Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

La prestataire, madame E. K., et son époux, monsieur H. K., ont participé à l’audience par téléconférence. La prestataire a autorisé de vive voix son époux à la représenter durant l’audience.

Introduction

[1] Une période de prestations a été établie au profit de la prestataire et celle-ci a touché des prestations de maladie de l’assurance-emploi durant huit semaines, à compter du 29 septembre 2013. La prestataire s’est trouvée à l’étranger du 9 décembre 2013 au 5 mai 2014. À son retour, le versement des sept semaines de prestations de maladie restantes a repris, jusqu’au 21 juin 2014. La prestataire a ensuite touché des prestations de maternité durant huit semaines, du 3 août 2014 au 27 septembre 2014, soit jusqu’à la fin de sa période de prestations.

[2] Le 13 août 2014, la Commission a informé la prestataire qu’elle ne pouvait plus lui verser de prestations de maternité et de prestations parentales parce qu’elle avait bénéficié de sa dernière semaine de renouvellement (27 septembre 2014) et que rien ne justifiait une prolongation de sa période de prestations.

[3] Le 5 septembre 2014, la prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision; le 10 octobre 2014, la Commission a cependant décidé de maintenir sa décision.

[4] Le 14 novembre 2014, la prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal).

[5] Dans son avis d’appel, elle a soulevé des questions constitutionnelles relativement à la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Une conférence préparatoire a été tenue le 16 juillet 2015, et la prestataire a été renseignée sur le processus propre aux appels portant sur des questions constitutionnelles. Elle avait jusqu’au 5 novembre 2015 pour présenter des observations. Le 19 novembre 2015, comme aucune observation n’avait été déposée par la prestataire, le Tribunal l’a informée que son appel serait instruit comme un appel ordinaire (GD8, GD9 et GD10).

[6] Au début de l’audience, la prestataire a confirmé qu’elle ne souhaitait plus invoquer les questions constitutionnelles qu’elle avait soulevées parce que le processus est trop lourd et qu’il lui coûterait trop cher de se faire représenter par un avocat.

[7] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes : a) l’appelante allait être la seule partie présente et b) ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Questions en litige

[8] Le membre doit déterminer si la période de prestations peut être prolongée par application du paragraphe 10(13) de la Loi.

[9] Le membre doit déterminer si des prestations ont été versées à la prestataire durant le bon nombre de semaines d’après sa période de prestations conformément aux paragraphes 10(2) et 12(3) de la Loi.

Droit applicable

[10] Le paragraphe 10(2) prévoit que, sous réserve des paragraphes (10) à (15) et de l’article 24, la durée d’une période de prestations est de 52 semaines.

Prolongation de la période de prestations

[11] Aux termes du paragraphe 10(13) de la Loi, si, au cours de la période de prestations d’un prestataire, aucune prestation régulière ne lui a été versée, que des prestations pour plus d’une des raisons prévues aux alinéas 12(3)a) à e) lui ont été versées pour un nombre de semaines inférieur au nombre maximal applicable pour au moins une de ces raisons et que le nombre maximal total de semaines de prestations prévu pour celles-ci est supérieur à cinquante, la période de prestations est prolongée du nombre de semaines nécessaire pour que ce nombre maximal total soit atteint.

[12] Aux termes du paragraphe 10(15) de la Loi, à défaut de prolongation au titre de l’un des paragraphes (10) à (12.1), aucune prolongation au titre du paragraphe (13) ne peut avoir pour effet de porter la durée de la période de prestations à plus de la somme de deux semaines et du total du nombre maximal de semaines de prestations prévu au paragraphe 12(3) pour les prestations qui ont été versées pour une des raisons prévues aux alinéas 12(3)a) à e) pendant la période de prestations du prestataire avant la prolongation visée au paragraphe (13).

Maximum des prestations spéciales

[13] Le paragraphe 12(1) de la Loi prévoit qu’une fois la période de prestations établie, des prestations peuvent, à concurrence des maximums prévus à l’article 12, être versées au prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans cette période.

