Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelant, R. C. a pris part à l’audience téléphonique.

Me Carole Vary, représentante de la Commission, a également pris part à l’audience téléphonique.

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi prenant effet le 23 juin 2013 (GD3-2 à GD3-13).

[2] La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a informé l’appelant que la pension qu’il reçoit de la Régie des rentes du Québec (RRQ) est considérée comme un gain aux fins du bénéfice de l’assurance-emploi (GD3-15 et GD3-16).

[3] L’appelant a fait une demande de révision de cette décision initiale (GD3-17 à GD3-18).

[4] Le 23 juillet 2013, la Commission a informé l’appelant qu’elle maintenait sa décision initiale concernant la répartition de sa rente de la RRQ (GD3-19 et GD3-20).

[5] L’appelant interjette appel de cette décision révisée auprès du Tribunal de la sécurité sociale (GD2-1 à GD2-23).

[6] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  2. Ce mode d’audience est celui qui permet le mieux de répondre aux besoins d’adaptation des parties.
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Questions en litige

[7] L’appelant interjette appel des questions suivantes :

  1. La répartition de la rémunération aux termes des articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (le Règlement).

    Contestation constitutionnelle
  2. L’alinéa 35(2)e), le sous-alinéa 35(7)e)ii) et le paragraphe 36(14) du Règlement violent-ils le droit à l’égalité prévu à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et liberté (la Charte)?
  3. Dans l’affirmative la violation est-elle justifiable aux termes de l’article 1 de la Charte?

Droit applicable

[8] Paragraphe 35 (1) du Règlement :

Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

emploi

  1. a) Tout emploi, assurable, non assurable ou exclu, faisant l’objet d’un contrat de louage de services exprès ou tacite ou de tout autre contrat de travail, abstraction faite des considérations suivantes :
    1. (i) des services sont ou seront fournis ou non par le prestataire à une autre personne,
    2. (ii) le revenu du prestataire provient ou non d’une personne autre que celle à laquelle il fournit ou doit fournir des services;
  2. b) tout emploi à titre de travailleur indépendant, exercé soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé;
  3. c) l’occupation d’une fonction ou charge au sens du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada. (employment)

pension

Pension de retraite provenant de l’une des sources suivantes :

  1. a) un emploi ou un emploi à titre de membre des forces armées ou de toute force policière;
  2. b) le Régime de pensions du Canada;
  3. c) un régime de pension provincial. (pension)

revenu

Tout revenu en espèces ou non que le prestataire reçoit ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne, notamment un syndic de faillite. (income)

travailleur indépendant

S’entend au sens du paragraphe 30(5). (self-employed person)

[9] Alinéas 35(2)a) et e) du Règlement:

  1. (2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, la rémunération qu'il faut prendre en compte pour déterminer s'il y a eu un arrêt de rémunération et fixer le montant à déduire des prestations payables en vertu de l'article 19 ou des paragraphes 21(3), 22(5) ou 23(3) de la Loi, ainsi que pour l'application des articles 45 et 46 de la Loi, est le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi, notamment :
    1. a) les montants payables au prestataire, à titre de salaire, d'avantages ou autre rémunération, sur les montants réalisés provenant des biens de son employeur failli;
    2. e) les sommes payées ou payables au prestataire, par versements périodiques ou sous forme de montant forfaitaire, au titre ou au lieu d'une pension;

[10] Alinéa 35(7)(a)(e) du Règlement:

  1. (7) La partie du revenu que le prestataire tire de l'une ou l'autre des sources suivantes n'a pas valeur de rémunération aux fins mentionnées au paragraphe (2) :
    1. a) une pension d’invalidité ou une somme forfaitaire ou une pension versées par suite du règlement définitif d’une réclamation concernant un accident du travail ou une maladie professionnelle;
    2. e) les sommes visées à l’alinéa (2)e) si :
      1. (i) dans le cas du travailleur indépendant, ces sommes sont devenues payables avant le début de la période visée à l’article 152.08 de la Loi,
      2. (ii) dans le cas des autres prestataires, le nombre d’heures d’emploi assurable exigé aux articles 7 ou 7.1 de la Loi pour l’établissement de leur période de prestations a été accumulé après la date à laquelle ces sommes sont devenues payables et pendant la période pour laquelle il les a touchées.

