Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelante dans le présent appel est l’employeur, 7 West Café, et est représentée par R. A. (Mme R. A.), la propriétaire du restaurant 7 West Café. Mme R. A. a comparu à l’audition de l’appel de l’employeur par vidéoconférence le 26 janvier 2016 et par téléconférence le 4 février 2016. La prestataire, C. B. (Mme C. B.), a été mise en cause dans le présent appel par le Tribunal le 27 juillet 2015. Mme C. B. a comparu à l’audition de l’appel par téléconférence les 26 janvier et 4 février 2016.

Introduction

[1] Le 6 novembre 2014, Mme C. B. a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (prestations d’AE). Dans sa demande, Mme C. B. a indiqué qu’elle avait été congédiée de son emploi de serveuse au 7 West Café du fait que son employeur l’avait accusée d’avoir causé une interruption des activités au restaurant. Le 10 décembre 2014, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a approuvé le motif de cessation d’emploi de Mme C. B., de sorte qu’elle a pu établir une période de prestations commençant le 2 novembre 2014.

[2] Le 17 décembre 2014, l’employeur a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, soutenant que Mme C. B. avait été congédiée pour avoir fermé le restaurant à l’insu et sans le consentement de la propriétaire ou de la direction et avoir organisé un débrayage de ses employés. Le 20 janvier 2015, à l’issue d’une enquête, la Commission a maintenu sa décision initiale.

[3] Le 13 février 2015, l’employeur en a appelé de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »).

[4] L’audience a été tenue le 26 janvier 2016 par vidéoconférence et téléconférence du fait que la crédibilité pourrait figurer au nombre des questions principales, que plus d’une partie comparaîtrait à l’audience et que le mode d’audience respecte le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Comme l’audience ne s’est pas terminée dans le temps alloué le 26 janvier 2016, elle s’est poursuivie par téléconférence le 4 février 2016, date à laquelle elle a pris fin.

Question en litige

[5] Il s’agit de déterminer si la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’AE au motif qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») stipule que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas

a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ou

b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[7] Aux termes du paragraphe 30(2) de la Loi, l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[8] Les termes « emploi » et « perte d’emploi » sont définis à l’article 29 de la Loi. L’alinéa 29a) de la Loi stipule que, pour l’application des articles 30 à 33, « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de la période de référence ou de sa période de prestations.

[9] L’alinéa 29b) de la Loi stipule que la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais que n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant.

Preuve

[10] Mme C. B. a présenté une demande initiale de prestations d’AE le 6 novembre 2014 (pièces GD3‑3 à 16) et a déclaré qu’elle avait été congédiée par son employeur, 7 West Café, le 1er novembre 2014. Sur le « Questionnaire : Renvoyé (congédié) » rempli dans le cadre de sa demande (pièces GD3‑9 et 10), Mme C. B. a écrit qu’elle avait été mise à pied en raison de ce que l’employeur a allégué être « une inconduite délibérée et une interruption délibérée et non justifiée des activités de l’entreprise » en lien avec un incident qui s’était produit lors d’un service de soir au 7 West Café, lorsque le gestionnaire est arrivé et a informé le personnel qu’il n’avait pas de chèques de paye pour certains employés (Mme C. B. avait été payée la veille) et dit au personnel de « se sentir libre d’arrêter de servir », ce qui a amené le personnel à fermer l’étage du restaurant et à attendre une rencontre avec la propriétaire (pièce GD3‑9). Mme C. B. a déclaré qu’elle avait été congédiée pour « avoir exprimé mes droits d’employée et essayé de poser des questions » et a déclaré qu’elle avait déposé une réclamation à l’encontre de l’employeur devant la « Commission des relations de travail » de l’Ontario (pièce GD3‑9). Mme C. B. a également évoqué sa crainte d’être « intimidée » par l’employeur (pièce GD3‑9), qui avait menacé de poursuivre Mme C. B. et un collègue de travail en rapport avec l’incident (pièce GD3‑10).

[11] Dans un relevé d’emploi (RE) fourni par l’employeur, il est indiqué que Mme C. B. avait cumulé 1 414 heures d’emploi assurable comme « serveuse » au 7 West Café et que le motif de la cessation d’emploi du 1er novembre 2014 était le « congédiement » (pièce GD3‑17).

[12] Un agent de la Commission a tenté par deux fois, sur une période de 48 heures, d’entrer en contact avec Mme R. A., qui représentait l’employeur, au sujet du motif de cessation d’emploi, mais n’a pas reçu d’appel téléphonique de retour de Mme R. A. (voir le document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » dans la pièce GD3‑18). L’agent a ensuite commencé à traiter la demande de prestations de Mme C. B. conformément aux procédures de la Commission relatives au traitement des demandes de prestations.

[13] Le 10 décembre 2014, la Commission a écrit à l’employeur pour l’aviser qu’elle avait approuvé le motif de cessation d’emploi de Mme C. B. et que, par conséquent, elle accepterait les heures et les gains consignés sur le RE fourni par l’employeur pour en tenir compte dans le calcul des prestations d’AE demandées par Mme C. B. (pièce GD3‑19). La Commission a considéré que l’employeur n’avait pas produit suffisamment de renseignements pour prouver que Mme C. B. avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[14] Le 17 décembre 2014, la Commission a reçu, en rapport avec la demande de prestations de Mme C. B., une demande de révision sur laquelle l’employeur était identifié comme étant « R. A. » (pièces GD3‑20 à 23). Sous une rubrique intitulée « Raison de la demande de révision », Mme R. A. a écrit « Voir ci‑joint ». La pièce jointe était une lettre datée de deux jours auparavant, le 15 décembre 2014, qui émanait du cabinet d’avocats Ruscitto, le « conseiller juridique de 7 West Café », et qui était adressée à Mme C. B. au sujet de l’affaire appelée « Inconduite de l’employée – C. B., C. B. » (pièces GD3‑22 et 23). La lettre fait état de la version de l’employeur de ce qui est arrivé le soir du 1er novembre 2014, lorsque Mme C. B. et « une autre ancienne employée, Mme B. N., agissant sans le consentement, la connaissance et l’autorité de la propriétaire ou du gestionnaire de 7 West Café, ont fermé le restaurant et organisé un débrayage de ses employés. » La lettre fait également état du préjudice dont l’employeur a souffert et de l’intention de l’employeur d’intenter une poursuite contre Mme C. B. en raison de l’incident :

« En causant le débrayage et en fermant le restaurant pendant environ une heure le 1er novembre 2014, vous avez causé à notre client un préjudice, tant en manque à gagner que dans la réputation entachée du restaurant au sein de la communauté, et avez fait mauvaise impression sur les clients qui se trouvaient alors au restaurant ainsi que sur ceux qui essayaient d’entrer dans l’établissement. En outre, durant votre tirade illégale (sic), vous avez verbalement admonesté la propriétaire du restaurant devant les clients en indiquant que « la propriétaire du restaurant ne paie pas », permettant ainsi aux clients de l’établissement et aux autres personnes se trouvant à l’extérieur du restaurant d’entendre vos commentaires blasphématoires et diffamatoires. Ironiquement, malgré votre comportement répréhensible et honteux, et après avoir été congédiée légalement et à juste titre, vous avez entamé les procédures de dépôt d’une plainte à l’encontre de 7 West Café devant le ministère du Travail, en présentant les allégations fausses et trompeuses d’actes fautifs de la part de notre client.

