Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur S. L., était présent lors de l’audience téléphonique (téléconférence) tenue le 16 février 2016. Il était représenté par Me Gaël Morin-Greene, du cabinet Ouellet Nadon et associés, avocats/avocates, société en nom collectif.

Introduction

[2] Le 23 avril 2015, l’appelant a présenté une demande renouvelée de prestations ayant pris effet le 29 mars 2015. L’appelant a précisé demander des « prestations de maladie » (prestations spéciales). L’appelant a déclaré avoir travaillé pour l’employeur Aliments Krispy Kernels inc., du 23 février 2015 au 30 mars 2015 inclusivement, et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement ou d’une suspension (pièces GD3-3 à GD3-17).

[3] Le 29 juin 2015, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a avisé l’appelant qu’il n’avait pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi, à partir du 29 mars 2015, parce qu’il a cessé de travailler pour l’employeur Aliments Krispy Kernels inc., le 23 mars 2015, en raison de son inconduite (pièce GD3-23).

[4] Le 21 juillet 2015, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-24 et GD3-25).

[5] Le 28 août 2015, la Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit en date du 29 juin 2015 (pièces GD3-29 et GD3-30).

[6] Le 28 août 2015, la Commission a avisé l’employeur qu’elle maintenait la décision rendue à l’endroit de l’appelant en date du 29 juin 2015 (pièces GD3-31 et GD3-32).

[7] Le 2 octobre 2015, l’appelant, représenté par monsieur Denis Vigneault, de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (pièces GD2-1 à GD2-7).

[8] Le 7 octobre 2015, le Tribunal a informé l’employeur Aliments Krispy Kernels inc., que s’il souhaitait devenir une « personne mise en cause » dans le présent dossier, il devait déposer une demande à cet effet au plus tard le 22 octobre 2015 (pièces GD5-1 et GD5-2). L’employeur n’a pas donné suite à cette offre.

[9] Le 1er février 2016, Me Gaël Morin-Greene a informé le Tribunal qu’il allait comparaître dans le dossier de l’appelant (pièces GD6-1 à GD6-3).

[10] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que l’appelant sera la seule partie à assister à l’audience ;
  2. Le fait que l’appelant ou d’autres parties sont représentées ;
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent (pièces GD1-1 à GD1-4).

Question en litige

[11] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Droit applicable

[12] Les dispositions relatives à l’inconduite sont mentionnées aux articles 29 et 30 de la Loi.

[13] En ce qui concerne une « exclusion » du bénéfice des prestations d’assurance-emploi ou une « inadmissibilité » à celles-ci, les paragraphes 29a) et 29b) de la Loi prévoient que :

[…] Pour l’application des articles 30 à 33 : a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations; b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est  pas  assimilée  à  la  perte  d’emploi  la  suspension  ou  la  perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant […].

[14] Concernant une « exclusion » en raison d’une « inconduite » ou d’un « départ sans justification », le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit que :

[…] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas : a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage; b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[15] Relativement à une « exclusion non touchée par une perte d’emploi subséquente », le paragraphe 30(2) de la Loi précise que :

