Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Représentante de l’appelante : Joanne Davis

Intimé (prestataire) : D. G.

Introduction

[1] Le 23 mai 2013, le conseil arbitral (conseil) a accueilli l’appel du prestataire alors que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (appelante) avait déterminé que le prestataire (intimé dans cet appel) n’avait pas accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour être admissible au bénéfice des prestations à partir du 10 février 2013.

[2] Une demande de permission d’en appeler de la décision du conseil a été présentée à la division d’appel du Tribunal le 11 juin 2013, et elle a été accordée le 24 juillet 2015.

[3] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’absence de complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel ;
  2. les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires ;
  3. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[4] La division d’appel du Tribunal doit décider :

  1. si la décision du conseil a été fondée sur une erreur de droit ;
  2. s’il convient de rejeter l’appel, de rendre la décision que le conseil aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la division générale afin qu’elle la révise ou qu’elle maintienne sa décision initiale, ou encore, de confirmer, d’infirmer ou de modifier la décision du conseil.

Droit applicable

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] À nos fins, la décision du conseil est considérée comme une décision de la division générale.

[7] La permission d’en appeler a été accordée pour la raison que l’appelante avait exposé des motifs se rattachant aux moyens d’appel énumérés et qu’au moins un de ces motifs conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, plus précisément le motif faisant intervenir le moyen d’appel prévu à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

[8] Le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS énonce les pouvoirs de la division d’appel.

Observations

[9] L’appelante a fait valoir que la norme de contrôle pour les questions de droit est la décision correcte.

[10] L’appelante a soutenu que le conseil avait commis une erreur de droit pour les raisons suivantes :

  1. La seule question que doit trancher le conseil est à savoir si le prestataire avait accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations à partir du 10 février 2013, en vertu de l’article 7 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) ;
  2. Le conseil a conclu que la demande actuelle du prestataire aurait dû être considérée comme une extension de sa demande antérieure, en vertu de l’article 10 de la « Loi ». Cependant, il n’est pas clair à quelle loi s’est référé le conseil. L’article 10 de la Loi sur l’AE autorise une prolongation de la période de prestations dans certains cas particuliers, mais aucun d’entre eux ne s’applique à la situation du prestataire ;
  3. Le prestataire ne satisfaisait pas aux critères pour obtenir une prolongation de sa période de référence en vertu de l’article 8 de la Loi sur l’AE. Cependant, après prolongation de sa période de référence, il n’est pas admissible aux prestations à partir du 10 février 2013, car il n’a accumulé aucune des 630 heures d’emploi assurable requises pour qu’il reçoive des prestations d’AE, conformément à l’alinéa 7(2)b) de la Loi sur l’AE.
  4. Les conditions d’admissibilité prévues à l’alinéa 7(2)b) de la Loi sur l’AE ne permettent aucune incohérence et ne confèrent aucun pouvoir discrétionnaire.

[11] L’intimé a soutenu ce qui suit :

  1. La Commission a tenu pour acquis qu’il présentait une nouvelle demande, alors que ce n’était pas le cas ;
  2. Son ancienne demande reposait sur une invalidité ;
  3. Il recevait des prestations d’invalidité jusqu’à ce qu’il retourne sur le marché du travail ;
  4. La Commission affirme qu’il n’a pas accumulé suffisamment d’heures, mais il ne pouvait pas accumuler d’heures, car il ne pouvait pas travailler ;
  5. Il est d’accord avec la décision du conseil ;
  6. La Commission aurait dû continuer de traiter la demande en tenant compte des heures restantes indiquées dans sa demande antérieure.

Norme de contrôle

[12] La Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jewett, 2013 CAF 243, dans l’affaire Chaulk c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 190 et dans bon nombre d’autres affaires, a établi que la norme de contrôle qui s’applique aux questions de droit et de compétence dans les appels en matière d’assurance-emploi du conseil arbitraire est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle qui s’applique aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable.

[13] Cependant, dans les décisions Canada (Procureur général) c. Paradis ; Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a récemment suggéré que cette approche n’est pas appropriée lorsque la division d’appel du Tribunal révise les appels relatifs aux décisions en matière d’assurance-emploi rendues par la division générale.

[14] Je ne sais également pas comment concilier ces divergences apparentes. Puisque la présente affaire est liée à un appel d’une décision du conseil arbitral et non pas d’une décision de la division générale, je procéderai de la façon dont les juges-arbitres auraient procédé : que la norme de contrôle applicable dépend de la nature des erreurs alléguées.

[15] Dans cette affaire, des erreurs de droit sont alléguées.

Analyse

[16] La décision du conseil ne fait pas du tout allusion à la jurisprudence. Elle fait référence à l’« article 10 de la Loi », mais n’indique pas si « la Loi » est « la Loi sur l’AE » ou une autre loi. Il est probable que le conseil voulait dire le paragraphe 10(10) de la Loi sur l’AE lorsqu’elle faisait mention de « l’article 10 de la loi » et du « prolongement du dossier en cours ».

[17] Le paragraphe 10(10) de la Loi sur l’AE indique ce qui suit :

(10) La période de prestations qui a été établie au profit d’un prestataire est prolongée du nombre de semaines à l’égard desquelles le prestataire prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, qu’il n’avait pas droit à des prestations parce que, selon le cas :

a) il était détenu dans une prison, un pénitencier ou un autre établissement semblable et n’a pas été déclaré coupable de l’infraction pour laquelle il était détenu ni de toute autre infraction se rapportant à la même affaire ;

b) il touchait une rémunération versée en raison de la rupture de tout lien avec son ancien employeur ;

c) il touchait l’indemnité prévue pour un accident du travail ou une maladie professionnelle ;

d) il touchait des indemnités en vertu d’une loi provinciale du fait qu’il avait cessé de travailler parce que la continuation de son travail le mettait en danger ou, dans le cas d’une prestataire, mettait en danger son enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaitait.