Soyez avisée que notre client a bien l’intention de se défendre en rapport avec les plaintes actuellement déposées par vous‑même et Mme B. N. devant le ministère du Travail et qu’il cherchera à obtenir réparation de votre part dans toutes les limites permises par la loi. En outre, notre client est en train de déterminer les pertes que vous et l’inconduite de Mme B. N. lui ont fait subir et a l’intention d’intenter une poursuite contre vous deux pour obtenir des dommages-intérêts et le remboursement de ses frais juridiques sur une base d’indemnisation substantielle. Notre client n’a pas pris vos actes à la légère et a l’intention d’obtenir pleine réparation du préjudice que vous lui avez causé.

Pour l’heure, nous vous avisons de l’intention de notre client d’intenter une action en justice contre vous. À l’évidence, tout règlement potentiel de l’action de notre client nécessitera un paiement de votre part pour le préjudice causé à notre client ainsi que des excuses par écrit pour vos actes. Soyez avisée que, si vous omettez de répondre à une proposition de règlement et d’envoyer des excuses par écrit, notre client amorcera sans délai des procédures contre vous et que nous chercherons à obtenir le plein montant de dommages-intérêts pour notre client, en sus des intérêts courus avant et après le jugement des dommages-intérêts punitifs accumulés et de tous les frais juridiques sur une base d’indemnisation substantielle. La présente correspondance sera le seul avis que vous recevrez des fermes instructions de notre client de prendre toutes les mesures nécessaires en lien avec une poursuite intentée contre vous dans cette affaire si cela s’avère nécessaire et d’obtenir toute indemnisation en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires. »

[15] Le 15 janvier 2015, l’agent de la Commission a parlé à Mme R. A. au sujet de la demande de révision présentée par l’employeur et a documenté leur conversation dans un document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (GD3‑24). L’agent a noté que Mme R. A. avait fait les déclarations suivantes :

  1. Le jour de l’incident, le samedi 1er novembre 2014, Mme R. A. ne se sentait pas bien et est rentrée chez elle à 14 h.
  2. Mme C. B. avait reçu sa paye et ses pourboires la veille, mais sa collègue, B. N., était absente ce jour‑là et n’avait pas reçu les siens.
  3. Mme C. B. et B. N. se sont présentées au travail le 1er novembre 2014. B. N. a demandé sa paye, mais celle‑ci était sous clé et le gestionnaire n’y avait pas accès. Le gestionnaire n’a pu joindre Mme R. A. car elle était malade et dormait. B. N. lui a dit qu’elle n’allait pas travailler pour rien. Le gestionnaire, M. F., a dit à B. N. qu’il ne pouvait pas la forcer à travailler. M. F. s’est ensuite rendu à pied à l’autre restaurant de Mme R. A. pour parler au partenaire commercial de Mme R. A. Pendant qu’il était parti, Mme C. B. et B. N. ont commencé à apporter leur addition aux clients et ont fermé les portes de l’établissement. Mme C. B. et B. N. travaillaient au rez‑de‑chaussée du restaurant. Elles se sont rendues à l’étage et ont dit aux clients que le restaurant fermait. M. F. a fini par communiquer avec Mme R. A. et cette dernière est arrivée au 7 West Café vers 20 h, choquée et désemparée au vu de la scène. Mme C. B. était en pleurs. Mme R. A. a dit à Mme C. B. et B. N. de rentrer à la maison et qu’elles pourraient discuter de cela avec elles lundi.
  4. Mme C. B. a texté qu’elle viendrait faire sa déclaration, mais elle ne l’a jamais fait.
  5. Mme R. A. dispose de déclarations d’autres employés et d’un enregistrement vidéo montrant Mme C. B. et B. N. apportant leur addition aux clients et restant debout à la porte pour empêcher quiconque d’entrer. Mme R. A. a dit qu’elle rassemblerait tous les éléments dont elle dispose et qu’elle les enverrait à la Commission.

[16] Le même jour, l’agent s’est entretenu avec Mme C. B. au sujet de la demande de révision présentée par l’employeur et a documenté leur conversation dans un document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce GD3‑ 26). L’agent a noté que Mme C. B. avait fait les déclarations suivantes :

  1. Mme C. B. avait bel et bien reçu sa paye et ses pourboires le 31 octobre 2014, mais il y avait déjà eu des problèmes de paye par le passé, lorsque la paye arrivait parfois en retard ou lorsqu’on demandait aux employés de ne pas encaisser leur chèque de paye avant une certaine date. Elle avait des questions à poser à ce sujet.
  2. Lorsque Mme C. B. a commencé son quart de travail le 1er novembre 2014, le gestionnaire de service ce soir‑là, M. F., a annoncé qu’il n’avait pas les chèques de paye de certains membres du personnel. Mme C. B. lui a dit qu’elle avait reçu le sien. M. F. a alors dit aux autres employés qu’il ignorait la date à laquelle ils seraient payés, puis il a dit au personnel : « vous pouvez rester ou quitter; n’hésitez pas à m’en tenir responsable. »
  3. La collègue de travail de Mme C. B., B. N., est montée à l’étage du restaurant, où une serveuse de l’étage lui a dit qu’elles apportaient leur addition aux clients. B. N. est redescendue au rez‑de‑chaussée et a dit qu’elle avait vu la serveuse de l’étage apporter leur addition aux clients. C’est M. F. qui avait dit que les employés pourraient se réunir et parler au rez‑de‑chaussée et qu’ils pourraient envoyer les clients qui arrivaient à l’étage, ou encore au restaurant voisin qui appartenait aussi à la propriétaire. Il n’y a pas eu de chaos. Ils ont expliqué aux clients qu’il y avait un petit problème dont il fallait qu’ils discutent et que les clients pouvaient finir leur repas avant de partir.
  4. Mme C. B. a nié avoir renvoyé quiconque. L’enregistrement vidéo montrera que ce n’est qu’aux derniers clients que l’on a dit de traverser la rue pour se rendre au restaurant apparenté, où on se ferait un plaisir de les servir.
  5. Mme R. A. est arrivée au 7 West Café en colère et leur criant après; elle a refusé de les laisser parler. Mme R. A. leur a dit de partir et qu’elles discuteraient de cela lundi si elle le voulait. Le dimanche, Mme R. A. a texté à Mme C. B. pour lui demander son adresse courriel, ce que Mme C. B. lui a fournie. Ce jour‑là, quelqu’un du restaurant a appelé Mme C. B. pour lui faire savoir que Mme R. A. allait la poursuivre. Plus tard ce jour‑là, Mme C. B. a reçu de Mme R. A. un courriel l’avisant qu’elle était congédiée pour inconduite délibérée et qu’elle n’était plus la bienvenue sur les lieux. Mme C. B. a estimé qu’il était inutile de discuter de quoi que ce soit après avoir reçu le courriel de congédiement.
  6. Mme C. B. a nié avoir été l’instigatrice de quoi que ce soit. C’était le gestionnaire qui avait décidé pour les employés qu’ils se réuniraient au rez‑de‑chaussée du restaurant pour discuter de la situation avec Mme R. A. et que les clients qui arrivaient pourraient être servis au restaurant voisin apparenté.