[…] L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[16] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 21 avril 2015, indique que l’appelant a travaillé pour l’employeur Aliments Krispy Kernels inc., du 23 février 2015 au 30 mars 2015 inclusivement et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement (code M – congédiement), (pièce GD3-18) ;
  2. Le 25 juin 2015, l’employeur a transmis à la Commission une copie de la lettre de congédiement adressée à l’appelant en date du 2 avril 2015 (pièce GD3-20). Dans cette lettre, l’employeur explique que l’appelant était absent du travail depuis le 24 mars 2015. Il y mentionne ne pas avoir été avisé de cette absence depuis le 30 mars 2015 et que celle-ci était toujours « sans autorisation ». L’employeur a indiqué à l’appelant qu’en vertu de l’article 8.07 de la convention collective en vigueur, il perdait son ancienneté et son emploi à compter du 2 avril 2015 (pièce GD3-20) ;
  3. Le 25 août 2015, l’employeur a déclaré qu’aucune rencontre n’avait été prévue avec l’appelant et le responsable des ressources humaines. L’employeur a expliqué que l’appelant recevait souvent des appels téléphoniques afin de discuter de questions personnelles pendant son temps de travail (ex. : discussions avec des avocats). L’employeur a précisé qu’aucune sanction n’était prévue à l’endroit de l’appelant pour des questions relatives à la violence dans le milieu de travail. L’employeur a expliqué avoir congédié l’appelant, en date du 2 avril 2015, à la suite de trois journées d’absence prises par celui-ci, les 30, 31 mars et 1er  avril 2015, sans qu’il n’ait motivé ces absences. L’employeur a expliqué que la clause 8.07 de la convention collective précise qu’après trois journées d’absence, un employé doit les motiver à l’aide d’une preuve médicale. L’employeur a souligné que l’appelant s’est déjà absenté pour des raisons médicales et qu’il connaissait les règles s’appliquant dans ce cas. Selon l’employeur, ça fait des années que l’appelant parle qu’il n’a pas sa carte d’assurance-maladie. L’employeur a souligné que l’appelant est reconnu pour être désorganisé et qu’il a un dossier important d’absentéisme et de retards. L’employeur a indiqué que l’appelant a beaucoup d’avis disciplinaires à son dossier. L’employeur a précisé que le motif du congédiement de l’appelant est l’absence de preuve médicale après sa période de trois jours sans s’être présenté au travail (pièce GD3-28) ;
  4. Le 14 février 2016, le représentant de l’appelant a transmis au Tribunal une copie des documents suivants :
    1. « Certificat de dépôt – Travail Québec » (convention collective), (pièce GD7-2) ;
    2. Extrait de la « Convention collective de travail – 2013-2018 » (pièces GD7-3 à GD7-7).  La clause 8.07 de la convention collective de travail à laquelle l’appelant est assujetti indique que : « Un salarié perd son ancienneté et son emploi dans les cas suivants : […] f) S’il y a absence pour une période de trois (3) jours ouvrables consécutifs sans en donner avis ou sans autorisation à moins de force majeure. » (pièce GD7-7) ;
    3. Relevé des frais de services de téléphonie de l’appelant auprès de l’entreprise Bell, en date du 8 avril 2015 (date de facturation). Ce document indique que l’appelant a communiqué, à trois reprises, avec son employeur le mardi 24 mars 2015 et une nouvelle fois le jeudi 26 mars 2015 (pièces GD7-8 et GD7-9) ;
    4. Certificat médical (« Maladies à caractère psychologique ») émanant de l’entreprise SSQ – Groupe financier, en date du 19 mai 2015 et indiquant que l’appelant a été en arrêt de travail au cours des périodes suivantes : 22 septembre 2014 au 19 octobre 2014, 20 octobre 2014 au 20 novembre 2014, 25 novembre 2014 au 22 décembre 2014, 28 décembre 2014 au 11 janvier 2015, 29 janvier 2015 au 15 février 2015 (pièce GD7-10).

