Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie et le dossier est retourné à la division générale pour une nouvelle audience auprès d’un membre différent uniquement sur les questions de la pénalité et de l’avis de violation.

Introduction

[2] Le 3 avril 2014, la division générale du Tribunal avait déterminé que :

  • La répartition de la rémunération a été établie en conformité avec les articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement);
  • Une pénalité a été imposée en conformité avec l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), l’appelante ayant fait une fausse déclaration en fournissant sciemment des renseignements faux ou trompeurs à la Commission;
  • Un avis de violation a été émis en application de l’article 7.1 de la Loi.

[3] L’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 9 octobre 2014. La permission d’en appeler lui a été accordée le 30 mars 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la question ou des questions portées en appel;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements additionnels
  • Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] Lors de l’audience, l’appelante était présente et l’intimée était représentée par Carol Robillard.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si le conseil arbitral a commis des erreurs de faits et de droit en déterminant que la rémunération avait été répartie conformément aux articles 35 et 36 du Règlement, que la pénalité était justifiée selon l’article 38 de la Loi et que l’avis de violation avait été donné conformément à l’article 7.1 de la Loi.

Arguments

[8] L’appelante a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • Le membre avait répété plusieurs fois qu’elle aurait dû savoir qu’elle devait déclarer sa rémunération. Elle affirme qu’il a n’a pas cessé de reformuler et de répéter sa question, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’en répondant au membre qu’elle ne savait pas qu’elle était tenue de déclarer sa rémunération, elle ne lui avait pas dit ce qu’il voulait entendre et qu’il allait continuer de la harceler jusqu’à ce qu’elle le fasse, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elle lui dise qu’elle avait sciemment fait une fausse déclaration au sujet de sa rémunération.
  • Elle affirme qu’elle n’oubliera jamais cette conférence téléphonique lors de laquelle elle a subi des comportements abusifs persistants. Elle n’avait pas su si elle toucherait une rémunération, mais elle aurait dû le savoir, et ainsi de suite; et cela s’est poursuivi. Elle soutient pour l’essentiel que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle.
  • Elle n’avait pas sciemment ou avec préméditation fait de fausse déclaration au sujet de sa rémunération. Elle a fait une déclaration véridique au moment où elle a déposé les relevés, lesquels reflétaient sa situation réelle.
  • Comme elle n’avait pas de connaissance subjective de la situation en cause, elle conteste la conclusion à laquelle la division générale en est arrivée au sujet de la question de la pénalité.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • Personne ne dispute le fait que l’appelante ait travaillé pendant sa période de prestations et qu’elle avait touché une rémunération de 502 993 Ontario Limited et de York Region District School Council entre le 26 juin 2011 et le 3 décembre 2011 (GD3-16 à GD3-19);
  • La conclusion de la division générale, à savoir que l’appelante avait travaillé et avait touché une rémunération de ces deux employeurs et à savoir que l’intimée avait correctement réparti cette rémunération, était raisonnable et compatible avec la preuve qu’elle avait acceptée
  • Selon la jurisprudence, une fois que la Commission a démontré, à partir de la preuve, que le prestataire a donné des réponses erronées à des questions très simples sur ses cartes de déclaration, le fardeau de la preuve se déplace et c’est au prestataire qu’il incombe d’expliquer pourquoi il a donné ces réponses incorrectes;
  • Le Tribunal a conclu que l’appelante avait sciemment mal rapporté les faits, soit qu’elle travaillait, bien que sur une base occasionnelle, et qu’elle toucherait une rémunération pour les journées où elle avait travaillé.
  • L’intimée soutient respectueusement qu’il était loisible à la division générale de tirer les conclusions de fait qu’elle a tirées, et que le Tribunal n’avait commis aucune erreur en rejetant l’appel sur cette question puisque la décision avait été raisonnable, conforme à la Loi et à la jurisprudence établie.
  • L’intimée soutient qu’elle avait exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire en vertu de l’article 7.1(4) de la Loi lorsqu’elle avait décidé d’émettre un avis de violation.
  • L’intimée reconnaît que la division générale n’avait pas tiré une conclusion de faits sur la question de l’avis de violation; elle demande à la division d’appel de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS;
  • Rien dans la décision de la division générale n’indique que cette dernière s’est montrée défavorable à l’égard de l’appelant ou qu’elle n’a pas fait preuve d’impartialité. Rien non plus ne prouve qu’il y a eu manquement aux principes de justice naturelle en l’espèce.

