Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral en date du 5 juin 2013 est rescindée et l’appel de l’Intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

Introduction

[2] En date du 5 juin 2013, un conseil arbitral a conclu que :

  • Il n’y avait pas lieu de procéder à la répartition de la rémunération de l’Intimé aux termes des articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »).

[3] L’Appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 21 juin 2013. Permission d’en appeler a été accordée par la division d’appel en date du 14 janvier 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurera probablement pas au nombre des questions principales;
  • du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelante était représenté par Me Lisa Morency. L’Intimé était présent et représenté par Me Maxime Doyon.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) le conseil arbitral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait et en droit en concluant qu’Il n’y avait pas lieu de procéder à la répartition de la rémunération de l’Intimé aux termes des articles 35 et 36 du Règlement.

Arguments

[8] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • Le paragraphe 52 (5) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») permet à l’Appelante de reculer jusqu'a 72 mois pour réexaminer une demande si elle « estime qu'une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande ». II est pertinent de constater que le législateur n'a pas employé dans cette disposition le terme « sciemment », utilisé à l'article 38 de la Loi lorsqu'il est question de pénalité;
  • En l'espèce, le conseil arbitral, après avoir conclu que l'argent versé à l’Intimé de ses deux employeurs étaient du salaire, a jugé que « le prestataire a mal formulé sa demande et n'a pas déclaré correctement ses salaires. Les sommes qu'il a touchés constituent une rémunération et doivent être réparties dans les semaines ou les services ont été rendus. L'Intimé a donc touché des prestations auxquelles il n'avait pas droit et il doit malheureusement les rembourser »;
  • Pourtant, le conseil a conclu que l’Appelante était hors délai pour réexaminer ces faits, étant donné que l'avis de notification a été émis le 15 novembre 2012 pour des faits reprochés entre octobre 2008 et septembre 2009;
  • Le conseil arbitral a donc erré en droit en déclarant d'un côté que l’Intimé a fait une déclaration inexacte et, d'un autre côté, en jugeant que l’Appelante ne pouvait pas reculer entre 36 et 72 mois pour réexaminer la demande de l’Intimé.

[9] L’Intimé soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante:

  • Le conseil arbitral en pris en considération les faits pertinents, notamment à savoir que « le prestataire a mal formulé sa demande et n’a pas déclaré correctement ses salaires » (Décision du conseil arbitral, page 5). Le conseil arbitral justifie ensuite correctement sa décision en se basant sur l'arrêt A-607- 87 (Décision du conseil arbitral, page 6) pour conclure que les procédures de l'Appelante ont été faites hors-délai;
  • II appert donc de sa décision que le conseil arbitral a interprété l'article 52 de la Loi et a décidé à juste titre que les déclarations mal formulées en cause ne sont pas fausses au sens de 52(5) de la Loi et ne permettent pas à l'Appelante de se prévaloir de l'exception que constitue l’extension de délai à 72 mois. D'ailleurs, l'article 52 de la Loi était bien allégué dans le dossier de réexamen de 2013 soumis par l’Appelante;
  • Le conseil arbitral a choisi d'utiliser cette formulation : « le prestataire a mal formulé sa demande et n’a pas déclaré correctement ses salaires » (Décision du conseil arbitral, page 5). Le conseil arbitral n'a pas retenu que les déclarations étaient fausses ou trompeuses au sens de 52(5) de la Loi et a donc jugé que l'Appelante ne pouvait bénéficier de l'exception prévue à l'article 52(5) de la Loi lui permettant de déroger aux délais normalement prescrits pour procéder à un réexamen.

Normes de contrôle

[10] L’Appelante soumet qu’une mauvaise interprétation d'une disposition de la loi constitue une erreur de droit soumise à la norme correcte - Canada (PG) c. Hallee, 2008 CAF 159.

[11] L’Intimé soumet que l'application des faits au droit soulève une question mixte, et non une question de droit uniquement. Cette question est soumise à la norme du contrôle du caractère raisonnable -  Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[12] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

Introduction

[13] La répartition de la rémunération effectuée par l’Appelante n’est pas contestée par l’Intimé.

[14] Les parties soumettent au Tribunal que la seule question en litige devant la division d’appel est la question du délai de réexamen.

Réexamen

[15] Le conseil arbitral a conclu qu’il n’y avait pas eu de déclaration fausse ou trompeuse de la part de l’Intimé et que l’Appelante ne pouvait bénéficier du délai de soixante-douze (72) mois prévu à l’article 52 de la Loi pour le réexamen du dossier de l’Intimé.

[16] Le procureur de l’Intimé a insisté autant devant le conseil arbitral que devant la division d’appel sur l’absence de déclaration fausse ou trompeuse de la part de l’Intimé qui aurait permis à l’Appelante de prolonger le délai de révision à soixante-douze (72) mois.

[17] La Cour d'appel fédérale a pourtant déterminé dans Langelier (A-140-01), Lemay (A-172-01) et Dussault (A-646-02) que, pour bénéficier de la prolongation du délai de réexamen prévue au paragraphe 52(5) de la Loi, l’Appelante n'a pas à établir que le prestataire visé a effectivement fait des déclarations fausses ou trompeuses mais doit plutôt simplement démontrer qu'elle pouvait raisonnablement estimer qu'une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite relativement à une demande de prestations.

[18] Au stade du réexamen, l’Appelante n’avait donc pas à démontrer qu’il y avait effectivement eu déclaration fausse ou trompeuse de la part de l’Intimé. L’Appelante devait simplement estimer qu’une déclaration fausse ou trompeuse avait été faite.

[19] L’Appelante pouvait-elle, dans les circonstances du présent dossier, raisonnablement estimer qu'il y avait eu déclaration ou représentation fausse ou trompeuse de la part de l’Intimé?

[20]  En l'espèce, l’Appelante a déterminé que l’Intimé avait omis de fournir des renseignements au sujet de certains de ses gains auprès de deux employeurs. Il ressort des informations obtenues par l’Appelante qu’il y a eu des périodes de trois ou quatre semaines sans gains déclarés. L’Intimé a reconnu que les montants obtenus des deux employeurs étaient exacts et différents des montants déclarés.

[21] Dans une entrevue, l’Intimé a déclaré qu’il était possible qu’il ait omis de déclarer sa période d’emploi auprès d’un employeur.

[22] En appliquant les enseignements de la Cour d’appel fédérale au présent dossier, le Tribunal considère de la preuve que l’Appelante pouvait raisonnablement estimer qu’il avait eu déclaration ou représentation fausse ou trompeuse de la part de l’Intimé de façon à bénéficier d'une période de 72 mois pour réexaminer la demande de prestations de l’Intimé.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli, la décision du conseil arbitral en date du 5 juin 2013 est rescindée et l’appel de l’Intimé devant le conseil arbitral est rejeté.

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