Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions et mode d’audience

[1] Le Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence le 8 décembre 2015 pour les motifs énoncés dans l’avis d’audience daté du 21 octobre 2015, soit en raison de l’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires et du fait que l’appelant est représenté.

[2] L’appelant, Monsieur M. M. était présent et représenté par Monsieur Sylvain Bergeron de L.A.S.T.U.S.E (Lieu d’Actions et de Services Travaillant dans l’Unité avec les Sans Emplois) du Saguenay.

[3] Était également présente, Madame Christine Miron, stagiaire à L.A.S.T.U.S.E.

[4] La Commission intimée ne s’est pas présentée à l’audience.

Introduction – exposé des faits et procédures

[5] L’appelant a fait établir une période de prestations prenant effet le 21 juillet 2013 (GD3-2 à GD3-14) après avoir cessé de travailler le 19 juillet 2013 (GD3-15).

[6] La Commission a appris la fermeture officielle effectuée par l’employeur et le versement par celui-ci de montants de préavis et d’indemnités. La Commission a déterminé que les sommes reçues par l’appelant constituaient une rémunération et les a réparties à compter du 6 avril jusqu’au 28 juin 2014 (GD3-26).

[7] L’appelant a présenté une demande de révision de la décision de la Commission de répartir la rémunération (GD3-28 à GD3-30). Décision que la Commission a maintenue (GD3-32 et GD3-33).

[8] L’appelant a porté cette décision en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale – division générale qui, le 18 février 2015, a conclu que la répartition de la rémunération avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »).

[9] L’appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la Division d’appel du Tribunal, permission qui a été accordée le 22 juin 2015. Par sa décision en date du 3 septembre 2015, la Division d’appel retourne le dossier à la Division générale pour une nouvelle audition, aux motifs que la décision rendue par la Division générale était basée sur des éléments sans preuve au dossier, que la Commission ne s’est pas objecté à ce que le dossier soit retourné à la Division générale et qu’elle pourrait ainsi ajouter les renseignements manquants.

[10] Le 23 septembre 2015, conformément à l’article 32 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le membre du Tribunal soussignée demandait à la Commission de fournir la provenance de certains renseignements supplémentaires sur lesquels elle s’est appuyée pour rendre sa décision.

Question en litige

[11] Les sommes reçues par l’appelant ont-elles été réparties conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »)?

Droit applicable

[12] L’article 35 du Règlement définit ce qu’est un revenu et l’article 36 du même Règlement indique la façon dont il doit être réparti, c'est-à-dire pendant quelle semaine on considère que cette rémunération a été gagnée par un prestataire. Les sommes reçues d’un employeur sont considérées comme une rémunération et doivent être réparties à moins d’être visées par les exceptions prévues par l’article 35(7) du Règlement.

[13] L’article 36(9) du Règlement se lit comme suit: « Sous réserve des paragraphes (10) à (11), toute rémunération payée ou payable au prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d'emploi, de sorte que la rémunération totale tirée par lui de cet emploi dans chaque semaine consécutive, sauf la dernière, soit égale à sa rémunération hebdomadaire normale provenant de cet emploi. »

Preuve

Preuve au dossier

[14] L’appelant a cessé de travailler pour l’employeur PF Résolu le 19 juillet 2013 en raison d’un manque de travail (GD3-15).

[15] La Commission dit avoir appris, à partir du site internet de Radio-Canada, que l’employeur Produits Forestiers Résolu annonçait la fermeture de la scierie de Saint-Fulgence (GD3-18 et GD3-19).

[16] Le 28 mai 2014, un protocole d’entente est intervenu entre « PF résolu Canada Inc., scierie St-Fulgence » et « le Syndicat des salariés de la scierie St-Fulgence (C.S.D.) », touchant les possibilités d’emploi suite à la fermeture permanente de l’usine St-Fulgence et le versement d’une indemnité spéciale de fin d’emploi pour les salariés « encore à l’emploi en date de la fermeture permanente le 9 avril 2014 » (RGD3-2 à RGD3-5).

[17] Apparaît au dossier, un document manuscrit intitulé « Produits Forestiers Résolu – Scierie St-Fulgence/ Préavis et Indemnité », portant le nom de l’appelant et l’inscription des montants de 6 408$ comme préavis et de 4 750$ comme indemnité. Ce document porte la signature et la date «L. G. 18 août 2014 » (GD3-23 à GD3-25).

