Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Représentante de l’appelante : Julie Meilleur

Introduction

[1] Le 30 mars 2013, le conseil arbitral a déterminé que des prestations d’assurance-emploi étaient payables.

[2] Une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel a été déposée le 21 mai 2013 et la permission d’en appeler a été accordée le 16 juin 2015.

[3] Cet appel a procédé sous la forme d’une audience par voie de téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou les questions en litige; et
  2. De la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible selon les critères des règles du Tribunal de la sécurité sociale en ce qui a trait aux circonstances, l’équité et la justice naturelle.

[4] L’audience a été fixée à 10h00 le 1er octobre 2015. Ni l’intimé ni l'employeur ne s’est présenté à l'audience. Comme le Tribunal n’était pas satisfait que l'intimé avait reçu l'avis d’audience, l'audience a été ajournée. Les parties ont été informés d’une nouvelle date d'audience : le 26 novembre 2015 à 11h30. Le Tribunal a reçu une confirmation de Poste Canada que l’intimé a reçu le deuxième avis d’audience par messager. Quand l’intimé ne s’est pas présenté à l’audience, le Membre de la division d’appel est resté en attente sur la ligne téléphonique pendant 20 minutes et a ensuite procédé en absence de l’intimé.

Question en litige

[5] Le Tribunal doit décider s’il devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, confirmer, infirmer ou modifier la décision.

Observations

[6] À l’appui de l’appel, l’appelante soumet que la décision du conseil arbitral est entachée d’une erreur de droit et de fait.

[7] L’intimé n’a pas soumis d’observations.

Le droit et l’analyse

Norme de contrôle

[8] Les observations de l’appelante sur la norme de contrôle sont :

  1. L’interprétation du terme « inconduite » constitue une question de droit et la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte; et
  2. La question de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison de l’inconduite est une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle est celle du caractère raisonnable.

[9] Le Tribunal retient que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision relativement aux questions de compétence ou de droit est la norme de la décision correcte – Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, cité par Atkinson Canada (PG), 2013 CAF 187. La norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable – Atkinson c. Canada (PG), 2013 CAF 187.

[10] Cependant, dans Canada (PG) c. Paradis; Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, la Cour d'appel fédérale a récemment suggéré que cette approche ne convient pas lorsque la division d'appel du Tribunal examine les appels des décisions d'assurance-emploi rendus par la division générale.

[11] Cette divergence apparente devra être résolue, mais l'affaire actuelle concerne un appel d’une décision d'un conseil arbitral et non d'une décision de la division générale. Pour ces raisons, je vais procéder sur la base que les arbitres ont faite: que la norme de contrôle applicable dépend de la nature des erreurs alléguées.

Dispositions législatives

[12] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel devant la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] Pour les fins de cette analyse, une décision du conseil arbitral est considérée être une décision de la division générale.

[14] La division d’appel du Tribunal doit être en mesure de déterminer, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, s’il existe une erreur de droit, de fait ou de compétence qui pourrait mener à l’annulation de la décision attaquée.

Décision du conseil arbitral

[15] La décision du conseil arbitral note :

Conclusion des faites [sic] et application de la loi

II n'y a pas de définition d'inconduite dans la Loi, mais la jurisprudence l'a toutefois définie ainsi: « Pour constituer de l'inconduite, l'acte reproche doit avoir été volontaire ou du moins procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement décide de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. (Tucker A-381-85)

Le Conseil arbitral doit donc décider si les actes reproches au prestataire sont des gestes d'inconduite.

L'employeur invoque que le prestataire n'était pas disponible pour le travail. Le prestataire a tout nié et a démontré lors de son témoignage qu'il était disponible pour le travail. II affirme que les « gestes reprochés » ont été mal interprétés et qu'il ne s'agit pas d'inconduite.

Les membres du Conseil arbitral doivent décider entre deux versions totalement contradictoires en fonction de la preuve qui leur est présentée. Les membres du Conseil arbitral sont d'opinion que l'employeur n'avait pas raison de reprocher au prestataire son manque de disponibilité puisqu'il l'était.

Pour les membres du Conseil arbitral, il n'y a pas eu inconduite. Les actes reprochés au prestataire n'ont pas été volontaires et n'ont pas procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire qu'il a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. (Tucker A-381-85 ).

