Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 29 mai 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a refusé au demandeur de prolonger le délai prévu pour interjeter appel d’une décision, découlant de la révision, rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission).

[2] La Commission (intimée) avait déterminé que le demandeur avait quitté volontairement son emploi, n'avait pas fourni sont dernier relevé d'emploi ni les motifs de son départ. La Commission avait aussi imposé une pénalité et donné un avis de violation. Le demandeur a présenté, en dehors des délais prévus pour le faire, une demande de révision de la décision de la Commission. La Commission a maintenu sa décision initiale. Elle ne l'a pas révisée parce que la demande de révision était hors délai.

Contexte factuel

[3] La décision découlant de la révision était datée du 3 décembre 2014 et informait le demandeur qu’il avait trente jours après réception de la décision pour introduire un appel.

[4] Le 6 février 2015, le demandeur a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal. L'avis, auquel était joint une copie de la décision et une explication pour justifier le retard dans la présentation de l'avis d'appel, mentionnait qu'il avait reçu la décision découlant de la révision le 2 février 2015.

[5] Dans une lettre en date du 24 mars 2015, le Tribunal a informé le demandeur qu'il devait fournir les informations suivantes d'ici le 24 avril 2015.

Exposer les raisons les raisons pour lesquelles vous estimez avoir une cause défendable.

  1. il y a intention constante de poursuivre l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6] Il n'est pas clair, eu égard au dossier, si le demandeur a répondu à cette lettre.  Cependant, son avis d'appel, déposé en février 2015, comprenait une lettre de deux pages dans laquelle le demandeur expliquait, en première page, le retard dans le dépôt de l'avis d'appel et exprimait, en seconde page, pourquoi selon lui la cause était défendable.

[7] Le 29 mai 2015, la division générale a refusé d’accorder une prorogation du délai d’appel, dans une décision écrite (la décision de la DG) qui a été communiquée au demandeur dans une lettre en date du 1er juin 2015.

[8] Le demandeur a déposé, le 23 juin 2015, dans le respect du délai de trente jours, une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal.

[9] Le 2 décembre 2015, le Tribunal a demandé au demandeur de remplir la demande en donnant les motifs de son appel.  Le demandeur a répondu le 16 janvier 2016.

Question en litige

[10] La DA doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[11] Aux termes des paragraphes 57(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS ), la demande de permission d’ appeler d’une décision rendue par la DG de la section de l’assurance-emploi est présentée à la DA dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision, et la DA peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[12] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « la division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[13] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[14] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Pour accorder la permission, le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel et qu’au moins un de ces moyens a une chance raisonnable de succès.

[16] Le demandeur souhaite seulement « que justice soit rendue ».  Sa demande exige que l'appel soit jugé au fond et non sur la seule question du retard. Le demandeur a formulé des observations essentiellement sur le fond de la cause en appel devant la DG et non sur les erreurs qu’elle aurait commises en rendant sa décision.

[17] La décision de la DG fait référence aux affaires Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, Muckenheim c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2008 CAF 249, Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et Fancy c. Canada (Ministre du Développement social), 2010 CAF 63.

[18] Toutefois, il ne suffit pas de citer la jurisprudence et d’énoncer correctement le ou les critères juridiques; encore faut-il les appliquer convenablement. La DG se doit d’indiquer correctement le ou les critères juridiques et d’appliquer le droit aux faits.  Elle se doit également de respecter les principes d’équité procédurale.

[19] À la rubrique « Preuve » de sa décision, la DG a noté ce qui suit :

[14] [traduction]  Le 3 décembre 2014, la Commission a avisé le prestataire qu'elle maintenait sa décision. La Commission ne révisera pas sa décision bien que le prestataire puisse lui en faire la demande dans les trente jours suivant la date à laquelle le prestataire reçoit communication de la décision. Au moment de présenter sa demande de révision, plus de trente jours s'étaient écoulés depuis que la décision lui avait été communiquée. Selon la Commission, qui avait pris en considération les explications du prestataire au sujet de son retard dans le dépôt de sa demande de révision, la demande ne respectait pas les exigences du Règlement sur les demandes de révision.

[15]  Le 6 février 2015, le prestataire a interjeté appel devant le Tribunal. Le prestataire a déclaré, au soutien de son appel, que la lettre qui devait l'informer de la décision de la Commission ne lui était pas parvenue. Il a donc présenté sa demande en retard.

[20] À la rubrique « Analyse » de sa décision, la DG a mentionné ce qui suit  :

[18]  Le Tribunal estime que l’appel a été introduit en retard. Aucun élément de preuve ne démontre une intention constante des prestataires de poursuivre l’appel ni ne fournit une explication raisonnable pour l'introduction tardive de l'appel.

Intention constante de poursuivre l’appel

[19]  La demande de révision du prestataire a été rejetée le 3 décembre 2014. Le prestataire a porté la décision en appel auprès du Tribunal le 6 février 2015. Il n’y a aucune preuve de toute autre communication avec le prestataire ou émanant de celui-ci pendant la période du 3 décembre 2014 au 6 février 2015.

Cause défendable

[20]  Le prestataire n’avait pas de cause défendable.

Explication raisonnable du retard

[21]    Le prestataire n’a fourni aucun élément de preuve pour expliquer le retard dans l'introduction de son appel devant le Tribunal. Il a prétendu que la lettre d'avis avait été mal acheminée par courrier. Il n'a fait la preuve de problèmes de livraison entre le prestataire et la Commission dans aucune autre communication.

Préjudice à l’autre partie

[22]  La Commission n’a fourni aucun élément de preuve montrant qu’un délai supplémentaire causerait ou non un préjudice  à l’autre partie.

[21] La division générale a conclu en ces termes :

[23]  Le prestataire n’a pas rempli trois des critères à satisfaire pour qu’un délai supplémentaire puisse être accordé. Il n’a pas montré une intention constante de poursuivre l’appel, sa cause n’était pas défendable, et il n’a pas fourni d'explication raisonnable pour son retard.

[24]  La prorogation du délai pour interjeter appel est refusée.

[22] Bien que la DG ait fait référence à l’affaire Larkman, elle ne semble pas s’être demandé si une prorogation de délai servirait l’intérêt de la justice. La division générale semble plutôt avoir appliqué de façon machinale les facteurs établis dans l’affaire Gattellaro, ce qui, le cas échéant, constituerait une erreur de droit. En outre, je trouve préoccupant le fait que la division générale ait conclu de façon aussi sommaire que l’appel n’était pas fondé.

[23] Le demandeur a fourni par la suite des explications au sujet des délais. Le demandeur a joint à l'avis d'appel une lettre de sa part dans laquelle il déclarait : n'ayant reçu aucune réponse de la Commission (à sa demande de révision présentée en septembre 2014), il a fait le suivi avec l'agent de DRHC à qui il a parlé en janvier 2015.  L'agent a posté la décision découlant de la révision au demandeur (estampillée par le bureau de poste le 13 janvier 2015), qui l'a reçue le 2 février 2015.

[24] Par conséquent, les conclusions de la DG voulant que le demandeur n’ait fourni aucune preuve permettant de justifier les délais pour déposer son appel justifient un réexamen.

[25] Quant aux moyens d’appel invoquant la possibilité d’une erreur de droit et de conclusions de faits erronées tirées de façon abusive ou arbitraire par la DG et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[26] J’accueille, par conséquent, la demande de permission d’appeler.  Ce faisant, je souligne que la présente décision sur la demande de permission d’appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Conclusion

[27] La demande de permission d’appeler est accueillie.

[28] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et à présenter également leurs observations sur le bien-fondé de l’appel.

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