[17] Le 17 janvier 2015, Mme R. A. a transmis d’autres documents à la Commission (pièces GD3‑27 à 45), dont deux déclarations écrites de Mme R. A. (une sur ce qui s’était passé le 1er novembre 2014 et l’autre faisant état de ce que le gestionnaire, M. F., lui avait dit) ainsi que des déclarations écrites des personnes suivantes : un client qui se trouvait au restaurant au moment de l’incident; la partenaire de Mme R. A. et gestionnaire de l’un des autres restaurants de Mme R. A.; quatre employés qui travaillaient au 7 West Café ce soir‑là; deux employés d’autres restaurants de Mme R. A. Certaines de ces déclarations étaient datées, les autres non.

[18] Le 19 janvier 2015, Mme C. B. a transmis d’autres documents à la Commission (pièces GD3‑49 à 51), dont une copie de messages texte entre elle‑même et « M. F., le gestionnaire de service le soir du 1er novembre », une copie des messages texte échangés entre M.  F. et Mme R. A. et une copie du courriel de congédiement envoyé par Mme R. A. le 2 novembre 2014. L’échange de messages texte versés dans la pièce GD3‑29 comprend un message texte de Mme C. B. à M. F. sur l’élément « déclencheur » de l’incident du 1er novembre 2014 au 7 West ainsi que la réponse de M. F. : « Mille fois merci... ma plus grande crainte était de voir des personnes renvoyées. J’en avais les larmes aux yeux lorsque j’ai pris connaissance de tous les messages aujourd’hui. »

[19] Le 19 janvier 2015, l’agent de la Commission a communiqué avec Mme C. B. et a documenté leur conversation dans un document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (GD3‑46 à GD3‑48). L’agent a noté que la déclaration de Mme C. B. selon laquelle les messages texte montrent que le gestionnaire, M. F., était au courant de ce qui avait « déclenché » l’incident et que Mme C. B. a agi selon les instructions du gestionnaire. L’agent a ensuite lu à Mme C. B. les onze déclarations que Mme R. A. a transmises par écrit et a noté les réfutations détaillées de Mme C. B. à chacune de ces déclarations (hormis deux déclarations émanant d’employés qui travaillaient à d’autres restaurants de Mme R. A. et sur lesquelles Mme C. B. n’avait aucun commentaire à faire).

[20] Le 20 janvier 2015, Mme R. A. a communiqué avec l’agent de la Commission, qui a documenté leur conversation dans un document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce GD3‑52). L’agent a noté la déclaration de Mme R. A. selon laquelle elle avait décidé de ne pas produire l’enregistrement vidéo à la Commission et de l’utiliser plutôt en cour. Selon Mme R. A., la vidéo ne montre pas que M. F. a dit quoi faire « aux filles » et montre que lorsque « les deux filles » étaient derrière le rideau en train de parler, M. F. ne se trouvait pas à proximité et qu’elles ne se sont pas occupées des clients pendant 20 minutes, pendant qu’elles planifiaient ce qu’elles allaient faire. L’agent a aussi noté le désaccord de Mme R. A. avec les réfutations de Mme C. B. et la déclaration de Mme R. A. selon laquelle ce que « ces filles » avaient fait était mal.

[21] Le 20 janvier 2015, la Commission a maintenu sa décision initiale du 10 décembre 2014 approuvant le motif de cessation d’emploi invoqué par Mme C. B. (pièces GD3‑55 et 56). La Commission a déterminé que, à la lumière des déclarations au dossier, Mme C. B. avait agi sur des instructions de son gestionnaire et que, par conséquent, sa conduite n’était pas considérée comme une inconduite délibérée (pièce GD3‑52).

[22] Dans les documents d’appel de l’employeur (pièce GD2) déposés le 13 février 2015, Mme R. A. s’est identifiée comme l’appelante (pièce GD2‑2) et a motivé comme suit son appel :

« Mon avocat est en train de monter un dossier contre l’employée. Nous avons demandé une déclaration de l’équipe de gestion intérimaire qui travaillait le soir de l’incident. Cette déclaration prouvera que l’employée a agi sans le consentement ni l’autorisation de la direction. »

[23] Le 27 juillet 2015, le Tribunal a mis en cause Mme C. B. dans l’appel interjeté par l’employeur (pièce GD6) et, le 15 septembre 2015, Mme C. B. a soumis ses documents de réponse (pièce GD10). Ces documents comprenaient une lettre datée de trois jours avant l’appel de Mme R. A. (pièce GD2), soit le 10 février 2015, émanant du cabinet d’avocats Ruscitto et adressée à Mme C. B. au sujet de l’affaire appelée « Inconduite de l’employée – C. B., C. B. » (pièce GD10‑1). Cette lettre est ainsi rédigée :

« Comme vous le savez, nous sommes les avocats représentant 7 West Café dans l’affaire susmentionnée.

À la lumière des renseignements que vous avez récemment fournis à Service Canada, nous comprenons que votre ancien gestionnaire au 7 West a pu être impliqué dans la situation de débrayage qui s’est produite au lieu d’affaires de notre client le 1er novembre 2014. Pour le moment, nous vous prions de faire une déclaration sous serment faisant état de l’implication de votre ancien gestionnaire dans le débrayage, ainsi que de votre compte rendu des événements qui se sont produits ce soir‑là. Si nous recevions de votre part une déclaration sous serment indiquant que vous n’êtes pas responsable de ce qui s’est produit à l’établissement de notre client, nous pourrions alors recommander à notre client de ne pas intenter de recours en dommages-intérêts contre vous pour le préjudice subi. Si votre réponse ne nous parvient pas d’ici le 20 février 2015, alors la présente lettre tiendra lieu d’avis final que notre client entamera contre vous une action en justice pour le préjudice subi en raison de votre inconduite et qu’il cherchera à se faire entièrement indemnisé de ses dépens sur une base d’indemnisation substantielle, comme le permet la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Nous attendons une réponse immédiate de votre part. Veuillez agir en conséquence. »

[24] Les documents d’appel de Mme C. B. comprenaient aussi une note de six pages faisant état de sa réfutation des onze déclarations écrites transmises par Mme R. A. en lien avec la demande de révision présentée par l’employeur (pièces GD10‑2 à 7), ainsi que deux déclarations écrites d’anciens employés du 7 West Café (dont une déclaration apportant d’autres précisions qui émanaient de J.  A., l’un des employés qui avaient antérieurement fait une déclaration sur laquelle Mme R. A. s’était fiée (pièce GD3‑41) et la propre déclaration écrite de Mme C. B. décrivant l’incident survenu au 7 West Café le 1er novembre 2014 (pièces GD10‑12 et GD10‑13).