[17] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelant a expliqué qu’il travaillait à titre d’électro mécanicien pour l’employeur Aliments Krispy Kernels inc., depuis 2000 ;
  2. L’appelant a déclaré s’être absenté du travail, pendant une partie de la journée du 23 mars 2015, au cours de son quart de travail (15 heures 00 à 23 heures 00), pour des raisons médicales.  Il a précisé avoir ensuite été absent, sans interruption, à partir du 24 mars 2015 (première journée d’absence complète) et qu’il a été congédié le 2 avril 2015. L’appelant a précisé avoir reçu sa lettre de congédiement, par huissier, le 2 avril 2015 (pièce GD3-20) ;
  3. L’appelant a déclaré avoir avisé son employeur le mardi 24 mars 2015 qu’il allait être absent du travail pour des raisons médicales. Il a indiqué avoir effectué trois appels téléphoniques, cette journée-là, et avoir laissé des messages pour signaler son absence. L’appelant a précisé avoir communiqué successivement avec la coordonnatrice de production, le coordonnateur de la maintenance, et l’ingénieur mécanique en leur laissant un message dans leur boîte vocale respective, afin de signaler son absence. L’appelant a précisé avoir signalé son absence environ 30 minutes avant le début de son quart de travail, le 24 mars 2015. Il a déclaré avoir à nouveau communiqué avec son employeur (coordonnatrice de production), le jeudi 26 mars 2015, pour l’aviser qu’il était toujours malade et qu’il allait s’absenter du travail pour une période indéterminée. L’appelant a spécifié avoir dit à la coordonnatrice de production, à ce moment, qu’il allait rencontrer son médecin et qu’il allait fournir une preuve médicale.  Il a indiqué que la coordonnatrice lui a alors dit que c’était correct (pièces GD3-22, GD3-26, GD3-27, GD7- 8 et GD7-9) ;
  4. L’appelant a expliqué avoir rencontré un médecin au début du mois d’avril 2015, mais ne pas lui avoir demandé de certificat médical, car il avait déjà été congédié le 2 avril 2015 (pièces GD3-20 et GD3-22). Il a indiqué avoir fait compléter un document pour ses assurances (pièce GD7-10).

Arguments des parties

[18] L’appelant et son représentant ont présenté les observations et les arguments suivants :

