Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur D. L., était présent lors de l’audience par comparution en personne, tenue à Québec (Québec), le 15 décembre 2015.

Introduction

[2] Le 21 juin 2013, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 16 juin 2013. L’appelant a déclaré avoir travaillé pour l’employeur Service Canada jusqu’au 19 juin 2013 inclusivement, et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement ou d’une suspension (pièces GD3-3 à GD3-16).

[3] Le 22 juillet 2013, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a avisé l’appelant qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance- emploi à partir du 16 juin 2013 parce qu’il a été suspendu de son emploi chez l’employeur Service Canada, et ce depuis le 1er mars 2013, en raison de son inconduite (pièces GD3-24 et GD3-25).

[4] Le 23 juillet 2013, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-26 à GD3-28 et GD3-138 à GD3-140).

[5] Le 6 septembre 2013, la Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit en date du 22 juillet 2013 (pièce GD3-179).

[6] Le 13 septembre 2013 et le 25 septembre 2013 (deuxième envoi), l’appelant a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »), (pièces GD2-1 à GD2-4 et GD5-1 à GD5-6).

[7] Le 6 décembre 2013, le Tribunal a informé l’employeur ministère des Ressources humaines (Service Canada) que s’il souhaitait devenir une « personne mise en cause » dans le présent dossier, il devait déposer une demande à cet effet au plus tard le 21 décembre 2013. L’employeur n’a pas donné suite à cette lettre.

[8] Le 21 mars 2014, le Tribunal a demandé à l’appelant de lui fournir, par écrit, ses observations et commentaires, au plus tard le 28 avril 2014, quant à une décision pouvant être rendue relative à la mise en suspens du dossier d’appel (pièces GD6-1 et GD6-2).

[9] Le 26 mars 2014, l’appelant a indiqué au Tribunal qu’il serait approprié de suspendre les procédures devant cette instance (pièces GD7-1 à GD7-3, GD8-1 et GD8-2).

[10] Le 27 juin 2014, le Tribunal a avisé l’appelant qu’il avait décidé de mettre le dossier en suspens. Le Tribunal a expliqué qu’une demande déposée par l’appelant était en cours auprès de la Cour fédérale et que la conclusion de ce dossier pouvait avoir une incidence sur l’appel déposé par celui-ci auprès dudit Tribunal. Le Tribunal a indiqué à l’appelant qu’il lui transmettait une copie complète de son dossier avec la présente décision.

[11] Le 12 janvier 2016, l’appelant a rappelé au Tribunal qu’il allait soumettre de nouveaux documents, comme il l’avait indiqué, lors de l’audience tenue le 15 décembre 2015. L’appelant a également demandé au Tribunal de recevoir une copie de son dossier d’appel. Le Tribunal a indiqué lui avoir fait parvenir les documents demandés (pièces GD14-1 et GD14-2).

[12] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience En personne pour les raisons suivantes :

  1. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires ;
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent (pièces GD1-1 à GD1-4).

Question en litige

[13] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

Droit applicable

[14] Les dispositions relatives à l’inconduite sont mentionnées aux articles 29 et 30 de la Loi.

[15] En ce qui concerne une « exclusion » du bénéfice des prestations d’assurance-emploi ou une « inadmissibilité » à celles-ci, les paragraphes 29a) et 29b) de la Loi prévoient que :

[…] Pour l’application des articles 30 à 33 : a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations; b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant […].

[16] Concernant une « exclusion » en raison d’une « inconduite » ou d’un « départ sans justification », le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit que :

[…] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas : a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage; b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[17] Relativement à une « exclusion non touchée par une perte d’emploi subséquente », le paragraphe 30(2) de la Loi précise que :

[…] L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[18] En ce qui concerne une « inadmissibilité » au bénéfice des prestations d’assurance- emploi en raison d’une « suspension pour inconduite », l’article 31 de la Loi prévoit que :

Le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas : a) la fin de la période de suspension; b) la perte de cet emploi ou son départ volontaire; c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de cette période, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.