À l’audience du 26 janvier 2016 : témoignage livré au nom de l’employeur (appelante)

[25] Mme R. A. a déclaré au Tribunal qu’elle n’avait pas reçu copie des documents de réponse de Mme C. B. (pièce GD10), mais qu’elle voulait quand même que l’on procède à l’audition du cas. Le membre a informé toutes les parties présentes que le Tribunal fournirait à Mme R. A. une autre copie des documents de la pièce GD10 dès le lendemain de l’audience et que l’audition de son appel commencerait aujourd’hui, mais que la séance serait ajournée pour être poursuivie à une date ultérieure afin de permettre à Mme R. A. d’examiner les documents de Mme C. B. et de présenter des observations à ce sujet. Mme R. A. et Mme C. B. ont accepté que l’audience se déroule ainsi.

[26]   Mme R. A. a témoigné qu’elle était une propriétaire d’entreprises depuis 27 ans et qu’elle n’avait « jamais rencontré un tel problème » que celui de l’incident du 1er novembre 2014. Lorsqu’elle a « appris que C. B. touchait des prestations d’AE », Mme R. A. a été « déçue par le système » et a contesté la décision de la Commission au motif « que le système a besoin de protection. » Mme R. A. a déclaré « je suis une bonne exploitante d’entreprises » et qu’il y a une décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) dans laquelle il est déterminé que Mme C. B. s’est livrée à une « inconduite délibérée » en rapport avec les événements du 1er novembre 2014.

[27] Mme R. A. a demandé à déposer une copie de la décision de la CRTO et le Tribunal a accepté de la recevoir en preuve. Mme C. B. a déclaré qu’elle était au courant de la décision de la CRTO. Le membre a informé toutes les parties présentes que le Tribunal fournirait à Mme C. B. une copie de la décision de la CRTO après l’avoir reçue de Mme R. A. et a déclaré que Mme C. B. aurait la possibilité d’examiner la décision de la CRTO et de présenter des observations à ce sujet une fois que l’audience reprendrait, à une date ultérieure. Mme R. A. et Mme C. B. ont convenu que l’audience se poursuivrait de cette façon.

[28] Dans son témoignage, Mme R. A. a déclaré qu’il s’agissait d’un « recours distinct » contre Mme C. B. qui était devant les tribunaux.

[29]   Mme R. A. a ajouté qu’elle était en possession d’une « captation vidéo » du 7 West Café montrant Mme C. B. « bloquant l’entrée, fermant les rideaux et empêchant des clients d’entrer » dans le restaurant et « bloquant l’accès » au second niveau. Mme R. A. a déclaré qu’elle avait décidé de ne pas déposer en preuve cet enregistrement vidéo au Tribunal car son avocat lui a dit qu’elle devrait le garder en réserve pour le procès civil dans son recours contre Mme C. B.

[30] Mme R. A. a déclaré n’avoir jamais reçu de déclaration écrite de M. F., le gestionnaire de service le soir du 1er novembre 2014, ajoutant qu’il « n’est pas une source fiable », qu’« ils sont tous amis » et qu’« il a refusé de fournir le moindre soutien » à Mme R. A. Aux dires de Mme R. A., il y avait de 6 à 8 employés au 7 West Café qui étaient « tricotés serrés, avec beaucoup de négativité », ce qui « a donné lieu à des problèmes » et « les mauvais éléments ont pris le contrôle », si bien que Mme R. A. a dû « faire le ménage ».

[31] Mme R. A. a déclaré que M. F. était employé au 7 West Café depuis moins d’un an et qu’il avait donné son avis de démission après l’incident du 1er novembre 2014 et qu’il n’était pas autorisé à fermer le restaurant. Mme R. A. a déclaré que M. F. en était à sa dernière semaine de travail ce soir‑là, de sorte qu’il « était encore moins habilité » à faire des déclarations au sujet de l’état des chèques de paye ou à convoquer une réunion du personnel avec Mme R. A. D’après cette dernière, M. F. lui a dit qu’il ne se trouvait pas à l’intérieur de l’établissement lorsque le restaurant a été fermé, s’étant rendu à un autre des restaurants de Mme R. A., « Smith », qui se trouve à 15 minutes de marche du 7 West Café, et qu’il n’a pas donné au personnel l’instruction de fermer le restaurant.

[32] Mme R. A. a admis avoir aidé Monsiur M. W. à rédiger sa déclaration (versée dans la pièce GD3‑36) car l’anglais n’est pas sa langue première, mais elle a ajouté que cette déclaration faisait état de ce qu’il avait vu et qu’elle « était correcte ». Mme R. A. a contesté le commentaire selon lequel elle est « difficilement approchable » ou qu’elle « manque d’égard intentionnellement », mais a souligné qu’il y avait beaucoup de pression dans le domaine de la restauration et beaucoup d’employés à gérer. Au sujet de l’incident où Mme C. B. a dit que Mme R. A. lui avait dit « vous n’avez pas voix au chapitre », Mme R. A. a précisé que cela s’était produit alors que Mme C. B. travaillait au 7 West Café depuis moins d’un mois et qu’elle avait « manqué de respect » envers une employée ayant plus d’ancienneté (Pat Boyer). Mme R. A. a déclaré que ce qu’elle avait dit à Mme C. B. était approprié dans les circonstances et qu’elle aurait dû « en finir tout de suite avec le problème et congédier C. B. ».

À l’audience du 26 janvier 2016 : témoignage de la prestataire (personne mise en cause)

[33] Dans son témoignage, Mme C. B. a déclaré que l’incident du 1er novembre 2014 au 7 West Café était survenu sous la houlette et la direction de M. F., ce que ce dernier a admis. Mme C. B. a déclaré qu’elle n’avait pas fermé le restaurant ni « fomenter une révolte », mais qu’elle avait plutôt « suivi les directives du gestionnaire de service ce soir‑là », ainsi que les instructions qu’il avait données en sorte que le personnel puisse se réunir au restaurant avec Mme R. A.

[34] D’après Mme C. B., il y avait un climat d’« insatisfaction » au milieu de travail du 7 West Café et « nous étions tous alors à la recherche d’autres emplois », mais « j’avais besoin de mon emploi et j’ai suivi les instructions de M. F. dans l’espoir de rencontrer Mme R. A. pour résoudre certains problèmes. »

[35] En ce qui concerne la captation vidéo, Mme C. B. a déclaré que Mme R. A. avait refusé de remettre une copie de cet enregistrement à l’avocat défendant Mme C. B. dans le procès civil, et ce, malgré les demandes de son avocat. Mme C. B. a contesté la version donnée par Mme R. A. pour ce que montrait l’enregistrement vidéo et a déclaré que les images montreront M. F. et les autres serveuses en train de converser derrière le bar et M. F. « nous disant quoi faire »; et la vidéo montrera aussi que « je sanglotais » lorsque Mme R. A. est arrivée et que « j’ai essayé de lui poser quelques questions », mais elle a refusé d’écouter.