  1. L’appelant a expliqué avoir été congédié en raison de ses absences du travail, malgré le fait qu’il ait avisé son employeur à cet effet. Il a indiqué savoir qu’il devait présenter un certificat médical (billet du médecin), s’il s’absentait trois jours consécutifs ou plus, et qu’il connaissait la politique de l’employeur à cet effet. L’appelant a indiqué avoir expliqué à son employeur qu’il n’avait pas pu consulter un médecin les 23, 24 ou 25 mars 2015, et qu’il ne pouvait fournir un certificat médical, car sa carte d’assurance-maladie était échue. L’appelant a spécifié ne pas avoir de médecin de famille. Il a indiqué s’être présenté à l’urgence d’un établissement de santé et s’être alors fait dire qu’il devait d’abord avoir sa carte d’assurance-maladie. Il n’a pas été en mesure de rencontrer de médecin à ce moment. L’appelant a affirmé qu’il n’avait pas de preuve indiquant qu’il était dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales, mais qu’il était en « burn- out ». Il a mentionné avoir déjà été suspendu pendant deux jours pour s’être absenté du travail le 12 mars 2015 et avoir avisé son employeur un peu après le début de son quart de travail (pièces GD3-3 à GD3-17, GD3-22, GD3-26 et GD3-27) ;
  2. Il a indiqué qu’un grief a été déposé par le syndicat qui le représente dans le but de contester son congédiement. Il a précisé qu’il voulait reprendre son emploi (pièces GD2-3, GD3-3 à GD3-17, GD3-26 et GD3-27) ;
  3. L’appelant a affirmé avoir subi du harcèlement dans son milieu de travail et avoir déposé une plainte à cet effet auprès de son syndicat. Il a indiqué qu’il en avait assez de subir du harcèlement au travail et qu’en conséquence il avait quitté son emploi. L’appelant a mentionné que son employeur l’accusait de violence et qu’il voulait préserver l’intégrité de son dossier. Selon l’appelant, son congédiement avait été camouflé sous la forme d’un départ volontaire (pièces GD3-3 à GD3-17, GD3-22 et GD3-24) ;
  4. Me Gaël Morin-Greene, représentant de l’appelant, a fait valoir qu’en matière d’inconduite, le fardeau de la preuve appartient à la Commission et à l’employeur selon le cas ;
  5. Il a souligné que dans un cas d’inconduite, il doit y avoir un élément psychologique démontrant que l’acte reproché était volontaire. Il a rappelé que « pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. » l’acte reproché (Tucker, A-381-85), (pièces GD8-3 et GD8-4) ;
  6. Il a soutenu que l’explication donnée par la Commission voulant qu’en vertu de la politique de l’employeur, l’appelant « doit présenter un billet médical » au troisième jour d’absence était inexacte (pièce GD4-1). Le représentant a expliqué que dans sa demande de prestations, l’appelant a indiqué que l’employeur disposait d’une politique concernant les absences et qu’en vertu de cette politique, il devait présenter un billet médical pour son troisième jour d’absence, mais qu’il n’avait pas été en mesure de le faire, car il n’avait pas sa carte d’assurance-maladie au moment de faire sa consultation médicale (pièce GD3-9).  Le représentant a souligné que dans sa demande de prestations, l’appelant n’a pas indiqué qu’en vertu de la politique de l’employeur, il devait nécessairement présenter une preuve médicale après trois jours d’absence. Il a spécifié que la convention collective ne prévoit pas qu’un employé qui s’absente pour une période de trois jours ou plus, doive fournir une preuve médicale et que l’appelant pense y avoir « obéi à la lettre » (pièce GD7-7). Le représentant a précisé que l’article 8.07 de la convention collective indique que : « Un salarié perd son ancienneté et son emploi dans les cas suivants : […] f) S’il y a absence pour une période de trois (3) jours ouvrables consécutifs sans en donner avis ou sans autorisation à moins de force majeure. » (pièce GD7-7). Le représentant a fait valoir que l’appelant a avisé son employeur de son absence pour des raisons médicales et qu’il allait lui fournir une preuve à cet effet, conformément aux dispositions prévues à la convention collective. Il a souligné que l’employeur, après avoir été informé de l’absence de l’appelant, ne lui a pas demandé de lui fournir une telle preuve, mais a décidé de le congédier ;
  7. Le représentant a fait valoir que, contrairement à ce que l’employeur a affirmé, la convention collective ne prévoit pas qu’un employé qui s’absente pour une période de trois jours ou plus, celui-ci doit motiver son absence en fournissant une preuve médicale à cet effet (pièce GD3-28). Le représentant a souligné que cette règle est la même pour tous les employés et que l’employeur n’a jamais demandé à l’appelant de fournir, avant une date précise, une preuve médicale pour son absence (décision R. M. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSS DGAE 52), (pièces GD8-9 à GD8-27) ;
  8. Il a soutenu que les éléments de preuve présentés par la Commission ne correspondent en rien à un cas d’inconduite.  Le représentant a fait valoir que le libellé de l’article 8.07 de la convention collective ne démontre pas que si une preuve médicale n’est pas fournie pour une absence de trois jours ou plus, l’employé concerné est congédié. Il a souligné que la convention ne prévoit pas une telle mesure. Le représentant a indiqué que l’employeur n’avait pas de politique en ce sens et que les gestes de l’appelant ne constituent pas de l’inconduite, d’autant plus que celui-ci a annoncé son absence à son employeur en lui précisant qu’il allait lui fournir une preuve médicale (Lepretre, A-246- 10), (pièces GD8-5 et GD8-6) ;
  9. Le représentant a fait valoir que le cas de l’appelant démontre que l’on n’est pas en présence du caractère volontaire associé à l’inconduite. Il a expliqué que pour déterminer qu’il y a inconduite, il faut que la preuve soumise soit suffisamment circonstanciée pour établir que le comportement d’une personne était répréhensible. Le représentant a souligné que, dans le cas de l’appelant, la preuve présentée par l’employeur est plutôt vague et diffuse lorsque celui invoque la clause 8.07 de la convention collective (Joseph A-636-85), (pièces GD8-7 et GD8-8) ;
  10. Il a indiqué que la preuve soumise relate de nombreux arrêts de travail pour l’appelant et que ce n’est pas la première fois que celui-ci s’absente pour des raisons médicales (pièce GD7-10) ;
  11. Le représentant a soutenu que l’appelant n’a pas été en mesure de présenter une preuve médicale pour s’être absenté du travail à compter du 24 mars 2015 parce que celui-ci a eu un problème avec sa carte d’assurance-maladie. Il a fait valoir qu’il n’y avait pas de preuve claire voulant que l’appelant devait présenter à l’employeur une preuve médicale concernant son absence du travail, sans quoi il allait être congédié. Le représentant a expliqué qu’il n’y a eu aucune apparence de gradation dans les sanctions sur cette question qui a été présentée en preuve par la Commission ou l’employeur. Il a soutenu que rien ne permet de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’agit d’une inconduite. Selon le représentant, en vertu du paragraphe 49(2) de la Loi, le bénéfice du doute doit être accordé à l’appelant. Il a fait valoir que la version des faits de l’appelant est crédible et que le reproche de l’employeur n’est pas appuyé par la preuve, soit à partir d’une politique en vigueur dans l’entreprise voulant qu’il devait fournir une preuve médicale pour son absence, soit par un avis que l’employeur aurait pu lui transmettre à cet effet. Le représentant a souligné que l’appelant a proposé à son employeur de lui remettre un billet médical. Il a soutenu que l’analyse faite par la Commission est allée beaucoup trop loin dans son interprétation de la situation en affirmant que l’appelant savait qu’il y avait une politique claire et qu’il devait présenter une preuve médicale, alors que celui-ci n’a pas fourni une telle indication dans sa demande de prestations (pièces GD3-9 et GD4-4) ;
  12. Le représentant a soutenu que l’appelant n’a pas été congédié en raison de son inconduite.

