Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

C. P., l’appelant, n’était pas présent lors de l’audience par vidéoconférence. Le Tribunal a commencé l’audience et l’enregistrement de celle-ci à 12 h 55, le 17 mars 2016. Il a attendu jusqu’à 13 h 30, le 17 mars 2016, mais l’appelant ne s’est pas présenté à la vidéoconférence.

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de prestations; l’intimée a autorisé sa demande. L’employeur de l’appelant a demandé une révision à la suite de laquelle la demande de l’appelant a été refusée. L’appelant a alors interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) et une audience par vidéoconférence a été fixée.

[2] L’audience fut tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que la crédibilité pourrait constituer un enjeu important;
  2. Le mode d’audience doit respecter les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale à savoir qu’il doit procéder de façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[3] L’appelant interjette appel de la décision de la Commission découlant de sa demande de révision en vertu de l’article 12 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) au sujet de l’imposition d’une exclusion en application des articles 29 et 30 de la Loi parce qu’il a perdu son emploi par sa propre inconduite.

Droit applicable

[4] Les alinéas 29a) et b) de la Loi sont ainsi libellés :

  1. (a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. (b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi, la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;

[5] Le paragraphe 30(1) de la Loi :

Un appelant est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7,1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[6] Le paragraphe 30(2) de la Loi :

L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations de l’appelant qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[7] Article 112 de la Loi

  1. (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de l’intimée, de même que tout employeur d’un appelant peut, selon les modalités prévues par règlement, demander à l’intimée de réviser sa décision
    1. a) dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication,
    2. b) ou dans le délai supplémentaire que l’intimée peut accorder.
  2. (2) L’intimée est tenue de réviser sa décision si une telle demande lui est présentée en vertu du paragraphe (1).
  3. (3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où l’intimée peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1)

Preuve

[8] Le 23 avril 2015, l’appelant a déposé une demande de prestations ordinaires. Il a déclaré avoir été congédié de son emploi. Il a ajouté que son employeur avait mis fin à son emploi à cause de ses activités frauduleuses, qu’il réfute. Il a déclaré n’avoir jamais été averti et n’avoir jamais reçu d’avis. Il a déclaré s’être entretenu avec la Commission des normes du travail et avoir entrepris d’autres actions (GD3-3 à GD3-17).

[9] L’appelant a travaillé chez Match Transact Inc. du 19 mars 2014 au 28 février 2015, date à laquelle il a été congédié de son emploi. (GD3-18)

[10] Le 22 mai 2015, l’intimée a avisé l’appelant qu’elle autorisait sa demande de prestations (GD3-21).

[11] Le 22 juin 2015, l’employeur a présenté une demande de révision. L’employeur a déclaré avoir découvert que l’appelant avait effectué 23 fausses activations (de compte) ayant entraîné un crédit de 1 790 $ à son compte. L’employeur a déposé une copie de l’offre d’emploi, une note de la part du gestionnaire de la prévention des pertes indiquant que l’enquête avait révélé une activité frauduleuse pendant laquelle l’appelant avait effectué 23 activations (de compte) frauduleuses en utilisant des permis de conduire falsifiés au nom de clients antérieurs et des documents de citoyenneté aux fins de l’évaluation du crédit. L’employeur a également découvert que l’appelant avait obtenu frauduleusement des crédits de fidélisation de Fido qui s’accumulaient dans son compte personnel. Le code de conduite professionnelle de l’employeur spécifie que le vol ou l’activité frauduleuse entraînera des sanctions disciplinaires allant jusqu’au congédiement immédiat de l’employé (GD3-22 à GD3-41).

[12] Le 24 juillet 2015, l’employeur a avisé l’intimée que l’appelant avait été congédié à cause d’activités frauduleuses. L’employeur a déclaré que ses systèmes avaient détecté 23 actes de fraude ou l’appelant avait utilisé des identités falsifiées ou inexactes afin d’augmenter ses ventes, ce qui avait généré un gain financier pour lui. L’employeur a déclaré que l’appelant modifiait simplement les numéros des permis de conduire et des cartes de citoyenneté afin de gonfler ses ventes. L’employeur a fourni une copie des transactions du compte de l’appelant (GD3-42).

[13] Le 28 juillet 2015, l’appelant a avisé l’intimée qu’il était un vendeur de premier niveau et que par conséquent il aurait dû recevoir un avertissement. Il a déclaré n’avoir jamais été informé de quelque méfait que ce soit. L’appelant a déclaré qu’il suivait simplement les consignes de base de sa formation (GD3-43).