[36] Mme C. B. a nié avoir refusé de servir tout client. Aux dires de Mme C. B., il n’y a eu qu’un seul groupe de clients qui est arrivé après que le rideau fut baissé au rez‑de‑chaussée du restaurant, et elle leur a poliment demandé de continuer plus bas sur la rue pour se rendre à l’un des restaurants apparentés de 7 West Café.

À l’audience du 4 février 2016 : témoignage au nom de l’employeur (appelante)

[37] Dans son témoignage, Mme R. A. a déclaré avoir reçu et pris connaissance des documents (pièce GD10) déposés par Mme C. B.

[38] Mme R. A. a souligné qu’il est important que le Tribunal comprenne qu’elle en appelle de la décision de la Commission de permettre à Mme C. B. de toucher des prestations d’AE car « je recherche du soutien de la part du système. Le système est là pour protéger tant l’employeur que l’employé. » Elle a ajouté que la Commission s’est prononcée sur la demande de prestations de Mme C. B. « sans communiquer avec moi », et c’est injuste envers moi. »

[39] Mme R. A. a déclaré qu’elle est une bonne chef d’entreprise qui a employé plus de 3 000 personnes au cours de sa carrière. Elle a ajouté que « ces deux jeunes femmes nuisaient à mes affaires » et « j’étais une victime – plus que C. B. (Mme C. B.). »

[40] Mme R. A. a nié que Mme C. B. lui ait jamais posé des questions lorsqu’elle est arrivée au restaurant, ajoutant qu’elle n’avait pas congédié Mme C. B. à ce moment‑là, mais elle lui avait plutôt demandé si elle voulait rentrer chez elle. Mme R. A. a déclaré que ce n’est qu’après avoir appris « le fait que C. B. tentait de porter préjudice à mon entreprise », dans le jour et demi qui a suivi, qu’elle a congédié Mme C. B.

[41] Mme R. A. a renvoyé le Tribunal à la décision de la CRTO (pièce GD12) et déclaré qu’il ressort de cette décision que Mme C. B. a été rémunérée et qu’il n’y avait pas d’autres problèmes liés à la conformité à la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario. Mme R. A. a ajouté que, dans la décision de la CRTO, il est fait mention d’une conversation que l’agent des Normes d’emploi a eue avec M. F. et qu’une déclaration que ce dernier avait faite constituait une preuve « déterminante » dans la conclusion de la CRTO que Mme C. B. s’était livrée à une inconduite délibérée, en l’occurrence que M. F. ne se trouvait pas à l’intérieur de l’établissement et ignorait qui avait pris la décision de fermer le restaurant.

[42] Mme R. A. a déclaré qu’elle voulait obtenir « des excuses de la part de ces filles » et que « si elles obtiennent des prestations d’AE, c’est comme si on les récompensait pour leur comportement répréhensible, et ce n’est pas juste. »

À l’audience du 4 février 2016 : Témoignage de la prestataire (personne mise en cause)

[43] Mme C. B. a témoigné que Mme R. A. « nous a poursuivies en dommages-intérêts pour 25 000 $ » et a « passé le mot », ce qui rend très difficile de se trouver un emploi.

[44] Mme C. B. a déclaré que si elle avait commencé à pleurer après l’arrivée de Mme R. A. au 7 West Café, ce n’était pas parce qu’elle pensait avoir fait quelque chose de mal, mais parce que Mme R. A. refusait avec véhémence d’écouter quoi que ce soit qu’elle essayait de lui dire, répétant qu’elle ne voulait « pas l’entendre ». Mme C. B. admet qu’elle est devenue émotive, si bien qu’elle a décidé de rentrer chez elle lorsque Mme R. A. lui a demandé si elle voulait retourner à la maison.

[45] Mme C. B. a déclaré que d’un côté, Mme R. A. avait demandé à son avocat d’écrire à Mme C. B. pour obtenir des éléments de preuve contre M. F., parce que Mme R. A. croyait qu’il avait pu être impliqué dans l’incident et voulait « le poursuivre » (voir la pièce GD10‑1), et de l’autre, Mme R. A. essaye de se fier au témoignage de M. F. et à ce qu’elle dit qu’il lui aurait dit comme élément de preuve contre Mme C. B.

[46] Mme C. B. a répété que quoiqu’elle ait fait le 1er novembre 2014, c’était sous la direction de son gestionnaire, M. F.. Mme C. B. a déclaré qu’elle n’est « qu’une serveuse » et que M. F. « a tout déclenché » en annonçant qu’il n’avait pas les chèques de paye et qu’il ne pouvait pas forcer les gens à travailler sans être payés, et en suggérant une réunion au restaurant avec Mme R. A. pour discuter de la situation. Mme C. B. a dit que différentes personnes ont pris différentes décisions à partir de là, comme cela est dit dans sa réfutation et ses déclarations (pièce GD10) et que ce n’était pas elle la responsable de la fermeture du restaurant.

Observations

[47] Mme R. A., au nom de l’appelante, a plaidé ceci :

  1. Mme C. B. a porté préjudice à son gagne‑pain et à celui des autres membres du personnel du 7 West Café en fermant le restaurant sans autorisation.
  2. La conduite de Mme C. B. lorsqu’elle a fermé le restaurant sans autorisation était de l’inconduite délibérée, ce pourquoi elle a été congédiée.
  3. La Commission des relations de travail de l’Ontario a déterminé que le comportement de Mme C. B. avait été de l’« inconduite délibérée » et cela devrait aussi être un élément « déterminant » aux fins du versement de prestations d’AE.
  4. Il ne serait « pas juste de récompenser » la conduite de Mme C. B. en lui versant des prestations d’AE.

[48] La Commission a plaidé que Mme C. B. était une serveuse au sein d’une équipe d’employés supervisée par un gestionnaire lors des événements du 1er novembre 2014 et que la preuve n’appuie pas les allégations de l’employeur selon lesquelles Mme C. B. a personnellement fermé le restaurant ce soir‑là. L’employeur n’a pas prouvé que Mme C. B. avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite; par conséquent, Mme C. B. n’a pas à être exclue du bénéfice des prestations d’AE.

[49] Mme C. B., en tant que personne mise en cause, a plaidé qu’elle avait agi sous la direction du gestionnaire qui était de service au 7 West Café le 1er novembre 2014 et qu’elle n’avait pas causé la fermeture du restaurant ce soir‑là. Mme C. B. a plaidé en outre qu’elle ne s’était pas livrée à une inconduite délibérée.

Analyse

[50] Aux termes de l’article 30 de la Loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite.

[51] Il incombe à l’employeur, lorsque l’employeur est l’appelant, de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (Larivée A‑473‑06; Falardeau A‑396‑85). Pour considérer le fardeau de cette preuve comme acquitté, le Tribunal doit être convaincu que l’inconduite était le motif et non l’excuse du congédiement, ce qui nécessite, pour le Tribunal, d’en arriver à une conclusion de fait après avoir examiné attentivement tous les éléments de preuve (Bartone A‑369‑88; Davlut A‑241‑82).