[19] La Commission a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a expliqué que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Elle a précisé qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièces GD4-3 et GD4-4) ;
  2. La Commission a expliqué que l’appelant a été congédié parce qu’il s’est absenté du travail pendant trois (3) jours consécutifs et qu’il n’a pas présenté de preuve médicale pour justifier ses absences (pièces GD3-20 et GD3-28). Elle a souligné que dans la convention collective, il est bien indiqué qu’une preuve médicale est requise après trois (3) jours d’absence (pièce GD3-28). La Commission a indiqué que l’appelant a admis qu’il connaissait la politique de l’employeur, qu’il en avait pris connaissance et qu’il était au courant qu’après trois (3) jours d’absence, il devait motiver cette absence par un papier médical (pièces GD3-9 à GD3-12, GD3-22, GD3-26). Elle a précisé que l’appelant a déjà été en maladie antérieurement chez son employeur donc qu’il connaissait les règles lors d’absences (pièce GD3-28). Selon la Commission, l’appelant avait l’obligation de fournir une preuve médicale après trois (3) jours d’absence. Elle a soutenu que même si l’appelant a déclaré que sa carte d’assurance-maladie était expirée, rien de l’empêchait d’aller voir un médecin puisqu’il savait que son emploi était en jeu (pièce GD4-4) ;
  3. Elle a expliqué qu’en ne fournissant pas de preuve médicale après une absence de trois (3) jours, le comportement de l’appelant a mené directement à son congédiement et que celui-ci ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Selon la Commission, l’appelant a brisé le lien de confiance qui doit exister entre un employeur et un employé (pièces GD4-4 et GD4-5) ;
  4. La Commission a soutenu que le fait que l’appelant n’ait pas fourni une preuve médicale après une absence de trois (3) jours constituait de l’inconduite, au sens de la Loi parce qu’il devait raisonnablement savoir qu’il s’exposait à un congédiement puisqu’il connaissait la politique chez l’employeur en cas d’absence. Elle a évalué que l’appelant a agi de façon volontaire et délibérée, ce qui constitue de l’inconduite (pièce GD4-4) ;
  5. La Commission a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite (pièce GD4-5).

Analyse

[20] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que :

Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[21] Dans cette décision (Tucker, A-381-85), la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a rappelé les propos du juge Reed à l’effet que :

[…] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de  l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d'une intention délictuelle […].

[22] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a fait le rappel suivant :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à- dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[23] Dans l’arrêt McKay-Eden (A-402-96), la Cour a apporté la précision suivante : « À notre avis, pour qu’une conduite soit considérée comme une « inconduite » sous le régime de la Loi sur l’assurance chômage, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. ».

[24] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entrainer son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[25] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[26] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il incombe à l’employeur ou à la Commission de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[27] Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.