Le prestataire a livré un témoignage fort crédible. II a répondu à toutes les questions, même aux plus difficiles, en établissant clairement les faits. Sa franchise et son intégrité tout au long de l'audience ont contribué à établir toute la crédibilité que les membres du Conseil arbitral lui accordent.

Les membres du Conseil arbitral soulignent que la décision de la Commission était adéquate en fonction des éléments connus au moment où elle fut prise. Toutefois, lors de l'audience, le prestataire a apporté des faits nouveaux, c'est-à-dire qu'il a fourni des explications et justifications crédibles, dont le Conseil a tenu compte. Le prestataire a confirmé que son absence le mercredi à d'abord été acceptée par son superviseur, d'ailleurs il n'a pas travaillé le mercredi suivant cette acceptation. Cependant, à la fin de cette semaine, une absence au travail le mercredi a été refusée, il a donc travaillé le mercredi suivant, ce qui est démontré par le talon de paie qu'il a présenté au Conseil arbitral (pièce 18). Toutefois, le vendredi suivant, il était congédie sans raison.

Les membres du Conseil arbitral doivent aussi décider si le prestataire était disponible pour le travail. Était-il apte à travailler et disponible pour le faire ? A-t-il fait des efforts pour se trouver un emploi ? A-t-il imposé des exigences relatives à l'emploi ?

Les membres du Conseil arbitral croient que le prestataire était apte pour le travail, qu'il a fait des efforts pour s'en trouver un et qu'il n'a pas impose d'exigences particulières.

Les membres du Conseil ont pris en compte son historique travail/études de jour et elle est conforme aux exigences de la jurisprudence qui a clairement établi «qu'un étudiant qui au cours des années a démontré un historique à l'effet qu'il occupait un travail réguler pendant qu'il était aux études pouvait se qualifier pour des prestations d'assurance- emploi » (A719-91 ). C'est le cas du prestataire.

Les membres du Conseil arbitral concluent que la preuve du prestataire est prépondérante, conforme à la Loi et qu'elle est appuyée par la jurisprudence.

Inconduite

[16] L’appelante soutient que le conseil arbitral n’a pas correctement appliqué le critère juridique de l’inconduite aux faits en l’espèce. Le critère juridique de l’inconduite consiste à déterminer si l'acte reproché au prestataire a été volontaire ou du moins a été d'une telle insouciance ou négligence qu'il avait des répercussions sur le rendement au travail et qu'il a porté préjudice à l'employeur. La Commission soutient que la décision du conseil est déraisonnable compte tenu des faits au dossier. La Commission affirme qu’en l’espèce, la preuve non contestée révèle que le prestataire a été congédié pour avoir refusé du travail. Le prestataire ne voulait plus travailler le mercredi afin de bénéficier d’une journée libre entre ses quarts de travail. L’employeur a donc offert au prestataire un autre poste que ce dernier a refusé parce que l’horaire entrait en conflit avec son horaire de cours. En refusant du travail proposé par l’employeur, le prestataire s’est mis dans une position où il pouvait perdre son emploi.

Disponibilité

[17] L’appelante soumet que:

  1. La disponibilité est déterminée par l’analyse des trois facteurs suivants: le désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable est offert, l’expression de ce désir par une recherche d’emploi, et le fait de ne pas fixer de conditions personnelles limitant indûment les chances de réintégrer les rangs du marché du travail;
  2. La décision du conseil arbitral ayant trait à la disponibilité est déraisonnable compte tenu des faits au dossier. Le prestataire occupait un poste de jour avec un horaire de 7h00 à 15h00. Ses cours débutaient à 15h30. Il voulait continuer à travailler le lundi, mardi, jeudi et vendredi seulement. Il ne voulait plus travailler le mercredi parce que la charge de travail devenait lourde et il voulait une coupure entre les quarts de travail. Selon les faits au dossier, le prestataire n’a pas démontré être disponible puisqu’il avait déjà un emploi et il a fait le choix personnel de réduire sa disponibilité. L’employeur lui a ensuite offert un autre poste et le prestataire a fait le choix de refuser celui-ci en raison de son cours de formation et du fait qu’il ne pouvait pas travailler de soir; et
  3. Lors de l’audience, le prestataire a indiqué qu’il aurait abandonné ses années d’études au profit d’un emploi puisqu’un emploi est selon lui plus important que les études. Le prestataire a néanmoins refusé l’offre d’emploi de l’employeur parce que cet emploi entrait en conflit avec ses études.

