Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 29 juillet 2015, la division générale du Tribunal a établi que :

  • L’appelant avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] Le demandeur a sollicité la permission d’en appeler à la division d’appel le 25 août 2015. La permission d’en appeler lui a été accordée le 18 septembre 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la question ou des questions portées en appel;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  • Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelant était présent à l’audience; il était représenté par Kevin Fox. L’intimée était représentée par Carol Robillard.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis des erreurs de fait et de droit en concluant que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’appelant a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • La division générale a commis des erreurs de fait et de droit;
  • La division générale n’a pas tenu compte que l’inconduite en raison de laquelle il n’a pas eu droit aux prestations résultait de son handicap, soit l’alcoolisme;
  • L’alcoolisme est reconnu comme un handicap selon le Code des droits de la personne, L.R.O., chap. 1-1.19. Les employeurs ne peuvent pas faire de discrimination à l’endroit d’employés ayant une dépendance. On s’attend des employeurs qu’ils accommodent cette maladie dans la mesure du possible;
  • L’appelant a intenté une action contre son ex-employeur pour congédiement injustifié et violation du Code des droits de la personne de l’Ontario. L.R.O. chapitre H 19. L’action a été réglée en faveur de l’appelant;
  • Pendant toute la période de son emploi, l’appelant s’est acquitté des responsabilités de son poste de façon consciencieuse et professionnelle. C’était un employé fiable qui travaillait extrêmement fort et qui a toujours affiché un excellent dossier d’emploi;
  • L’appelant plaide qu’il est alcoolique et que ses collègues savaient bien qu’il était alcoolique étant donné son comportement erratique entre autres choses;
  • L’appelant prétend que son employeur a mis fin à son emploi à cause de son handicap et, qui plus est, à cause du comportement que son handicap provoquait. En agissant de la sorte, son employeur avait contrevenu au Code des droits de la personne. Plutôt que de mettre fin à l’emploi, l’employeur aurait dû le mettre en congé, le temps qu’il cherche à obtenir un traitement pour sa condition;
  • La conduite de l’appelant n’était pas volontaire, mais elle était plutôt la conséquence de son handicap.
  • Il conteste la conclusion de la division générale sur la question de l’inconduite. Sa consommation d’alcool n’est pas un comportement conscient et délibéré.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • Il y a inconduite lorsque le prestataire sait ou devrait savoir que sa conduite est de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il est réellement possible qu’il soit congédié. Toutefois, la notion d’inconduite délibérée n’implique pas d’intention malveillante; il est suffisant que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Finalement, il faut qu’il y ait un lien de cause à effet entre l’inconduite et l’emploi;
  • Les actions de l’appelant constituent de l’inconduite et la décision de la division générale est raisonnable étant donné les faits de la cause;
  • La Cour d’appel fédérale soutient que l’alcoolisme ne justifie pas l’inconduite et que se présenter au travail en état d’ébriété constitue de l’inconduite. L’appelant était conscient de son alcoolisme et conscient de la politique de tolérance zéro de son employeur en plus de l’avertissement final qu’il avait reçu; il aurait dû savoir que sa consommation entraînerait possiblement son licenciement.
  • La division générale a considéré les éléments de preuve présentés : en dépit des efforts de son employeur pour conseiller l’appelant et pour suggérer qu’il cherche à se faire traiter, l’appelant n’a pas suivi ces conseils et a continué à se présenter au travail en état d’ébriété;
  • La question n’est pas de déterminer si le licenciement était justifié ou encore approprié;
  • Dans son appel auprès de la division d’appel, l’appelant prétend que son alcoolisme est un handicap. Il présente des lettres qui attestent de ses états de service exceptionnels et qui prouvent qu’il a bien suivi un traitement en 2010, comme après son licenciement. Cela ne nie en rien les actes qui ont conduit à son licenciement, notamment se présenter au travail avec les facultés affaiblies;
  • Finalement, un billet de médecin déposé le 26 mai 2015, après le licenciement de l’appelant, atteste effectivement son historique d’alcoolisme et le traitement qu’il subissait depuis février 2015; toutefois, le billet ne présente aucune preuve que l’appelant n’aurait pas été responsable de ses actes;
  • La décision de la division générale fait partie des issues raisonnables, compte tenu de l’ensemble des faits présentés. Elle juge qu’aucun élément de preuve ne montre que la division générale a agi de façon impartiale, a commis une erreur de droit ou a tiré une conclusion de fait erronée, de façon abusive ou arbitraire.