[11] Paragraphe 36(14) du Règlement:

(14) Les sommes visées à l’alinéa 35(2)e) qui sont payées ou payables au prestataire par versements périodiques sont réparties sur la période pour laquelle elles sont payées ou payables.

[12] Paragraphe 36(15) du Règlement:

(15) Les sommes visées à l'alinéa 35(2)e) qui sont payées ou payables au prestataire sous forme de montant forfaitaire sont réparties à compter de la première semaine où elles lui sont payées ou payables de façon qu'elles soient égales, dans chaque semaine, au montant hebdomadaire, calculé selon le paragraphe (17), auquel il aurait eu droit si le montant forfaitaire avait été payé sous forme de rente.

[13] Paragraphe 36(17) du Règlement :

(17) Pour l’application du paragraphe (15), le montant hebdomadaire correspond au montant obtenu lorsque le montant forfaitaire est divisé par 1 000 et le résultat multiplié par l’équivalent hebdomadaire de la rente indiqué à l’annexe II selon l’âge du prestataire à la date où le montant forfaitaire est payé ou payable.

[14] Article 1 de la Charte

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[15] Paragraphe 15(1) de la Charte

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Preuve

[16] L’appelant a fait une demande initiale de prestations d’assurance-emploi prenant effet le 23 juin 2013. Dans sa demande, l’appelant a déclaré recevoir une pension de retraite de la RRQ au montant de 372.06$ par mois depuis le 31 mai 2013 (GD3-2 à GD3-13).

[17] L’employeur, Autobus Québec Métro 2000 Inc., a émis un relevé d’emploi pour la période du 11 mars 2013 au 21 juin 2013 avec la mention Manque de travail/Fin de saison ou de contrat. L’appelant a accumulé 602 heures d’emploi assurable pendant cette période (GD3-14).

[18] Le taux régional de chômage de l’appelant pour la période du 9 juin 2013 au 6 juillet 2013 était de 4.7%. Il devait donc avoir accumulé 700 heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations régulières d’assurance-emploi (GD4-5).

[19] Le 26 juin 2013, la Commission a informé l’appelant que la pension qu’il reçoit est considérée comme un gain aux fins du bénéfice de l’assurance-emploi. Le montant de 86,00$ doit donc être déclaré sur les déclarations de l’appelant. La déduction était déduite des prestations hebdomadaires à partir du 23 juin 2013 jusqu’à la fin de la demande (GD3-15 et GD3-16).

[20] L’appelant a fait une demande de révision de cette décision initiale. Il conteste le fait d’avoir à déclarer sa pension de la RRQ de 86,00$ par semaine sur ses déclarations hebdomadaires réduisant ainsi ses prestations. Il affirme que cette décision contrevient à la Charte (GD3-17 à GD3-18).

[21] Le 23 juillet 2013, la Commission a informé l’appelant qu’elle maintenait sa décision initiale concernant la répartition de sa rente de la RRQ. De plus, n’ayant pas travaillé suffisamment d’heures assurables après le début du versement de cette rente, il ne peut bénéficier de l’exemption de cette rémunération (GD3-19 et GD3-20).

[22] L’appelant interjette appel de cette décision révisée auprès du Tribunal de la sécurité sociale. Il affirme que la décision de la Commission manque de précision et de clairvoyance quant aux numéros d’articles de la Loi et de ses Règlements. Il affirme que certaines dispositions de la Loi et du Règlement sont discriminatoires (GD2-1 à GD2-23).

[23] Le Tribunal a tenu une conférence préparatoire en date du 20 mars 2014 afin de préciser les motifs d’appels de l’appelant concernant la contestation constitutionnelle (GD1-1 à GD1-2).