[14] Aux termes du paragraphe 12(2) de la Loi, le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d’une période de prestations — à l’exception de celles qui peuvent être versées pour l’une des raisons prévues au paragraphe (3) — est déterminé selon le tableau de l’annexe I en fonction du taux régional de chômage applicable au prestataire et du nombre d’heures pendant lesquelles il a occupé un emploi assurable au cours de sa période de référence.

[15] Aux termes du paragraphe 12(3), le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d’une période de prestations est :

  1. a) dans le cas d’une grossesse, quinze semaines;
  2. b) dans le cas de soins à donner à un ou plusieurs nouveau-nés du prestataire ou à un ou plusieurs enfants placés chez le prestataire en vue de leur adoption, 35 semaines ;
  3. c) dans le cas d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine prévue par règlement, quinze semaines;
  4. d) dans le cas de soins ou de soutien à donner à un ou plusieurs membres de la famille visés au paragraphe 23.1(2), vingt-six semaines ;
  5. e) dans le cas de soins ou de soutien à donner à un ou plusieurs enfants gravement malades visés au paragraphe 23.2(1), trente-cinq semaines.

Preuve

[16] La prestataire a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi le 10 octobre 2013, après avoir pris congé en raison d’une maladie/blessure le 27 septembre 2009. Puisqu’elle répondait aux conditions d’admissibilité minimales, la Commission a établi à son profit une période de prestations commençant le 27 septembre 2013 (GD3-3 à GD3-14).

[17] La prestataire s’est trouvée à l’étranger du 9 décembre 2013 au 5 mai 2014. La Commission lui a imposé une inadmissibilité aux prestations de maladie pour cette période. Le 13 mai 2014, à son retour au pays, la prestataire a présenté une demande pour les 7 semaines (d’un maximum de 15 semaines) de prestations de maladie restantes, lesquelles lui ont été versées jusqu’au 21 juin 2014 (GD3-15 à GD3-30).

[18] La prestataire a également rapporté qu’elle était enceinte. Elle a rempli le formulaire de prestations de maternité et/ou parentales, Annexe 3, dans lequel elle a indiqué que son accouchement devait avoir lieu le 2 octobre 2014, et qu’elle souhaitait faire une demande pour des prestations de maternité ainsi que pour 35 semaines de prestations parentales (GD3-18 et GD3-31).

[19] Le 13 août 2014, la Commission a informé la prestataire qu’elle pouvait bénéficier de prestations de maternité dès huit semaines avant son accouchement, soit à compter du 3 août 2013 dans son cas. Elle a également été avisée que ses prestations de maternité pouvaient seulement lui être versées jusqu’à la fin de sa période de prestations, le 27 septembre 2013. La prestataire a reçu des prestations de maternité durant huit semaines, du 3 août 2014 au 27 septembre 2014 (GD3-33 à GD3-35).

[20] Le 5 septembre 2014, la prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, en précisant qu’un agent de la Commission lui avait dit qu’elle toucherait des prestations de maternité maximales, durant 15 semaines, ainsi que des prestations parentales durant 35 semaines. Elle a demandé que sa période de prestations soit prolongée pour qu’elle puisse bénéficier de prestations de maternité et de prestations parentales maximales.

[21] Le 10 octobre 2014, la Commission a maintenu sa décision et informé la prestataire qu’elle ne toucherait pas davantage de prestations de maternité et de prestations parentales parce qu’elle avait bénéficié de sa dernière semaine de renouvellement (27 septembre 2014) et qu’elle ne répondait pas aux exigences permettant la prolongation de sa période de prestations (GD3-39 à GD3-43).