Norme de contrôle

[10] L’appelant n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée soutient que la norme de contrôle applicable pour les questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable, cf. Chaulk c. Canada (PG), (2011) CAF 212.

[12] Les moyens d’appels énoncés au paragraphe de la Loi sur le MEDS sont identiques à ceux auxquels devaient s’en tenir les anciens juges-arbitres de l’assurance-emploi conformément au paragraphe 115(2) de la Loi. Par conséquent, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale touchant la nature de l’appel et qui se rapporte aux anciens juges-arbitres de l’assurance-emploi est pertinente et persuasive.

[13] Le Tribunal est d’avis que le niveau de déférence que la division d’appel accorde aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le niveau de déférence qu’accordaient les juges-arbitres de l’assurance-emploi aux décisions rendues par les anciens conseils arbitraux. Un appel devant la division d’appel n’est pas une audience de novo. Un appel interjeté devant la division d’appel n’est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit cf. la décision Canada (Procureur général) c. Merrigan, (2004) CAF 253.

[14] Le Tribunal reconnaît que la Cour d’appel fédérale a établi que la norme de contrôle applicable à une décision rendue par un conseil arbitral (maintenant la division générale) ou un juge arbitre (maintenant la division d’appel), concernant les questions de droit, est celle de la décision correcte cf. la décision Martens c. Canada (Procureur général), (2008) CAF 240, et que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable cf. les décisions Dunsmuir c. New Brunswick, (2008) CSC 9, Canada (Procureur général) c. Hallée, (2008) CAF 159.

Analyse

[15] La division générale a tiré les conclusions suivantes, qui l’ont amenée à rejeter l’appel de l’appelant :

[34] [Traduction] L’appelant avait été averti au sujet de son comportement, à savoir se présenter au travail en état d’ébriété. Il avait été renvoyé à la maison ou suspendu à plusieurs reprises pour avoir enfreint cette politique de la compagnie. Il avait reçu des lettres d’avertissement officielles au sujet de son ébriété au travail. La direction l’avait encouragé à utiliser le plan de soins médicaux de la compagnie pour chercher de l’aide. Dans la lettre qui déterminait sa suspension, l’appelant a encore été avisé qu’il devrait profiter du plan de soins médicaux de la compagnie.

[35] [Traduction] L’appelant n’avait pas cherché de l’aide pour son problème de dépendance à l’alcool pendant qu’il travaillait pour BBB. La lettre de la part de Trillium Health Partners indique le mois de février 2015 comme moment où il avait dit suivre un traitement.

[36] [Traduction] L’appelant était au courant de la politique de la compagnie au sujet de l’ivresse au travail.

[37] [Traduction] L’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. Que la sanction disciplinaire qu’il a reçue, le licenciement à la suite d’avertissements répétés au sujet de sa conduite au travail, ait été plus sévère que celle que l’appelant avait escomptée ne signifie pas pour autant que sa conduite ne constituait pas de l’inconduite.

[38] [Traduction] L’employeur a appliqué une série de mesures disciplinaires progressives. En se basant sur ses observations de l’appelant au travail, l’employeur, a constaté un problème d’alcool et a tenté de convaincre l’appelant de chercher un traitement. L’appelant n’a pas suivi ces conseils et a continué de se présenter au travail en état d’ébriété.

[39] [Traduction] Le membre conclut à l’inconduite au travail de l’appelant, au sens de la Loi.

[16] Dans son appel, l’appelant allègue que la division générale n’a pas tenu compte que l’inconduite en raison de laquelle il n’a pas eu droit aux prestations résultait de son handicap, soit l’alcoolisme; l’appelant allègue que sa consommation d’alcool n’est pas un comportement conscient et délibéré.

[17] Il fait valoir que l’alcoolisme est reconnu comme un handicap selon le Code des droits de la personne, L.R.O., chap. H.19, et que les employeurs ne peuvent pas faire de discrimination à l’endroit d’employés ayant une dépendance.