[24] Le 17 avril 2014, le Tribunal a informé l’appelant qu’il devait déposer un avis au titre de l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale s’il souhaitait soulever une contestation constitutionnelle devant le Tribunal. La date butoir pour soumettre ledit avis a été fixée au 17 juillet 2014 (GD5-1 à GD5-3).

[25] En date du 30 juin 2014, l’appelant a demandé une prolongation de délai pour déposer un avis au titre de l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (GD9-1 à GD9-2). Cette demande a été accordée par la Tribunal et une nouvelle date butoir a été fixée au 6 octobre 2014 (GD8-1 à GD8-2).

[26] L’appelant a déposé un avis au titre de l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale en date du 1 octobre 2014. Il entend contester la constitutionalité de l’alinéa 35(7)3) du Règlement. Il est d’avis que l’alinéa viole l’article 15(1) de la Charte. Il affirme que certaines personnes n’ont pas à déclarer leurs revenus de la RRQ ce qui cause une distinction basée sur leurs données personnelles, notamment l’âge. Il est donc d’avis que le Règlement a un effet discriminatoire à son égard considérant sa date de naissance (GD10-1 à GD10-63).

[27] Le Tribunal a rendu une décision interlocutoire et une ordonnance en date du 12 novembre 2014 (GD12-1 à GD12-12).

[28] En réponse aux soumissions présentées par la Commission, l’appelant réitère qu’il considère être pénalisé en raison de sa date de naissance. De plus, il affirme que la Commission n’a pas considérée tous les relevés d’emploi pertinents. Il dépose en preuve les relevés d’emploi suivants : Autobus Québec Métro 2000 Inc. confirmant 687 heures accumulées pour le période du 11 juillet 2012 au 22 décembre 2012, Autobus Québec Métro 2000 Inc. confirmant 320 heures accumulées pour le période du 7 janvier 2013 au 2 mars 2013, Autobus Québec Métro 2000 Inc. confirmant 686 heures accumulées pour le période du 11 juillet 2013 au 21 décembre 2013, Autobus Québec Métro 2000 Inc. confirmant 314 heures accumulées pour le période du 6 janvier 2014 au 1 mars 2014, Autobus Québec Métro 2000 Inc. confirmant 610 heures accumulées pour le période du 10 mars 2014 au 23 juin 2014 (GD17-1 à GD17-8).

[29] Le Tribunal a tenu une seconde conférence préparatoire en date du 30 juillet 2015 afin de préciser les questions procédurales en prévision de l’audience (GD1b-1 à GD1b-3).

[30] Les parties ont été convoquées pour une audience téléphonique le 29 février 2016 (GD18-1 à GD18-4).

Arguments des parties

Soumissions écrites de l’appelant

[31] En date du 12 janvier 2015, l’appelant a déposé ses observations au Tribunal concernant la contestation constitutionnelle. Il affirme que l’alinéa 35(7)3 de la Loi viole l’article 15 de la Charte (GD13-1 à GD13-130).

Arguments de l’appelant présentés lors de l’audience

[32] Lors de l’audience, l’appelant a fait valoir qu’il considère injuste d’avoir payé des impôts pour avoir droit aux deux régimes et que l’un régime vienne amputer l’autre.

[33] Il considère qu’il y a un traitement différent pour deux groupes de prestataires. L’imposition d’heures additionnelles en vertu de l’alinéa 35(7)3) est discriminatoire à son avis. Puisque la date à laquelle il reçoit son premier chèque est liée à sa date de naissance, il y a donc une discrimination basée sur l’âge.

[34] L’appelant nie avoir eu l’option d’attendre à l’âge de 65 ans pour retirer sa pension de la RRQ. En cumulant son salaire et sa pension, il gagnait une rémunération de 30 000$. Il aurait perdu une portion de sa pension en la retirant plus tard.

Soumissions écrites de l’intimée

[35] La Commission a déposé son dossier de réponse auprès du Tribunal en date du 13 avril 2015. Le Commission soumet que la Loi ne crée pas de distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue. Elle affirme également que les dispositions législatives attaquées ne créent pas un désavantage par la perpétration d’un préjugé ou l’application de stéréotypes. Si le Tribunal arrivait à la conclusion que les dispositions législatives violent le droit à l’égalité, le Commission soumet que cette distinction se justifie dans des limites raisonnables et cette justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique (GD15-1 à GD15-717).