Preuve

[19] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. a. Le 29 novembre 2012, l’appelant a informé l’employeur sur sa situation des trois dernières semaines. Il a indiqué que depuis le début de novembre 2012, jusqu’à environ « le milieu de la semaine passée », il était en « rechute » de son problème de santé (ex. : perte de concentration, difficultés de sommeil, augmentation d’anxiété, diminution du niveau d’énergie, humeur variante et irritabilité), (pièce GD3-72) ;
  2. b. Le 20 décembre 2012, l’employeur a demandé à l’appelant de remettre à son médecin traitant une lettre (lettre et questionnaire – pièces GD3-73 et GD3-75 à GD3-78) dans laquelle celui-ci peut confirmer qu’il est apte à reprendre le travail à compter du 27 décembre 2012, et précisant s’il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures d’adaptation temporaires ou permanentes d’ici sa rencontre avec un spécialiste (pièces GD3-66, GD3-67, GD3-73 et GD3-75 à GD3-78) ;
  3. c. Le 20 décembre 2012, l’appelant a informé l’employeur qu’il allait être de retour au travail le 26 décembre 2012 (pièces GD3-66 et GD3-67) ;
  4. d. Le 21 décembre 2012, l’employeur a expliqué à l’appelant que son billet médical mentionne qu’il est en arrêt de travail jusqu’au 23 décembre 2012, mais que son médecin n’indique pas qu’il peut retourner au travail ni que son état de santé présente des limitations fonctionnelles nécessitant de prendre des mesures d’accommodement spécifiques. L’employeur a indiqué à l’appelant qu’il allait pouvoir revenir au travail lorsque son médecin aura clairement statué sur son état de santé et lui permettre de le faire à partir d’une date précise. L’employeur a également indiqué qu’un certificat (médical) devra également préciser quelles sont les limitations fonctionnelles de l’appelant, s’il y a lieu, ainsi que des mesures d’accommodement à prendre, le cas échéant (pièces GD3-32 à GD3-36 ou GD3-68) ;
  5. e. Le 21 décembre 2012, l’appelant a informé l’employeur qu’il ne retournerait pas au travail « pour raison médicale et de façon préventive jusqu’à nouvel ordre » (pièces GD3- 70 et GD3-71) ;
  6. f. Dans une lettre adressée à Santé Canada en date du 25 février 2013, l’employeur a demandé une « Évaluation de l’aptitude au travail » de l’appelant. Des copies des « évaluations médicales » et des « correspondances pertinentes » ont été jointes à cet envoi (pièces GD3-60, GD3-78 et GD3-82 à GD3-87) ;
  7. g. Dans une lettre en date du 1er mars 2013 (situation médicale), l’employeur a expliqué à l’appelant que malgré son refus exprimé en ce sens, il était nécessaire d’obtenir une expertise médicale de Santé Canada, expertise à laquelle il aura l’obligation de se soumettre. L’employeur a indiqué à l’appelant qu’il a pris une mesure administrative à son endroit consistant à l’envoyer à la maison sans rémunération. L’appelant a été avisé qu’il pourrait revenir au travail seulement lorsque l’employeur allait être en mesure de prendre des décisions reliées à son état de santé et à ses limitations fonctionnelles, à la suite de la réception du rapport de Santé Canada, relatif à sa condition médicale (pièces GD3-64, GD3-65, GD3-121, GD3-143 et GD3-144) ;
  8. h. Dans une lettre en date du 8 mars 2013, l’employeur (Service Canada) a demandé à l’appelant de lui fournir un « consentement de divulgation » afin de pouvoir évaluer ses aptitudes au travail (pièces GD3-62 et GD3-63, GD3-145 et GD3-146) ;
  9. i. Dans une lettre en date du 8 mars 2013, l’employeur a demandé à Santé Canada d’effectuer une « Évaluation de l’aptitude au travail » de l’appelant. Dans cette lettre, l’employeur a indiqué avoir joint les documents suivants :
    1. i. Évaluations médicales (annexe 1) et correspondances pertinentes (annexe 2), (pièces GD3-74 à GD3-78) ;
    2. ii. Description de tâches (annexe 3). Les documents regroupés dans une section intitulée « Annexe 3 – Description de travail », décrivent le poste occupé par l’appelant à titre de « commis de prestation des programmes et services » chez son employeur (pièces GD3-37 à GD3-42) ;
    3. iii. Congés de maladie payés et non payés utilisés au cours de la période s’échelonnant de janvier 2012 au 28 février 2013 (« Annexe 4 – Congés de maladie payés et non payés utilisés depuis janvier 2012 », (pièces GD3-43 et GD3-44) ;
    4. iv. Les attentes de rendement de monsieur D. L. (annexe 5). Les documents regroupés dans une section intitulée « Annexe 5 – Les attentes de rendement de monsieur D. L. » décrivent les attentes de l’employeur et de l’appelant dans l’accomplissement de son travail (pièces GD3-45 à GD3-51) ;
    5. v. Certificat médical du 21 novembre 2012 (annexe 6). La copie d’un certificat médical (« Annexe 6 – Certificat médical stipulant une exacerbation d’anxiété du 5 au 21 novembre 2012 »), émis par la Clinique médicale Des Promenades de Beauport (Québec), en date du 30 novembre 2012, indique que l’appelant a eu une exacerbation d’anxiété du 5 au 21 novembre 2012 et que durant cette période, celui-ci a présenté des limitations fonctionnelles ayant pu diminuer son rendement (pièces GD3-52 et GD3-53) ;
    6. vi. Certificat médical du 6 au 23 décembre 2012 (annexe 7). Une copie d’un certificat médical (« Annexe 7 – Certificat médical stipulant un congé de maladie du 6 au 23 décembre 2012, sans aucune autre information », émis par la Clinique médicale Des Promenades de Beauport (Québec), en date du 14 décembre 2012, indique que l’appelant est en congé de maladie du 6 au 23 décembre 2012 (pièces GD3-54 et GD3-55), (pièces GD3-88 à GD3-95 et GD3-152 à GD3-160) ;
  10. j. Le 15 mars 2013, l’appelant a indiqué à la Commission qu’il était apte et disponible au travail, mais a fait une demande de renouvellement en maladie parce que son employeur lui a imposé un congé sans solde pour se « faire soigner ». Il a indiqué être revenu au travail en janvier (2013) avec encore certaines restrictions médicales. Il a affirmé que l’employeur l’avait mis en congé sans solde parce qu’il ne voulait plus l’accommoder avec des tâches adaptées (pièces GD3-56 et GD3-57) ;
