Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Demanderesse (prestataire) : L. D.

Représentante pour la défenderesse (Commission) : Carole Robillard

Introduction

[1] Le 3 février 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel à la DG pour une révision de la décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission).

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 17 février 2015 et la demande a été accordée le 18 septembre 2015.

[3] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’absence de complexité de la question soulevée en appel ;
  2. Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Les parties ont toutes deux soumis des observations écrites qui donnaient des arguments sur le fond en ce qui a trait à l’attribution des gains non déclarés.

Question en litige

[5] À savoir si la DG erra en droit, en fait ou a fait un manquement à un principe de justice naturelle en prenant sa décision et refusant une prorogation du délai à une demanderesse d’interjeter un appel à la DG.

[6] À savoir si la DG doit rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, ou encore confirmer la décision, l’annuler ou la modifier.

Droit applicable et analyse

[7] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur les MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] La permission d’en appeler a été accordée car l’appelante avait exposé des motifs correspondant aux moyens d’appel énumérés et qu’au moins un de ces motifs conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, en vertu des alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS.

[9] En particulier, la décision accordant la permission d’en appeler détaillait :

[12] Dans la décision refusant d’accorder une prorogation de délai, le membre a tiré la conclusion suivante :

[22] La demande de révision de l’appelante a été rejetée le 18 septembre 2014. La prestataire a fait appel de cette décision devant le Tribunal le 3 novembre 2014. Il n’y a aucune preuve de communications avec la demanderesse ou émanant de cette dernière du 18 septembre 2014 au 3 novembre 2014.

[13] L’accent mis est le mine et indique que le membre de la DG semble avoir mal interprété la date à laquelle l’appel avait déposé. Il s’agirait d’une erreur fondamentale, puisque l’appel devant la DG pourrait en fait ne pas avoir été déposé tardivement.

[14] Le membre de la DG s’appuie sur cette constatation pour conclure que la demanderesse n’a pas démontré une intention persistante de poursuivre l’appel.

[15] De plus, sans tirer de conclusions sur l’affaire à ce stade-ci, je note, sur la foi du dossier, que le membre de la DG a pu ne pas appliquer le bon critère à utiliser dans le cas d’une demande de prorogation de délai. Bien que la décision de la DG mentionne les facteurs de Gattellaro et que la considération première est celle de l’intérêt de la justice, le membre de la DG a fait la conclusion suivante :

[26] Le prestataire n’a pas rempli trois des critères à satisfaire pour qu’un délai supplémentaire puisse être accordé. Elle n’a pas manifesté une intention constante d’interjeter l’appel, n’a pas une cause défendable et n’a pas fourni une explication raisonnable pour son retard.

[16] Les facteurs de Gattellaro ont certes été mentionnés, mais il semble que la considération prépondérante de l’intérêt de la justice n’ait pas été appliquée. Si cela se confirme, il pourrait aussi en résulter un gain de cause en appel.

[17] Compte tenu de la possible erreur dans les conclusions de fait (tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments au dossier), d’une possible erreur de droit et de mon examen de la décision de la DG et du dossier, je suis convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[10] La défenderesse attesta que soit l’avis d’appel de la demanderesse avait été déposé tardivement à la DG ou qu’une prorogation aurait dû être accordée par la DG. Il n’en demeure pas moins que la demande n’a pas de chance raisonnable de succès sur le fond. Toutefois la DA devrait renvoyer l’affaire à la DG, car le cas présent n’a pas été décidé sur le fond.

[11] La demanderesse fit des observations sur l’impact d’avoir à repayer les trop-payés dus à une attribution des gains.

[12] La question en litige que je dois trancher est la décision de la DG de refuser une prorogation du délai. Il n’y a pas de décision de fond de la DG en ce qui a trait à l’attribution des gains.

[13] La DG conclut qu’il n’y avait pas d’intention constante de poursuivre l’appel car, il n’y avait pas d’éléments de preuve sur des communications de la demanderesse du 18 septembre 2014 (décision de révision) au 3 novembre 2014 (dossier d’appel complet). Cette conclusion est erronée. L’avis d’appel de la DG a été déposé le 10 octobre 2014 et une copie est au dossier. La version du 3 novembre 2014 de l’avis d’appel était la seconde copie envoyée au Tribunal et [traduction] “télécopié à l’origine le 10 octobre” est écrit à la main en haut du document du 3 novembre.

[14] La DG affirma que la demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve pour expliquer son retard à déposer l’appel devant le Tribunal. Cette conclusion est aussi erronée. La demanderesse continua de soutenir que sa demande n’avait pas été faite en retard.

[15] La DG a aussi jugé que la demanderesse n’avait pas une cause défendable. Cependant, il n’y a pas d’analyse du fond de l’affaire, seulement un commentaire superficiel [traduction] “la prestataire n’avait pas une cause défendable”. Les motifs devraient être compréhensibles, suffisamment détaillés et elles devraient étayer la décision. Les motifs, dans la décision de la DG, liés à la question en litige ne le sont pas.

[16] La DG appliqua de manière mécanique les facteurs Gattallero, supra, ce qui constitue une erreur de droit. Les conclusions de fait de la DG concernant l’intention constante et l’explication pour le délai sont erronnées.

[17] Par conséquent, la décision de la DG était basée sur des conclusions de fait erronnées qu’elle a rendues de façon abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments au dossier, et sur des erreurs de loi.

[18] Le paragraphe 59(1) de la Loi énonce les pouvoirs de la DA :

La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[19] À la lumière des observations des parties, de mon examen de la décision de la DG et du dossier d’appel, j’accueille l’appel. Comme cette affaire n’a pas été instruite sur le fond et il peut être nécessaire que les parties produisent des éléments de preuve, une audience devant la DG est appropriée.

Conclusion

[20] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale du Tribunal pour réexamen.

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