Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 12 mars 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’Appelant avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 8 avril 2015. Permission d’en appeler a été accordée le 12 juin 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait en personne pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelant était présent et l’Intimée était représentée par Manon Richardson.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a erré en fait et en droit en concluant que l’Appelant avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’Appelant soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • Le Tribunal a fait abstraction de la preuve, a bien ignoré que la compagnie a manqué à ses obligations envers son employé, puisque aucun avertissement n'a été fait envers son employé concernant le port de l'uniforme;
  • De plus, dans le règlement, il est écrit noir sur blanc que l'employé doit recevoir un avertissement écrit de son employeur avant d'être envoyé à la maison. Cependant il n'a jamais reçu aucun avertissement écrit et malgré ce manque d'obligation fait par la compagnie, il a été envoyé à la maison;
  • Le règlement n’était pas appliqué à tous les employés. Cela lui a fait croire qu’il était victime de discrimination.
  • Les employés ont une fiche de pointage pour pointer les heures auxquelles ils rentrent au travail et les heures qu'ils finissent travailler. Le jour même quand il a été envoyé à la maison, le matin quand il est rentré il avait pointé l'heure d'arrivée, mais après son renvoi à la maison quelqu'un du bureau avait effacé avec du liquide effaceur l'heure à laquelle il est rentré au travail. Ce comportement de l’employeur n’est pas légal.
  • Les preuves documentaires (les photos et vidéo) qu’il a fourni ne sont pas crédible selon l’Intimée néanmoins aucune preuve n'a pas été déposé par la partie adverse pour prouver le contraire;
  • Le Tribunal a errée en droit étant donné qu'il a accordé plus de poids aux conversations téléphoniques avec le représentant de la compagnie, Monsieur D. H., rédigées par l’Intimée qu'aux déclarations sous serment faites par lui. Après tout, il a des preuves documentaires qui démontrent ses affirmations;
  • Quant à l'allocation offerte par la compagnie, il admet avoir reçu 200$ pour acheter l'uniforme pour son emploi, mais affirme que avec cette somme d'argent il était impossible d'acheter plusieurs tenues de travail, car une chemise, deux pantalons et une paire de chaussures spéciales (achetés chez l'Équipeur) mènent au prix de 200$. C'est abusif de la part de la compagnie de demander à l'employé de s'acheter plusieurs tenues et offrir que le montant de 200$;
  • La Loi sur les normes du travail affirme que l'employeur ne peut exiger une somme d'argent d'un salarié pour l'achat, l'usage ou l'entretien d'un vêtement particulier;
  • .Dans le règlement il est écrit noir sur blanc que chaque 18 mois l'employeur doit fournir le montant de 200$ à ses employés afin qu'ils puissent s'en acheter l'équipement nécessaire. Cependant, il a travaillé depuis environ deux ans et demi pour la compagnie et a reçu qu'une seule fois ce montant d'argent;
  • Il travaillait toujours sous pressions physiques et psychiques. Monsieur D. H. l’appelait plusieurs fois pendant qu'il faisait la livraison pour savoir s’il avait fini pour lui donner plus de marchandise à livrer;
  • Monsieur D. H. a déclaré à l’Intimée que les employés ont l'équipement nécessaire pour décharger et de l'aide cependant la preuve de l’Appelant démontre la réalité;
  • Un autre conducteur a été congédié parce qu’il ne pouvait pas décharger et livrer la marchandise qu'il fallait;
  • Il a fait plusieurs livraisons d'alcool sans même savoir ce qu'il livrait. Un jour lorsqu'il avait déchargé des palettes qui étaient toutes emballés dans des sacs noir, il a constaté que de l'alcool était caché derrière ces sacs, plus précisément du vin;
  • La Loi sur le transport d'alcool au Québec est stricte et cela demande d'avoir des permis pour pouvoir le faire. Donc, il craignait un contrôle routier car il n'avait aucun permis ou attestation prouvant son innocence;
  • On peut conclure que l’employeur effectuait des pratiques contraires à la loi, des activités qui violaient les règlements;
  • Il a dû s'absenter à son emploi pour aller à la Cour suite à une contravention qu'il a eu lorsqu'il faisait une livraison. La contravention qu’il a eu est survenue pendant qu'il faisait la livraison dans un endroit interdit aux camions. Cependant, il devait livrer la marchandise à cette adresse pour obéir à son employeur;
  • Il y avait eu des erreurs de paie concernant plusieurs de ses paies. Il a parlé de ce problème avec Monsieur D. H., mais sans aucun résultat, puisque l'argent qui manquait n'a jamais été remboursé;
  • Donc, tous ces évènements et incidents démontrent la pression physique et psychique, le stress avec lequel il devait travailler;
  • Le départ volontaire était la seule solution raisonnable dans son cas.

