Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 30 septembre 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l’appel de la demanderesse relatif à son exclusion du bénéfice des prestations en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) avait déterminé que la demanderesse avait quitté son emploi sans justification.

[2] La décision de la DG a été envoyée à la demanderesse par lettre datée le 2 octobre 2015. La demanderesse a déclaré avoir reçu la décision de la DG le 13 octobre 2015.

[3] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (Demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 16 novembre 2015.

[4] Le Tribunal a avisé la demanderesse que son dossier était incomplet par lettre datée le 24 novembre 2015. Le Tribunal lui a fixé un délai de 30 jours pour fournir l’information manquante. La demanderesse a transmis sa réponse le 15 décembre 2015. Pour cette raison, la demande a été considérée comme complète, mais en retard.

[5] Par la suite, le Tribunal a avisé la demanderesse que la demande semblait avoir été déposée plus de 30 jours après que la décision de la DG lui eut été communiquée. La demanderesse a répliqué que sa demande initiale était datée le 10 novembre 2015 et qu’elle avait envoyé une demande complétée que le Tribunal avait reçue le 15 décembre 2015.

Questions en litige

[6] Premièrement, la DA doit déterminer si la demande a été déposée dans le respect du délai de 30 jours.

[7] Si la demande a été déposée en retard, pour que la demande soit prise en considération, il faut que soit accordée une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler à la DA.

[8] La DA doit ensuite déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[9] Aux termes des paragraphes 57(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler est présentée à la DA dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester. En outre, la DA peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[10] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[11] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS indique que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[12] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La demande était-elle en retard ?

[13] Le 16 novembre 2015, la demande a été estampillée et considérée comme incomplète.

[14] La décision de la DG a été envoyée à la demanderesse par lettre datée le 2 octobre 2015. Dans la demande, il est indiqué que la demanderesse a reçu la décision de la DG le 13 octobre 2015.

[15] Trente (30) jours à partir du 13 octobre 2015, donnent le 12 novembre 2015. Donc, le délai de 30 jours se terminait le 12 novembre 2015.

[16] Bien que la demande soit datée le 10 novembre 2015, ce n’est pas la journée du dépôt de la demande. Elle a été déposée le 16 novembre 2015. La demande n’a pas été reçue dans le délai de 30 jours prévu. Elle était en retard et incomplète.

[17] La demande a été complétée le 15 décembre 2015.

Prorogation du délai d’appel

[18] Pour que la demande soit prise en considération, une prorogation du délai doit être accordée.

[19] Dans l’affaire X, (2014) CAF 249, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe [26], a énoncé comme suit le critère applicable pour accorder une prorogation du délai :

Lorsqu’il s’agit de décider s’il convient d’accorder une prorogation de délai pour déposer un avis d’appel, le critère le plus important est celui qui consiste à rechercher s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation. Les facteurs à considérer sont les suivants :

  1. a) s’il y a des questions défendables dans l’appel;
  2. b) s’il existe des circonstances particulières justifiant le non-respect du délai prévu pour déposer l’avis d’appel;
  3. c) si le retard est excessif;
  4. d) si la prorogation du délai imparti causera un préjudice à l’intimé.

[20] Dans ces circonstances, le Tribunal n’a pas exigé que la demanderesse soumette par écrit une demande de prorogation du délai.

[21] Compte tenu de la longueur du retard et de l’explication fournie par la demanderesse pour justifier ce retard, ainsi que dans l’intérêt de la justice, j’accorde une prorogation de délai pour le dépôt de la demande.

Demande de permission d’en appeler

[22] Les motifs d’appel de la demanderesse peuvent être résumés comme suit :

  1. La DG a excédé sa compétence et n’a pas observé un principe de justice naturelle en « se mettant à la place de l’employeur », en « ne rendant pas un jugement impartial », et en ne l’assurant pas d’un traitement équitable et professionnel de la part de l’employeur;
  2. La DG a commis des erreurs de droit en ne tenant pas compte de la preuve et en attribuant toute la responsabilité de son congédiement à ses seules actions;
  3. La DG a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées en ne reconnaissant pas que l’employeur avait traité la demanderesse d’une manière non professionnelle et inéquitable;
  4. Ces arguments faisaient référence à (1) un refus d’accorder un congé, qui a entraîné la cessation de l’emploi et (2) une entente conclue entre la demanderesse et l’employeur lors d’une médiation devant un tribunal civil.

[23] La demanderesse s’est fait demander de préciser les erreurs alléguées qu’elle fait valoir et qui figurent dans la décision de la division générale (en indiquant le numéro du paragraphe où se trouve l’erreur et en décrivant l’erreur en question). Elle a réagi à cette demande en déposant une demande dactylographiée contenant un récit similaire à celui de la demande initiale et en inscrivant des renseignements dans la partie C du formulaire (raisons de la demande de permission d’en appeler).

