Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 15 décembre 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l’appel de la demanderesse à l’encontre de la décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) découlant de la révision. La Commission a refusé de verser des prestations d’assurance-emploi, car il avait déterminé que la demanderesse avait quitté son emploi volontairement sans justification.

[2] La demanderesse a pris part à l’audience devant la DG, tenue par téléconférence. L’intimée n’était pas présente.

[3] La décision de la division générale a été envoyée à la demanderesse avec une lettre d’accompagnement datée du 16 décembre 2015.

[4] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 26 janvier 2015. La demande indique que la demanderesse avait reçu la décision de la DG le 23 décembre 2015.

Questions en litige

[5] Il s’agit de déterminer si la demande a été reçue dans le délai de 30 jours.

[6] Sinon, il s’agit de déterminer si une prorogation du délai doit être accordée.

[7] La DA doit ensuite déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[8] Aux termes de l’article 57 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler doit être présentée à la DA dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision pour laquelle il interjette appel.

[9] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « la division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[10] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[11] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS prévoit que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La demande a-t-elle été déposée dans le délai de 30 jours ?

[12] La demande a été déposée le 26 janvier 2016. La décision de la DG a été envoyée à la demanderesse, accompagnée d’une lettre datée du 16 décembre 2015. La demanderesse a reçu l’envoi le 23 décembre 2015.

[13] Le délai d’appel de 30 jours se terminait trente (30) jours après le 23 décembre 2015, soit le 22 janvier 2016. À ce titre, la demande n’a pas été déposée dans le délai de 30 jours. Elle a été présentée quatre jours en retard.

Prorogation du délai

[14] Pour que la demande soit prise en considération, une prorogation du délai doit être accordée.

[15] Dans l’affaire X, (2014) CAF 249, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 26, a énoncé comme suit le critère applicable afin d’accorder une prorogation du délai [traduction] :

Lorsqu’il s’agit de décider s’il convient d’accorder une prorogation de délai pour déposer un avis d’appel, le critère le plus important est celui qui consiste à rechercher s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation. Les facteurs à considérer sont les suivants :

  1. a) s’il y a des questions défendables dans l’appel ;
  2. b) s’il existe des circonstances particulières justifiant le non-respect du délai prévu pour déposer l’avis d’appel ;
  3. c) si le retard est excessif ;
  4. d) si la prorogation du délai imparti causera un préjudice à l’intimé.

[16] Le Tribunal n’a pas exigé que la demanderesse fasse une demande écrire de prorogation du délai.

[17] Comme il s’agit d’un retard de courte durée et dans l’intérêt de la justice, j’accorde une prorogation de délai pour permettre le dépôt de la demande.

Permission d’en appeler

[18] La demande indique que la DG a tiré des conclusions de fait erronées, plus précisément au sujet des conditions de travail qui, selon la demanderesse, étaient dangereuses et malsaines. Par conséquent, la demanderesse se fonde sur l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[19] Plus particulièrement, la demanderesse fait valoir que les erreurs spécifiques sont les suivantes :

  1. Elle était fondée à quitter volontairement son emploi en raison des conditions de travail dangereuses et malsaines ;
  2. Elle n’avait pas d’autre solution raisonnable envisageable que de quitter son emploi, car elle avait pris des mesures pour tenter de corriger la situation en nettoyant le lieu de travail mal propre et en se plaignant à son superviseur ;
  3. La situation a perduré et on lui imposait encore de travailler dans des conditions de travail dangereuses pour sa santé et sa sécurité ;
  4. Le milieu de travail était si intolérable qu’elle ne pouvait pas garder son emploi le temps de se trouver un autre emploi ;
  5. Il ne s’agissait pas d’une situation où elle n’était pas habituée à un environnement [traduction] « hors bureau ». Elle a déjà travaillé dans des environnements semblables et elle est capable de travailler dans un département de boulangerie.

[20] La question que devait trancher la DG était l’inadmissibilité imposée par la Commission après avoir déterminé que la demanderesse a volontairement quitté son emploi sans justification.

[21] La DG a énoncé la jurisprudence et le droit pertinents lorsqu’elle s’est penchée sur les questions relatives à l’envoi tardif et aux motifs valables, aux pages 3 à 5 et 7 à 9 de sa décision.

[22] La DG a noté que la demanderesse avait témoigné à l’audience devant la DG. On retrouve, aux pages 5 à 7 de la décision de la DG, un résumé de la preuve au dossier, du témoignage donné à l’audience et des observations de la demanderesse. La demanderesse a présenté les mêmes observations devant la DG que celles résumées précédemment aux sous-paragraphes [19] a) à d).

[23] La DG conclut sa décision en ces termes [traduction] :

[24] En l’espèce, la preuve non contestée de l’intimée et de l’appelante indique que l’appelante a quitté volontairement son emploi le 12 avril 2015.