[9] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelant:

  • La division générale n’a pas erré ni en droit ni en fait et elle a correctement exercé sa compétence;
  • L’Appelant était présent et a pu donner sa version des faits. La division générale a rendu une décision relevant de sa compétence et la décision n’est manifestement pas déraisonnable à la lumière des éléments pertinents de la preuve;
  • La question que la division générale devait trancher était à savoir si l’Appelant avait un motif valable de quitter volontairement son emploi le 12 juin 2014 aux termes de l’article 29 de la Loi; Pour le faire, la division générale devait déterminer si, dans les circonstances, le départ du prestataire constituait la seule solution raisonnable;
  • Dans cette affaire, l’Appelant n’était pas fondé à quitter son emploi. Il aurait pu discuter de la situation qui lui causait du stress avec son employeur, il aurait pu consulter un médecin. Il a choisi de quitter son emploi au lieu de regarder les alternatives qu’il avait;
  • La division d’appel n’est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale;
  • Les compétences du tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MRHDC. À moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et que cette décision est déraisonnable, le tribunal doit rejeter l'appel.

Normes de contrôle

[10] L’Appelant n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’Intimée soumet que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable. Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[12] Bien que le mot « appel » soit utilisé dans l'article 113 de la Loi (anciennement l'article 115 de la Loi) pour décrire la procédure introduite devant la division d’appel, la compétence de la division d’appel est pour l'essentiel identique à celle qui était anciennement conférée aux juges-arbitres et qui est conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. La procédure n'est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit - Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253.

[13] Le Tribunal est d’avis que le degré de déférence que la division d’appel devrait accorder aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le degré de déférence qui était accordé aux décisions des anciens conseils arbitraux en appel, devant un juge-arbitre en matière d'assurance-emploi.

[14] La Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[15] Lorsqu’elle a rejeté l’appel de l’Appelant, la division générale a analysé en détails chacun des motifs de départ soulevés par l’Appelant et elle a conclu ce qui suit :

« [52] Le Tribunal est d'avis, qu'en raison des nombreux éléments soulevés par le prestataire, il doit aussi se demander si le départ volontaire du prestataire, en considération des différents facteurs combinés ensemble, peut sur une balance des probabilités, constituer en la seule solution raisonnable.

[53] Or, tel que mentionné, le Tribunal est d'avis que le prestataire a une certaine responsabilité et doit faire certaines démarches avant de décider de quitter son emploi. Même en prenant en compte tous les éléments soulevés par le prestataire, le Tribunal est d'avis que celui-ci aurait pu tenter de trouver un autre emploi avant de quitter celui-ci. Et tout en tenant compte que des pressions que le prestataire ressentait et du fait qu'il se sentait harcelé et discriminé, il se devait de tenter de discuter de la situation avec son employeur avant de quitter. Le Tribunal est d'avis, que sur une balance des probabilités, le prestataire n'était pas justifié à quitter son emploi. »

[16] En appel, l’Appelant soulève les mêmes motifs qui, soutient-il, rende son départ volontaire justifié au sens de l’article 29 de la Loi.

[17] La question de savoir si une personne est fondée à quitter volontairement un emploi dépend de celle de savoir si son départ constituait la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de plusieurs circonstances précises énumérées à l'article 29 de la Loi.

[18] Le rôle de la division générale n'était pas de juger si le comportement de l'employeur était acceptable ou non mais plutôt de se demander si le départ de l’Appelant constituait la seule solution raisonnable en tenant compte de toutes les circonstances.

[19] Le Tribunal n’est pas convaincu de la preuve devant la division générale et des arguments en appel que les conditions de travail de l’Appelant étaient intolérables ou dangereuses au point que le départ était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui.

[20] En effet, l’Appelant pouvait très bien conserver son emploi qu’il occupait depuis le mois de novembre 2012, discuter avec l’employeur avant de quitter de la possibilité de modifier la nature ou les conditions de travail de son emploi et chercher un nouvel emploi dans l’intervalle. Il s’agissait de la solution raisonnable pour lui et pour le système d’assurance-emploi.

[21] Le Tribunal en vient à la conclusion que les éléments de preuve présentés n’étayent pas les motifs d’appel invoqués ni aucun autre motif d’appel possible. La décision de la division générale repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et il s’agit d’une décision raisonnable qui est conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[22] Rien ne justifie l’intervention du Tribunal.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

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