Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Le représentant de l’appelant, Monsieur Don Mercer, a assisté à l’audience par téléconférence. Monsieur Mercer a confirmé être prêt à procéder en l’absence de l’appelant.

Introduction

[1] Le 15 octobre 2015, l’appelant a présenté une demande de prestations ordinaires d’assurance-emploi en indiquant qu’il n’avait eu d’autre choix que de quitter son emploi le 18 août 2015 à cause de conditions de travail dangereuses.

[2] Le 2 novembre 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) lui a refusé la demande de prestations ordinaires parce qu’il n’avait pas démontré qu’il avait été fondé à quitter son emploi.

[3] Le 12 novembre 2015, l’appelant a demandé une révision de la décision de la Commission. Le 12 décembre 2015, la Commission lui a indiqué qu’elle maintenait sa décision.

[4] Le 14 janvier 2016, l’appelant en a appelé à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[5] L’audience fut tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  2. Le mode d’audience doit respecter les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale à savoir qu’il doit procéder de façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[6] Le membre doit décider si l’appelant a démontré qu’il était fondé à quitter son emploi le 18 août 2015, et s’il devrait être inadmissible aux prestations en conformité avec les articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Droit applicable

[7] L’article 29 de la Loi se lit comme suit :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi, la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. i. d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. ii. de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. iii. De continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. i. harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. ii. nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. iii. discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. iv. conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. v. nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. vi. assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. vii. modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. viii. excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. ix. modification importante des fonctions,
    10. x. relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. xi. pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. xii. discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. xiii. incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. xiv. toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[8] Le paragraphe 30(1) de la Loi stipule que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[9] Le paragraphe 30(2) de la Loi précise que l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[10] L’appelant est un mineur de fond qui a quitté son emploi après sa première période de service (29 juillet 2015 au 18 août 2015) parce que le plancher de la mine présentait plusieurs endroits instables et inondés. Il a précisé que des collègues avaient été coincés et qu’ils avaient dû être secourus. De plus, il y avait eu plusieurs blessures à ce site et d’autres collègues avaient démissionné. Il n’avait pas discuté des conditions dans la mine avec ses supérieurs ni avec quiconque parce que la mine était en activité depuis plusieurs années déjà et qu’il n’avait pas accès à ses supérieurs qui ne se trouvaient pas sur le site. La mine se trouvait à deux jours de chez lui, dans les Territoires du Nord-Ouest (TNO). Il avait cherché du travail auprès d’autres compagnies minières (GD3-16).

[11] L’employeur a avisé la Commission que les conditions de travail y étaient normales pour cette industrie; il n’a pas eu connaissance de mineurs qui avaient dû être secourus et que les représentants de la sécurité se trouvaient sur le site. L’appelant a affirmé que cet emploi ne lui convient tout simplement pas (GD3-17).

[12] Le 2 novembre 2015, la Commission n’a pas réussi à parler avec le 'appelant. Elle a déterminé que l’appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification parce qu’il avait d’autres solutions raisonnables (GD3-19).

[13] Le 12 novembre 2015, l’appelant a requis une révision de la décision de la Commission en expliquant que l’anxiété et le stress qu’il ressentait causés par les conditions dangereuses le rendaient incapable de retourner au travail (GD3-21).

[14] L’appelant a affirmé à la Commission ne pas avoir discuté avec le représentant de la sécurité du site. L’appelant a indiqué à la Commission que la mine avait dû fermer depuis ce moment-là à cause des problèmes d’eau. La Commission a fait remarquer à l’appelant qu’au moment où il avait démissionné en août, l’employeur affirmait qu’il n’y avait aucun problème. De plus, puisqu’il n’avait pas consulté un médecin au sujet de son anxiété et de son stress avant de démissionner, il n’avait pas démontré qu’il avait épuisé toutes les solutions raisonnables. La décision initiale avait été maintenue (GD3--23 à GD3-27).

[15] La preuve documentaire présentée par l’appelant comprenait une nouvelle provenant de la CBC le 5 décembre 2015, à savoir que l’employeur avait fermé la mine des TNO à cause des mauvaises conditions du marché et qu’il avait [traduction] « minimisé un autre facteur : le ruissellement des eaux souterraines naturelles plus important que prévu dans ses travaux miniers. » L’article cite le PDG de l’employeur : « ce que plusieurs d’entre vous ignorent peut-être, quoique certains le savent, c’est que nous entreposons de grandes quantités d’eau sous terre... depuis un certain temps déjà ». Il cite de plus « en plus de constituer un danger pour les travailleurs, cette eau excédentaire... » (GD2-9).

[16] À l’audience, le représentant de l’appelant a affirmé que le travail minier ne posait aucun problème à l’appelant et qu’à son embauche dans les TNO, ce dernier avait présumé de la sécurité de la mine. En arrivant, il a constaté la présence de l’eau, il a entendu parler des autres mineurs qui avaient dû être secourus et de ceux qui avaient démissionné. Il avait de bonnes raisons de craindre pour sa vie.

[17] Il ne fait partie d’aucun syndicat; il n’y avait donc personne avec qui discuter des conditions de travail ni auprès de qui déposer une plainte ou un grief. Le représentant de la santé et sécurité au travail ne pouvait pas aborder la question de l’eau. La crainte et le stress de l’appelant constitueraient un danger pour lui-même et pour autrui. Il n’avait eu accès à aucun médecin sur le site de la mine avant de démissionner.