[28] Déterminer si la conduite d’un employé a entrainé la perte de son emploi constitue une inconduite est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

[29] Dans le présent dossier, les gestes reprochés à l’appelant, soit de s’être absenté du travail pendant trois journées consécutives ou plus, sans motiver ses absences à l’aide d’une preuve médicale, ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[30] Dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant, en date du 2 avril 2015, l’employeur a lui donné l’explication suivante :

Vous êtes absent du travail depuis mardi le 24 mars 2015. En  date d’aujourd’hui, nous constatons que cette absence est toujours sans autorisation. De plus, vous n’avez pas avisé l’employeur depuis le 30 mars 2015. […] Conséquemment, considérant votre absence prolongée, l’absence  de justification et l’absence d’avis, nous n’avons d’autres choix et ce, en conformité avec l’article 8.07 de notre convention collective, de vous annoncer que vous perdez votre ancienneté et votre emploi en date d’aujourd’hui […].

Caractère non délibéré du geste reproché

[31] En tenant compte du contexte particulier dans lequel le geste reproché à l’appelant a été commis, le Tribunal considère que ce geste ne revêtait pas un caractère délibéré ou intentionnel (Mishibinijima, 2007 CAF 36, McKay-Eden, A-402-96, Tucker, A-381-85).

[32] L’appelant a reconnu s’être absenté du travail à compter du 24 mars 2015 pour une période indéterminée.

[33] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelant au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié relativement aux événements ayant mené à son congédiement.

Avis donné à l’employeur

[34] L’appelant a apporté plusieurs éclaircissements concernant les démarches qu’il a effectuées afin d’aviser son employeur qu’il allait s’absenter du travail, pour une période indéterminée, à compter du 24 mars 2015.

[35] Le Tribunal estime que rien dans la preuve au dossier ne vient démontrer que l’appelant a manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Tucker, A-381-85, Lemire, 2010 CAF 314).

[36] Le Tribunal considère que l’appelant n’a pas négligé volontairement ou gratuitement les intérêts de son employeur ni fait preuve d’une intention délictuelle à son endroit (Tucker, A-381- 85).

[37] En effet, le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique que celui-ci a avisé son employeur, dès le 24 mars 2015, qu’il allait s’absenter du travail.  L’appelant a spécifié avoir successivement laissé des messages dans la boîte vocale de trois supérieurs de l’entreprise (coordonnatrice de production, coordonnateur de la maintenance et ingénieur mécanique).

[38] Le relevé d’appels téléphoniques fourni par l’appelant indique bien que trois appels ont été faits chez l’employeur la journée du 24 mars 2015 (pièces GD7-7 et GD7-9).

[39] Le Tribunal tient également pour avérée, l’affirmation de l’appelant selon laquelle il a de nouveau communiqué avec l’employeur, le 26 mars 2015, pour expliquer, cette fois, à la coordonnatrice de production, qu’il allait s’absenter, pour des raisons médicales, pour une période indéterminée.

[40] L’appelant a alors spécifié à la coordonnatrice de production qu’il allait fournir une preuve médicale après sa rencontre avec un médecin. L’appelant a aussi souligné que celle-ci lui a alors indiqué que son annonce ne posait pas de problème particulier, celle-ci lui ayant dit que « c’était correct ».

[41] La preuve documentaire soumise par l’appelant soutient également son affirmation voulant qu’il ait effectué un appel téléphonique chez l’employeur, en date du 26 mars 2015 (pièces GD7-7 et GD7-9).

[42] Dans ce contexte, le Tribunal considère que l’appelant a bien avisé l’employeur de son absence du travail à compter du 24 mars 2015 et que celle-ci n’était pas « sans autorisation » comme l’employeur l’a affirmé (pièce GD3-20).

Preuve médicale

[43] Dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant et dans les déclarations qu’il a faites à la Commission, l’employeur a invoqué l’application de la clause 8.07 de la convention collective des employés pour justifier le congédiement de l’appelant.

[44] L’employeur a précisé qu’en vertu de cette clause, après trois journées d’absence, un employé doit motiver celle-ci à l’aide d’une preuve médicale (pièce GD3-28).