  11. k. Dans une lettre en date du 19 mars 2013, l’employeur (Ressources humaines et Développement des compétences Canada) a informé l’appelant de ses options et de ses responsabilités concernant ses prestations et ses retenues pendant la période de son congé non payé, à compter du 1er mars 2012 (pièces GD3-96 à GD3-100) ;
  12. l. Le 4 avril 2013, l’employeur a déclaré avoir renvoyé l’appelant chez lui, sans solde, à la suite d’une mesure administrative prise à son endroit parce que celui-ci a indiqué qu’il avait des restrictions, mais que, selon les certificats médicaux qu’il lui avait fournis, ses restrictions n’étaient pas claires. L’employeur a demandé à l’appelant qu’il subisse une évaluation médicale auprès de Santé Canada, mais celui-ci avait refusé et ne voulait pas que cet organisme contacte ses médecins. L’employeur a souligné que l’appelant avait parlé de ses problèmes de santé, mais les renseignements n’étaient pas suffisants (pièce GD3-58) ;
  13. m. Le 8 avril 2013, la Commission a indiqué que l’appelant lui avait transmis des certificats médicaux indiquant ses limitations et une copie de la demande de l’employeur dans le but de le faire expertiser par Santé Canada afin de déterminer quelles sont les limitations de celui-ci en lien avec son travail (pièce GD3-59) ;
  14. n. Des copies de messages courriels échangés entre l’appelant, son représentant syndical et l’employeur, au cours de la période du 5 avril 2013 au 11 avril 2013, indiquent qu’une demande a été formulée par l’appelant à l’employeur afin que celui-ci cesse toute communication avec le bureau d’assurance-emploi concernant sa demande de prestations (pièces GD3-108 à GD3-117) ;
  15. o. Le 11 avril 2013, l’appelant a déclaré à la Commission avoir été suspendu le 1er mars 2013 parce qu’il a refusé d’aller en évaluation médicale avec Service Canada, tel que demandé par l’employeur. Il a expliqué avoir refusé cette demande, car il trouve le processus inéquitable (pièces GD3-118 et GD3-119) ;
  16. p. Le 12 avril 2013, la Commission a avisé l’appelant qu’elle ne pouvait lui verser des prestations d’assurance-emploi, à partir du 3 mars 2013, parce que celui-ci a été suspendu de son emploi chez Service Canda depuis le 3 mars 2013, en raison de son inconduite (pièces GD15-3 et GD15-4) ;
  17. q. Le 14 avril 2013, un message de Service Canada (page web) indique que l’appelant n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite (pièce GD3-120) ;
  18. r. Les 14, 15 et 21 avril 2013, l’appelant a demandé des renseignements concernant le traitement de sa demande d’assurance-emploi auprès de Service Canada (pièces GD3-79 à GD3-81 et GD3-122 à GD3-128) ;
  19. s. Le 29 avril 2013, l’appelant a déclaré à la Commission que son médecin le considérait apte à reprendre le travail, mais que son employeur considérait qu’il n’était pas apte à le faire. Il a indiqué qu’il ne pouvait reprendre son travail pour le moment et a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Il a précisé qu’il a une limitation fonctionnelle et qu’il y a environ 5 % des tâches qu’il effectuait antérieurement qu’il ne pourra plus accomplir. Il a soutenu qu’il n’avait jamais été réellement en arrêt de travail, car c’est son employeur qui le jugeait inapte pour des raisons médicales. Il a indiqué qu’il aimerait que les paiements de prestations soient effectués depuis le 3 mars 2013 en « prestations régulières » et non en « prestations de maladie » (prestations spéciales) parce qu’il n’a jamais été en arrêt de travail. Il a indiqué qu’il n’était pas à la recherche d’un autre emploi puisqu’il en avait déjà un (pièces GD3-106 et GD3-107) ;
  20. t. Le 15 mai 2013, l’employeur a expliqué à la Commission que l’appelant avait été renvoyé à la maison par mesure administrative parce qu’il a refusé de se conformer à la demande qu’il lui a formulée de signer une demande de consentement pour évaluation avec Santé Canada. L’employeur a précisé que cette mesure n’avait aucun rapport avec la plainte de harcèlement déposée par l’appelant à l’endroit de sa chef d’équipe et de sa gestionnaire. Il a précisé que l’appelant avait refusé, depuis plusieurs mois, d’accomplir certaines tâches qui font partie de son travail habituel (pièces GD3-101 et GD3-102) ;
  21. u. Le 15 mai 2013, l’employeur a précisé qu’il avait pris une « mesure administrative sans solde » à l’endroit de l’appelant, mais qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire. L’employeur a indiqué qu’il exige une évaluation médicale de Santé Canada, mais que l’appelant avait refusé cette demande. L’employeur a précisé que l’appelant avait deux options : revoir son médecin avec des explications relatives à sa situation, ou aller demander l’évaluation de Santé Canada (pièce GD3-105) ;
  22. v. Le 24 mai 2013, l’appelant a affirmé qu’une proportion représentant 5 % à 10 % de ses tâches lui causait un dilemme et de l’anxiété (anxiété et dilemme éthique). Il a indiqué être prêt à se soumettre à la demande de son employeur et à remettre les documents demandés à partir des deux conditions suivantes : que Santé Canada communique avec ses médecins traitants et que l’employeur respecte la protection de son dossier et de ses informations personnelles (pièces GD3-103 et GD3-104) ;
  23. w. Dans une lettre en date du 3 juin 2013, Service Canada (employeur) a avisé l’appelant qu’il le considérait, à compter de ce jour, « apte à accomplir l’ensemble des tâches » reliées à sa description de travail, incluant tous les types d’options, et pour lesquelles il avait reçu de la formation. L’employeur a indiqué à l’appelant qu’il réintégrera son poste de travail au sein du même secteur d’activités, avant de quitter le 1er mars 2013 (pièces GD3-17 à GD3-19) ;
  24. x. Le 6 juin 2013, la Commission a informé l’appelant que la décision rendue à son endroit en date du 12 avril 2103 avait été renversée en sa faveur (pièces GD15-5 et GD15-6) ;