Norme de contrôle

[10] L’appelante n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée affirme que la norme de contrôle applicable pour les questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable Smith c. Alliance Pipeline Ltd, (2011) CSC 7; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, (2008) CSC 9.

[12] Les moyens d’appels énoncés à l’article 58 de la Loi sur le MEDS sont identiques à ceux auxquels devaient s’en tenir les anciens juges-arbitres de l’assurance-emploi conformément au paragraphe 115(2) de la Loi. Par conséquent, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale touchant la nature de l’appel et qui se rapporte aux anciens juges-arbitres de l’assurance-emploi est pertinente et persuasive.

[13] Le Tribunal est d’avis que le niveau de déférence que la division d’appel accorde aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le niveau de déférence qu’accordaient les juges-arbitres de l’assurance-emploi aux décisions rendues par les anciens conseils arbitraux. Un appel interjeté devant la division d’appel n’est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit Canada (Procureur général) c. Merrigan, (2004) CAF 253.

[14] Le Tribunal reconnaît que la Cour d’appel fédérale (CAF) a établi que la norme de contrôle applicable à une décision rendue par un conseil arbitral (maintenant la division générale) ou un juge arbitre (maintenant la division d’appel), concernant les questions de droit, est celle de la décision correcte Martens c. Canada (Procureur général), (2008) CAF 240, et que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable Dunsmuir c. New Brunswick, (2008) SCC 9, Canada (Procureur général) c. Hallée, (2008) CAF 159.

Analyse

[15] Personne ne dispute le fait que l’appelante ait travaillé pendant sa période de prestations et qu’elle avait touché une rémunération de 502 993 Ontario Limited et de York Region District School Council entre le 26 juin 2011 et le 3 décembre 2011 (GD3-16 à GD3-19). La décision de la division générale de maintenir la décision de l’intimée de répartir la rémunération de l’appelante est conforme aux articles 35 et 36 du Règlement et est fondée sur la preuve au dossier.

[16] L’appelante prétend cependant, qu’elle se rappellera toujours la téléconférence devant la division générale puisque le membre avait été abusif et avait répété de façon persistante qu’elle aurait dû savoir qu’elle devait déclarer sa rémunération. Elle soutient pour l’essentiel que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle.

[17] Le Tribunal a écouté attentivement l’enregistrement de l’audience devant la division générale; il est d’accord avec l’appelante que le membre de la division générale n’avait pas respecté un principe de justice naturelle. Le Tribunal conclut que le membre s’est comporté plus comme un défenseur de la partie intimée que comme un décideur impartial bien que sans avoir commis d’abus comme l’a prétendu l’appelante. Pendant l’audience, il a effectivement tenté de persuader l’appelante qu’elle aurait dû savoir qu’elle devait déclarer sa rémunération.

[18] La décision de la division générale indique qu’elle avait conclu que l’appelante avait sciemment mal rapporté les faits en remplissant ses cartes de déclaration sans prendre en compte les explications de l’appelante. En agissant de la sorte, la division générale semble avoir appliqué un critère objectif. Le tribunal conclut que la division générale n’a pas cherché à savoir si l’appelante avait une connaissance subjective que ses rapports des faits contenaient des faussetés.

[19] Afin d’imposer une pénalité à l’appelante, la division générale devait conclure, sur la prépondérance des probabilités, que l’appelante savait qu’elle faisait des déclarations fausses ou trompeuses. – Canada c. Purcell, A-694-94.

[20] À la lumière de cette conclusion sur la question de la pénalité, la décision de la division générale ne peut pas être maintenue.

[21] Pour toutes ces raisons mentionnées plus haut, le dossier sera retourné à la division générale en vue de la tenue d’une nouvelle audience devant un membre différent, mais seulement sur les questions de l’avis de violation et de la pénalité

Conclusion

[22] L’appel est accueilli en partie et le dossier est retourné à la division générale devant un membre différent pour une nouvelle audience uniquement sur les questions de la pénalité et de l’avis de violation.

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