Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 20 mars 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’Appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 14 avril 2015.  Permission d’en appeler a été accordée le 22 juin 2015.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait en personne pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelant était absent mais représenté par Sylvain Bergeron. L’Intimée était représentée par Luce Nepveu.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en fait et en droit en concluant que l’Appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’Appelant soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • Dès le départ, la division générale a démontré qu’elle rejette les affirmations de l’Employeur et de l’Appelant à l’effet qu’il s’agit d’un congédiement et non d’un départ volontaire;
  • En aucun cas, le témoignage direct de l’Appelant n’a été cité alors qu’il apportait une nuance essentielle au dossier; À lire la section analyse du jugement de la division générale, il faut croire que l’Appelant n'était pas présent;
  • La division générale n’explique pas pourquoi elle rejette le témoignage de l’Appelant et donne priorité au témoignage d’une tierce personne qui n’était pas présente lors de la discussion entre l’Employeur et l’Appelant;
  • Un témoignage direct a plus de valeur probante qu'un ouï-dire provenant d'une déclaration non-signée d'une tierce personne;
  • Lorsque les éléments de preuve sont équivalents, le bénéfice du doute doit être accordé au prestataire aux termes de l’article 49(2) de la Loi;
  • La division générale se contredit au paragraphe 36 lorsqu'il dit que le prestataire aurait dû discuter pour évaluer une réduction d'heures alors que dans la preuve présentée, l’Appelant a justement expliqué que cette discussion avait déjà eu lieu avec l'Employeur; Ceci démontre une partialité flagrante.
  • Le dossier servant de preuve nous démontre clairement que la décision a été rendue sur une entrevue téléphonique ou l'agent donne la vision de la Commission et ne demande jamais au prestataire de donner sa propre version des faits.

[9] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelant:

  • La division générale n’a pas erré ni en droit ni en fait et elle a correctement exercé sa compétence;
  • L’Appelant était présent et a pu donner sa version des faits. La division générale a rendu une décision relevant de sa compétence et la décision n’est manifestement pas déraisonnable à la lumière des éléments pertinents de la preuve;
  • Le Tribunal avait à se prononcer sur une question d’appréciation des faits. Or, les tribunaux ont, à maintes reprises, affirmés que le conseil arbitral (maintenant la division générale) est celui qui est le mieux placé pour évaluer la preuve et la crédibilité et qu’ils ne peuvent substituer leur opinion à la sienne à moins que l’ensemble de la preuve ne pouvait raisonnablement lui permettre d’en arriver à la décision prise;
  • Bien que le congédiement pour inconduite et le départ volontaire s'avèrent des notions abstraites distinctes, celles-ci n'en relèvent pas moins des mêmes dispositions de la Loi. Dans l'un et l'autre cas, le prestataire a agi d'une manière telle qu'il a perdu son emploi. Ces deux notions sont reliées en toute logique du fait qu'elles visent toutes deux une situation où la perte d'emploi est la conséquence d'un acte délibéré de l'employé;
  • Comme la question de droit en litige concerne une exclusion au titre du paragraphe 30(1) de la Loi, la conclusion du conseil arbitral ou du juge-arbitre peut reposer sur l'un ou l'autre des deux motifs d'exclusion dans la mesure où elle s'appuie sur la preuve. Cela ne cause aucun préjudice au demandeur parce qu'il sait qu'on cherche à obtenir une exclusion du bénéfice des prestations et qu'il connaît très bien les faits à l'origine de la demande d'ordonnance d'exclusion;
  • Dans le présent cas, c’est l’Appelant qui a demandé une modification de son horaire de travail, mais sa décision était déjà prise. Il a fait le choix d’aller suivre son cours;
  • Les conseils arbitraux ne sont pas liés par les règles de preuve strictes qui s'appliquent devant les tribunaux criminels ou civils et ils peuvent recevoir et retenir la preuve par ouï-dire;
  • Dans la présente affaire, les faits ne sont pas contestés. Autant le prestataire que l’employeur sont d’accord avec le fait que le prestataire a demandé une modification à son horaire de travail afin de suivre un cours. L’employeur a refusé les modifications demandées et il importe peu que les faits aient été obtenus directement de l’employeur ou de sa conjointe, qui s’est présentée comme son associée et dont le nom figurait au relevé d’emploi;
  • Le rôle de la division d’appel se limite à décider si l'appréciation des faits par la division générale était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier;
  • La division générale a bien évalué la preuve et sa décision est bien fondée.

Normes de contrôle

[10] L’Appelant n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’Intimée soumet que la norme de contrôle applicable à la décision d’un conseil arbitral et d’un juge-arbitre relativement à des questions de droit est la norme de décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240 et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable. Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[12] Bien que le mot « appel » soit utilisé dans l'article 113 de la Loi (anciennement l'article 115 de la Loi) pour décrire la procédure introduite devant la division d’appel, la compétence de la division d’appel est pour l'essentiel identique à celle qui était anciennement conférée aux juges-arbitres et qui est conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. La procédure n'est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit - Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253.

[13] Le Tribunal est d’avis que le degré de déférence que la division d’appel devrait accorder aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le degré de déférence qui était accordé aux décisions des anciens conseils arbitraux en appel, devant un juge-arbitre en matière d'assurance-emploi.