[18] Daté du 10 septembre 2014, un rapport d’un agent de la Commission indique une décision sur les sommes versées par PFR St-Fulgence, provenant d’un conseiller en expertise opérationnelle de la Commission (GD3-21 et GD3-22).

[19] La rémunération hebdomadaire moyenne de l’appelant a été établie à 983,01$ (GD3-16).

[20] Dans la décision transmise à l’appelant, la Commission détermine qu’il a reçu 11 158$ à titre d’indemnité de cessation d’emploi provenant de l’employeur, que ce montant est considéré comme un revenu et réparti de ses prestations du 6 avril au 28 juin 2014. Il en résulte que le taux hebdomadaire de prestations de l’appelant est maintenant de 501$ au lieu de 500$ (GD3-26).

[21] La décision de la Commission de répartir les sommes reçues, a créé un trop-payé de 3 500$ (GD3-27).

[22] L’appelant a déclaré (GD3-28 à GD3-31) :

  1. Qu’il avait signé une entente avec Monsieur L. G. le 28 mai 2014 pour les huit (8) semaines de préavis (6 408$) qu’il a reçu le 26 juin 2014. Pour le REER de 4 750$, il l’a reçu en septembre 2014. Lorsqu’il a reçu cet argent, il était au travail depuis le 2 juin à la Mil Davie.
  2. Il avait reçu une offre pour aller travailler dans un autre site, offre qu’il a refusé. Il a signé l’entente pour recevoir ses semaines de préavis et son indemnité. Ce n’est pas la même situation pour tous les employés.

[23] Le 11 février 2015, le représentant de l’appelant dépose au dossier un document intitulé « Programme spécial d’indemnité de départ » (GD5-2) signé par l’appelant et Monsieur L. G., superviseur ressources humaines, le 28 mai 2014 et par lequel il est convenu que l’appelant quitte la compagnie le 28 mai 2014 en contrepartie d’une prime d’indemnité s’élevant à 4 750$ qui sera versée dans un REER. Ce document est accompagné de la première page d’un autre, intitulé « Démission et quittance » (GD5-3).

Preuve à l’audience de l’appelant

[24] Lors de l’audience, la preuve apportée par l’appelant a permis d’ajouter ce qui suit.

[25] Les faits tels que relatés au dossier et les sommes reçues par l’appelant ne sont pas contestés. L’appelant reconnait que ces sommes doivent être réparties selon l’article 36(9) du Règlement mais que la répartition doit se faire à compter de la date de cessation d’emploi. Le litige est de savoir à quelle date le lien d’emploi a été rompu et l’appelant prétend que la fin d’emploi ou la rupture du lien d’emploi est survenue le 28 mai 2014.

[26] Un protocole d’entente a été signé par l’employeur et les employés et il doit en être tenu compte tel qu’il est écrit et non selon l’interprétation qu’en fait la Commission. La Commission se base sur une annonce de fermeture d’usine pour déterminer la date où doit débuter la répartition de la rémunération reçue.

[27] Il est important de se référer à l’affaire Cantin (2008 CAF 192) parce que les faits sont similaires à la présente affaire. Cette affaire indique que la rupture du lien d’emploi a lieu à la signature de la démission et quittance.

[28] Même s’il manque la dernière page du document « Démission et Quittance » produit au dossier comme pièce GD5-3, ce document a été signé en même temps que le document GD5-2

« Programme spécial d’indemnité de départ » et en même temps que le protocole d’entente intervenu le 28 mai 2014 (RGD3-2 à RGD3-5). Le représentant de l’appelant s’engage à faire parvenir au Tribunal la page manquante. L’employeur, en signant ces documents, approuve ce qui y est écrit et reconnait que le lien d’emploi a été rompu le 28 mai 2014. La répartition des revenus ou des sommes reçues par l’appelant doit se faire à compter du 28 mai 2014.

[29] Comme il ne restait qu’une (1) ou deux (2) semaines à la période de prestations de l’appelant, la Commission ne peut réclamer plus que ce qui restait à courir de cette période de prestations.

[30] La véritable fermeture de l’usine a commencé en juillet 2013 par des mises à pied temporaires. Certains employés ont cessé de travailler en septembre 2013. L’employeur n’a jamais envoyé d’avis de fermeture à ses employés. La Commission s’est basée sur une annonce faite aux médias.