  25. y. Dans une lettre en date du 19 juin 2013, Service Canada (employeur) a avisé l’appelant qu’il jugeait « nécessaire d’obtenir une expertise médicale de Santé Canada » à laquelle il devrait se conformer, et qu’advenant un refus de sa part de se conformer à cette évaluation médicale, il s’exposait à de possibles mesures administratives. L’employeur a indiqué à l’appelant qu’à compter du 19 juin 2013, et durant le processus d’évaluation d’aptitude au travail, ses accès aux systèmes informatiques et à l’édifice où se trouve son bureau lui étaient retirés. L’employeur a précisé à l’appelant qu’il allait pouvoir revenir au travail seulement lorsque des décisions allaient pouvoir être prises en lien avec son état de santé, à la suite de la réception du rapport de Santé Canada sur sa condition médicale (pièces GD3-20 et GD3-21) ;
  26. z. Un relevé d’emploi, en date du 26 juin 2013, indique que l’appelant a travaillé à titre de « commis aux écritures et aux règlements » pour le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada (Service Canada), du 6 juin 2013 au 26 juin 2013 inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’une maladie ou d’une blessure (code D – maladie ou blessure), (pièces GD3-22 et GD3-23) ;
  27. aa. Une copie d’un formulaire intitulé « Procédure d’évaluation de santé au travail (incluant les évaluations de l’aptitude au travail) – Consentement à se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail » a été complétée et signée par l’appelant en date du 10 juillet 2013. L’appelant a indiqué que le médecin du Programme de santé des fonctionnaires fédéraux de Santé Canada doit prendre le temps nécessaire pour l’évaluer et avoir communiqué avec trois professionnels de la santé identifiés par ledit appelant (pièce GD3-133) ;
  28. bb. Des messages courriel ont été échangés entre l’appelant, son représentant syndical et l’employeur, au cours de la période du 3 juillet 2013 au 19 juillet 2013, concernant le suivi effectué au sujet de la procédure d’évaluation d’aptitude au travail de Santé Canada (pièces GD3-134 à GD3-137) ;
  29. cc. Le 10 juillet 2013, l’employeur a informé l’appelant que dans une lettre qui lui a été adressée en date du 19 juin 2013, il était fait mention qu’à compter de cette date, et durant tout le processus d’évaluation d’aptitude au travail auquel il lui est demandé de se conformer, il n’était pas autorisé à revenir au travail. L’employeur a indiqué à l’appelant que bien que son rendez-vous médical avec son psychiatre avait été reporté au 26 juillet 2013, il n’exigerait pas un nouveau certificat médical pour la période comprise entre le 10 juillet 2013 (date du rendez-vous initial avec le psychiatre) et le 26 juillet 2013 (pièces GD3-129 et GD3-130) ;
  30. dd. Le 12 juillet 2013, l’appelant a informé l’employeur que le Programme de santé des fonctionnaires fédéraux de Santé Canada avait reçu ses formulaires de consentement concernant son évaluation d’aptitude au travail (pièces GD3-129 à GD3-131) ;
  31. ee. Le 18 juillet 2013, l’employeur (Santé Canada) a demandé à l’appelant de signer et de retourner les formulaires de consentement concernant son évaluation d’aptitude au travail, au plus tard le 19 juillet 2013 (pièce GD3-132) ;
  32. ff. Le 25 juillet 2013, l’appelant a déclaré qu’il n’était pas en mesure de travailler pour des raisons médicales, les 12, 13 et 14 juin 2013, mais qu’il était apte à travailler chez son employeur à compter du 17 juin 2013, pour effectuer un autre emploi. Il a indiqué qu’il allait rencontrer son médecin et qu’il allait fournir un autre certificat médical indiquant qu’il était en mesure de travailler, mais pas dans son emploi actuel (pièces GD3-31 et GD3-142) ;
  33. gg. Le 26 juillet 2013, l’appelant a indiqué à la Commission qu’il allait faire parvenir un autre certificat médical mentionnant qu’il est apte au travail, mais dans d’autres tâches (pièces GD3-30 et GD3-141) ;
  34. hh. Un certificat médical, rédigé par le docteur Fabbro, médecin psychiatre (Clinique médicale Giffard), en date du 26 juillet 2013, indique que l’appelant est dans l’incapacité de travailler jusqu’à une date indéterminée (pièce GD3-29) ;
  35. ii. Le 8 août 2013, l’employeur (Service Canada) a avisé l’appelant qu’il était licencié pour motifs disciplinaires (pièces GD3-161 à GD3-168) ;
  36. jj. Le 3 septembre 2013, l’appelant a demandé à l’employeur de détailler ses allégations et d’appuyer ces précisions de la liste de tous les éléments de preuve qu’il a en sa possession (pièces GD3-169 à GD3-178) ;
  37. kk. Le 10 février 2016, l’appelant a transmis une copie des documents suivants :
    1. i. Lettre de la Commission, en date du 12 avril 2013, avisant l’appelant qu’elle ne pouvait lui verser des prestations d’assurance-emploi, à partir du 3 mars 2013, parce que celui-ci a été suspendu de son emploi chez Service Canada depuis le 3 mars 2013, en raison de son inconduite (pièces GD15-3 et GD15-4) ;
    2. ii. Lettre de la Commission (décision en révision) adressée à l’appelant, en date du 6 juin 2013, indiquant que la décision rendue à son endroit en date du 12 avril 2103 avait été renversée en sa faveur (pièces GD15-5 et GD15-6) ;
    3. iii. Messages courriel de madame Guylaine Bourbeau, agente de griefs et d’arbitrage, et de monsieur Wesnaey Duclervil, représentant régional de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC – Québec), adressés à l’appelant, en date du 31 mars 2014, et indiquant les modalités prévues pour l’audience devant la Commission des lésions professionnelles (CLP), dans le cadre de son dossier de harcèlement psychologique. Ces messages indiquent que le docteur Édouard Beltrami, médecin psychiatre, a préparé une expertise médicale concernant l’appelant (pièces GD15-7 à GD15-9) ;
    4. v. Rapport de l’expertise médicale réalisée par le docteur Édouard Beltrami, médecin psychiatre, auprès de l’appelant en date du 11 mars 2014. Le rapport indique qu’il y a un lien de causalité entre les événements survenus lors de ses fonctions au travail et la reprise d’un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive qui avait déjà existé antérieurement (pièces GD15-10 à GD15-34).