[18] Selon le représentant de l’appelant, la preuve documentaire démontre que le PDG de la compagnie était au courant des problèmes d’eau et savait que les conditions de travail étaient dangereuses; ce qui ajoute à la crédibilité des déclarations du prestataire. L’appelant ne redoutait pas le travail en lui-même, mais redoutait sincèrement les conditions de travail.

Observations

[19] L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. Il est un mineur qui a 10 ans d’expérience; il est prêt à travailler, cependant il n’a jamais affronté de telles conditions de travail sous-terre. Ces conditions dangereuses ont ajouté à l’inquiétude normalement associée à ce genre d’emploi – il ne craint pas le travail, mais il craint pour sa vie dans ces conditions. Il a démissionné parce qu’il souffre d’anxiété, de stress et qu’il craint pour sa vie; il n’avait d’autre solution que de démissionner.
  2. La preuve documentaire démontre que la situation était intolérable et que l’appelant était justifié de démissionner quand il l’a fait. Le PDG de l’entreprise a lui-même invoqué la présence de grandes quantités d’eau sous la terre depuis un certain temps; il a même avoué que les conditions représentaient un danger pour les travailleurs.

[20] L’intimée a fait valoir les arguments suivants :

  1. initialement, il a été déterminé que l’appelant n’avait pas été justifié de quitter son emploi parce qu’il n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à lui, notamment de discuter de son inquiétude avec le représentant de la sécurité du site.
  2. la preuve documentaire au sujet des conditions de travail de l’appelant, présentée depuis au Tribunal, soutient la décision de ce dernier de quitter son emploi. Par conséquent, l’intimée concède cette question.

Analyse

[21] Selon les articles 29 et 30 de la Loi, un prestataire qui quitte volontairement son emploi doit être exclu du bénéfice des prestations, à moins qu’il puisse établir qu’il était fondé à agir ainsi.

[22] Le membre reconnaît qu’il existe un principe bien établi selon lequel un prestataire est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable, aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi - Patel [A-274-09], Bell [A-450-95], Landry [A-1210-92], Astronomo [A-141-97], Tanguay [A-1458-84]).

[23] Le membre a d’abord tenu compte du fait qu’il incombait à la Commission de démontrer que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. En l’espèce, les éléments de preuve incontestés indiquent que l’appelant a quitté son emploi le 18 août 2015 (GD3-16).

[24] Le fardeau de la preuve se déplace alors vers le prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (White, A-381-10 et Patel, A-274-09). En l’espèce, l’appelant s’est déchargé de ce fardeau pour les raisons suivantes : il a fourni des éléments de preuve pour démontrer qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi quand il l’a fait, aux termes des alinéas 29c)(iv) de la Loi sur l’AE.

[25] Le membre a d’abord examiné les circonstances auxquelles réfère l’alinéa 29c) et a décidé si l’une de ces circonstances existait au moment où le prestataire a quitté son emploi. Selon la jurisprudence, il faut déterminer si les circonstances étaient présentes à ce moment précis (Lamonde A-566-04). En l’espèce, l’appelant a soutenu avoir quitté son emploi minier à cause de conditions de travail sous terre dangereuses créées par la présence de grandes quantités d’eau (inondations) et par l’instabilité du sol. Il craignait pour sa vie; et souffrait d’anxiété et de stress à l’idée de retourner travailler dans ces conditions après sa période de service de deux semaines. Il avait le sentiment de n’avoir d’autre choix que de démissionner.

[26] Par conséquent, le membre a pris en considération le sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi sur l’AE, qui stipule que le prestataire est fondé à quitter son emploi s’il n’avait pas d’autre solution que le départ, compte tenu de toutes les circonstances, y compris l’existence de conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

[27] Le membre est d’accord avec les deux parties, à savoir que la preuve démontre que les conditions de travail constituaient un danger pour la santé et la sécurité de l’appelant et que sa crainte pour sa vie était justifiée. De plus, le membre conclut que l’appelant n’avait d’autre solution que de démissionner pour les raisons suivantes. Premièrement, la situation était volatile — les commentaires du PDG portent à croire que cette mine n’était pas sécuritaire pour les travailleurs, ce qui donne de la crédibilité aux dires de l’appelant. De plus, l’appelant avait indiqué à la Commission que des travailleurs s’étaient trouvés pris sous terre et que le taux de roulement des effectifs était élevé à cause des conditions de travail. Deuxièmement, étant donné l’emplacement éloigné de la mine, l’appelant n’ayant qu’un accès limité à ses supérieurs, n’ayant aucun accès à un médecin, ne faisant partie d’aucun syndicat pour le représenter, de tenter de se trouver du travail auprès d’autres employeurs dans cette région ne constituait pas une solution raisonnable. Troisièmement, comme il appert à l’activité continue de la mine alors que son PDG était au courant des conditions dangereuses pour le travailleur, l’employeur ne semblait pas enclin à faire des accommodements ou à modifier l’environnement de travail. Le membre est donc d’accord avec l’appelant qu’il aurait été futile de discuter avec le représentant de santé et sécurité au travail, à ce moment-là.

[28] Compte tenu des circonstances, le membre conclut par conséquent que l’appelant a démontré qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionner aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE.

[29] Le membre conclut que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi le 18 août 2015, et que, par conséquent, ce dernier ne devrait pas être inadmissible aux prestations, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

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