Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 11 décembre 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l’appel du demandeur à l’encontre de la décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) découlant de la révision. La Commission avait exclu le demandeur du bénéfice des prestations pour raison d’inconduite en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[2] Le demandeur a participé à l’audience de la DG, laquelle a été tenue par téléconférence, avec un membre de la famille pour l’aider.

[3] La décision de la DG a été envoyée au demandeur par une lettre datée du 14 décembre 2015.

[4] Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 12 janvier 2016, à l’intérieur du délai d’appel prescrit de 30 jours.

Question en litige

[5] La DA doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[6] Aux termes de l’article 57 et de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler doit être présentée à la DA dans les 30 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester.

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « la division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Il est mentionné dans la demande que la DG a accepté des éléments de preuve erronés et qu’elle a tiré des conclusions de fait erronées. Alors, le demandeur s’appuie sur l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[11] Le demandeur atteste particulièrement que les erreurs spécifiques étaient les suivantes :

  1. Il n’a pas fait de covoiturage; un ami le conduisait au travail et depuis le travail.
  2. Il n’était pas au courant des possibilités de covoiturage; le département des Ressources humaines (RH) aurait pu lui suggérer des options de covoiturage.
  3. Prendre l’autobus ne représentait pas une option viable.
  4. Un congé de 60 jours aurait pu résoudre ses problèmes de transport.
  5. Il a informé son employeur de ses absences; il a communiqué avec les RH les 12 et 13 février; le 17 février, il a transmis l’information qu’il n’irait plus travailler jusqu’à nouvel ordre en raison de ses problèmes de transport.
  6. Il était déraisonnable pour la DG de conclure qu’il était nécessaire pour lui d’appeler tous les jours pour signaler son absence, quand il avait déjà informé les RH de ses problèmes le 17 février.

[12] La question que devait trancher la DG concernait l’inadmissibilité pour inconduite imposée par la Commission après avoir déterminé que le demandeur avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[13] La DG a énoncé le droit applicable et la jurisprudence pertinente en se penchant sur la question d’inconduite. Elle a aussi correctement énoncé le droit applicable et la jurisprudence pertinente en ce qui concerne la « justification » pour quitter volontairement l’emploi. Les deux notions sont souvent reliées.

[14] La DG a mentionné que le demandeur avait témoigné à l’audience devant la DG. On retrouve, aux pages 4 à 10 de la décision de la DG, un résumé de la preuve au dossier, du témoignage livré pendant l’audience et des observations du demandeur.

[15] La décision de la DG précise [traduction] :

[28] Dans son témoignage, l’appelant admet maintenant s’être absenté du travail et ne pas avoir communiqué avec Global Electric pour les trois (3) jours cités par l’employeur, mais il soutient qu’il a été congédié et qu’il n’a pas quitté son emploi. Dans ses observations soumises en réponse, la Commission affirme que la décision d’imposer une exclusion à l’appelant a été prise parce que ce dernier possédait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où il l’a fait (GD4-7). Bien que la Commission reconnaît que la cessation d’emploi de l’appelant pourrait sembler être un congédiement pour inconduite, il a été congédié quand son employeur a cru qu’il abandonnait son emploi après trois (3) jours d’absence sans communication (GD4-9). Compte tenu des versions contradictoires sur les évènements, le Tribunal a considéré la jurisprudence ayant examiné l’article 30 de la Loi sur l’AE en des circonstances similaires.

[31] Le Tribunal conclut que l’appelant a travaillé comme prévu chez Global Electric le 11 février 2015. Il a appelé les RH le jour suivant (12 février 2015) pour les informer qu’il avait des problèmes de voiture et qu’il ne pourrait pas se rendre au travail ce jour-là (12 février 2015), mais qu’il y serait le jour suivant (13 février 2015). Il n’est pas contesté que l’appelant a quitté le lieu de travail à la fin de sa journée de travail le 11 février 2015, mais il n’y a pas de preuve qu’il a quitté son emploi à ce moment ni qu’il l’aurait fait volontairement. En effet, l’appelant communiquait avec son employeur, bien que de façon sporadique, entre le 12 février 2015 et le 17 ou le 18 février pour lui indiquer qu’il avait toujours des problèmes de voiture et l’informer des mises à jour quant à son retour éventuel au travail. Le Tribunal conclut que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que l’appelant avait quitté son emploi volontairement.