Arguments des parties

[31] L’appelant a fait valoir que :

  1. On lui a déjà dit que c’était lorsqu’on signait l’entente que cela prenait effet pour l’assurance- emploi.
  2. Il y a eu une erreur sur la date de fin du lien d’emploi. Le cœur du problème est la date de fin du lien d’emploi et non la date de fermeture.
  3. La Commission refuse la définition de cessation d’emploi que la jurisprudence a analysée dans l’affaire Canada (PG) c. Cantin 2008 CAF 192 ainsi que l’analyse segmentaire de l’article 36(9) du Règlement effectuée dans la décision GE-13-1194 du Tribunal.
  4. En cas de doute, l’interprétation doit favoriser les prestataires comme l’a défini la Cour Suprême du Canada.
  5. La révision ne s’est pas prononcée sur la réclamation pour laquelle il n’a jamais reçu d’avis sauf un état de compte du centre de recouvrement.

[32] La Commission intimée a soutenu que (GD4-1 à GD4-7, RGD3-1):

  1. Une vérification avait été faite auprès de l’employeur et les montants payables sont versés en raison de la fermeture de l’entreprise.
  2. L’appelant a été informé que les montants ont été versés en raison de la fermeture de l’entreprise Produits Forestiers Résolu St-Fulgence qui a eu lieu dans la semaine débutant le 6 avril 2014 et cela peu importe la date du versement et s’il a été transféré dans un REER.
  3. Les sommes versées par un employeur en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi doivent être réparties en vertu de l’article 36(9) du Règlement. C’est la raison du versement et non pas la date de celui-ci qui détermine à quel moment il doit être réparti.
  4. La rémunération liée à la fin d’emploi est considérée comme étant payée ou payable en raison du licenciement ou de la cessation d’emploi et doit être répartie à compter de la date où s’est produit l’événement qui a donné lieu au versement de la somme. Le montant versé dans un REER ne modifie pas la nature de la rémunération ni le fait que celle-ci était payable immédiatement.
  5. La Commission a déterminé que les sommes que l’appelant recevait à titre d’indemnité de cessation d’emploi en raison de la fermeture de l’entreprise constituaient une rémunération aux termes de l’article 35(2) du Règlement. Le motif du paiement de cette somme est la fermeture de l’entreprise dans la semaine du 6 avril 2014. La cessation d’emploi ou le licenciement de l’appelant et/ou la date de la fin du lien d’emploi est survenu dans la semaine du 6 avril 2014. Conformément à l’article 36(9) du Règlement, l’indemnité de cessation d’emploi a été répartie en se basant sur la rémunération hebdomadaire moyenne de l’appelant.
  6. Même si le protocole d’entente est signé en date du 28 mai 2014, les sommes versées par l’employeur l’ont été en raison de la fermeture permanente de l’usine qui a eu lieu le 9 avril 2014.

Analyse

[33] En premier lieu, il importe de rappeler les principes de la Loi mis en lumière par la jurisprudence.

[34] S’agissant de qualifier les montants reçus par des prestataires pour les fins d’application de l’article 36(9) du Règlement sur l’assurance-emploi, la Cour d’appel Fédérale a établi dans Canada (PG) c. Savarie A-704-95 (nos soulignés):

« À mon avis, un paiement est fait "en raison de" la cessation d'emploi au sens du texte lorsqu'il devient dû et exigible au moment où survient la fin de l'emploi, lorsqu'il est, pour ainsi dire, "déclenché" par l'écoulement du temps d'emploi, lorsque l'obligation qu'il vise à satisfaire n'était que virtuelle tant que se poursuivait l'emploi, et ne devait se cristalliser en devenant liquide et exigible qu'au moment seulement où prendrait fin l'emploi. Ce que l'on veut couvrir, c'est toute partie de rémunération qui devient due et exigible au moment où se termine le contrat de travail et commence l'état de chômage. Car s'il ne convient pas que les économies de l'employé, les argents qui sont déjà à lui, l'empêchent de bénéficier des dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage, en revanche, il semble n'être que normal que la rémunération à laquelle il a droit au moment de son départ soit prise en considération avant qu'il ne soit admissible à recevoir des prestations de chômage. Ainsi l'interprétation que j'attribue à l'expression "en raison de" après plusieurs arbitres correspond-t-elle à l'intention manifeste du législateur… »

[35] Dans l’affaire Canada (PG) c. Cantin 2008 CAF 192, qui présente des faits similaires à ceux du présent appel mais une question en litige différente, la Cour d’appel fédérale a considéré qu’un licenciement collectif ne constituait pas une cessation d’emploi au sens du paragraphe 36(9) du Règlement mais plutôt une mise à pied parce qu’il a été suivi d’une entente de versement de sommes par le paiement desquelles le défendeur abandonnait ses droits de rappel ainsi que son lien d’emploi. La Cour a considéré que la rupture définitive du lien d’emploi était survenue au moment de la signature de cette entente.

