Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1]   Le 21 décembre 2015, la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accordé la permission d’en appeler au motif d’un manquement à la justice naturelle, d’erreurs de droit et de conclusions de fait erronées. La décision de la division générale (DG) faisant l’objet de l’appel porte sur le refus d’accorder à l’appelante un délai supplémentaire pour interjeter appel devant la DG.

[2] Le Tribunal a sollicité les observations des parties sur le mode d’audience, sur la pertinence d’en tenir une, ainsi que sur le bien-fondé de l’appel.

[3] L’intimée a déposé des observations, dans lesquelles elle recommande, dans l’intérêt de l’équité procédurale et de la justice naturelle, que l’affaire soit renvoyée à la DG pour être instruite sur la question de fond, à savoir la répartition de la rémunération.

[4] L’appelante a déposé des observations dans lesquelles elle plaide que des erreurs ont été commises dans la section « Preuve » de la décision de la DG.

[5] Cet appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. L’absence de complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. L’exigence, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[6] En l’espèce, la tenue d’une audience devant la DA n’est pas nécessaire.

Questions en litige

[7] Il s’agit de déterminer si la DG a commis un manquement au principe de justice naturelle en arrivant à sa décision d’après une erreur de droit ou une conclusion de fait erronée, ou en fondant sa décision sur une de celles-ci. 

[8] Il faudra également déterminer s’il convient, pour la DA, de rejeter l’appel, de rendre la décision que la DG aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la DG pour réexamen, ou encore de confirmer, d’infirmer ou de modifier la décision de la DG.

Droit applicable et analyse

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La permission d’en appeler a été accordée au motif que l’appelante avait exposé des motifs se rattachant aux moyens d’appel énumérés et que l’un de ces motifs au moins conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, plus précisément le motif se rattachant au moyen d’appel prévu à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

[11] Voici plus précisément ce qu’indiquait la décision accordant la permission d’en appeler :

[22] Bien que la DG ait fait référence à l’affaire Larkman, elle ne semble pas s’être demandé si une prorogation de délai servirait l’intérêt de la justice. La division générale semble plutôt avoir appliqué de façon machinale les facteurs établis dans l’affaire Gattellaro, ce qui constituerait une erreur de droit le cas échéant. En outre, je trouve préoccupant le fait que la division générale ait conclu de façon aussi sommaire que l’appel n’était pas fondé.

[23] Les observations de la demanderesse au sujet des conclusions de fait erronées, soit que la DG a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve concernant des communications sauf un appel incomplet, aucun élément de preuve de l’intention constante de la part de la demanderesse de poursuivre l’appel et aucune explication raisonnable pour le retard nécessitant un examen plus approfondi. Ces conclusions semblent ne pas concorder avec le dossier de la division générale tel que présenté aux paragraphes [3] à [5] ci-dessus.

[24] L’affirmation de la demanderesse selon laquelle la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle nécessite également un examen plus approfondi.

[25] La Cour fédérale, dans sa récente décision Canada (P.G.) c. Bossé, 2015 CF 1142, a indiqué que la question de la justice naturelle, plus particulièrement un manquement à l’équité procédurale, avait un effet déterminant sur une demande de contrôle judiciaire relativement au refus de la part de la division d’appel d’accorder la permission d’interjeter appel. La Cour critique certains formulaires du Tribunal, ainsi que les directives fournies aux requérants/appelants dans les formulaires et sur son site Web. La Cour fédérale a établi qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale dans la façon dont le Tribunal avait traité la demande de M. Bossé.

[26] Je remarque que l’avis d’appel devant la division générale est daté du 4 novembre 2014 et a été estampillé le même jour par le Tribunal. L’avis d’appel a été déposé auprès de la division générale du Tribunal dans le délai d’appel prévu et des documents totalisant dix pages étaient joints à l’avis d’appel, mais une copie de la décision de révision n’y figurait pas et la case C (motifs d’appel) n’avait pas été remplie. Dans une lettre datée du 21 novembre 2014, le Tribunal a demandé à l’appelante de fournir une copie de la décision de révision et les motifs d’appel [traduction] « sans délai », ce qu’elle a fait le 5 décembre 2014.

[27] La lettre du Tribunal datée du 21 novembre 2015 avertissait la demanderesse que si l’information manquante n’était pas fournie [traduction] « dans le délai indiqué », il lui faudrait alors demander une prorogation du délai d’appel.

[28] Bien que j’aurais pensé que les renseignements fournis le 5 décembre 2014 avaient été transmis « sans délai » et « dans le délai indiqué », la demanderesse a été tenue de déposer une demande de prorogation de délai et de fournir une explication pour le retard. Elle s’est conformée à ces exigences.

[29] Dans ces circonstances, il y aurait lieu d’envisager la possibilité que le traitement de l’appel de la demanderesse devant la division générale n’ait pas respecté les principes d’équité procédurale.

[30] Relativement aux moyens d’appel invoquant la possibilité d’un manquement à la justice naturelle de la part de la division générale, ainsi que des erreurs de droit et des conclusions de faits erronées tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[12] L’intimée note que l’appel, quoiqu’incomplet, n’a pas été déposé en retard devant la DG par l’appelante, et que cette dernière s’est conformée aux demandes du Tribunal et a soumis promptement les documents et les renseignements nécessaires. De plus, l’intimée soutient que l’affaire devrait être renvoyée à la DG pour être instruite sur le fond.

[13] La décision de la DG indiquait ce qui suit :

La demande de révision a été rejetée le 6 octobre 2014. La prestataire a interjeté appel auprès du Tribunal le 5 décembre 2014. Il n’y a aucun élément de preuve concernant des communications qui auraient eu lieu avec la prestataire ou de la part de celle-ci durant la période du 6 octobre au 5 décembre 2014.

Cette conclusion de fait était erronée. L’appelante a déposé son avis d’appel auprès de la DG le 4 novembre 2014, dans le délai d’appel prévu. Dix pages de documents étaient jointes à l’avis d’appel.

[14] La DG a affirmé, concernant l’explication raisonnable au délai, que [traduction] « [l]a prestataire n’a fourni aucune preuve justifiant le dépôt tardif de son appel devant le Tribunal. » Cette conclusion de fait était également erronée. L’appelante a toujours maintenu que sa demande n’était pas en retard. Elle a fourni promptement les renseignements manquants à la suite de la demande du Tribunal à cet effet, et la série des événements explique le retard pour compléter la demande.

[15] La DG a ensuite refusé d’accorder à l’appelante un délai supplémentaire en appliquant machinalement les facteurs de l’arrêt Gattellaro (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Gattellaro, (2005) CF 883). Il s’agit d’une erreur de droit.

[16] La DG a conclu que l’appelante n’avait pas de cause défendable. Cependant, aucune analyse n’a été faite sur le fond du litige. La DG a simplement affirmé que [traduction] « la cause de la prestataire n’était pas défendable ». Une décision doit être étayée par des motifs compréhensibles et suffisamment détaillés, et fondée sur l’explication logique qui en découle. Ce n’était pas le cas de la décision de la DG sur cette question.

[17] Par conséquent, la décision de la DG était fondée sur des conclusions de fait erronées que la DG a tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. De plus, la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle, nommément l’équité procédurale.

[18] Le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS prescrit les pouvoirs de la DA :

La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[19] À la lumière des observations des parties, de mon examen de la décision de la DG et du dossier d’appel, j’accueille l’appel. Puisque cette affaire n’a pas été instruite sur le fond et que les parties pourraient devoir présenter des éléments de preuve, il convient qu’une audience soit tenue devant la DG.

Conclusion

[20] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la DG du Tribunal pour réexamen.

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