[24] La question en litige devant la DG était une exclusion des prestations d’AE à cause d’un départ volontaire ou d’inconduite. La décision de la DG énonçait au paragraphe [37] : « le Tribunal considérera la cessation d’emploi à la fois du point de vue d’un départ volontaire et d’un cas d’inconduite ».

[25] Pendant l’audience devant la DG, la demanderesse a invoqué des arguments semblables à ceux présentés dans la demande. Les éléments de preuve de la demanderesse étaient inclus en détail dans la décision de la DG, aux pages 3 à 9. Les observations de la demanderessse devant la DG ont été résumées à la page 10 et ont été examinées aux pages 11 à 14 de sa décision. Elles comprenaient plusieurs points de la demande qui ont été notés au paragraphe [22] ci-haut.

Décision de la DG

[26] Dans sa décision, la DG a correctement affirmé le critère juridique relatif au départ volontaire et à l’inconduite.

[27] La décision de la DG résumait le contexte de la cessation d’emploi de la demanderesse comme suit :

[36] [Traduction] Dans cette affaire, la prestataire a demandé un congé pour garder son petit-enfant pendant que son fils et sa bru partaient en vacances. En septembre 2014, son employeur lui a confirmé verbalement qu’elle pourrait prendre ce congé à la fin janvier 2015 et qu’elle reviendrait au travail le 2 février 2015, le premier jour ouvrable en février. Par la suite, la prestataire a confirmé les dates avec son employeur en l’informant qu’elle serait absente du 28 janvier au 7 février 2015 et qu’elle reviendrait au travail le 9 février 2015. L’employeur lui refusa cette demande parce que les politiques de l’entreprise interdisent les congés entre le mois de février et le mois d’avril. Interrogée sur ses intentions, la prestataire a répondu qu’elle resterait en poste, mais qu’elle prendrait son congé comme il a été demandé parce qu’elle ne pouvait pas en changer les dates prévues. L’époux de l’employeur l’a avisée que ce n’était pas acceptable et que son emploi prenait fin immédiatement. Le Tribunal admet que ces faits ne sont pas en litige.

[37] [Traduction] La prestataire conteste son départ volontaire de son emploi et affirme au contraire qu’elle a été licenciée. Une entente de médiation prescrivait que l’employeur verse à la prestataire une indemnité de départ et qu’il dépose un RE modifié déclarant que la prestataire avait été licenciée. Dans la décision Canada (Procureur général) c. Easson, A-1598-92, la CAF a déterminé que les notions de perte d’emploi pour inconduite et de départ volontaire sans justification peuvent être deux notions abstraites distinctes, mais elles sont traitées ensemble aux articles 29 et 30 de la Loi, sur l’AE, ce qui est tout à fait logique puisqu’elles visent toutes deux des situations où la perte d’emploi est la conséquence d’un ou plusieurs actes délibérés de l’employé. En réunissant les deux concepts aux fins de la sanction, la Loi sur l’AE montre clairement que la distinction entre les deux situations doit être prise en considération. Par conséquent, le Tribunal considérera la cessation de l’emploi de la prestataire à la fois du point de vue d’un départ volontaire et d’un cas d’inconduite.

[28] Les conclusions de la DG sur le départ volontaire et l’inconduite suivent :

[40] [Traduction] Bien que la prestataire conteste son départ volontaire, il n’en reste pas moins qu’elle a refusé de changer les dates du congé qu’elle avait demandé et qu’elle a insisté sur le fait qu’elle avait l’intention de prendre congé comme que prévu, ce qui a entraîné la cessation de son emploi. La responsabilité du prestataire est de mitiger son risque de chômage. Comme il est énoncé dans la politique de l’entreprise, l’employeur se réserve le droit de déterminer l’échéancier des congés. Bien qu’un employeur doit offrir des congés à l’employé tout au long de l’année, l’employeur a néanmoins le droit de refuser un congé si celui-ci entre en conflit avec les opérations de l’entreprise. De plus, la prestataire a déclaré qu’elle avait déjà épuisé tous ses congés pour l’année, mais qu’elle avait l’intention de prendre un congé sans solde; on ne peut donc pas affirmer que l’employeur avait refusé de donner congé à la prestataire.

[41] [Traduction] Pour ces raisons, le Tribunal estime que la prestataire a volontairement quitté son emploi sans justification. La prestataire peut croire qu’elle se comportait de manière raisonnable, le caractère raisonnable d’un acte est différent de la justification de l’acte. La prestataire doit démontrer qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable à son départ. En l’espèce, la solution raisonnable pour la prestataire aurait été de confirmer les dates de congé auprès de son employeur avant d’élaborer des plans qu’elle ne pouvait modifier ou de prendre d’autres dispositions en prenant congé à la fin de janvier comme il avait été prévu à l’origine.

[43] [Traduction] La prestataire a poursuivi en alléguant que la politique sur les vacances ne s’appliquait pas à son cas puisqu’elle avait déjà épuisé ses journées de vacances et qu’elle demandait en fait un congé sans solde plutôt que des vacances. Le Tribunal estime que cet argument ne tient pas parce que la prestataire demandait en fait de s’absenter de son travail. Avec ou sans solde, n’importe pas; l’employeur maintient toujours le droit de refuser qu’un employé s’absente de son travail si cela entre en conflit avec les opérations de l’entreprise.