[25] Le Tribunal conclut que l’appelante a quitté volontairement son emploi.

[26] Le départ de l’appelante était-il la seule solution raisonnable ? La preuve présentée au Tribunal indique que d’autres solutions s’offraient à elle.

[27] Comme l’intimée l’a soutenu, une solution raisonnable aurait été de chercher et de trouver un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait.

[28] Le Tribunal a tenu compte de l’argument de l’appelante selon lequel l’entreprise n’a pas assuré des pratiques saines et sécuritaires dans le département de la boulangerie.

[29] Le Tribunal estime que les raisons susmentionnées ne portent pas à conclure que l’appelante était fondée à quitter son emploi.

[30] Le Tribunal préfère l’observation de l’intimée selon laquelle l’appelante n’a pas épuisé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à elle avant de quitter son emploi. L’intimée a fait valoir qu’une solution raisonnable aurait été de chercher et de trouver un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait.

[31] L’appelante a également indiqué qu’elle a cotisé au Régime d’assurance-emploi pendant plusieurs années, mais qu’on lui refuse présentement de l’aide.

[32] Le Tribunal indique que le fait de cotiser au Régime d’assurance-emploi ne rend pas un cotisant automatiquement admissible à des prestations. Tout prestataire doit démontrer qu’il satisfait aux conditions d’admissibilité prévues par la Loi.

[33] Le Tribunal conclut également que les conditions de travail de l’appelante n’étaient pas si intolérables qu’elle ait dû quitter son emploi avant de s’en trouver un autre. Le Tribunal préfère et accepte l’observation de l’employeur selon laquelle le milieu de travail est fréquemment visité par des inspecteurs provinciaux et des inspecteurs de la ville pour le respect de normes acceptables, et toutes les exigences ont été respectées.

[34] Le Tribunal conclut que d’autres solutions raisonnables s’offraient à l’appelante lorsqu’elle a quitté son emploi. Elle aurait pu chercher et trouver un emploi avant de quitter celui qu’elle occupait.

[35] Il est possible que l’appelante ait un motif valable pour quitter son emploi, car elle n’aimait pas son environnement de travail dans le département de la boulangerie. L’on peut comprendre qu’une personne qui passe d’un environnement de bureau à une boulangerie puisse trouver difficile, voire impossible, de s’adapter. Mais avoir un motif valable ne signifie pas que l’on est fondé à quitter son emploi aux yeux de la Loi et selon la définition donnée par la jurisprudence.

[24] Les observations de la demanderesse à l’appui de la demande contestent à nouveau les faits devant la DG. Cette dernière est juge des faits, et son rôle consiste à apprécier l’ensemble de la preuve et de tirer les conclusions fondées sur son évaluation de ces éléments de preuve. La DA n’est pas le juge des faits.

[25] Au sous-paragraphe [19] e) ci-haut, l’argument de la demanderesse est que lorsqu’elle a quitté son emploi, elle n’était pas dans une situation où elle n’était pas habituée à un environnement [traduction] « hors bureau ». Je note que la décision de la DG indique qu’il [traduction] « est possible » que la demanderesse qui [traduction] « passe d’un environnement de bureau à une boulangerie puisse trouver difficile, voire impossible, de s’adapter ». Cependant, cela (le fait que la demanderesse n’était pas habituée à un environnement hors bureau) n’était pas une conclusion de faits sur laquelle la DG a fondé sa décision.

[26] Les conclusions de fait erronées ne se rattachent pas nécessairement toutes au moyen d’appel prévu à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Par exemple, une conclusion de fait erronée sur laquelle la DG ne fonde pas sa décision ne serait pas relevée, pas plus que le serait une conclusion de fait erronée que la DG aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance du Tribunal.

[27] Essentiellement, dans la demande, la demanderesse plaide à nouveau le cas et ses observations des faits devant la DA.

[28] Si la permission d’en appeler est accordée, alors le rôle de la DA consiste à déterminer si une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été commise par la DG et, si c’est le cas, de fournir une réparation pour cette erreur. En l’absence d’une telle erreur susceptible de contrôle, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. Le rôle de la DA n’est pas de reprendre l’instruction de l’affaire. C’est dans ce contexte que la DA doit déterminer, au stade de la permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[29] J’ai lu et examiné soigneusement la décision de la DG ainsi que le dossier. Il n’est aucunement prétendu que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision. La demanderesse n’a relevé aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée que la DG aurait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle en est arrivée à sa décision.

[30] Pour qu’il y ait une chance raisonnable de succès, la demanderesse doit expliquer en quoi la division générale a commis au moins une erreur susceptible de révision. La demande présente des lacunes à cet égard, et je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La demande est rejetée.

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