[22] À l’audience, la prestataire a confirmé que la date réelle de son accouchement était le 4 octobre 2014. La prestataire a affirmé qu’un agent de la Commission lui avait dit qu’elle serait admissible à des prestations de maternité complètes si elle remplissait l’Annexe 3. On lui avait dit que, si son enfant était né avant le 27 septembre 2014, elle serait admissible à des prestations parentales, et que des exceptions ou une prolongation étaient possibles. Le membre s’est reporté au paragraphe 10(3) de la Loi, et son observation voulant qu’elle soit admissible à une telle prolongation, figurant à la page GD2A-4, au paragraphe 7, avait déjà été présentée au Tribunal. La prestataire a affirmé qu’elle avait pris des décisions personnelles d’après les renseignements qui lui avaient été communiqués, et qu’elle s’est trouvée aux prises avec des difficultés financières pour cette raison.

[23] Le représentant de la prestataire a affirmé que la Commission, agissant au nom du gouvernement, avait pris un engagement, et qu’elle devrait le respecter. Il a ajouté que même s’il comprend la lettre de la loi, l’esprit de la loi était d’aider les femmes en congé de maternité, et cet appel devrait être accueilli pour des raisons d’ordre humanitaire.

Observations

[24] La prestataire a soutenu qu’elle est admissible aux prestations de maternité maximales de 15 semaines et à 35 semaines subséquentes de prestations parentales en vertu du paragraphe 12(3) de la Loi. Elle a également soutenu qu’elle répond à toutes les exigences pour une prolongation de sa période de prestations en vertu du paragraphe 10(13) de la Loi, et qu’elle peut donc toucher le maximum de ces prestations (GD2 et GD2A).

[25] La Commission a soutenu que la prestataire ne répondait pas aux critères permettant la prolongation de la période de prestations au titre du paragraphe 10(13) de la Loi. La prestataire a touché des prestations de maladie pendant 15 semaines et des prestations de maternité pendant 8 semaines, pour un total de 23 semaines de prestations spéciales, qui se trouve bien en deçà des 50 semaines au cours desquelles il lui faudrait avoir touché des prestations conformément à l’alinéa 10(13)c) de la Loi. La prestataire a reçu à juste titre des prestations de maternité à compter du début de la fenêtre de maternité, soit du 3 août 2014, et ce jusqu’à la fin de sa période de prestations, le 27 septembre 2014.

Analyse

[26] Conformément au paragraphe 12(3) de la Loi, le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d’une période de prestations dans le cas d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine, est également de quinze semaines.

[27] En l’espèce, la prestataire a initialement touché des prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant huit semaines, du 27 septembre 2013 au 8 décembre 2013. À son retour au Canada, elle a reçu des prestations de maladie pendant sept semaines de plus, du 4 mai 2014 au 21 juin 2014. La prestataire a bénéficié du maximum de 15 semaines de prestations de maladie conformément à l’alinéa 12(3)c) de la Loi. La prestataire ne conteste pas son admissibilité à des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[28] La prestataire prétend néanmoins qu’un agent de la Commission l’a informée qu’elle serait admissible au maximum de 15 semaines de prestations de maternité, suivi de 35 semaines de prestations parentales, respectivement au titre des alinéas 12(3)a) et 12(3)c) de la Loi. Cela dit, elle a seulement reçu des prestations de maternité pendant huit semaines, du 3 août 2014 au 27 septembre 2014, soit jusqu’à fin de sa période de prestations.

[29] Le membre est d’accord avec la Commission que la durée de la période de prestations est de 52 semaines conformément au paragraphe 10(2) de la Loi, sous réserve des paragraphes (10) et (15) et de l’article 24. En l’espèce, la Commission a conclu à juste titre que la période de prestations de la prestataire commençait le 28 septembre 2013 et se terminait le 27 septembre 2014. Elle a donc versé des prestations de maternité à la prestataire pendant huit semaines, à compter du début de sa fenêtre de maternité et jusqu’à la fin de sa période de prestations, le 27 septembre 2014.