[52] Pour prouver qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer que l’employée s’est comportée autrement que la façon dont elle aurait dû se comporter et qu’elle a fait cela de manière volontaire ou délibérée ou avec une insouciance telle qu’elle frôlait le caractère délibéré (Eden A-402-96). Pour qu’un acte soit qualifié d’inconduite, il doit être démontré que l’employée savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiée (Lassonde A‑213‑09; Mishibinijima A‑85‑06; Hastings A‑592‑06; Lock 2003 CAF 262) et que cette conduite nuirait au rendement professionnel de l’employée ou nuirait aux intérêts de l’employeur ou nuirait de façon irréparable à la relation employeur-employée (CUB 73528).

Quelle est la conduite qui a entraîné le congédiement de Mme C. B.?

[53] Dans le courriel qu’elle a envoyé à Mme C. B. le 2 novembre 2014, Mme R. A. l’a informée qu’elle était congédiée pour « inconduite délibérée et interruption délibérée et non justifiée des activités de l’entreprise » (pièce GD3‑51).

[54] Cette « interruption délibérée des activités » alléguée a été décrite de diverses façons, dont les suivantes :

  1. « Agir sans le consentement, la connaissance et l’autorité de la propriétaire ou de la direction du 7 West Café pour fermer le restaurant et organiser un débrayage de ses employés »; éconduire « les autres clients qui attendaient de prendre place dans le restaurant et les informer que le restaurant fermait en raison de la malveillance des propriétaires, ce qui était complètement faux » (tiré de la lettre que le cabinet d’avocats Ruscitto a adressée à Mme C. B. en date du 15 décembre 2014 – pièces GD3‑22 et 23).
  2. « Je crois comprendre, à la lumière des déclarations et du meilleur souvenir qu’en avaient les autres travailleurs que B. N. et C. B. sont responsables d’avoir fermé entièrement mon restaurant et d’avoir annulé le service de clients qui étaient déjà là. Je soutiens aussi qu’elles sont responsables d’avoir empêché de nouveaux clients d’entrer et d’avoir entaché ma réputation en disant à de nombreux clients que « je ne paye pas ». » (Tiré de la déclaration écrite de Mme R. A. datée du 12 janvier 2014 – pièce GD3‑28)
  3. « C. B. et B. N. ont commencé à apporter leur addition aux clients puis ont fermé la porte. » (Tiré de la déclaration que Mme R. A. a faite à l’agent de la Commission le 15 janvier 2015 – pièce GD3‑24)

[55] Mme C. B. nie avoir délibérément interrompu les activités de l’employeur et nie en outre avoir fermé le restaurant, organisé un débrayage de ses employés, annulé le service de clients qui étaient là, barrer l’entrée aux autres clients ou informer quiconque que le restaurant fermait en raison de la malveillance de Mme R. A. (pièces GD3‑26, GD3‑46 à 48 et GD10).

[56] Le Tribunal a soigneusement pris en considération la preuve présentée par l’employeur au sujet de l’interruption délibérée des activités du 7 West Café par Mme C. B. le 1er novembre 2014, preuve qui comprenait les éléments suivants :

  1. i) Déclarations faites par Mme R. A. sur ce que les autres lui ont dit qui s’était passé au 7 West Café on le 1er novembre 2014 (pièces GD3‑24, GD3‑27 à 29 et GD3‑30 et 31).
    Le Tribunal note l’admission de Mme R. A. selon laquelle elle ne se trouvait en fait pas au restaurant lorsque « l’inconduite délibérée et l’interruption délibérée des activités » par Mme C. B. se seraient produites. Le Tribunal note aussi que la déclaration écrite de Mme R. A. sur ce que M. F. lui a dit au sujet des événements du 1er novembre 2014 a été établie le 15 janvier 2015 et non le jour des événements. Le Tribunal a tenu compte du fait que les avocats du 7 West Café ont écrit à Mme C. B. moins d’un mois après, le 10 février 2015, et on sollicitait de sa part une déclaration au sujet de l’implication de M. F. dans le « débrayage » qui a eu lieu le 1er novembre 2014. En offrant de ne pas intenter de poursuite contre Mme C. B., cette lettre indique que Mme R. A. nourrissait quelque doute quant au véritable responsable du « débrayage ».
  2. ii) Déclarations écrites d’autres personnes au sujet de ce qui s’est produit au 7 West Café le 1er novembre 2014 2014 (pièces GD3‑32 à 43).
    Le Tribunal a ensuite pris en considération chacune des déclarations écrites :
    1. (a) concernant la déclaration datée du 6 janvier 2015 de la cliente Anne Simone, le Tribunal note que sa déclaration ne fait aucunement mention de Mme C. B. Elle mentionne deux serveuses et ne les identifie qu’en les qualifiant de « jeunes femmes » et par leur coiffure. Aucune preuve n’a été présentée au sujet de la coiffure de Mme C. B. le soir du 1er novembre 2014 et le Tribunal note qu’il y avait plus de deux serveuses qui travaillaient ce soir‑là au 7 West Café.
    2. (b) La déclaration non datée de la partenaire de vie et associée de Mme R. A., N. M., ne dit rien au sujet de Mme C. B.
    3. (c) La déclaration non datée du serveur S.  C. ne dit rien sur Mme C. B.
    4. (d) Dans sa déclaration non datée, l’aide-serveur P. T. indique que sa déclaration « rend compte des actions de B. N. » Cette déclaration décrit clairement « B. N. » comme l’une des personnes qui dirigeaient les événements. La déclaration de l’aide‑serveur ne mentionne Mme C. B. que de la façon suivante : « l’autre fille qui participait à cette fermeture était C. B. Je l’ai entendue, elle et B. N., dire aux clients qui se trouvaient à la porte : « Allez à l’autre restaurant un peu plus loin sur la rue. Il y a un bar. »
    5. (e) La déclaration non datée du cuisinier, M. W., ne dit rien au sujet de Mme C. B.
    6. (f) La déclaration non datée de K.  N., serveur à l’un des autres restaurants de Mme R. A., ne dit rien sur Mme C. B.
    7. (g) La déclaration datée du 12 janvier 2015 de W.  S., gestionnaire de l’un des autres restaurants de Mme R. A., ne dit rien au sujet de Mme C. B.
    8. (h) La déclaration du 5 janvier 2015 de C. T., gestionnaire du 7 West Café qui ne travaillait pas le soir du 1er novembre 2014, ne dit rien sur Mme C. B., hormis qu’elle a été payée avant les événements du 1er novembre 2014.
    9. (i) Dans sa déclaration datée du 8 janvier 2015, le serveur J.  A. indique qu’il est « incapable d’identifier le membre le plus actif » parmi les personnes impliquées dans les événements du 1er novembre 2014. La seule mention qu’il fait de Mme C. B. est rédigée en ces termes : « Les personnes que j’ai perçues comme étant les plus frustrées par la situation étaient, dans l’ordre, B. N., S. C., M. F., C. B. et M. A. »
  3. iii) La décision de la CRTO datée du 24 avril 2015 (pièce GD12)
    Dans la décision qu’elle a rendue, la CRTO a statué que le 7 West Café était exonéré de son obligation, en vertu de la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario, de fournir à Mme C. B. un avis de cessation d’emploi ou une indemnité tenant lieu de préavis au motif que Mme C. B. était [traduction] « coupable d’inconduite délibérée » pour ses actions du soir du 1er novembre 2014, lorsqu’elle a fermé l’établissement de l’employeur et renvoyé des clients (pièce GD12‑8). Le Tribunal n’a aucune façon de savoir quels éléments de preuve ont été « déterminants » dans la décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario, étant donné que cette décision ne fait que mentionner « les déclarations et preuves produites par les deux parties » (pièce GD12‑8) et deux brefs résumés de leurs positions. Dans la décision de la CRTO, il y a des notes qui ont été déposées par Mme R. A. (pièces GD12‑13 et 14) où il est dit que l’agent des Normes d’emploi semble avoir documenté un appel daté du 15 avril 2015 à Mme R. A. au sujet de l’état d’avancement de l’enquête et où cet agent mentionne avoir « reçu une déclaration de M. F., qui a déclaré qu’il n’était pas présent lorsque la décision a été prise de fermer le restaurant et qu’il ignorait qui avait pris cette décision ou ce qui s’était dit. » Toutefois, il semble que certaines parties de ces notes aient été expurgées.
  4. iv) Le témoignage que Mme R. A. a livré à l’audition de l’appel et qui décrit la « captation vidéo » du 7 West Café comme montrant Mme C. B. « bloquant l’entrée, fermant les rideaux et empêchant les clients d’entrer » dans le restaurant et « bloquant l’accès » au second niveau.
    Le Tribunal note que l’on peut conclure à une inconduite sur la base d’une preuve par ouï‑dire (Morris A‑291‑98; Mills A‑1974‑83) et que la description que Mme R. A. fait du comportement de Mme C. B. capté par l’enregistrement vidéo constitue de fait une preuve par ouï‑dire. Le Tribunal note aussi que Mme R. A. aurait aisément pu produire en preuve l’enregistrement vidéo en tant que tel et qu’elle a décidé de ne pas le faire. Ses déclarations sur ce que l’on peut voir dans la« captation vidéo » ne sont donc pas corroborées par la preuve au dossier et doivent être soupesées par rapport au témoignage livré sous serment à l’audience par Mme C. B. selon lequel elle a agi sous la direction de M. F., n’a pas fermé le restaurant et n’a jamais refusé de servir tout client se trouvant dans le restaurant et qu’il n’y avait qu’un seul groupe de clients à qui l’on a poliment demandé de se rendre à l’un des autres restaurants de Mme R. A. situés non loin de là.

