Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 4 février 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté la demande du demandeur visant à obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à l’encontre d’une décision de réexamen de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission).

[2] La Commission (défenderesse) avait déterminé que le demandeur avait perdu son emploi à la suite de sa propre inconduite. Le demandeur a présenté une demande de réexamen de la décision de la Commission. La Commission a maintenu sa décision initiale.

Contexte factuel

[3] La décision sur le réexamen a été datée le 21 juillet 2014; elle précisait que l’appelant avait 30 jours après avoir reçu cette décision pour déposer un appel.

[4] Le demandeur a déposé une « demande d’en appeler à la division d’appel » auprès de Service Canada le 11 août 2014. Le Tribunal a reçu ce document le 25 août 2014; il l’a traité comme un avis d’appel à la DG. Toutefois, cet avis d’appel a été considéré comme incomplet parce que la décision sur le réexamen n’y était pas jointe et que la date de réception de cette décision n’y était pas spécifiée.

[5] Dans une lettre datée le 27 août 2014, le Tribunal a requis du demandeur qu’il fournisse [traduction] « sans délai » la décision de révision et d’autres renseignements. Le demandeur a fait parvenir la décision sur le réexamen et d’autres renseignements au Tribunal; le timbre du Tribunal portait la date du 18 septembre 2014. Le Tribunal a traité le dossier de l’appel comme complet à compter du 26 septembre 2014.

[6] Dans une lettre datée du 26 septembre 2014, le Tribunal a informé le demandeur qu’il devait présenter une demande de prorogation du délai d’appel au plus tard le 26 octobre 2014 et qu’il devait expliquer par écrit en quoi sa demande couvrait chacun des points suivants :

  1. s’il avait une intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. si sa cause était défendable;
  3. si son retard avait été raisonnablement expliqué;
  4. si la prorogation du délai causait un préjudice aux autres parties.

[7] Le demandeur a répondu par voie de lettre datée laquelle renfermait de brèves déclarations relatives aux quatre points susmentionnés. Cette lettre a été estampillée par le Tribunal le 10 octobre 2014.

[8] Le 4 février 2015, la division générale a refusé d’accorder une prorogation du délai d’appel dans une décision écrite (décision de la division générale) qui a été communiquée au demandeur dans une lettre datée le 5 février 2015.

[9]   Le demandeur a reçu la décision de la division générale le 8 février 2015 et a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal le 4 mars 2015, soit dans le délai de trente jours prévu.

Question en litige

[10] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[11] En vertu des paragraphes 57(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel, dans le cas d’une décision rendue par la section de l’assurance-emploi de la division générale, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision. La division d’appel peut proroger le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler d’au plus un an après la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[12] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[13] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS indique que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[14] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Avant qu’une permission d’en appeler puisse être accordée, le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’un de ces motifs au moins confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[16] Le demandeur se fonde sur chacun des alinéas du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et soutient ce qui suit :

  1. La décision de la DG est fondée sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  2. Il a donné une explication raisonnable de son retard et il a présenté des arguments selon lesquels la cause était défendable.

[17] La décision de la division générale renvoie aux décisions Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, (2005) CF 883, Muckenheim c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), (2008) CAF 249, Canada (Procureur général) c. Larkman, (2012) CAF 204, Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, (2007) CAF 41 et Fancy c. Canada (ministre du Développement social), (2010) CAF 63.

[18] Toutefois, il ne suffit pas d’énumérer la jurisprudence et d’indiquer correctement le ou les critères juridiques; encore faut-il les appliquer correctement. La division générale se doit d’indiquer correctement le ou les critères juridiques et d’appliquer le droit aux faits. Elle se doit également de respecter les principes d’équité procédurale.

[19] Dans sa décision, la division générale a noté ce qui suit à la section intitulée Preuve :

[18] Le 21 juillet 2014, la Commission a avisé le prestataire que sa décision n’avait pas changé à la suite de sa demande de réexamen.

[19] Le 27 août 2014, le prestataire a déposé un appel incomplet auprès du Tribunal.

[20] Le 26 septembre 2014, l’appel du demandeur auprès du Tribunal était complet.

[20] La division générale a noté ce qui suit à la section intitulée Analyse :

[23] Le Tribunal estime que l’appel a été déposé en retard. Aucun élément de preuve ne démontre une intention constante de poursuivre l’appel ni une explication raisonnable pour le dépôt tardif.