[20] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. Il a affirmé avoir vécu du harcèlement psychologique dans son milieu de travail lorsqu’il a travaillé pour Service Canada, et que cette situation lui avait causé des déficiences psychologiques. Il a affirmé que ces déficiences ont été attestées par des médecins (ex. médecin de famille, psychiatre) et par un psychologue ;
  2. L’appelant a expliqué avoir d’abord utilisé le « système de gestion informelle des conflits » en place chez l’employeur, dans le but de faciliter les discussions avec sa superviseure et sa gestionnaire, et pour discuter de climat de travail, mais que cette demande avait été refusée. Il a indiqué avoir ensuite déposé des plaintes, en novembre 2012 ainsi qu’au début de 2013, pour violence en milieu de travail, en vertu du Code canadien du travail. L’appelant a précisé que l’objet de ces plaintes visait à faire cesser tous les aspects de la violence vécue dans son milieu de travail (harcèlement psychologique). Il a indiqué qu’à la suite du dépôt de ces plaintes, une enquêtrice a été nommée et qu’un rapport préliminaire a été produit à cet effet, pour deux des personnes visées par ses plaintes soit, sa gestionnaire et sa superviseure. L’appelant a spécifié qu’il n’y avait aucune conclusion dans le rapport préliminaire produit. Il a expliqué que le processus d’enquête avait par la suite été gelé pendant un certain temps, à la suite de son congédiement, survenu en août 2013. L’appelant a précisé qu’aucun rapport final n’a toutefois été produit dans chacun de ces cas et qu’un processus de règlement de griefs avait été mis en place. Il a soutenu avoir vécu du harcèlement psychologique, même si l’enquêtrice ne s’était pas prononcée sur cette question ;
  3. L’appelant a expliqué que le harcèlement psychologique qu’il a vécu dans son milieu de travail avait eu un effet néfaste sur lui et qu’il était à l’origine de la déficience qu’il a vécue. Il a expliqué que l’état d’esprit dans lequel il se trouvait en 2013, jusqu’au moment de son congédiement survenu en août 2013, démontre qu’il était sous l’effet du harcèlement psychologique qu’il a subi au travail et des conséquences qui en ont découlé. L’appelant a indiqué qu’il avait un trouble d’adaptation au travail, des états dépressifs, passagers ou prolongés, un état d’anxiété généralisé (état d’anxiété exacerbé) ; des éléments qui ont fait en sorte que ses facultés de jugement n’étaient pas tout à fait les mêmes. Il a indiqué qu’au moment où il a écrit ses commentaires concernant sa demande de prestations d’assurance-emploi, il ne réalisait pas tout ce qu’il avait vécu chez son employeur et que ce n’est que plusieurs mois plus tard, qu’il a réussi à revenir à son état normal, en travaillant à des endroits qui lui ont permis de voir ce qu’était un milieu de travail sain ;
  4. Il a expliqué qu’au printemps et à l’été 2013, avant son congédiement, la façon dont il réagissait n’était pas normale. Il a illustré que les symptômes et les conséquences sont plus simples à décrire lorsqu’il est question d’un rhume, par exemple, que concernant un état dépressif (ex. : état d’anxiété exacerbé, trouble d’anxiété). L’appelant a indiqué que les certificats médicaux produits par les médecins qu’il a rencontrés et les réponses données par des professionnels de la santé à des questionnaires envoyés par l’employeur attestent les problèmes de santé auxquels il a été confronté (pièces GD3-53 à GD3-55 et GD15-10 à GD15-34) ;
  5. L’appelant a précisé que le rapport médical produit par son psychiatre (docteur Beltrami) indique que le trouble d’adaptation qu’il a ressenti au travail était en lien avec la situation vécue au travail avec sa gestionnaire et sa superviseure et les tâches de travail qui lui étaient imposées (pièces GD15-10 à GD15-34). Il a souligné que le trouble d’adaptation (trouble d’adaptation situationnelle au travail) était le problème le plus important auquel il avait été confronté. L’appelant a relaté qu’à l’été 2013, il était dans un état d’esprit qui faisait en sorte qu’il ne réfléchissait pas de la même façon que d’habitude et qu’il pouvait faire des erreurs ou commettre des fautes de jugement. Il a expliqué qu’il était, à la base, quelqu’un de principe qui veut faire respecter ses droits. L’appelant a précisé que lorsqu’il était placé dans une situation anxiogène, il se campe encore plus dans la base de sa personnalité. L’appelant a affirmé qu’en raison de son problème d’adaptation et d’anxiété ou de son état dépressif, il peut être alors moins flexible, ce qui pouvait l’amener à avoir plus de difficultés à prendre les bonnes décisions, une situation ayant fait en sorte qu’il avait pu commettre certains faux pas ;
  6. Il a soutenu que la condition psychologique dans laquelle il se trouvait a été causée, à la base, par les agissements de l’employeur (ex. gestionnaire, superviseure). Il a soutenu que le harcèlement psychologique qu’il a vécu l’avait placé dans une situation où il a eu un trouble d’adaptation. Il a expliqué s’être alors braqué. Il a indiqué avoir reçu une avalanche de demandes d’évaluation médicale qui lui a causé un stress ayant fait en sorte d’exacerber sa situation psychologique. Il a expliqué que ce cercle vicieux n’a pas cessé d’augmenter, mais qu’il était alimenté par l’employeur lui-même ;
  7. Il a expliqué ne pas être allé voir Santé Canada, mais qu’il a tenté de collaborer avec son employeur à plusieurs reprises à ce sujet, mais que celui-ci n’était jamais satisfait, car ce n’était pas la réponse qu’il voulait entendre. L’appelant a précisé que l’employeur a commencé à lui envoyer, vers décembre 2012 ou au début de 2013, des lettres contenant des questions s’adressant à son médecin de famille, pour savoir ce qu’il vivait. Il a indiqué que par la suite (de mars à mai 2013), il a reçu des demandes formelles pour aller à Santé Canada. L’appelant s’est dit en désaccord avec l’affirmation de l’employeur voulant qu’il ait refusé, à huit reprises, la demande qui lui a été formulée de rencontrer des médecins de Santé Canada (pièce GD3-161). Il a affirmé avoir négocié avec son employeur pour aller voir son médecin de famille, ce qui avait été accepté au début. Selon l’appelant, c’est seulement vers l’été 2013 que l’employeur a refusé qu’il aille voir son médecin de famille pour répondre à la demande qui lui avait été faite, mais qu’il rencontre plutôt les médecins de Santé Canada. Il a souligné avoir pris des ententes avec son employeur concernant les premières demandes qui lui avaient été faites à ce sujet. L’appelant a indiqué avoir rencontré son médecin de famille, son psychiatre et son psychologue. Il a précisé que ces professionnels de la santé avaient produit deux rapports chacun, expliquant ce qu’il vivait et décrivant les mesures d’adaptation nécessaires dans le cadre de son travail. Selon l’appelant, ce que l’employeur voulait entendre était qu’il n’avait aucun problème psychologique et qu’il n’avait pas besoin de mesures d’adaptation. Il a fait valoir qu’à chaque fois que l’employeur posait de nouvelles questions, il avait donné la confirmation que les problèmes qu’il éprouvait nécessitaient des mesures d’adaptation. L’appelant a soutenu que son médecin de famille, son psychiatre et son psychologue avaient déjà déterminé quelles étaient ses limitations fonctionnelles, mais que pour l’employeur, ce n’était pas suffisant. Il a expliqué qu’il avait démontré moins de flexibilité, à l’été 2013, lorsque l’employeur lui a demandé de rencontrer des représentants de Santé Canada. L’appelant a affirmé que Santé Canada n’était pas obligé de le rencontrer pour émettre ses recommandations. Il a soutenu que le médecin évaluateur de Santé Canada peut se baser uniquement sur ce que lui remet l’employeur. L’appelant a mentionné que ce que l’employeur avait remis à Santé Canada était une « lettre de bêtises » à son endroit ;
  8. L’appelant a expliqué qu’en raison de sa déficience, il avait démontré une rigidité psychologique anormale qui faisait en sorte qu’il ne pouvait pas exercer son jugement de façon adéquate. Il a indiqué qu’un médecin avait établi un diagnostic à son endroit et déterminé quelles étaient ses limitations fonctionnelles. L’appelant a expliqué que sa condition médicale a fait en sorte qu’il a réagi à la demande de l’employeur de rencontrer les médecins de Santé Canada, parce qu’il était dans un état d’esprit qui n’était « pas normal ». Il a spécifié qu’il ne voyait pas la raison de la demande formulée par l’employeur. L’appelant a précisé avoir considéré cette demande comme une agression et un abus de droit de la part de l’employeur, puisque celui-ci avait déjà toute l’information nécessaire le concernant ;
  9. Il a indiqué qu’aujourd’hui, il ne voyait pas de problème à ce que l’employeur puisse vouloir une opinion et qu’il trouvait correct d’aller voir Santé Canada, mais que la façon dont cette demande lui avait été faite par l’employeur au moment où celle-ci avait été faite était toujours incorrecte. L’appelant a expliqué que l’employeur avait demandé à Santé Canada d’émettre une opinion le concernant. Il a mentionné que Santé Canada ne voulait toutefois pas s’engager à le rencontrer avant d’émettre une opinion. L’appelant a expliqué qu’il était d’accord à donner son consentement à Santé Canada afin que sa condition soit évaluée, mais seulement à la condition que cette instance accepte de le rencontrer ou de lui parler, afin qu’il puisse donner sa version des faits, ou encore, en prenant compte des documents qu’il pourrait lui remettre. Il a indiqué que l’employeur n’a pas accepté la modalité qu’il avait proposée. Il a mentionné que le syndicat qui le représente était allé voir Santé Canada, au début du mois d’août 2013. Il a expliqué que cette rencontre avait pour but de demander un délai afin de pouvoir évaluer les modalités prévues dans le cadre du processus de Santé Canada, mais qu’il était trop tard puisqu’il était déjà dans le collimateur de l’employeur. Il a expliqué qu’il y avait eu un processus qui était sur le point d’être enclenché, mais qu’il avait été congédié avant. Il a soutenu que rien dans la démarche de Santé Canada lui indiquait qu’il allait pouvoir être entendu ;
  10. L’appelant a précisé que la dernière preuve médicale qu’il avait fournie à l’employeur remontait à juillet 2013 (rendez-vous avec le docteur Fabbro le 26 juillet 2013). Ce document indique que l’appelant est dans l’incapacité de travailler jusqu’à une date indéterminée (pièce GD3-29) ;
  11. L’appelant a indiqué qu’il allait transmettre au Tribunal des documents médicaux indiquant que son congédiement a été causé en tout, ou en partie, par une déficience qu’il a eue au moment de son congédiement et dans les mois qui l’ont précédé (pièces GD15- 10 à GD15-34).