Erreur du conseil arbitral

[18] Le conseil arbitral a cité l’affaire Tucker, [1986] 2 C.F. 329 (C.A.), pour le test légal en ce qui concerne l’inconduite. L’appelante cite la même cause dans ses observations.

[19] Le conseil arbitral a conclu que : « Les actes reprochés au prestataire n'ont pas été volontaires et n'ont pas procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire qu'il a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail ».

[20] L’intimé a été congédié pour avoir refusé du travail. Ce fait est incontesté. Mais le conseil arbitral a accepté que l’absence de l’intimé le mercredi à d'abord été acceptée par son superviseur et à la fin de la semaine de cette acceptation, une absence au travail le mercredi a été refusée et il a donc travaillé le mercredi suivant. Toutefois, le vendredi suivant, il était congédié; le conseil arbitral a conclu que c’était ‘sans raison’. Il y a donc une contradiction entre un fait incontesté et la conclusion du conseil arbitral sur cette question de fait.

[21] En ce qui concerne la disponibilité de l’intimé, le conseil arbitral a cité l’affaire Landry (A-719-91 et (1992), 152 N.R. 121) pour la proposition « qu'un étudiant qui au cours des années a démontré un historique à l'effet qu'il occupait un travail réguler pendant qu'il était aux études pouvait se qualifier pour des prestations d'assurance-emploi ».

[22] Cependant, la disponibilité est déterminée par l’analyse des trois facteurs suivants: le désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable est offert, l’expression de ce désir par une recherche d’emploi, et le fait de ne pas fixer de conditions personnelles limitant indûment les chances de réintégrer les rangs du marché du travail : Faucher (A-56-96/A-57-96 en appel de CUB 30987 et CUB 380988).

[23] La Cour d'appel fédérale a confirmé qu'il existe une présomption de non-disponibilité lorsqu'un prestataire est engagé dans des études à temps plein et que cette présomption ne peut être réfutée que par des circonstances exceptionnelles : Landry, supra.

[24] Lorsque le prestataire a un historique de travail démontrant qu'il ou elle a occupé un emploi régulier tout en étudiant, il est possible de réfuter la présomption de non-disponibilité : Canada (AG) c. Gagnon, 2005 FCA 321.

[25] Il faut, tout de même, que la première intention du prestataire soit de trouver et d'accepter un emploi convenable à temps plein, de faire de sérieux efforts pour trouver un emploi, et être prêt à accepter un tel emploi, même si cet emploi exigeait des changements aux études : Canada (AG) c. Wang, 2008 FCA 112.

[26] Ici, l’intimé occupait un poste de jour avec un horaire de 7h00 à 15h00. Ses cours débutaient à 15h30. Il voulait continuer à travailler le lundi, mardi, jeudi et vendredi seulement. Il ne voulait plus travailler le mercredi parce que la charge de travail devenait lourde et il voulait une coupure entre les quarts de travail. L’employeur lui a ensuite offert un autre poste et le prestataire a fait le choix de refuser celui-ci en raison de son cours de formation et du fait qu’il ne pouvait pas travailler de soir. Lors de l’audience, l’intimé a indiqué qu’il aurait abandonné ses années d’études au profit d’un emploi puisqu’un emploi est selon lui plus important que les études. Mais il a néanmoins refusé l’offre d’emploi de l’employeur parce que cet emploi entrait en conflit avec ses études.

[27] L’intimé a démontré qu’il n’était pas prêt à accepter un emploi convenable à temps plein. Il ne pouvait pas, par conséquent, réfuter la présomption de non-disponibilité. La conclusion du conseil arbitral que la situation était conforme aux exigences de la jurisprudence au sujet de la disponibilité était une erreur de droit.

[28] Une erreur de droit est révisable selon la norme de la décision correcte. La décision correcte aurait été de refuser l’appel au niveau du conseil arbitral.

[29] Comme le conseil arbitral a erré en droit, et compte tenu des observations des parties, mon examen de la décision du conseil arbitral et du dossier d'appel, j’accorde l’appel. En outre, parce que cette question ne nécessite pas de nouveaux éléments de preuve ou d'une audience devant la division générale, je rends la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

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