[18] L’appelant conteste la conclusion de la division générale sur la question de l’inconduite puisque son comportement n’était pas volontaire, mais était bien la conséquence de son handicap.

[19] Dans la décision Canada (Procureur général) c. Wasylka, (2004) CAF 219, la Cour d’appel fédérale a affirmé le principe selon lequel la consommation de drogues ou d’alcool par un prestataire est volontaire au sens où il le fait consciemment et est au courant des effets de sa consommation et des conséquences qui en découlent ou qui pourraient s’ensuivre.

[20] Dans l’affaire de la Cour d’appel fédérale Mishibinijima c. Canada (Procureur général), (2007) CAF 36, un autre cas de dépendance à l’alcool, le tribunal a mentionné qu’on pouvait en arriver à une conclusion différente quant à l’élément volontaire, à condition de présenter suffisamment d’éléments de preuve sur l’incapacité du prestataire de prendre une décision volontaire ou consciente, ces éléments de preuve étant probablement de nature médicale.

[21] Le Tribunal estime que la division générale n’a pas commis d’erreur en concluant que l’alcoolisme de l’appelant ne suffisait pas en lui-même pour supplanter l’élément volontaire de sa consommation d’alcool et pour rendre l’exclusion mentionnée au paragraphe 30(1) de la Loi inapplicable dans son cas cf. les décisions Canada (PG) c. Bigler, (2009) CAF 91, Canada (Procureur général) c. Turgeon, (1999) A.C.F. no 1861.

[22] La preuve devant la division générale concernant le problème d’alcool de l’appelant est ténue; de l’avis du Tribunal, elle ne suffit pas pour justifier la conclusion recherchée par l’appelant. Tout ce qui est connu au sujet de son problème provient du témoignage de l’appelant même devant la division générale et d’une copie d’une lettre datée le 24 avril 2015, de Trillium Health Partners qui confirme que l’appelant avait participé à un programme de réhabilitation en février 2015 avec des suivis en mars 2015 et en avril 2015(GD6-9-10). Dans son appel, l’appelant a déposé un rapport de fin de réadaptation sommaire daté le 5 mars 2010 (AD1- 18-19) ainsi qu’un billet du Dr Neel Bector daté le 26 mai 2015 (AD1-24). Sans décider de l’admissibilité de ces éléments de preuve au stade de l’appel, le Tribunal n’est pas convaincu que cette preuve supplémentaire soutienne la conclusion que la conduite de l’appelant n’était pas volontaire.

[23] Le Tribunal estime également que peu importe que le problème constitue un handicap au sens du Code des droits de la personne, c’est là une considération non pertinente en regard de la question en litige devant la division générale. Il en est de même du devoir d’accommodement de l’employeur aux termes des dépositions du Code des droits de la personne cf. la décision Mishibinijima c. Canada (Procureur général), (2007) CAF 36.

[24] Le rôle de la division générale était de déterminer si le comportement de l’appelant représentait de l’inconduite au sens de la Loi et non pas de déterminer si la sévérité de la punition imposée par l’employeur était justifiée, ni si la conduite de l’employé constituait un motif valable de licenciement. cf. la décision Canada (Procureur général) c. Lemire, (2010) CAF 314,

[25] En l’espèce, la division générale était arrivée à la conclusion que l’appelant était conscient de sa dépendance à l’alcool et que, se basant sur la politique de tolérance zéro et sur l’avertissement final qu’il avait reçu, l’appelant aurait dû savoir que sa consommation entraînerait peut-être son licenciement. La division générale a conclu que malgré les efforts de l’employeur pour conseiller l’appelant et pour lui suggérer de chercher un traitement, l’appelant n’avait pas suivi ces conseils et avait continué de se présenter au travail en état d’ébriété ce qui a finalement entraîné son licenciement pour cause d’ivresse au travail.

[26] Le Tribunal sympathise avec la situation de l’appelant, toutefois, son problème d’alcool et les éléments de preuve déposés ne lui permettent pas de se soustraire à la conclusion de la division générale que son licenciement a été causé par son inconduite.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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