[57] Bien qu’il y ait de nombreuses déclarations se rapportant aux actions de B. N. le 1er novembre 2014, la seule preuve de l’employeur qui concerne spécifiquement le actions de Mme C. B. et émane d’une personne qui était présente ce soir‑là et qui l’a observée au 7 West Café réside dans les déclarations écrites de l’aide‑serveur P. T. et du serveur J  A. Ni l’une ni l’autre de ces déclarations n’établit que Mme C. B. a délibérément interrompu les activités ce soir‑là en fermant le restaurant, en fomentant un débrayage, en refusant l’entrée aux clients qui attendaient qu’on les assoient, en faisant savoir aux clients que le restaurant était fermé pour cause de malveillance de la part de la propriétaire ou en interdisant l’entrée aux nouveaux clients. Les déclarations écrites ne confirment tout simplement pas la version des événements que Mme R. A. a fournie à l’agent de la Commission le 15 janvier 2015 (pièce GD3‑24).

[58] Le Tribunal est aussi troublé par les nombreuses allusions, dans la preuve de l’employeur, qui désignent Mme C. B. et B. N. ensemble comme « les filles », « les deux filles », « ces filles », « ces deux filles » et « elles », ce qui rend difficile, voire impossible, de discerner, le cas échéant, quelle partie de la preuve se rapporte spécifiquement à Mme C. B. Incidemment, les déclarations écrites de témoins produites par Mme R. A. font largement référence à B. N., avec seulement deux mentions limitées de Mme C. B. Toujours est‑il que Mme R. A. a plusieurs fois fait mention de « ces deux filles » et, en fait, a plus largement fait allusion aux six à huit employés qui étaient « tricotés serrés, avec beaucoup de négativité, qui ont causé les problèmes » et que ce sont « les mauvais éléments qui ont pris le contrôle », si bien que Mme R. A. a dû « faire le ménage ». Cela n’aide pas l’appelante à prouver une inconduite délibérée de la part de Mme C. B.

[59] Le Tribunal s’est ensuite penché sur les déclarations fournies par la prestataire et sur son témoignage livré à l’audience. La prestataire a été constante dans ses déclarations, disant que bien qu’elle ait elle‑même été rémunérée, M. F. a dit aux autres qu’ils n’avaient pas leurs chèques de paye, qu’il ignorait quand ces employés seraient payés, que ces employés pouvaient arrêter de servir les clients s’ils le voulaient et que ce serait lui qu’on « blâmerait ». Est également cohérente la description que la prestataire a fait des événements ayant suivi l’annonce de M. F., à savoir que le personnel s’est adressé à M. F. pour savoir quoi faire, que M. F. et les autres employés ont essayé de joindre Mme R. A. et que M. F. a suggéré que les employés se réunissent au rez‑de‑chaussée du restaurant pour rencontrer Mme R. A. Le Tribunal retient la preuve et le témoignage de Mme C. B. selon lesquels elle a agi sous la direction de M. F., le gestionnaire de service ce soir‑là, et pris des dispositions en sorte que le personnel puisse rencontrer Mme R. A. au rez‑de‑chaussée du restaurant. Le Tribunal estime que la preuve présentée par Mme C. B. sur ce point est crédible et qu’elle fournit une explication qui est logique dans les circonstances : Mme C. B. avait été payée et n’était pas fâchée, mais les autres employés qui n’avaient pas été rémunérés étaient fâchés, n’étaient pas prêts à continuer à travailler et voulaient rencontrer Mme R. A. au sujet de leur paye. Étant une serveuse au sein d’une équipe de serveurs travaillant ce soir‑là au 7 West Café, Mme C. B. pouvait difficilement assurer à elle seule la poursuite du service dans ces circonstances. Le témoignage de Mme R. A. selon lequel M. F. n’était pas habilité à fermer le restaurant et que, du fait qu’il avait donné son avis de démission, il n’avait pas l’autorité de faire des déclarations au sujet des chèques de paye ou de convoquer une réunion du personnel avec Mme R. A. n’est pas convaincant et ne réfute pas la preuve que ce soit effectivement ce que M. F., le gestionnaire, ait fait ce soir‑là. Le témoignage ne permet pas davantage d’établir que Mme C. B. était de quelque façon dispensée de suivre les directives du gestionnaire de service.