[36] Ces principes étant rappelés, le Tribunal passe à l’analyse au regard des faits mis en preuve et des moyens soulevés.

[37] L’appelant ne conteste pas et reconnait que les montants reçus de son employeur se qualifient de rémunération au sens de l’article 36(9) du Règlement. Ce qu’il conteste, c’est la date à partir de laquelle la Commission effectue la répartition de cette rémunération.

[38] Comme la nature des montants n’est pas remise en question, le Tribunal confirme que les sommes reçues par l’appelant constituent une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement qui doit être répartie conformément à l’article 36(9) de ce Règlement. Il s’agit donc de déterminer à compter de quel moment cette répartition doit être effectuée.

[39] La Commission soutient que l’appelant a reçu une indemnité de cessation d’emploi de 11 158$, en raison de sa cessation d’emploi survenue lors de la fermeture de l’usine de l’employeur le 9 avril 2014. La Commission insiste beaucoup pour situer la date de fin de l’emploi à la même date que la date de fermeture de l’usine.

[40] L’employeur n’a pas cessé toute activité le 9 avril 2014, il a fermé un de ses secteurs d’exploitation. Il a été mis en preuve qu’un protocole d’entente entre l’employeur et l’appelant a été signé le 28 mai 2014. Par cette entente, l’employeur offrait des possibilités d’emploi à l’appelant en raison des besoins de main-d’œuvre dans ses autres secteurs d’activités.

[41] Il est prévu dans cette entente qu’advenant le cas où l’appelant serait relocalisé dans un autre secteur, il doit renoncer à l’indemnité de fin d’emploi spéciale prévue à l’article 7 de cette entente. Cet article 7 prévoit que pour les salariés qui ne bénéficieront pas d’un emploi dans un autre secteur de l’entreprise et « qui sont encore à l’emploi en date de la fermeture permanente », l’indemnité spéciale de fin d’emploi leur sera versée à condition que le salarié en question signe une entente individuelle « dont le modèle apparait à l’Annexe A des présentes » et qui prévoit notamment la démission de ce dernier et une renonciation et quittance à tous droits ou recours.

[42] Il s’agit de cette indemnité spéciale de fin d’emploi que l’appelant a reçu. Le Tribunal souligne que l’annexe A dont il est question ne lui a pas été produite par la Commission en même temps que l’entente mais l’a été par l’appelant qui a confirmé avoir signé tous ces documents le même jour, soit le 28 mai 2014.

[43] Il est bon de mentionner que l’appelant avait subi une mise à pied préalable. Aucune disposition législative ne permet de répartir les montants reçus par un prestataire à la suite de la cessation de son emploi sur une période suivant une mise à pied préalable. Le Règlement sur l’assurance-emploi parle, aux fins de répartir une rémunération, de cessation d’emploi ou de la date de fin d’emploi et la Cour d’appel fédérale a bien indiqué la différence à faire entre une mise à pied et une cessation d’emploi.

[44] Par les termes de l’entente conclue entre l’employeur et l’appelant, il est difficile de prétendre que la date de cessation d’emploi de l’appelant est survenue le 9 avril 2014. Si l’employeur y exigeait une démission et en faisait une condition pour le versement de l’indemnité spéciale, il faut conclure que le lien d’emploi n’était pas rompu à cette date. Dans le présent cas, la date de fermeture de l’usine n’est pas l’élément essentiel à considérer. Selon cette entente, même après la fermeture de l’usine, l’appelant conservait ce que le Tribunal considère comme un droit de rappel puisque l’employeur continuait l’opération de d’autres usines où l’appelant pouvait être relocalisé.

[45] C’est lorsque l’appelant a refusé l’offre faite par le biais du protocole d’entente, qu’il y a véritablement eu rupture du lien d’emploi ou cessation d’emploi au sens de l’article 35(9) du Règlement et cette rupture s’est concrétisée par la signature de cette entente le 28 mai 2014.

[46] Le Tribunal conclut qu’en vertu de l’article 36(9) du Règlement, la répartition de la rémunération reçue par l’appelant doit avoir lieu à compter du 28 mai 2014, date de la cessation d’emploi.

Conclusion

[47] L’appel est accueilli.

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