Arguments des parties

[21] L’appelant a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Il a affirmé que le contexte psychologique qui était en place avant qu’il ne soit congédié était un aspect qui n’avait pas été considéré par la Commission dans sa décision. Il a spécifié que la Commission n’a pas voulu analyser la question de harcèlement psychologique, même s’il a voulu lui faire comprendre dans quel état psychologique il se trouvait, avant qu’il ne soit congédié. Il a précisé que son état psychologique se caractérisait par un trouble de l’adaptation. Selon l’appelant, la Commission n’a pas considéré la déficience qu’il avait au moment de son congédiement et que celle-ci aurait dû tenir compte d’une telle balise. Il a soutenu ne pas avoir perdu son emploi en raison de son inconduite ;
  2. L’appelant a soutenu qu’une personne ne peut pas être pénalisée parce qu’elle est dans un état de déficience. Selon l’appelant, cet aspect est prévu dans la Charte canadienne des droits et libertés. Il a soutenu que cette question doit se transposer dans l’application Loi sur l’assurance-emploi et dans la notion d’inconduite, pour déterminer s’il y a eu inconduite ou non. Il a fait valoir que s’il a commis une inconduite, mais que celle-ci est due à une déficience, cette déficience peut excuser, d’une certaine manière, l’inconduite reprochée ;
  3. Il a fait valoir que les termes utilisés pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi doivent être cohérents avec la Charte des droits et libertés, notamment en ce qui concerne le droit à l’égalité. Il a fait valoir que la notion d’inconduite est davantage définie par la jurisprudence et non par la Loi elle-même (M. G. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 133), (pièces GD13-40 à GD13-59) ;
  4. Il a soutenu qu’il manquait une balise concernant la notion d’inconduite par rapport à l’application de la Charte des droits et libertés. L’appelant a indiqué qu’il n’avait pas retrouvé de balises dans la jurisprudence dans le cas où l’inconduite s’expliquerait par une déficience. Il soutenu qu’une personne ne doit pas être pénalisée si celle-ci est sous l’effet d’une déficience, une déficience psychologique, comme dans son cas ;
  5. L’appelant a fait valoir que des décisions récentes rendues par les Cours (Cour fédérale, Cour d’appel fédérale), relatives à la violence en milieu de travail, démontrent une vague de fond récente selon laquelle, en plus de la violence physique, la violence psychologique (harcèlement psychologique) doit être davantage considérée dans l’interprétation des lois en matière de travail (Alliance de la fonction publique du Canada, 2014 CF 1066 et Public Service Alliance of Canada, 2015 FCA 273), (pièces GD13-1 à GD13-39) ;
  6. Il a soutenu que le la notion de harcèlement psychologique doit vraiment être prise en compte dans l’interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi, notamment en regard de la notion d’inconduite ;
  7. L’appelant a fait valoir qu’en lien avec les effets néfastes liés au harcèlement psychologique qu’il a vécu dans son milieu de travail, plusieurs études permettent de démontrer et de vulgariser les conséquences liées au harcèlement psychologique (ex. : trouble d’adaptation, etc.), (Anne-Marie Laflamme, La protection de la santé mentale au travail : Le nécessaire passage d’un régime fondé sur la réparation des atteintes vers un régime de gestion préventive des risques psychosociaux (tome I), (extraits), thèse présentée à la Faculté des Études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en droit pour l’obtention du grade de docteure en droit (LL. D.), Faculté de droit, Université Laval, Québec, 2008 (pièces GD13-60 à GD13-92), Jennifer Nadeau, Le harcèlement psychologique en milieu de travail : l’accès difficile à l’indemnisation (extraits), mémoire, maîtrise en droit, Université Laval, Québec, 2014 (pièces GD13-93 à GD13-120), Lucie France Dagenais Ph. D. avec la collaboration de France Boily (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, direction de la recherche et de la planification), (extraits), Études sur la dimension psychologique dans les plaintes de harcèlement au travail – Rapport de recherche sur les plaintes résolues par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, décembre 2000 (pièces GD13-121 à GD13-150). Il a indiqué avoir lui-même vécu des effets physiques en lien avec le harcèlement psychologique qu’il a subi
  8. Il a expliqué que la Commission a rendu une décision à son endroit le 12 avril 2013, indiquant qu’il n’avait pas droit au bénéfice des prestations parce qu’il avait été suspendu depuis le 3 mars 2013, en raison de son inconduite (pièces GD15-3 et GD15-4). L’appelant a fait valoir que cette décision avait ensuite été révisée en sa faveur le 6 juin 2013 (pièces GD15-5 et GD15-6), malgré le fait qu’il avait reçu une lettre de suspension de la part de son employeur, en date du 1er mars 2013, parce qu’il avait refusé d’aller à Santé Canada (pièces GD15-3 à GD15-6) ;
  9. L’appelant a soutenu que sa suspension ne découlait pas d’une inconduite de sa part. Il a indiqué qu’il y avait eu un non-respect de certains principes fondamentaux de justice : cohérence administrative, motivation inadéquate de la décision (pièce GD2-2).

[22] La Commission a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Elle a expliqué que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Elle a précisé qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-4) ;
  2. Elle a soutenu que l’appelant a été suspendu de ses fonctions, car il a refusé de signer les formulaires de consentement en vue d’une expertise médicale auprès de Santé Canada, comme demandé par son employeur. La Commission a souligné que l’employeur a expliqué que l’appelant a fait mention de son état de santé à plusieurs reprises afin que certaines mesures soient prises pour l’aider dans son travail. Elle a indiqué que l’appelant a soumis plusieurs certificats médicaux, mais qu’il a continué de refuser l’évaluation d’aptitude au travail de Santé Canada. La Commission a expliqué que l’employeur a indiqué que les informations contenues dans les documents médicaux que l’appelant avait soumis ne supportaient pas la déclaration de ce dernier concernant la partie de ses tâches qu’il refusait de faire. Elle a précisé que l’employeur a donc demandé qu’une expertise médicale de Santé Canada soit effectuée afin qu’il puisse prendre les mesures nécessaires pour aider l’appelant. La Commission a évalué que l’appelant avait refusé d’obtempérer à la demande de l’employeur en alléguant que le processus était inéquitable, car il n’avait pas la certification que le médecin de Santé Canada communiquerait avec son médecin traitant avant de répondre au questionnaire de l’employeur (pièce GD4-4) ;
  3. La Commission a soutenu que la demande de l’employeur était raisonnable et avait pour but d’aider l’appelant dans son travail. Selon la Commission, il est évident qu’il y avait une relation de travail difficile entre l’appelant et l’employeur. Elle a fait valoir que c’est cependant le problème de capacité et de limitation fonctionnelle de l’appelant afin que celui-ci puisse exercer ses tâches habituelles dont il est question. La Commission a évalué que l’appelant n’a pas de motif valable de ne pas se conformer à la demande de l’employeur et le refus d’obtempérer sans motif valable est considéré comme de l’inconduite (pièce GD4-4) ;
  4. Elle a soutenu que le geste de l’appelant constitue une inconduite en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi, car il a refusé d’effectuer toutes les tâches assignées et de soumettre l’évaluation médicale pour supporter ce refus (pièce GD4-4) ;
  5. La Commission a déterminé qu’en conséquence, l’appelant n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi à compter du 16 juin 2013, puisqu’une inadmissibilité lui a été imposée à partir de cette date (pièces GD3-24 et GD3-25). Elle a précisé que, par la suite, l’appelant a été congédié de son emploi, à compter du 8 août 2013 ; la suspension ayant été supprimée pour donner place au licenciement (pièces GD3-24, GD3-25, GD4-3 et GD4-5).

Analyse

[23] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que :

Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[24] Dans cette décision (Tucker, A-381-85), la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a rappelé les propos du juge Reed à l’effet que :

[…] La malhonnêteté mise à part, les tribunaux semblent être prêts à admettre que les employés vent (sic)[sont] humains, qu’ils peuvent être malades et être incapables de s’acquitter de leurs obligations, et qu’ils peuvent faire des erreurs sous l’influence du stress ou de l’inexpérience […] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d'une intention délictuelle […].

[25] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a fait le rappel suivant :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à- dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[26] Dans l’arrêt McKay-Eden (A-402-96), la Cour a apporté la précision suivante : « À notre avis, pour qu’une conduite soit considérée comme une « inconduite » sous le régime de la Loi sur l’assurance chômage, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. ».

[27] Dans l’affaire Jewell (A-236-94), la Cour a déclaré :

Les décisions Canada c. Bedell, (1985) 60 N.R. 116 (C.A.F.), Canada (Procureur général) c. Tucker, [19860 2 C.F. 329 et Canada c. Brissette, [1994] 1 C.F. 684 énoncent le droit applicable selon la Cour quant à ce qui constitue une inconduite. Il ressort de ces décisions que, en l’absence de l’élément psychologique requis, le comportement reproché ne peut être qualifié d’inconduite au sens de l’article 28 de la Loi.