[14] Le 28 juillet 2015, l’intimée a avisé l’appelant et l’employeur qu’à la suite de son examen approfondi des circonstances de l’affaire ainsi que des renseignements additionnels déposés, et se basant sur ses propres constatations et sur la législation, elle concluait que l’appelant avait perdu son emploi à cause de sa propre inconduite aux termes de la Loi. L’intimée a imposé à l’appelant une inadmissibilité de durée indéfinie à compter du 19 avril 2015 en application du paragraphe 30(1) de la Loi et elle l’a informé qu’un Avis de dette accompagné des instructions pour le remboursement suivrait sous peu. (GD3-45 à 49)

[15] L’intimée a émis un Avis de dette de 4 113 $ (GD3-50)

[16] L’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal le 2 septembre 2015 (GD2-1 à 8)

[17] Le Tribunal a fixé une audience par vidéoconférence le 17 mars 2016.

Observations

[18] L’appelant a fait valoir les arguments suivants :

  1. Il a tout déposé devant l’intimée notamment sa lettre de congédiement qui explique son congédiement. L’appelant « n’a rien caché et n’a menti en rien ».

[19] L’intimée a fait valoir les arguments suivants :

  1. Selon le paragraphe 30(2) de la Loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée s’il perd son emploi en raison de son inconduite. Pour que la conduite en question puisse constituer de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, elle doit être volontaire ou délibérée, ou résulter d’une insouciance telle qu’elle frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.
  2. En l’espèce, l’appelant avait été embauché à titre de représentant commercial de téléphonie mobile; il était tenu de suivre les politiques et les lignes de conduite du Manuel des opérations de l’employeur dans lequel il est précisé [traduction] : « tout employé qui se conduit de façon inacceptable sera sujet à des sanctions disciplinaires allant jusqu’au congédiement immédiat » (GD3-36).
  3. La politique de l’employeur (GD3-36) décrivait clairement les activités suivantes comme conduite inacceptable :
    1. La contrefaçon des registres de paie ou des répondants.
    2. La contrefaçon des données des programmes incitatifs à des fins de profit personnel.
  4. En l’espèce, les éléments de preuve déposés par l’employeur indiquent que l’appelant avait falsifié l’identité des clients en modifiant leurs numéros d’identification afin de trafiquer ses ventes à son avantage personnel. Étant donné les éléments de preuve dont elle était saisie, l’intimée n’a pu que conclure qu’une personne raisonnable aurait dû savoir qu’une telle conduite pourrait entraîner son congédiement immédiat. Pour sa part, l’appelant aurait dû être conscient des conséquences de sa conduite puisqu’il avait accepté la politique de son employeur le 19 mars 2014. Cela étant, l’intimée ne pouvait que conclure que l’appelant avait perdu son emploi à la suite de sa propre inconduite et qu’une inadmissibilité de durée indéfinie s’appliquerait en application de l’article 30 de la Loi.
  5. L’intimée soutient que sa décision d’imposer une inadmissibilité rétroactive ainsi qu’un trop payé est conforme à la législation de l’AE et est appuyée par la jurisprudence. L’intimée soutient que la jurisprudence étaye sa décision. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe voulant qu’il y ait inconduite lorsque la conduite de l’appelant était délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement étaient conscients, voulus ou intentionnels. Mishibinijima c. Canada (Procureur général), (2007) CAF 36.
  6. La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite pour l’application du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée à l’appelant et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Canada (P.G.) c. Lemire, (2010) CAF 314

Analyse

[20] L’appelant était absent lors de la vidéoconférence. L’audience par vidéoconférence devait débuter à 13 h, le 17 mars 2016. Le membre du Tribunal a lancé l’enregistrement de l’audience à 12 h 55 min, le 17 mars 2016. Le Tribunal a attendu la vidéoconférence jusqu’à 13 h 30, le 17 mars 2016; l’appelant ne s’est pas présenté à l’audience. Le Tribunal est convaincu que l’appelant avait reçu l’avis d’audience daté le 22 décembre 2015 comme l’indique le numéro de repérage de livraison de Postes Canada (X) émis le 11 décembre 2016. Le Tribunal a procédé à l’audience en vertu du paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[21] La partie mise en cause n’était pas présente à l’audience, mais elle a déposé des observations additionnelles (GD8-1 à 6).

