Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Introduction

[1] Le 30 décembre 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l'appel du demandeur à l'encontre de la décision de la Commission de l'assurance-emploi du Canada (Commission) découlant de la révision. La Commission avait décidé de ne pas tenir compte des heures de travail du demandeur accumulées dans le cadre d'un autre emploi, qui avait pris fin le 28 mai 2014, parce qu'elle considérait que le demandeur avait quitté volontairement cet emploi sans justification. La prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission, et cette dernière a confirmé sa décision dans une lettre datée du 9 avril 2015.

[2] La DG a tenu une audience par téléconférence le 22 décembre 2015.  La décision de la DG a été envoyée au demandeur le 31 décembre 2015.

[3] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel (DA) du Tribunal le 28 janvier 2016. La demande a été déposée dans le délai de 30 jours.

Question en litige

[4] La DA du Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[5] À l'appui de sa demande, le demandeur a allégué que la décision de la DG contenait des erreurs de droit et des erreurs mixtes de fait et de droit. Le demandeur soutient en particulier que la DG n'a pas accordé suffisamment d'importance à toutes les circonstances de l'affaire en déterminant que le demandeur avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle a accordé une importance démesurée à la preuve secondaire et n'a pas accordé suffisamment d'importance au témoignage du demandeur et au degré de raffinement courant chez les employés et les travailleurs dans l'industrie du commerce.

Droit applicable et analyse

[6] Aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS),l’appel d’une décision rendue conformément à la Loi sur l’assurance-emploi est interjeté devant la division générale du Tribunal dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et "la division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Le demandeur a assisté à l'audience devant la DG.  Un représentant de l'employeur a également assisté à l'audience. Ils ont tous les deux témoigné à l'audience.

[11] Le moment où le demandeur a quitté son emploi pourrait se résumer comme suit : Une relation déjà tendue entre le demandeur et son contremaître d'usine s'est intensifiée le 28 mai 2014. Le demandeur a informé le contremaître qu'il prenait congé, alors qu'il avait épuisé toutes les vacances annuelles auxquelles il avait droit. Le contremaître lui a alors répondu : [traduction]  « Ne te soucie pas de revenir ». Le demandeur est parti en vacances pendant une semaine. Pendant ce temps, le contremaître lui a envoyé un courriel dans lequel il demandait au demandeur de venir le rencontrer à son retour. Le demandeur lui a alors répondu : [traduction]  « Comment puis-je revenir au travail alors que tu m'as dit de ne pas le faire ? ». Le contremaître lui a répondu : [traduction] « Viens chercher tes affaires ». Le demandeur avait interprété les paroles du contremaître, prononcées le 28 mai 2014, comme un congédiement. L'employeur, lui, considérait que le demandeur avait quitté son emploi.

[12] La question dont la DG est saisie porte sur l'exclusion qu'a imposée la Commission après avoir déterminé que le demandeur avait quitté volontairement son emploi sans justification.

[13] La DG a énoncé à juste titre le droit et la jurisprudence applicables en examinant les questions de départ volontaire sans justification, aux pages 3 et 14 à 17 de sa décision.

[14] La DG a noté que le demandeur avait témoigné à l'audience devant la DG.  On retrouve, aux pages 5 à 12 de la décision de la DG, un résumé de la preuve au dossier, du témoignage donné à l'audience et des observations du demandeur. Les observations du demandeur présentées à la DG se rapportaient aux circonstances entourant sa fin d'emploi. Le demandeur a fait valoir plus particulièrement qu'il avait été congédié injustement par le contremaître. Il avait prévu prendre quelques jours de congé et retourner au travail ensuite, mais il a été congédié sur le champ. Il a donné au contremaître un préavis très court de son congé en raison du comportement du contremaître. Il avait besoin de se calmer les nerfs. Le contremaître l'avait traité si durement qu'il a décidé de quitter.

[15] La division générale a déclaré :

[traduction]

[52]  En invoquant le harcèlement comme raison de quitter volontairement son emploi, le prestataire doit démontrer que le harcèlement dont il se plaint rendait l'atmosphère sur les lieux de travail vraiment intolérable. Même si le harcèlement a été prouvé, l'obligation de faire tous les efforts raisonnables pour corriger la situation avant de quitter son emploi peut demeurer.