[32] Le Tribunal a ensuite évalué si l’appelant avait perdu son emploi avec Global Electric le 24 février 2015 en raison de sa propre inconduite.

Était-ce la conduite qui a mené au congédiement de l’appelant?

[33] L’appelant admet ne pas avoir été au travail à partir du 20 février 2015 et pour les trois (3) jours suivants, sans avoir communiqué avec son employeur à un quelconque moment pendant ces trois (3) jours consécutifs pour l’informer de son absence continue. L’appelant admet aussi qu’il a ensuite été congédié. D’après les déclarations de l’employeur faites pendant l’enquête de la Commission, et d’après la lettre de congédiement transmise à l’appelant, l’employeur a cru que l’appelant avait abandonné son emploi après ne pas s’être présenté sans communication pendant trois (3) jours consécutifs. Il a donc été congédié.

[34] Le Tribunal conclut que l’appelant a perdu son emploi chez Global Electric parce qu’il ne s’est pas présenté au travail comme prévu pendant trois (3) jours consécutifs sans en informer son employeur.

Cette conduite représente-t-elle une « inconduite » au sens de la Loi sur l’AE?

[35] Le Tribunal a évalué les déclarations du représentant de l’employeur en ce qui concerne le protocole de congé pour les employés de Global Electric; les politiques en milieu de travail de l’employeur relatives au congédiement, advenant que l’employé ne se présente pas au travail pendant trois (3) jours consécutifs sans communication (GD3-41); la confirmation de l’employeur de la réception des politiques et des rappels subséquents par l’appelant en lien au congédiement potentiel pour ne pas les respecter (GD3-42 à GD3-43, et GD3-52 à GD3-53). Le Tribunal a soulevé que l’appelant avait commencé à travailler chez Global Electric le 24 février 2014 seulement, et qu’il avait déjà pris congé pour régler ses problèmes de transport. Il est raisonnable de s’attendre à ce que l’appelant se souvienne de ce qu’on attend de lui quand il doit s’absenter du travail, et qu’un employé devait prendre les arrangements nécessaires avec les RH pour prendre un congé, bien que bref, et qu’il ne peut pas simplement s’absenter pour une période indéterminée et retourner au travail à une date future non spécifiée.

[36] Le Tribunal a ensuite évalué les diverses explications de l’appelant en ce qui concerne la durée de son absence du travail et le moment où il en a informé son employeur; ses suppositions que Juliana réglerait pour lui ses problèmes de transport, et simplement quitter et faire réparer sa voiture ou en trouver une autre et retourner au travail une fois que ce serait fait (voir le paragraphe 19 précédent); ses aveux d’avoir été absent pendant trois (3) jours consécutifs sans en informer son employeur.

[37] L’omission de se présenter au travail comme requis lors d’une date précise sans permission pourrait constituer une inconduite (décisions CUB 10125, 12421, 10437). De plus, un employé a l’obligation d’informer l’employeur des raisons expliquant pourquoi il ne se présente pas au travail à une certaine date, et l’omission de le faire peut certainement mener à la conclusion que le prestataire a perdu son emploi pour inconduite (décisions CUB 11982, 18712, 18006). Pour le cas en l’espèce, la nécessité pour l’appelant d’informer Global Electric en cas d’absence du travail est spécifiquement indiqué dans les politiques en milieu de travail (et dans l’entente collective qui régit l’embauche de l’appelant), et la Cour d’appel fédérale a tenu que la violation d’une politique en milieu de travail peut constituer une inconduite (Vo 2013 CAF 235).

[38] Le manuel sur la politique de l’entreprise Global Electric et d’autres informations sur les absences du travail avaient été remis à l’appelant, et ce dernier avait déjà pris un congé pour régler ses problèmes de transport. Le Tribunal conclut donc que la conduite de l’appelant de ne pas se présenter au travail comme prévu pendant trois (3) jours consécutifs sans en informer son employeur était d’une insouciance telle qu’elle frôlait le caractère délibéré, nuisible aux intérêts de l’employeur, et que l’appelant aurait dû savoir que cela pourrait mener à son congédiement.

[39] Le Tribunal conclut que l’omission de l’appelant de se présenter au travail comme prévu pendant trois (3) jours consécutifs sans en informer son employeur était une inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE.

[16] Les observations du demandeur reprennent essentiellement les faits qu’il avait soumis devant la DG.