[45] Le Tribunal ne retient pas l’argument de l’employeur voulant qu’après trois journées d’absence, un employé doive les motiver à l’aide d’une preuve médicale, en vertu de la clause 8.07 de la convention collective.

[46] Sur cet aspect, le représentant de l’appelant a très bien fait ressortir que la clause en question n’était pas aussi spécifique à cet égard et qu’elle ne fait pas en sorte d’exiger une preuve médicale après trois jours consécutifs d’absence.

[47] Il a fait valoir que le libellé de l’article 8.07 de la convention collective ne démontre pas l’existence, chez l’employeur, d’une politique en matière d’absentéisme voulant qu’un employé qui s’absente pour trois jours consécutifs ou plus, doive fournir une preuve médicale à cet effet (Lepretre A-246-10).

[48] La clause 8.07 de la convention collective de travail à laquelle l’appelant est assujetti précise que « Un salarié perd son ancienneté et son emploi dans les cas suivants : […] f) S’il y a absence pour une période de trois (3) jours ouvrables consécutifs sans en donner avis ou sans autorisation à moins de force majeure. » (pièces GD7-7).

[49] Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal est d’avis que l’appelant s’est conformé à l’exigence prévue à la convention collective en matière d’absentéisme. Le témoignage de l’appelant indique qu’il a avisé son employeur, le 24 mars 2015, qu’il allait s’absenter du travail et qu’il a ensuite obtenu son autorisation de s’absenter pour une période indéterminée, à compter du 26 mars 2015.

[50] Même si l’appelant a indiqué qu’il savait qu’il devait fournir une preuve médicale à son employeur pour une absence de trois jours consécutifs ou plus, rien ne démontre qu’il s’est opposé à une telle demande.

[51] Sur cet aspect, l’appelant a expliqué comment les circonstances avaient fait en sorte qu’il n’avait pas été en mesure de répondre immédiatement à la demande de l’employeur. Dans sa demande de prestations, l’appelant a également indiqué qu’il avait « respecté la politique de l’employeur concernant les cas d’absence » (pièce GD3-10).

[52] L’appelant a expliqué qu’il n’avait pas été en mesure d’obtenir le document demandé puisque sa carte d’assurance-maladie était expirée et qu’il n’avait pas pu effectuer sa consultation médicale. L’appelant a spécifié que lorsqu’il a été en mesure de consulter un médecin, au début du mois d’avril 2015, il avait été préalablement été congédié (pièce GD3-20).

[53] Le Tribunal ne retient pas l’argumentation de la Commission voulant que dans la convention collective, il est bien indiqué qu’une preuve médicale est requise après trois jours d’absence (pièce GD4-4).

[54] Le Tribunal ne souscrit pas non plus à l’analyse de la Commission selon laquelle en ne fournissant pas de preuve médicale après une absence de trois jours, le comportement de l’appelant avait mené directement à son congédiement et qu’il ne pouvait que s’en prendre qu’à lui-même (pièce GD4-4).

[55] Dans ce contexte, le Tribunal est d’avis que l’appelant a tenu compte des normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger de sa part (Tucker, A-381-85).

[56] Le Tribunal estime que l’appelant n’a posé aucun geste de nature à nuire aux intérêts de son employeur.

[57] Le Tribunal considère que le geste reproché à l’appelant n’était pas d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement. L’appelant ne pouvait savoir que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

Preuve recueillie par la Commission

[58] Le Tribunal rappelle que dans un cas d’inconduite, le fardeau de la preuve appartient à la Commission ou à l’employeur, selon le cas (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[59] Le Tribunal est d’avis que, dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe à cet égard (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

Cause du congédiement

[60] Le Tribunal considère que la preuve présentée démontre que l’appelant n’a pas été congédié en raison d’un geste qu’il aurait posé de manière volontaire et délibérée (Tucker, A- 381-85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[61] Le Tribunal estime que le geste qui lui a été reproché ne constitue pas de l’inconduite au sens de la Loi (Tucker, A-381-85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[62] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut et sur la preuve présentée, le Tribunal considère que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A-168-00).

[63] Le Tribunal conclut que l’appel est fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[64] L’appel est accueilli.

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