[30] La Commission s’est également demandé si la prestataire correspondait à l’exception prévue au paragraphe 10(13) de la Loi afin de pouvoir prolonger sa période de prestations au-delà du maximum de 52 semaines, pour que la prestataire puisse toucher le maximum de prestations spéciales. Pour être admissible à la prolongation, la prestataire doit répondre aux trois conditions prévues au paragraphe 10(13) de la Loi. En l’espèce, la prestataire répondait à la première condition du paragraphe 10(13) puisqu’aucune prestation régulière ne lui avait été versée. La prestataire répondait également à la seconde condition prévue au paragraphe 10(13), puisqu’elle a reçu des prestations de maternité et des prestations parentales pour un nombre de semaines inférieur au nombre maximal applicable pour les prestations de maternité (elle en a touché pendant 8 semaines, alors qu’elles peuvent être versées pendant un nombre maximal de 15 semaines). La prestataire n’a cependant pas répondu à la troisième condition figurant au paragraphe 10(13), puisque le nombre maximal total de semaines de prestations prévu pour ces prestations n’est pas supérieur à 50. Autrement dit, le nombre total de semaines prévu pour des prestations de maladie et des prestations de maternité est de 30 (15 semaines pour chacun de ces deux types de prestations), un nombre inférieur à 50. Le membre note que la prestataire a fait valoir, dans ses observations, qu’elle répondait à cette exigence, puisqu’elle avait additionné le nombre maximal de semaines pour des prestations de maladie, des prestations de maternité et des prestations parentales. Cependant, aucune prestation parentale n’a été versée à l’appelante au cours de sa période de prestations, et on ne peut donc pas tenir compte de prestations parentales pour l’application des deux dernières conditions du paragraphe 10(13) de la Loi.

[31] Le membre conclut donc que, bien que la prestataire aurait pu être admissible à plus de prestations de maternité et de prestations parentales, elle a reçu à juste titre des prestations de maternité pendant huit semaines, du 3 août 2014 au 27 septembre 2014, date à laquelle a pris fin sa période de prestations conformément au paragraphe 10(2) de la Loi. Le membre conclut également que la prestataire n’est pas admissible à une prolongation de sa période de prestations conformément au paragraphe 10(13) de la Loi.

[32] Les conclusions du membre sont appuyées par des cas semblables, où des prestataires ne peuvent bénéficier du nombre maximum de semaines de prestations auquel ils ont droit puisque leurs périodes de prestations prennent fin (CUB 80436, CUB 80415, CUB 77815).

[33] Le membre est conscient des sentiments de la prestataire, qui a l’impression d’être [traduction] « punie » pour avoir été malade et pour avoir touché des prestations de maladie avant de tomber enceinte. Le membre comprend aussi qu’elle pourrait avoir reçu des renseignements inexacts de part d’un agent de la Commission concernant son admissibilité à des prestations de maternité et à des prestations parentales, ce qui lui a causé des difficultés financières. Néanmoins, le membre est tenu d’appliquer la loi comme telle qu’elle est écrite, peu importe le caractère malheureux des circonstances ou la compassion qu’il éprouve.

[34] Le membre a aussi noté l’observation du représentant, voulant que [traduction] « l’esprit de la loi » était d’aider les femmes durant une période de maternité, et que des prestations devraient être accordées pour des raisons d’ordre humanitaire dans de telles circonstances. Le membre est d’accord que les mots figurant dans la Loi doivent être interprétés en suivant leur sens simple, grammatical et ordinaire qui s’harmonise avec l’objet de la loi et l’intention du législateur. La Cour d’appel fédérale a confirmé ce principe en affirmant qu’il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire (Knee A-227-11). En l’espèce, la loi a été interprétée et appliquée conformément à son libellé et à son objet. Le paragraphe 10(13) de la Loi a été promulgué dans le but de permettre la prolongation de la période de prestations pour qu’un prestataire puisse bénéficier du nombre total maximum de semaines de prestations spéciales, mais uniquement s’il répond aux trois critères prévus à ce paragraphe. Dans le cas contraire, la période de prestations ne peut être prolongée.

[35] Les conclusions du membre sont étayées par la jurisprudence qui énonce clairement que la Loi sur l’assurance-emploi n’autorise pas le Tribunal à déroger à ses dispositions, quelque impérieuses que soient les circonstances (Granger A-684-85).

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

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