[17] En ce qui concerne les erreurs spécifiques sur lesquelles le demandeur s’appuie, la DG a conclu que :

  1. l’appelant communiquait avec son employeur, bien que de façon sporadique, entre le 12 février 2015 et le 17 ou le 18 février pour lui indiquer qu’il avait toujours des problèmes de voiture et l’informer des mises à jour quant à son retour éventuel au travail;
  2. dans son témoignage, l’appelant admet avoir été absent du travail sans communiquer avec Global Electric pour les trois (3) jours cités par l’employeur;
  3. il n’a pas parlé de faire des arrangements de covoiturage avec son employeur parce qu’il vivait le plus loin dans la partie ouest (selon son témoignage pendant l’audience de la DG).

[18] La décision de la DG ne contenait pas de conclusions de fait en ce qui concerne le covoiturage. On y énonçait les éléments de preuve et les observations des parties concernant le covoiturage. Les observations faites dans la demande concernant le covoiturage avaient été faites par le demandeur lors de l’audience de la DG, et elles étaient mentionnées dans la décision de la DG. Il en est de même pour les observations du demandeur concernant le transport en autobus.

[19] La décision de la DG ne contenait pas de conclusions erronées quant à l’avis de l’appelant transmis à son employeur pour la période du 12 au 18 février 2015. On y indiquait qu’il avait communiqué avec son employeur pendant cette période.

[20] Quant à l’argument du demandeur comme quoi il était déraisonnable de la part de la DG d’avoir conclu qu’il lui était nécessaire d’appeler tous les jours pour signaler son absence quand il avait déjà avisé les RH de ses problèmes le 17 février, la preuve du demandeur présentée à l’audience de la DG constituait le fait qu’il croyait qu’après l’appel du 17 ou 18 février, les RH savaient qu’il ne reviendrait pas au travail avant de régler le problème, ce qui pourrait prendre du temps. La DG a tenu compte du témoignage du demandeur et de ses observations sur ce point, en plus de tenir compte des politiques de l’employeur et des autres éléments de preuve au dossier. Elle a conclu que [traduction] « ne pas se présenter au travail comme prévu pendant trois (3) jours consécutifs sans en informer son employeur était d’une insouciance telle qu’elle frôlait le caractère délibéré, nuisible aux intérêts de l’employeur, et que l’appelant aurait dû savoir que cela pourrait mener à son congédiement. » La DG est le juge des faits, et son rôle implique d’évaluer la preuve et de tirer des conclusions sur le fondement de son examen de la preuve. La conclusion de la DG comme quoi la conduite du demandeur était « d’une insouciance telle qu’elle frôlait le caractère délibéré » n’a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Ce n’était pas plus une erreur de droit.

[21] En termes de possibilités pour demander un congé à son employeur, la DG a affirmé [traduction] : « Dans ses documents d’appel (GD2 et GD2A), l’appelant nie le fait qu’un congé de 60 jours l’aurait aidé avec ses problèmes de transport » (paragraphe [18]) et « un congé de 60 jours n’aurait pas pu l’aider parce qu’il ne pouvait pas payer les réparations de sa voiture ni d’en acheter une autre » (observations du demandeur au paragraphe [22]). Le demandeur fait maintenant valoir qu’un congé de 60 jours pourrait avoir réglé ses problèmes de transport, ce qui est le contraire de la position qu’il prenait précédemment. Quoi qu’il en soit, je note que le demandeur n’a pas fait de demande de congé pour la période de février 2015 quand il avait des problèmes de transport. Par conséquent, ce ne peut pas être le motif sur lequel il fonde un appel à la DA.

[22] Si la permission d’en appeler est accordée, le rôle de la DA consiste à déterminer si la DG a commis une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et, si c’est le cas, de prévoir une réparation pour cette erreur. En l’absence d’une telle erreur susceptible de contrôle, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. Le rôle de la DA n’est pas de reprendre l’instruction de l’affaire. Dans ce contexte, la DA doit déterminer, au stade de la permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[23] J’ai lu et examiné soigneusement la décision de la DG et le dossier. Aucune preuve ne suggère que la DG n’a pas respecté un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision. Le demandeur n’a relevé aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée que la DG aurait pu formuler et qui aurait été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance pour en arriver à sa décision.

[24] Pour qu’il y ait une chance raisonnable de succès, le demandeur doit expliquer en quoi la DG a commis au moins une erreur susceptible de révision. La demande présente des lacunes à cet égard, et je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[25] La demande est refusée.

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