Arguments de l’intimée lors de l’audience

[36] L’appelant a travaillé du 29 août 2012 au 21 juin 2013. Il a décidé de toucher sa pension de la RRQ à partir de 31 mai 2013. Dans les 6 mois qui ont suivi le 31 mai 2013, l’appelant aurait pu annuler sa pension de retraite. D’ailleurs, s’il avait attendu 11 semaines avant de toucher sa pension de la RRQ, les sommes n’auraient pas été réparties. Il devait avoir accumulé 700 heures à partir du 31 mai 2013 pour être exempté de la répartition.

[37] L’article 15 de la Charte prévoit que la loi s’applique également à tous. Il n’y a pas de discrimination basé sur l’âge puisque l’appelant a fait un choix personnel de recevoir sa pension de la RRQ à partir du premier mois admissible à un taux réduit. Il s’agit d’un choix personnel qui n’établit pas de distinction basée sur l’âge.

[38] La Loi établi une période de prestations et un nombre d’heures pour être admissible. Il n’y a aucun énoncé par rapport à l’âge. Il s’agit d’un choix personnel de l’appelant d’avoir retiré son fond de pension plus tôt. L’âge n’est donc pas une caractéristique personnelle immuable.

Analyse

Répartition de la rémunération

[39] En vertu du l’alinéa 35(2)e) du Règlement, les sommes payées ou payables au prestataire, par versements périodiques ou sous forme de pension constituent une rémunération à moins qu'elles ne soient visées par l’exception prévue au sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement. Conformément au paragraphe 35(1), tout régime de pension provincial est considéré comme un revenu au sens du Règlement.

[40] Les éléments de preuve révèlent que l’appelant a fait une demande initiale de prestations d’assurance-emploi prenant effet le 23 juin 2013. Il a accumulé 602 heures d’emploi assurables alors qu’il était à l’emploi d’Autobus Québec Métro 2000 Inc., pour la période du 11 mars 2013 au 21 juin 2013. L’appelant a déclaré qu’il recevait une pension de la RRQ au montant de 372,06$ par mois à partir du 31 mai 2013.

[41] La Commission a déterminé que les sommes que l’appelant reçoit à titre de pension de la RRQ constituent une rémunération qui doit être répartie conformément à l’alinéa 35(2)e) et du paragraphe 36(14) du Règlement. Dans sa décision révisée du 26 juin 2013, la Commission a informé l’appelant que les sommes reçues à titre de pension de la RRQ devaient être réparties au taux de 86.00$ par semaine, débutant le 23 juin 2013.

[42] L’appelant conteste cette décision auprès du Tribunal et soutient que ces dispositions législatives créent une discrimination fondée sur l’âge, violant ainsi le paragraphe 15(1) de la Charte.

[43] En l’espèce, la preuve est non contestée que l’appelant a reçu une pension de la RRQ au montant de 372.06$ par mois depuis le 31 mai 2013. Le Tribunal conclut, compte tenu de la preuve présentée, que la pension de la RRQ de l’appelant constitue une rémunération aux sens de l’alinéa 35(2)e) et que cette rémunération doit être répartie, conformément au paragraphe 36(14) au taux de 86.00$ par semaine à partir du 23 juin 2013.

Contestation constitutionnelle

[44] Dans le présent cas, le Tribunal doit également déterminer si l’alinéa 35(2)e), le sous- alinéa 35(7)e)ii) et le paragraphe 36(14) du Règlement violent le droit à l’égalité prévu à l’article 15 de la Charte. Dans l’affirmative, le Tribunal doit déterminer si la violation est justifiable aux termes de l’article 1 de la Charte.