[18] Aux pages 2 et 3 de sa décision, le conseil a estimé ce qui suit : [traduction] « [l’enquête actuelle] ne devrait pas être considérée comme une nouvelle enquête, mais plutôt comme un prolongement du dossier en cours. L’article 10 de la Loi aurait dû être appliqué au cas du prestataire. Il était malade, et cela a été confirmé. Par conséquent, le prestataire pourrait toujours être admissible au bénéfice des prestations, du moins jusqu’au 4 février 2013. »

[19] Le paragraphe 10(10) de la Loi sur l’AE autorise une prolongation de la période de prestation, mais seulement dans les cas où le prestataire était en détention en prison, s’il recevait des prestations d’accident du travail, s’il recevait des prestations de retrait préventif ou s’il recevait des indemnités de départ qui ont entraîné une répartition de la rémunération.

[20] Dans cette affaire, l’intimé ne faisait pas l’objet d’aucune des conditions énumérées au paragraphe 10(10) de la Loi sur l’AE. Il recevait des prestations d’assurance-invalidité, mais pas d’indemnité d’accident du travail. Le prestataire a confirmé au cours de l’audience auprès de la division d’appel qu’il ne recevait pas d’indemnité d’accident du travail.

[21] Le paragraphe 10(10) de la Loi sur l’AE ne pouvait pas s’appliquer correctement à la demande de l’intimé. Aucun autre paragraphe de l’article 10 de la Loi sur l’AE portant sur la prolongation de la période de prestations ne pourrait s’appliquer correctement à la situation de l’intimé.

[22] Ainsi, je conclus que le conseil a commis une erreur de droit.

[23] Par conséquent, la division d’appel est tenue, selon la norme de la décision correcte, d’entreprendre sa propre analyse afin de décider si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que le conseil aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale ou confirmer, infirmer ou modifier la décision.

[24] Il s’agit de déterminer si le prestataire avait accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour avoir droit à des prestations à partir du 10  février 2013.

[25] Les faits ne sont pas contestés. Ils peuvent être résumés ainsi :

  1. L’intimé a reçu des prestations de maladie à partir du 29 mars 2011, et a été payé pour les 15 semaines maximales de prestations de maladie ;
  2. Il a présenté une demande de prestations régulières d’AE le 12 février 2013 ;
  3. Il n’a travaillé pour aucun employeur depuis mars 2011 ;
  4. Il a reçu des paiements par l’entremise du régime d’assurance-invalidité de son employeur du 29 mai 2011 au 9 février 2013 ;
  5. Il ne détenait pas d’emploi assurable pendant la période du 12 février 2012 au 9 février 2013 (sa période d’admissibilité établie par la Commission) ;
  6. Il n’avait aucune heure assurable pour la période du 27 mars 2011 au 9 février 2013 ;
  7. Le paragraphe 7(2) de la Loi sur l’AE requiert 630 heures accumulées dans sa période d’admissibilité.

[26] L’intimé soutient qu’il n’était pas capable de travailler, car il était invalide et il ne pouvait donc pas accumuler d’heures. Ce n’était pas sa faute s’il ne pouvait pas travailler. Sa demande aurait dû être prolongée à partir de sa demande antérieure, et il devrait recevoir des prestations d’AE.

[27] L’appelante reconnaît que l’intimé répond aux exigences pour obtenir une prolongation de sa période de référence, conformément à l’article 8 de la Loi sur l’AE. Cependant, même en tenant compte de la période de référence prolongée, puisqu’il n’a accumulé aucune des 630 heures assurables requises, il ne peut pas recevoir de prestations régulières d’AE.

[28] L’intimé n’a accumulé aucune heure assurable pour la période du 27 mars 2011 au 9 février 2013. En conséquence, sa demande de prestations régulières d’AE du 10 février 2013, avec sa période de référence prolongée, ne reposait sur aucune heure assurable. Il est évident que l’intimé n’avait pas accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour être admissible au bénéfice des prestations.

[29] L’intimé soutient que ce n’était pas sa faute s’il ne pouvait pas travailler et que, par conséquent, il ne pouvait pas accumuler des heures d’emploi assurables. Essentiellement, il soutient qu’il a dû contribuer à la caisse de l’assurance-emploi et qu’il devrait recevoir des prestations de la caisse lorsqu’il ne peut pas travailler.

[30] Bien que la frustration de l’intimé soit compréhensible, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale est claire. Les conditions d’admissibilité du paragraphe 7(2) de la Loi sur l’AE ne permettent pas d’écart et ne confère pas de pouvoir discrétionnaire : Canada (Procureur général) c. Levesque, 2001 CAF 304 au paragraphe [2].

[31] Comme mentionné précédemment, je conclus que la décision du conseil était incorrecte. La bonne décision aurait été de rejeter l’appel de l’intimée devant le conseil.

[32] Compte tenu des observations des parties présentées durant l’audience par téléconférence, de ma révision de la décision du conseil et du dossier d’appel, j’accueille l’appel. En outre, comme cette affaire n’exige pas la production de nouveaux éléments de preuve ou la tenue d’une audience devant la division générale, je rends la décision que le conseil aurait dû rendre.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli.

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