[28] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entrainer son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[29] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[30] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il incombe à l’employeur ou à la Commission de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[31] Dans l’affaire Murray (2013 CF 49), il est question d’une demande formulée à la Cour fédérale, par le demandeur, Norman Murray, dans le but suivant :

[…] annuler une décision du Tribunal de la dotation de la fonction publique [le TDFP] rejetant sa demande de production d’éléments de preuve après la clôture de l’audience et rejetant sa plainte de discrimination dans un processus de dotation mené par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] en 2006.

[32] Dans cette décision (Murray, 2013 CF 49), la Cour a énoncé, en ces termes, les volets se rapportant au critère à appliquer pour admettre la preuve produite après la clôture de l’audience :

[…] Les parties ont convenu que le critère en trois volets résumé dans Whyte c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2010 TCDP 6 [Whyte], faisant suite à celui utilisé dans Vermette c Société Radio-Canada [1994] TCDP 14, devrait être appliqué. Le critère est le suivant : 1. il doit être établi que même en faisant preuve de diligence raisonnable il n’aurait pas été possible d’obtenir les éléments de preuve pour présentation au procès; 2. les éléments de preuve doivent être susceptibles d’influer substantiellement sur l’issue de l’affaire, quoiqu’ils n’aient pas à être déterminants; 3. les éléments de preuve doivent être vraisemblables ou, autrement dit, ils doivent paraître crédibles même s’il n’est pas nécessaire qu’ils soient irrécusables.

[33] Sur cet aspect, le Tribunal retient, dans son analyse, les éléments de preuve soumis par l’appelant, en date du 10 février 2016, après la tenue de l’audience du 15 décembre 2015(pièces GD15-1 à GD15-34), parce que ces documents ont une incidence déterminante dans le cas présent et qu’ils contiennent des renseignements susceptibles d’influencer la décision dudit Tribunal (Murray, 2013 CF 49).

[34] Ces nouveaux documents viennent essentiellement confirmer un lien de causalité entre les événements survenus dans le cadre de l’emploi exercé par l’appelant et la manifestation d’un trouble d’adaptation évoqué par l’appelant lors de l’audience (pièces GD15-10 à GD15-34).

[35] Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.

[36] Déterminer si la conduite d’un employé ayant entrainé la perte de son emploi constitue une inconduite, est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

[37] Dans le présent dossier, les gestes reprochés à l’appelant, soit d’avoir refusé, à plusieurs reprises, de se soumettre à une évaluation d’aptitude au travail auprès de Santé Canada, comme le lui avait formellement demandé son employeur, ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[38] Dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant, en date du 8 août 2013, l’employeur lui a donné l’explication suivante :

Entre les mois de mars à mai 2013, l’employeur vous a demandé à 8 reprises de consentir à vous faire évaluer par Santé Canada, requêtes que vous avez toutes rejetées. Face à ces refus, la gestion vous a proposé une alternative, soit de faire remplir le questionnaire d’évaluation d’aptitude au travail par vos professionnels de la santé. […] la gestion vous a demandé de consentir à la divulgation d’information médicale et à subir une évaluation d’aptitude au travail (ÉAT) auprès de Santé Canada. Bien que vous ayez rempli les formulaires demandés, vous avez pris la liberté d’insérer de nouvelles conditions dans le formulaire de consentement d’ÉAT, le rendant invalide aux yeux de Santé Canada qui ne peut procéder à une évaluation tant que les consentements ne sont pas remplis adéquatement. […] vous avez à nouveau refusé de vous conformer à cette requête en justifiant, dans un courrier électronique envoyé à la gestion, les modifications que vous avez apportées au formulaire de consentement d’ÉAT. Ce refus de se conformer aux directives de Santé Canada et de la gestion est également considéré comme étant de l’insubordination. […] vous êtes par la présente licencié pour des motifs disciplinaires et cette décision entre en vigueur immédiatement » (pièces GD3- 161 à GD3-164).

[39] Dans cette lettre, l’employeur a également mentionné les motifs suivants pour expliquer le licenciement de l’appelant :

  1. Actes d’insubordination : absences non autorisées du lieu de travail ; non-respect des directives de l’employeur en ne remettant pas un horaire de travail respectant les directives stipulées ; non-respect des directives de l’employeur en se présentant accompagné d’une représentante syndicale, sans autorisation préalable, à une réunion avec son gestionnaire de service et son chef d’équipe ;
  2. Actes d’inconduite : tentative d’enregistrement d’une conversation avec son chef d’équipe sans autorisation (pièces GD3-161 à GD3-168).

[40] À partir des déclarations faites par l’employeur et de la lettre de licenciement qu’il a transmise à l’appelant, il ressort que le fait que l’appelant ait refusé de se soumettre à l’évaluation d’aptitude au travail apparaît clairement comme la cause de son congédiement.

Caractère non délibéré des gestes reprochés

[41] En tenant compte du contexte particulier dans lequel les gestes reprochés à l’appelant ont été commis soit, ses refus répétés de se soumettre à l’évaluation de l’aptitude au travail de Santé Canada, le Tribunal considère que ces gestes ne revêtaient pas un caractère délibéré ou intentionnel (Mishibinijima, 2007 CAF 36, McKay-Eden, A-402-96, Tucker, A-381-85).

[42] Les faits concernant la demande d’évaluation d’aptitude au travail n’ont pas été contestés par l’appelant. L’appelant a reconnu avoir refusé, à plusieurs reprises, la demande de son employeur de se soumettre à une telle évaluation auprès de Santé Canada.

[43] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelant au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié relativement aux événements ayant mené à son congédiement. Le témoignage de l’appelant était détaillé et exempt de contradictions. Son témoignage a permis de mettre en contexte les gestes qui lui ont été reprochés et qui ont mené à son congédiement.

[44] Bien que pouvant être répréhensibles, les gestes qui ont été reprochés à l’appelant ne possèdent pas la dimension psychologique requise pouvant permettre de les associer à de l’inconduite au sens de la Loi (Jewell, A-236-94, McKay-Eden, A-402-96, Tucker, A-381-85).

[45] Le Tribunal considère que les gestes reprochés à l’appelant s’expliquent par l’état psychologique dans lequel celui-ci se trouvait au printemps ou à l’été 2013, avant qu’il ne soit à nouveau suspendu le 19 juin 2013, puis licencié le 8 août 2013.

[46] L’appelant a expliqué comment son trouble d’adaptation et les déficiences psychologiques qu’il a présentés, l’avaient amené à refuser les demandes répétées de son employeur de se soumettre à une évaluation d’aptitude au travail auprès de Santé Canada.

[47] L’appelant a d’ailleurs souligné, lors de l’audience qu’au printemps et à l’été 2013, il était dans un état d’esprit qui n’était « pas normal ». L’appelant a précisé que cette situation avait fait en sorte qu’il n’était plus en mesure de réfléchir de la même façon que d’habitude, ou de prendre les bonnes décisions, et qu’il avait ainsi pu faire des erreurs ou commettre des fautes de jugement.

Preuve médicale

[48] L’appelant a expliqué que les certificats médicaux produits par les médecins qu’il a rencontrés (ex. : médecin, psychiatres) et les réponses données par des professionnels de la santé à des questionnaires envoyés par l’employeur, attestent son trouble d’adaptation et sa déficience psychologique (ex. : état d’anxiété exacerbé, état dépressif).