[22] Il n’y a qu’une question dont le Tribunal soit saisi. L’appelant interjette appel de la décision de la Commission selon laquelle la raison pour laquelle il a perdu son emploi constitue de l’inconduite aux termes des dispositions de la Loi.

[23] La Loi ne définit pas l’« inconduite ». Le critère permettant de déterminer s’il y a eu inconduite consiste à se demander si l’acte reproché avait un caractère volontaire ou délibéré ou, du moins, s’il résultait d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. Selon la Cour d’appel fédérale, « [...] il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. »

[24] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que :

« […] pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. ».

[25] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail cf. Lemire, (2010) CAF 314.

[26] Le Tribunal conclut que l’emploi de l’appelant a pris fin comme conséquence directe des politiques de l’employeur.

[27] Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement. Le 28 juillet 2015, l’appelant a déclaré à l’intimée qu’il était un vendeur de premier niveau et que par conséquent il aurait dû recevoir un avertissement. Il a déclaré n’avoir jamais été informé de quelque méfait que ce soit. L’appelant a déclaré qu’il suivait simplement les consignes de base de sa formation. (GD3-43) Les éléments de preuve déposés par l’employeur (GD3-24 à 40) indiquent clairement que l’enquête portant sur la prévention des pertes a révélé que l’appelant avait eu des activités frauduleuses à 23 reprises. (GD3-36) Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant était parfaitement conscient qu’en activant des téléphones en utilisant de fausses identités, sa conduite était trompeuse.

[28] Le Tribunal estime que les avertissements du manuel de l’employeur indiquent clairement que [traduction] : « tout employé qui se conduit de façon inacceptable sera sujet à des sanctions disciplinaires allant jusqu’au congédiement immédiat ». Le manuel précise également que la contrefaçon des registres ou des données des programmes incitatifs est inacceptable. Les éléments de preuve de l’employeur indiquent que l’appelant avait accepté ces conditions d’emploi, notamment la disposition expresse que son emploi puisse prendre fin immédiatement s’il commettait un acte jugé inacceptable (GD3-39).

[29] Par ailleurs, un contrat de travail peut se définir globalement comme une convention entre un employeur et une personne employée concernant l’attribution d’une rémunération et d’autres avantages, en échange de services et implique, du fait de cette association d’intérêts, le respect de règles de conduite entendues entre les parties et consacrées par l’éthique professionnelle, le bon sens, l’usage ou les mœurs.

[30] De multiples actions ou omissions peuvent se voir attribuer le qualificatif d’inconduite dans le sens où ces agissements s’avèrent incompatibles avec les visées d’un contrat de travail, entrent en conflit d’intérêts avec les activités de l’employeur ou portent atteinte à la relation de confiance entre les parties.

[31] La dérogation aux normes établies, aux directives, à un règlement formel ou tacite ou encore, à la convention collective, constitue de l’inconduite, dans la mesure où l’existence de ladite norme, directive ou règle est établie et la dérogation ou le manquement est bel et bien précisé.

[32] En l’espèce, les éléments de preuve de l’employeur indiquent que l’appelant a eu une activité frauduleuse lorsqu’il a activé des téléphones en utilisant de fausses identités afin d’augmenter ses ventes.

[33] Le Tribunal conclut que les gestes de l’appelant constituent de l’inconduite aux termes de la Loi et que la perte de son emploi est la conséquence d’un ou de plusieurs de ces gestes délibérés de sa part.

[34] Le Tribunal est d’avis que l’appelant ne pouvait ignorer la portée du geste qu’il a posé. Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant selon lequel il se conformait aux directives minimes de sa formation (GD3-43).

[35] Le Tribunal conclut, d’après la preuve qui lui a été présentée, que le demandeur a cessé de travailler pour son employeur en raison de son geste volontaire et délibéré.

[36] Le Tribunalest d’avis que le geste reproché à l’appelant fût d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible d’entraîner la fin de son emploi ou de provoquer son congédiement. Il était conscient que sa conduite était de telle nature qu’elle l’empêchait de remplir ses obligations contractuelles envers son employeur et qu’il pouvait être congédié (GD3-39).

[37] Le Tribunal estime que les gestes et les activités de l’appelant constituent de l’inconduite aux termes de la Loi et que la cessation de son emploi a été par sa faute.

[38] Le Tribunal conclut que l’appel n’est pas fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[39] L’appel est rejeté.

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