[14] La Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Chaulk c. Canada (PG), 2012 CAF 190, Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[15] Les faits au dossier sont relativement simples.

[16] L’Appelant a travaillé pour Plomberie J. B. & Fils Inc. du 13 juin 2013 au 3 octobre 2014. Au dépôt de sa demande, il a indiqué avoir été congédié. Il s’est inscrit à un cours d’entrepreneur en construction. L'horaire de ce cours est de soir et un samedi sur deux, il a donc avisé son employeur qu’il aimerait terminer à 4 heures et qu’il ne pouvait plus être sur appel la fin de semaine.

[17] L’Appelant a parlé au propriétaire le lundi matin et le lundi à 5 heures il lui a dit qu’il le congédiait. L’Employeur a été contacté et a indiqué que l’Appelant avait été congédié parce qu'il ne voulait plus respecter l'horaire de travail. Cette restriction à l'horaire ne convenait plus à l'Employeur qui a décidé de mettre un terme au lien d'emploi. L’Appelant a été contacté à son tour. Lorsque questionné sur la possibilité de renoncer à sa formation lorsqu’il a su que l’Employeur ne voulait pas l’accommoder avec l’horaire demandé, l’Appelant a indiqué qu’il ne pouvait pas renoncer à sa formation, il l’avait planifiée depuis longtemps, à part le fait qu’il ne l’avait pas encore dit à son employeur.

[18] En appel, l’Appelant soulève que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il avait offert à son employeur de prolonger sa journée jusqu’à 16h00-16h30 afin de conserver son emploi et que son employeur avait accepté avant de changer d’idée. Il plaide qu’il n’a pas quitté son emploi mais qu’il a été congédié et que son employeur a par la suite regretté son geste. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte des nuances dans son témoignage et que l’Intimée ne lui a pas donné l’opportunité de donner sa version des faits.

[19] Le Tribunal est d’avis que l’Intimée a eu amplement l’opportunité de donner sa version des faits soit, dans le questionnaire au soutien de sa demande (GD3-9, GD3-10), lors d’une entrevue téléphonique en date du 7 novembre 2014 (GD3-19), lors d’une entrevue téléphonique de révision en date du 18 décembre 2014 (GD3-25) et lors de l’audience devant la division générale.

[20] Même en tenant compte des nuances apportées par l’Appelant, la preuve démontre que l’Appelant avait décidé depuis un bon moment de suivre un cours de formation et qu’il a proposé un changement d’horaire à son employeur lequel n’a pas été accepté.

[21] L’employeur, après avoir initialement accepté les heures modifiées par l’Appelant, a manifestement révisé sa position car il a le même jour congédié l’Appelant au motif qu’il ne pouvait plus respecter son horaire de travail. Que l’employeur ait par la suite regretté son geste ne change pas le fait que l’Appelant a effectivement perdu son emploi.

[22] Il ressort clairement de la preuve que c’est l’Appelant, et non l’employeur, qui a initié la perte de l’emploi car il n’était plus en mesures de respecter son horaire de travail. L’Appelant aurait très bien pu conserver son emploi n’eût été de son choix de suivre une formation.

[23] C'est donc à tort que l’Appelant tente de porter le débat sur la question de savoir qui, de l'employeur ou de l’Appelant, a pris l'initiative. Un employé qui informe son employeur qu'il est moins disponible qu'auparavant invite à toutes fins utiles l'employeur à mettre fin au contrat si l'employeur ne peut s'accommoder de la disponibilité réduite de l'employé. Le congédiement n'est alors que la sanction de la cause réelle de la perte d'emploi, soit la décision de l'employé de poursuivre sa formation dans des conditions qui ne lui permettent plus d'être disponible. Le congédiement n'est en fait que la conséquence logique de l'acte délibéré de l'employé et ne saurait faire oublier qu'il y a eu, d'abord et avant tout, départ volontaire de l'employé - Canada (PG) c. Côté, 2006 CAF 219.

[24] En conséquence, c’est à bon droit que la division générale a appliqué la jurisprudence constante de la Cour d’appel fédérale selon laquelle le fait pour un prestataire de quitter volontairement son emploi pour retourner aux études ou suivre une formation ne constitue pas une "justification" au sens des articles 29 et 30 de la Loi Canada (PG) c. King, 2011 CAF 29, Canada (PG) c. MacLeod, 2010 CAF 201, Canada (PG) c. Beaulieu, 2008 FCA 133, Canada (PG) v. Caron, 2007 CAF 204, Canada (PG) c. Côté, 2006 CAF 219, Canada (PG) c. Bois, 2001 CAF 175.

[25] La Cour d’appel fédérale a répété à maintes reprises qu'il est de l'essence même du régime d'assurance-emploi « que l'assuré ne crée pas ou n'accroisse pas délibérément le risque » -Smith c. Canada (PG), (C.A.), 1997 CanLII 5451. L'Appelant dans le présent dossier a manifestement créé le risque et il ne peut faire supporter au fonds d’assurance- emploi le poids économique de sa décision.

[26] Le Tribunal en vient à la conclusion que les éléments de preuve présentés n’étayent pas les motifs d’appel invoqués ni aucun autre motif d’appel possible. La décision de la division générale repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et il s’agit d’une décision raisonnable qui est conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[27] Rien ne justifie l’intervention du Tribunal.

Conclusion

[28] L’appel est rejeté.

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