[55]  Bien que le prestataire ait fait valoir qu'il n'avait pas quitté son emploi, il a au départ présenté une demande de prestations d'assurance-emploi et a rempli un formulaire de départ volontaire dans lequel il déclarait qu'il quittait ‘a cause de son contremaître. Le contremaître a d'abord dit au prestataire qu'il n'avait pas à se soucier de revenir s'il prenait congé. Le Tribunal est d'avis que le contremaître n'a pas licencié le prestataire, mais n'a pas autorisé la demande de congé du prestataire. Bien que le prestataire ait pris congé malgré les menaces du contremaître, le Tribunal estime que le contremaître s'attendait à ce que le prestataire revienne travailler après son congé, comme en témoigne le courriel du contremaître dans lequel il demandait au prestataire d'aller le voir à son retour. Le prestataire a refusé d'accepter que le contremaître n'autorisait pas son congé et a refusé de discuter plus longuement de la question lorsqu'il  en a eu la chance. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que le prestataire est responsable de la fin de son emploi. Il n'a pas été congédié, il a plutôt quitté son emploi.  La question suivante dont le Tribunal est saisi est donc de savoir si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

[58]  Le Tribunal conclut que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. Selon la jurisprudence, il incombe au prestataire de protéger son emploi en tentant de résoudre les conflits sur les lieux de travail ou de trouver un autre emploi avant de prendre la décision de quitter celui qu'il occupe. Le prestataire se sentait harcelé par son contremaître, mais n'a pas formulé de plainte formelle auprès du service des ressources humaines. Le prestataire a informé son directeur d'usine du comportement du contremaître et l'employeur a reconnu avoir  déjà reçu des plaintes à son sujet. Cependant, l'employeur a déclaré qu'il n'avait jamais reçu de plaintes nécessitant une réprimande et qu'il était en train de mettre en place une formation en leadership pour s'occuper des plaintes reçues. Bien que le prestataire ait déclaré que le contremaître était toujours grincheux, criard et gueulard, il a admis qu'il traitait tous les employés de la même façon. Il serait faux de dire que le prestataire était pointé du doigt et se faisait harceler. Le prestataire a ajouté qu'il avait besoin de prendre congé en raison du stress et qu'il craignait pour sa santé. Cependant, il n'a jamais consulté un médecin et n'était pas traité pour une quelconque maladie reliée au stress. Ce qui amène le Tribunal à croire que l'emploi du prestataire n'était pas si intolérable qu'il a dû le quitter sans délai.

[59]  Le critère juridique qui doit être appliqué consiste à déterminer si, au moment de quitter son emploi, il n’existait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Le Tribunal est d'avis que le prestataire disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Compte tenu des circonstances, le prestataire aurait pu demander un congé en remplissant un formulaire d'absence. Il aurait aussi pu parler avec le contremaître lorsqu'il s'est fait offrir d'aller le rencontrer à son bureau, ou il aurait pu retourner travailler à son retour de voyage pour parler au contremaître. Si le prestataire se sentait harcelé par le contremaître, la solution raisonnable de remplir un formulaire de plainte au service des ressources humaines s'offrait à lui. Il pouvait également communiquer avec une agence externe de recrutement. Si le prestataire craignait pour sa santé, la solution raisonnable de consulter un médecin s'offrait à lui.

[60]  De plus, le Tribunal est convaincu que le prestataire a pris la décision de quitter volontairement son emploi et qu'il l'a fait sans remplir ses obligations de tenter d'apporter des solutions ou de trouver un nouvel emploi avant de quitter celui qu'il occupait.

[16] Les observations du demandeur à l’appui de sa demande, bien qu'elles soient truffées d'erreurs de droit et d'erreurs de fait et de droit, réaffirment les faits présentés devant la division générale. Le demandeur fait valoir que la DG avait erré en accordant une importance démesurée à certains éléments de preuve et un poids inapproprié à certains autres, et en appliquant injustement la preuve aux faits. Le rôle de la DG en tant que juge des faits consiste à soupeser la preuve et à en tirer des conclusions en s'appuyant sur une appréciation de cette preuve.  La DA n'est pas le juge des faits.

[17] Si la permission d’appeler est accordée, le rôle de la DA consiste à déterminer si la DG a commis une erreur susceptible de révision prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS  et, si c’est le cas, de prévoir une réparation pour cette erreur. En l’absence d’une telle erreur susceptible de révision, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. Ce n’est pas son rôle de procéder à un nouvel examen de l’affaire.  Dans ce contexte, la DA doit déterminer, au stade de la permission d’appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[18] J’ai lu et examiné soigneusement la décision de la DG et le dossier.  Aucune preuve ne suggère que la DG n'a pas respecté un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision. Le demandeur n’a relevé aucune erreur de droit, pas plus qu’il n’a signalé de conclusions de faits erronées que la DG aurait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle en est arrivée à sa décision.

[19] Pour que son appel ait une chance raisonnable de succès, le demandeur doit expliquer en quoi la DG a commis au moins une erreur susceptible de révision. La demande est déficiente à cet égard et je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[20] La demande est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.