[45] Il appert tout d’abord de préciser que dans ses soumissions initiales au Tribunal, la Commission référait à l’article 35(7)3) du Règlement, alors qu’un tel article n’existe pas. L’article pertinent est plutôt le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement, tel que précisé par la Commission lors de l’audience. Le Tribunal référa donc à l’article 35(7)e)ii) du Règlement en référence à l’exception à la répartition de la pension.

L’alinéa 35(2)e), le sous-alinéa 35(7)e)ii) et le paragraphe 36(14) du Règlement enfreignent-ils le droit à l’égalité prévu à l’article 15 de la Charte.

[46] Le paragraphe 15(1) de la Charte prévoit : « La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. »

[47] Dans l’affaire Withler, la Cour Suprême du Canada (CSS) a établi un test à deux volets pour l’appréciation d’une demande fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte. Il faut d’abord, déterminer si la Loi crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue et ensuite déterminer si la distinction crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotype. La CSC précise qu’il incombe à l’appelant « de démontrer qu’il s’est vu refuser un avantage accordé à d’autres ou imposer un fardeau que d’autres n’ont pas, en raison d’une caractéristique personnelle correspondant à un motif énuméré ou analogue visé par le paragraphe 15(1) de la Charte » (Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12.)

[48] En l’espèce, l’appelant conteste la constitutionalité du sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement. Il soumet que le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement est discriminatoire puisqu’il crée une distinction fondée sur l’âge qui est un motif relatif à une caractéristique personnelle. Il considère avoir été désavantagé par rapport aux autres prestataires nés avant et après lui. Appelé à préciser son argumentation à cet égard, l’appelant a affirmé qu’il considère qu’il y a un premier groupe de prestataires qui doit répartir sa pension et un second groupe qui en est exempté en fonction de la date de naissance. Bien que l’appelant soutient que le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement divise les prestataires en deux groupes, les éléments de preuve ne sont pas concluants à cet égard. En fait, l’argument de l’appelant à l’égard des deux groupes distinctifs manque de clarté.

[49] Pour sa part, l’intimée soumet que l’alinéa 35(2)e), le sous-alinéa 35(7)e)ii) et le paragraphe 36(14) du Règlement ne violent pas le droit à l’égalité prévu à l’article 15 de la Charte au motif que la distinction n’est pas fondée sur l’âge ni sur un motif analogue. L’intimé soutient que l’appelant n’a pas réussi à démontrer qu’il s’est vu refuser un avantage accordé en raison d’une caractéristique personnelle correspondant à un motif énuméré ou analogue visé conformément au paragraphe 15(1) de la Charte.

La Loi crée-t-elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue : l’appelant est- il traité différemment d’autrui?

[50] Le sous-alinéa 35(2)(e) du Règlement prévoit que les revenus de pension sont réputés constituer une rémunération aux fins du bénéfice des prestations. En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’appelant reçoit une pension de la RRQ au montant de 372,06$ par mois depuis le 31 mai 2013. Ses revenus de pension de la RRQ constituent donc une rémunération qui doit ensuite être répartie selon le paragraphe 36(14) du Règlement, c’est-à-dire sur la période pour laquelle elle est payée ou payable. En vertu du sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement, cette pension n’aurait pas eu valeur de rémunération si l’appelant avait accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable depuis qu’il avait commencé à recevoir sa pension puisqu’il aurait pu établir une nouvelle période de prestations d’assurance-emploi. Dans le présent cas, le taux régional de chômage de l’appelant pour la période du 9 juin 2013 au 6 juillet 2013 était de 4.7%. Il devait donc avoir accumulé 700 heures d’emploi assurables pour être admissible à des prestations régulières d’assurance-emploi. Or, l’appelant n’a pas accumulé les 700 heures requis depuis qu’il a commencé à recevoir sa pension le 31 mai 2013. Les éléments de preuve révèlent que l’appelant n’avait accumulé que 602 heures entre les mois de mars et juin 2013. Donc, la pension de la RRQ a une valeur de rémunération puisque l’appelant ne peut se prévaloir de l’exception prévu au sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement.