[60] Le Tribunal n’est pas non plus convaincu que l’inconduite alléguée était, en fait, le motif du congédiement de Mme C. B. et non l’excuse de ce congédiement. Bien que Mme R. A. ait dit n’avoir pas tout de suite congédié Mme C. B., lorsqu’elle est arrivée au restaurant, le 1er novembre 2014, mais seulement après « un jour et demi » de recherche de faits (voir paragraphe 40 plus haut), le Tribunal note que le courriel de congédiement a en fait été envoyé à Mme C. B. le 2 novembre 2014, à 17 h 08, moins de 24 heures après l’arrivée de Mme R. A. au restaurant et bien avant que Mme C. B. soit venue, le lundi (3 novembre 2014) pour faire sa déclaration à Mme R. A. Le Tribunal se demande si Mme C. B. a été congédiée pour ses actions du 1er novembre 2014 ou parce qu’elle était amie avec B. N. et a été incluse dans les mesures prises par Mme R. A. pour « faire le ménage » au 7 West Café.

[61] Le Tribunal a été frappé par les déclarations selon lesquelles 7 West Café cherche à obtenir de Mme C. B. une « justification » et « des excuses par écrit » pour ses « actions honteuses » (pièces GD3‑22 et 23), ainsi que par le témoignage de Mme R. A. selon lequel elle cherche elle‑même à « obtenir du soutien » du « système » et se considère comme « une victime » qui « veut des excuses. » Le Tribunal note la lettre que l’avocat de 7 West Café a envoyée à Mme C. B. pour solliciter de sa part une déclaration écrite sur les actions de M. F. le 1er novembre 2014 et le témoignage de Mme C. B. selon lequel elle est poursuivie en dommages-intérêts par Mme R. A. pour 25 000 $. Manifestement, l’employeur cherche quelqu’un à blâmer pour les événements survenus le 1er novembre 2014 au 7 West Café. Toutefois, l’audition d’un appel par le Tribunal ne constitue pas la tribune appropriée pour qu’une partie cherche à obtenir une justification, à se déclarer victime ou à obtenir des excuses. Le Tribunal se demande si Mme R. A. a interjeté appel devant le Tribunal pour protéger l’intégrité du programme d’assurance-emploi ou pour d’autres buts, par exemple se constituer un dossier favorable qu’elle pourrait utiliser dans son action au civil contre Mme C. B. et B. N., et peut‑être d’autres personnes.

[62] Ayant tenu compte de l’ensemble de la preuve produite dans cet appel ainsi que du témoignage de Mme R. A. et de Mme C. B., le Tribunal préfère le témoignage de la prestataire et conclut que la prestataire ne s’est pas livrée à une interruption délibérée des activités, action que l’employeur allègue avoir été le motif du congédiement de Mme C. B.

La conduite constitue-t-elle une « inconduite » au sens de la Loi?

[63] La Cour d’appel fédérale a statué que le Tribunal n’a pas à déterminer si le congédiement effectué par l’employeur était justifié ou si la sanction était appropriée (Caul 2006 CAF 251), mais plutôt à déterminer si la conduite de l’employé a constitué une inconduite au sens de la Loi (Marion 2002 CAF 185).

[64] Ayant conclu que Mme C. B. ne s’était pas livrée à la conduite dont l’employeur allègue qu’elle a entraîné son congédiement, le tribunal n’est pas non plus convaincu que le comportement de Mme C. B. ait constitué de l’« inconduite » au sens de la Loi. À l’issue d’une évaluation objective de tous les éléments de preuve déposés et des témoignages livrés à l’audience, le Tribunal estime que rien ne permet de conclure que le comportement délibéré ou imprudent de Mme C. B. ait été tel qu’elle savait ou aurait dû savoir que son comportement du 1er novembre 2014 pouvait entraîner son congédiement. Le témoignage de Mme C. B. selon lequel elle agissait sous la direction de son gestionnaire le 1er novembre 2014 est cohérent et crédible et, comme elle agissait sous la direction d’un gestionnaire, la dimension « délibérée » qui est requise pour que l’on conclut que son comportement constituait de l’« inconduite » au sens de la Loi n’est pas là. Il n’est pas davantage possible de conclure que Mme C. B. savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée pour avoir suivi les instructions données par son gestionnaire en sorte qu’une réunion du personnel avec Mme R. A. puisse avoir lieu au rez‑de‑chaussée du restaurant.

[65] La Cour d’appel fédérale a statué qu’une conclusion à l’inconduite, avec les graves conséquences que cela entraîne, ne peut être tirée qu’à la lumière d’une preuve claire et pas simplement sur la base de spéculations ou de suppositions. (Crichlow A‑562‑97) et que l’opinion ou l’appréciation subjective qu’un employeur se fait du type d’inconduite justifiant un congédiement ne satisfait pas au fardeau de la preuve (Fakhari A‑732‑95). Il faut que la preuve produite soit suffisamment circonstanciée pour que le Tribunal soit en mesure, tout d’abord, de savoir comment l’employée s’est comportée et, en deuxième lieu, de déterminer si ce comportement constituait de l’inconduite (Meunier, A‑130‑96; Joseph, A‑636‑85). Bien que Mme R. A. ait fait des déclarations sur ce que montre l’enregistrement vidéo pris au 7 West Café le 1er novembre 2014, le Tribunal accorde plus de poids au témoignage livré sous serment de Mme C. B. concernant ses actions ce soir‑là et juge que la preuve de l’employeur, dans son ensemble, n’est tout simplement pas suffisamment étoffée pour prouver que Mme C. B. a eu le comportement allégué par l’employeur.

[66] Bien que Mme R. A. ait produit la décision de la CRTO comme un facteur « déterminant » de la question de savoir si le comportement de Mme C. B. a constitué de l’« inconduite délibérée », la Cour d’appel fédérale a statué que le tribunal n’a pas à accepter la façon dont un tiers (comme la Commission des relations de travail de l’Ontario) pourrait qualifier les motifs pour lesquels il a été mis fin à un emploi (Morris A‑291‑98; Boulton A‑45‑96; Perusse A‑309‑81). Pour les motifs déjà énoncés ici, le Tribunal estime que la preuve sur laquelle l’employeur s’est basé dans cet appel n’est pas suffisante pour prouver qu’il y a eu inconduite au sens de la Loi.

[67] Le Tribunal estime que l’on peut nourrir un doute quant à l’inconduite alléguée de Mme C. B. en lien avec la fermeture du 7 West Café le soir du 1er novembre 2014 et que, par conséquent, conformément aux arrêts Joseph (supra) et and Bartone (supra) de la Cour d’appel fédérale, l’employeur n’a pas prouvé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[68] Finalement, le Tribunal a tenu compte de l’observation de Mme R. A. selon laquelle il serait « injuste de récompenser » Mme C. B. par des prestations d’AE compte tenu de sa conduite. Pour être admissible au bénéfice des prestations, un demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées dans la Loi. La question de justice n’est pas pertinente à la détermination de l’admissibilité qui est prévue dans la Loi. Le Tribunal retient la preuve de la Commission sur le traitement de la demande de prestations de Mme C. B. et convient avec la Commission que Mme C. B. a satisfait aux exigences prévues par la loi pour être admissible à des prestations d’AE.

Conclusion

[69] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que Mme C. B. avait perdu son emploi au 7 West Café en raison de sa propre inconduite. Le Tribunal conclut donc que Mme C. B. n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’AE aux termes de l’article 30 de la Loi.

[70] L’appel est rejeté.

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