[49] Le Tribunal considère que la preuve médicale soumise par l’appelant vient mettre en lumière l’état psychologique (condition médicale) dans lequel se trouvait l’appelant dans les mois ayant précédé son licenciement.

[50] Le Tribunal est d’avis que la preuve médicale présentée démontre que l’élément psychologique requis pouvant assimiler le comportement de l’appelant à de l’inconduite est absent dans le cas qui nous occupe (Jewell, A-236-94, McKay-Eden, A-402-96, Tucker, A-381- 85).

[51] L’expertise menée par le docteur Édouard Beltrami, médecin psychiatre, auprès de l’appelant, en date du 11 mars 2014, présente la conclusion suivante : « Il y a effectivement un lien de causalité entre les et l’événements (sic) [les événements] survenus lors de ses fonctions au travail et la reprise d’un trouble d’adaptation avec humeur dépressive qui avait déjà existé antérieurement » (pièce GD15-33 et GD15-34).

[52] Un certificat médical, en date du 26 juillet 2013, rédigé par le docteur Fabbro, médecin psychiatre, de la Clinique médicale Giffard, indique que l’appelant était dans l’incapacité de travailler jusqu’à une date indéterminée (pièce GD3-29).

[53] Le Tribunal souligne que ce document a été produit moins de deux semaines avant que l’appelant ne soit licencié le 8 août 2013 (pièces GD3-29 et GD3-161 à GD3-164).

[54] La preuve au dossier indique aussi que l’appelant a déjà été en arrêt de travail, pour des raisons médicales, au cours de la période du 6 au 23 décembre 2012 (pièces GD3-54 et GD3-55).

[55] Un certificat médical de la Clinique médicale Des Promenades de Beauport (Québec), en date du 30 novembre 2012, indique également que l’appelant a vécu une exacerbation d’anxiété du 5 au 21 novembre 2012, et que durant cette période, celui-ci a présenté des limitations fonctionnelles ayant pu diminuer son rendement (pièces GD3-52 et GD3-53).

[56] Le Tribunal estime qu’en raison de l’état d’esprit dans lequel il se trouvait lorsqu’il a refusé les demandes de son employeur, l’appelant a pu « faire des erreurs » sous « l’influence du stress », qui lui ont coûté son emploi, sans pour autant qu’il ne s’agisse d’inconduite au sens de la Loi (Tucker, A-381-85).

[57] Dans ce contexte, le Tribunal considère que l’appelant n’a pas négligé volontairement ou gratuitement les intérêts de son employeur ni fait preuve d’une intention délictuelle à son endroit (Tucker, A-381-85).

[58] Toutefois, le Tribunal ne peut souscrire à l’analyse faite par l’appelant voulant que le harcèlement psychologique qu’il dit avoir vécu dans son milieu de travail soit à l’origine de son trouble d’adaptation et des déficiences psychologiques qu’il a manifestées.

[59] À partir de la preuve médicale soumise par l’appelant, le Tribunal considère que la question soulevée par celui-ci au sujet du harcèlement psychologique n’est pas pertinente au présent litige. Le Tribunal estime que la preuve médicale présentée est suffisamment explicite pour démontrer l’état psychologique dans lequel l’appelant se trouvait plusieurs mois avant son congédiement (pièces GD3-29, GD3-52 à GD3-55, GD15-32 et GD15-33).

[60] Le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de connaître l’origine possible ou les causes plus immédiates du trouble d’adaptation décrit par l’appelant et les déficiences psychologiques manifestées par celui-ci.

[61] Le Tribunal considère que l’appelant a bien fait ressortir le fait que la Commission, dans son analyse, n’a pas pris en compte l’état psychologique dans lequel il se trouvait avant qu’il ne soit congédié.

[62] Le Tribunal trouve d’ailleurs paradoxale l’argumentation présentée par la Commission, compte tenu du fait que, le 6 juin 2013, celle-ci a rendu une décision en révision, favorable à l’appelant, après que celui-ci ait été suspendu par l’employeur, en mars 2013, pour un motif similaire à celui ayant entrainé une nouvelle suspension le 19 juin 2013 et son licenciement le 8 août 2013 (pièces GD15-5 et GD15-6).

[63] Dans ce contexte, le Tribunal ne retient pas l’argument de la Commission voulant que l’appelant n’avait « pas de motif valable de ne pas se conformer à la demande de l’employeur et le refus d’obtempérer sans motif valable est considéré comme de l’inconduite » (pièce GD4-4).

[64] Le Tribunal souligne que le même motif prévalait lorsque la Commission a rendu une décision en révision, en date du 6 juin 2013, qui avait fait en sorte de rendre l’appelant admissible au bénéfice des prestations (pièces GD15-3 à GD15-6). Le Tribunal estime que la Commission aurait pu faire preuve de plus de constance dans sa position dans le but de rendre l’appelant admissible au bénéfice des prestations.

Autres motifs invoqués par l’employeur

[65] Dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant, l’employeur a fait mention d’actes qu’il a qualifiés d’« actes d’insubordination » et d’« actes d’inconduite » commis par celui-ci (pièces GD3-161 à GD3-168).

[66] Les « actes d’insubordination » réfèrent aux éléments suivants : absences non autorisées du lieu de travail ; non-respect des directives de l’employeur en ne remettant pas un horaire de travail respectant les directives stipulées ; non-respect des directives de l’employeur en se présentant accompagné d’une représentante syndicale, sans autorisation préalable, à une réunion avec son gestionnaire de service et son chef d’équipe.

[67] L’« acte d’inconduite » énoncé par l’employeur concerne la tentative d’enregistrement d’une conversation avec son chef d’équipe sans autorisation (pièces GD3-161 à GD3-168).

[68] Le Tribunal considère que la preuve recueillie auprès de l’employeur ne permet pas de démontrer en quoi ces actes pouvaient représenter de l’inconduite au sens de la Loi.

[69] Le Tribunal est d’avis que ces actes pouvaient s’inscrire dans un contexte plus global lié à l’état psychologique dans lequel se trouvait l’appelant dans la période ayant précédé son congédiement.

[70] La Commission n’a d’ailleurs pas fourni d’argumentation sur ces éléments. Son argumentation porte essentiellement sur le fait que l’appelant a refusé de se soumettre à l’évaluation de l’aptitude au travail demandée par l’employeur.

[71] Le Tribunal considère que les gestes reprochés à l’appelant n’étaient pas d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement. L’appelant ne pouvait savoir que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

Preuve recueillie par la Commission

[72] Le Tribunal rappelle que dans un cas d’inconduite, le fardeau de la preuve appartient à la Commission ou à l’employeur, selon le cas (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[73] Le Tribunal est d’avis que, dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe à cet égard (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

Cause du congédiement

[74] Le Tribunal considère que la preuve présentée démontre que l’appelant a été congédié en raison de gestes qu’il n’a pas posés de manière volontaire et délibérée (Tucker, A-381-85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[75] Le Tribunal estime que les gestes qui lui ont été reprochés ne constituent pas de l’inconduite au sens de la Loi (Tucker, A-381-85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[76] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut et sur la preuve présentée, le Tribunal considère que l’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A-168-00).

[77] Le Tribunal conclut que l’appel est fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[78] L’appel est accueilli.

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