[51] L’appelant soumet que le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement crée une discrimination basée sur l’âge. Bien que le Tribunal soit conscient du fait que la date d’anniversaire serve à déterminer la date de réception de la pension de la RRQ, cela ne crée pas pour autant une discrimination basée sur l’âge. Au fait, l’exception prévu au sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement précise qu’une pension n’a pas valeur de rémunération si l’appelant a accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurables depuis qu’il a commencé à recevoir sa pension. Ces heures d’emploi assurables permettent alors l’établissement d’une nouvelle période de prestations.

[52] Il ne s’agit donc pas d’une exception conférée au prestataire en raison de son âge mais plutôt en raison du fait qu’il reçoit une pension et qu’il a cumulé le nombre suffisant d’heures d’emploi assurables pour établir une nouvelle période de prestations.

[53] De plus, dans le présent cas, l’appelant a pris la décision personnelle de demander une pension de la RRQ à un taux réduit le 30 avril 2013 lorsqu’il eut 60 ans au lieu d’attendre à 65 ans. Lors de l’audience, l’appelant a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un choix personnel mais plutôt d’une nécessité financière. Or, les éléments de preuve révèlent qu’en prenant la décision de retirer sa pension à un taux réduit dès l’âge de 60 ans, l’appelant a subi une pénalité de 30% aux termes de l’article 120.2 de la Loi sur le régime de rentes du Québec. Bien que les circonstances particulières de la date de naissance aient déterminé la date à laquelle la pension de la RRQ a été versée à l’appelant, il n’en demeure pas moins qu’il a initié les versements de cette pension en faisant sa demande. L’appelant a fait le choix de recevoir sa pension de la RRQ en date du 30 avril 2013.

[54] Lors de l’audience, l’appelant a réitéré que le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement crée une distinction entre deux groupes. Le Tribunal conclut que l’appelant n’est pas traité différemment d’un autre prestataire qui reçoit une pension de la RRQ. Tous les prestataires sont assujettis de la même façon à la législation pertinente. L’appelant a également affirmé que le litige n’aurait été que reporté s’il avait attendu à 65 ans afin de demander sa pension de la RRQ. Or, le Tribunal n’a pas retenu cet argument. Bien que la date d’anniversaire de l’appelant fixe la date à laquelle l’appelant reçoit sa pension, sa période de chômage aurait pu être différente et donc il aurait pu être admissible à l’exception aux termes du sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement s’il avait cumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurables.

[55] Il est important de noter que l’égalité n’est pas une question de similitude et le paragraphe 15(1) de garantit pas le droit à un traitement unique, mais plutôt le droit d’être protégé contre toute discrimination (Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12.).

[56] Le fait que l’appelant ait demandé sa pension est une décision personnelle. Il ne s’agit donc pas d’un motif analogue puisque l’appelant a pris la décision personnelle de demander sa pension. Le Tribunal ne peut donc pas conclure qu’il s’agit d’une caractéristique personnelle immuable. La distinction n’est pas fondée sur l’âge ni sur un motif analogue. La distinction est fondée sur le fait que l’appelant a décidé de retirer sa pension de la RRQ. Le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement ne violent donc pas le droit à l’égalité prévu à l’article 15 de la Charte au motif que la distinction n’est pas fondée sur l’âge.

[57] Le Tribunal conclut qu’il ne s’agit pas d’un motif analogue de décider de retirer son fond de pension à 60 ans plutôt qu’à 65 ans. En fait, les dispositions législatives citées, l’alinéa 35(2)e), le paragraphe 36(14) et le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement ne font aucunement état de l’âge du prestataire.

[58] Le Tribunal ne peut dont pas conclure que l’alinéa 35(2)e), le paragraphe 36(14) et le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement ont un effet discriminatoire. En l’espèce l’appelant ne s’est pas vu refuser un avantage accordé à d’autres ou imposer un fardeau que d’autres n’ont pas, en raison d’une caractéristique personnelle correspondant à un motif énuméré ou analogue visé par le paragraphe 15(1) de la Charte.

La distinction crée-t-elle un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes?

