebdomadaire normale de l’appelant et à partir de la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi.

Frais juridiques

[93] Comme le Tribunal a conclu que seuls 15 % du montant de l’Entente de règlement constituaient une rémunération, il conclut que seuls 15 % des frais juridiques engagés au montant de 14 808,11 $, soit 2 221,22 $, pouvaient être déduits du montant à répartir.

[94] Le Tribunal conclut qu’aucun dépens ne peut être déduit au titre du Montant de 10 464,97 $, car les frais juridiques ont été engagés après que le montant à répartir de 10 464,97 $ a été payé à l’appelant (pièces GD3-19 et GD3-33 à 57) et que ces frais juridiques n’étaient pas liés à ce montant.

[95] À cet égard, l’appelant a seulement prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que 2 221,22 $ de ces frais juridiques constituaient des frais ou des coûts à déduire du revenu parce qu’ils ont été engagés pour les fins directes de tirer ce revenu, en vertu de l’alinéa 35(10)a) du Règlement (Radigan [2001] 267 N.R. 129 (CAF)).

[96] Par conséquent, seuls 16 493,75 $ ((8 250,00 $ - 2 221,22 $) + 10 464,97 $) constituent une rémunération et doivent être répartis conformément aux dispositions du paragraphe 36(9) du Règlement.

Conclusion

[97] Le Tribunal conclut que 15 % du Montant de l’Entente de règlement et le plein montant de 10 464,67 $ constituaient une rémunération et devaient être répartis conformément au paragraphe 36(9) du Règlement, après déduction de 2 221,22 $ au titre des dépens et des frais, ce qui donne un montant total de 16 493,75 $ à répartir.

[98] Pour les motifs qui précèdent, l’appel est accueilli en partie.

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