[49] [Traduction] En l’espèce, la prestataire et l’employeur s’entendent pour dire que la cessation d’emploi a eu lieu parce que la prestataire avait insisté pour prendre congé comme prévu même si ce congé n’avait pas été autorisé par l’employeur. Le Tribunal est convaincu que personne ne conteste la raison qui a mené au licenciement de la prestataire.

[50] [Traduction] La prestataire a avoué être au courant de la politique de vacances et a avoué de plus avoir demandé congé à la fin janvier 2015 à l’origine. Bien que l’employeur ait indiqué qu’il considérerait un congé à la fin janvier, la politique de l’entreprise énonce clairement qu’aucun congé ne sera accordé du mois de février au mois d’avril. La prestataire s’était fait dire qu’elle ne pouvait pas prendre congé en février sur quoi elle a répliqué qu’elle s’absenterait quand même. Le Tribunal estime qu’il s’agit là d’un acte volontaire et délibéré : elle devait savoir qu’en allant à l’encontre de la décision de l’employeur et en faisant fi de la politique de vacances, elle mettait en péril son emploi. Pour ces raisons, le Tribunal conclut que la prestataire a perdu son emploi à la suite de sa propre inconduite.

Raisons et motifs d’appel

[29] La demanderesse allègue que la DG s’est mise à la place de l’employeur et a outrepassé sa compétence ce faisant. La DG a entendu l’appel de la demanderesse et a rendu une décision écrite compréhensible, suffisamment détaillée et fondée sur des explications logiques. C’est là le rôle propre de la DG. La DG n’a pas outrepassé sa compétence en agissant ainsi. La DG ne s’est pas « ... mise à la place de l’employeur ».

[30] La demanderesse allègue que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle n’a pas tenu compte de la décision de l’employé de la Commission qui avait initialement approuvé la demande de prestations de la demanderesse. Ce moyen d’appel n’a pas de chance raisonnable de succès. Peu importe la détermination initiale de la Commission, sa décision finale était de juger la demanderesse inadmissible aux prestations. La demanderesse a porté cette décision en appel comme elle en avait le droit. Cet appel a été déposé devant la DG du Tribunal; la DG l’a entendu et a rendu une décision.

[31] La demanderesse suggère également que la DG aurait dû s’assurer que l’employeur « agisse d’une manière équitable et professionnelle » à son égard, qu’elle aurait dû déterminer que l’employeur n’avait pas adopté un processus équitable en refusant sa demande de congé et que la DG aurait dû attribuer la responsabilité de la cessation d’emploi à l’employeur. Le rôle du Tribunal n’est pas de porter un jugement sur les conflits entre une employée et son employeur au sujet d’une demande de congé.

[32] La demanderesse allègue que la DG n’a pas rendu un « jugement impartial ». Essentiellement, la demanderesse plaide un manquement aux principes de justice naturelle parce que le membre de la DG n’a pas souscrit à ses arguments. Il s’agit de bien peu pour prouver une allégation de préjugé ou de partialité.

[33] Dans la décision Arthur c. Canada (Procureur général), (2001) CAF 223, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’une allégation de partialité ou de préjugé portée à l’encontre d’un tribunal est une allégation sérieuse. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. L’obligation d’agir équitablement comporte deux volets, soit le droit d’être entendu et le droit à une audition impartiale.

[34] Même si les allégations de la demanderesse étaient tenues comme avérées, elles ne sont pas suffisantes pour démontrer que la DG n’a pas suffisamment donné l’occasion à la demanderesse d’être entendue ou qu’elle s’est fondée sur des préjugés ou qu’elle a fait preuve de partialité.

[35] Dans son ensemble, la demande présente les mêmes observations et éléments de preuve qui avaient été présentés à la division générale. La demanderesse cherche à plaider sa cause de nouveau devant la division d’appel.

[36] Une fois que la permission d’en appeler a été accordée, le rôle de la DA consiste à déterminer si une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDSa été commise par la DG et, si c’est le cas, de fournir un redressement pour corriger cette erreur. En l’absence d’une telle erreur susceptible de contrôle, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. Le rôle de la DA n’est pas de reprendre de novo l’instruction de l’affaire. C’est dans ce contexte que la DA doit déterminer, au stade de la permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[37] J’ai lu et examiné soigneusement la décision de la DG et le dossier. Il n’est aucunement prétendu par la demanderesse que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision. La demanderesse n’a relevé aucune erreur de droit, pas plus qu’elle n’a signalé de conclusions de faits erronées que la DG aurait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle en est arrivée à sa décision.

[38] Pour qu’il y ait une chance raisonnable de succès, la demanderesse doit expliquer en quoi la division générale a commis au moins une erreur susceptible de révision. La demande présente des lacunes à cet égard et je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[39] La demande est refusée.

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