[59] Ayant conclu que les dispositions législatives citées ne crée pas de distinctions fondées sur un motif énuméré ou analogue, l’analyse se termine à cette première étape du test de Withler. Toutefois, par soucis de rigueur, le Tribunal a effectué la deuxième étape de l’analyse, c’est-à- dire examiné si la distinction crée un désavantage par la perpétration d’un préjugé ou un stéréotype.

[60] Dans l’affaire Law, la CSC a proposé que la discrimination soit définie en fonction de l’effet de la loi eu égard à quatre facteurs contextuels : (1) le désavantage préexistant dont peut être victime le groupe demandeur; (2) le degré de correspondance entre la différence de traitement et la situation réelle du groupe demandeur; (3) la question de savoir si la loi ou le programme a un objet ou un effet améliorateur; (4) la nature du droit touché (Law c. Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration (1999) 1 RCS 497 et R c. Kapp (2008) 2 RCS 483).

[61] En considérant le contexte global de la Loi, le Tribunal ne peut conclure que le sous- alinéa 35(7)e)ii) du Règlement crée un désavantage par la perpétration d’un préjugé ou l’application de stéréotypes. Le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement crée plutôt une exception au prestataire qui réussirait à établir une nouvelle période de prestations en accumulant nombre suffisant d’heures d’emploi assurable depuis le moment où il a commencé à recevoir sa pension.

[62] En l’espèce, l’appelant affirme avoir été désavantagé en raison de sa date d’anniversaire; toutefois, il n’a pas fait la preuve que le sous-alinéa crée de la discrimination eu égard aux facteurs contextuels de la Loi. Le Tribunal conclut donc que l’appelant n’a pas démontré que sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement crée un désavantage par la perpétration d’un préjugé ou un stéréotype.

L’article 1 de la Charte

[63] Nonobstant le fait que les dispositions législatives citées ne portent pas atteinte aux droits à l’égalité garantis en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte, le Tribunal a procédé à l’analyse sous l’article 1 de la Charte.

[64] L’article 1 de la Charte prévoit que « la Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. »

[65] Le test à utiliser pour déterminer si la démonstration de l’objectif peut se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique a été élaboré par la CSC dans l’affaire Oakes. Il doit y avoir un objectif réel et urgent et les moyens doivent être proportionnels, c’est-à-dire que les moyens doivent avoir un lien rationnel avec l'objectif ; le moyen doit porter le moins possible atteinte au droit en question et il doit y avoir proportionnalité entre la restriction et l'objectif (R.c. Oakes (1986) 1 RCS 103).

[66] En l’espèce, le Tribunal a analysé les faits à la lumière du test énoncé dans l’affaire Oakes. Dans l’affaire Tétreault-Gadoury, la CSC a rappelé que l’objectif général de la Loi est « d’établir un régime d’assurance sociale aux fins d’indemniser les chômeurs pour la perte de revenus provenant de leur emploi et d’assurer leur sécurité économique et sociale pendant un certain temps et les aider ainsi à retourner sur le marché du travail ». De plus, la Cour a précisé que l’objectif de la déduction des revenus de pension des prestations d’assurance-emploi est justement d’éviter le dédoublement des prestations: Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 2 R.C.S. Considérant l’objectif global de la Loi, le Tribunal conclut que l’objectif est réel et que l’exception prévu au sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement porterait atteinte dans la mesure la plus petite possible au droit garantie par le Charte.

En conclusion

[67] Le Tribunal conclut, compte tenu de la preuve présentée, que le revenu de pension de la RRQ constitue une rémunération aux fins du bénéfice des prestations conformément à l’alinéa 35(2)e) du Règlement et que cette rémunération doit être répartie au sens du paragraphe 36(14) du Règlement.

[68] Le Tribunal conclut, en outre, que l’alinéa 35(2)e), le paragraphe 36(14) et le sous-alinéa 35(7)e)ii) du Règlement ne portent pas atteinte aux droits à l’égalité garantis à l’appelant en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte.

Conclusion

[69] L’appel est rejeté.

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