Intention constante de poursuivre l’appel
[24]  La demande de révision a été rejetée le 21 juillet 2014. Le prestataire a porté appel auprès du Tribunal le 26 septembre 2014. Il n’y a aucun élément de preuve concernant des communications qui auraient eu lieu avec le prestataire ou de la part de celui-ci durant la période du 21 juillet 2014 au 26 septembre 2014. Il n’y a aucun élément de preuve pour montrer qu’il y a intention constante de poursuivre l’appel.

Cause défendable
[25] La prestataire n’avait pas une cause défendable.

Explication raisonnable du retard
[26] Le prestataire n’a fourni aucun élément de preuve pour expliquer le retard dans l’introduction de son appel devant le Tribunal.

Préjudice à l’autre partie
[27] La Commission n’a pas fourni d’élément de preuve pour ou contre un préjudice éventuel advenant qu’une prorogation du délai d’appel fût accordée. Toutefois, étant donné le court délai, un préjudice est peu probable.

[21] La division générale conclut sa décision en ces termes :

[28] Le prestataire n’a pas rempli trois des critères à satisfaire pour qu’un délai supplémentaire puisse être accordé. Il n’a pas montré une intention constante de poursuivre l’appel, sa cause n’était pas défendable, et il n’a pas fourni d’explication raisonnable pour son retard.

[29] La prorogation du délai pour interjeter appel est refusée.

[22] Bien que la division générale ait fait référence à l’affaire Larkman, elle ne semble pas avoir examiné si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. La division générale semble plutôt avoir appliqué de façon machinale les facteurs établis dans l’affaire Gattellaro, ce qui constituerait une erreur de droit le cas échéant. En outre, je trouve préoccupant le fait que la division générale ait conclu de façon aussi sommaire que l’appel n’était pas fondé.

[23] Les observations du demandeur au sujet des conclusions de fait erronées, soit que la DG a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve concernant des communications sauf un appel incomplet, aucun élément de preuve de l’intention constante de la part de la demanderesse de poursuivre l’appel et aucune explication raisonnable pour le retard nécessitant un examen plus approfondi. Ces conclusions semblent ne pas concorder avec le dossier de la DG tel que présenté aux paragraphes [3] à [8] ci-dessus.

[24] Je remarque que l’avis d’appel devant la DG est daté le 7 août 2014 et a été estampillé le 11 août 2014 par Service Canada. La demande a été reçue par le Tribunal le 25 août 2014. La décision de réexamen a été datée le 21 juillet 2014; elle précisait que l’appelant avait 30 jours après avoir reçu cette décision pour déposer un appel. La décision sur le réexamen ne serait parvenue à l’appelant que plusieurs jours plus tard si elle avait été envoyée par courrier ordinaire.

[25] Par conséquent, je conclus que l’avis d’appel avait été déposé auprès de la DG du Tribunal dans le délai prescrit de 30 jours, mais qu’il y manquait une copie de la décision sur le réexamen et nommément la date où elle a été reçue. Dans une lettre datée le 27 août 2014, le Tribunal a demandé à l’appelant de fournir une copie de la décision sur le réexamen [traduction] « sans délai », ce qu’il a fait le 18 septembre 2014.

[26] La lettre du Tribunal datée le 26 septembre 2014 prévenait que si une explication du retard à déposer l’avis d’appel n’était pas produite avant le 26 octobre 2014, le membre de la DG pourrait accorder ou refuser la demande de prorogation du délai en se basant sur l’information déjà au dossier.

[27] Le demandeur a répondu par voie de lettre laquelle renfermait l’information requise sur chacun des éléments. Cette lettre a été estampillée par le Tribunal le 10 octobre 2014.

[28] Dans ces circonstances, il y aurait lieu d’envisager la possibilité que le traitement de l’appel du demandeur devant la DG n’ait pas respecté les principes d’équité procédurale.

[29] Relativement aux moyens d’appel invoquant la possibilité d’un manquement à la justice naturelle de la part de la division générale, ainsi que des erreurs de droit et des conclusions de faits erronées tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[30] J’accorde, par conséquent, la demande de permission d’en appeler. Ce faisant, je souligne que la présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Conclusion

[31] La demande de permission d’en appeler est accordée.

[32] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et à présenter également leurs observations sur le bien-fondé de l’appel.

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