Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 3 mars 2014, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’appel interjeté par l’appelant doit être rejeté de façon sommaire, puisque cet appel à l’encontre du refus par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) de proroger le délai de demande de révision d’une décision de la Commission en vertu de l’alinéa 112(1)b) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) n’a aucune chance raisonnable de succès.

[3] Le 14 mars 2014, l’appelant a porté en appel la décision de rejet sommaire de la division générale.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la question ou des questions portées en appel;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales.
  • Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelant et l’intimé n’ont pas assisté à l’audience. Le Tribunal est convaincu que l’appelant a reçu l’avis d’audience le 4 novembre 2015. L’intimée avait précédemment averti le Tribunal qu’elle ne serait pas présente à l’audience.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté de façon sommaire l’appel interjeté par l’appelant.

Arguments

[8] L’appelant a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • Son relevé d’emploi (RE) initial indiquait qu’il avait accumulé 600 heures d’emploi assurables;
  • Le 4 février 2009, l’intimée l’avait avisé par écrit qu’il ne pouvait toucher des prestations puisque son RE n’indiquait que 584 heures d’emploi assurables entre le 23 décembre 2007 et le 20 décembre 2008 alors qu’il lui en fallait 600 pour y être admissible;
  • Il se demande pourquoi ses heures assurables sont passées de 600 à 584;
  • Plus tard, il a soutenu que ses heures assurables totalisaient en fait 960 heures, à la suite d’une erreur de son employeur en remplissant le formulaire de RE;
  • Il s’agissait d’un congé de maladie qui, parmi d’autres, était indépendant de sa volonté;
  • Il avait cotisé au programme d’AE depuis plusieurs années et s’il ne pouvait recevoir des prestations d’AE, il désirait se retirer du programme.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • En l’espèce, la division générale avait considéré toute la preuve et avait appliqué le bon critère juridique. La division générale a conclu que l’intimée avait démontré l’exercice approprié de sa discrétion et, étant donné la jurisprudence et la clarté de la législation, que le Tribunal était convaincu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès;
  • Le 4 février 2009, l’appelant a été dûment avisé de la décision. Il a tardé jusqu’au 3 janvier 2013 pour fournir l’information nouvelle à l’appui de sa demande. En outre, afin de souligner son erreur, l’employeur n’avait pas modifié le relevé d’emploi. Il avait simplement déposé une lettre affirmant que les heures d’emploi de l’appelant totalisaient 960 heures. L’employeur avait redéposé la même copie du relevé d’emploi qu’il avait déposée en janvier 2009;
  • L’appelant a avoué avoir reçu la décision livrée à sa dernière adresse connue en 2009. Celle-ci l’informait qu’il devait entrer en contact avec l’intimée s’il avait de nouvelles informations qui pourraient faire modifier la décision ou s’il voulait y ajouter des détails;
  • L’appelant avait aussi été informé qu’il disposait de 30 jours à compter de la réception de cet avis pour présenter un appel par écrit. Malheureusement, l’appelant a attendu quatre ans avant de fournir l’information additionnelle à laquelle l’intimée faisait allusion dans sa lettre du 4 février 2009;
  • La division générale n’a commis aucune erreur de fait ou de droit en rejetant de façon sommaire l’appel interjeté par l’appelant et en concluant que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès; la décision de rejeter sommairement l’appel, conformément à l’article 53(1) de la Loi sur le MEDS, était raisonnable;
  • Rien dans la décision de la division générale n’indique que cette dernière s’est montrée défavorable à l’égard de l’appelant ou qu’elle n’a pas fait preuve d’impartialité. Rien non plus ne prouve qu’il y a eu manquement aux principes de justice naturelle en l’espèce.

Norme de contrôle

[10] L’appelant n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable. L’intimée affirme que la norme de contrôle judiciaire applicable aux questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable, selon l’arrêt Canada (P.G.) c. Hallée, (2008) CAF 159.

[11] Les moyens d’appels énoncés au paragraphe de la Loi sur le MEDS sont identiques à ceux auxquels devaient s’en tenir les anciens juges-arbitres de l’assurance-emploi conformément au paragraphe 115(2) de la Loi. Par conséquent, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale touchant la nature de l’appel et qui se rapporte aux anciens juges-arbitres de l’assurance-emploi est pertinente et persuasive.

[12] Le Tribunal est d’avis que le niveau de déférence que la division d’appel accorde aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le niveau de déférence qu’accordaient les juges-arbitres de l’assurance-emploi aux décisions rendues par les anciens conseils arbitraux. Un appel interjeté devant la division d’appel n’est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit, cf. la décision Canada (Procureur général) c. Merrigan, (2004) CAF 253.

[13] Le Tribunal reconnaît que la Cour d’appel fédérale a établi que la norme de contrôle applicable à une décision rendue par un conseil arbitral (maintenant la division générale) ou un juge arbitre (maintenant la division d’appel), concernant les questions de droit, est celle de la décision correcte, cf.la décision Martens c. Canada (Procureur général), (2008) CAF 240, et que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et de droit est celle de la décision raisonnable cf. les décisions Dunsmuir c. New Brunswick, (2008) SCC 9, Canada (Procureur général) c. Hallée, (2008) CAF 159.

Analyse

[14] Le Tribunal a tenu l’audience relative à l’appel en l’absence de l’intimée, puisqu’il estimait que cette dernière avait été dûment avisée de la tenue de l’audience conformément au paragraphe 12(1) du Règlement du Tribunal de la sécurité sociale.

[15] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a rejeté de façon sommaire l’appel interjeté par l’appelant.

[16] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que « [l]a division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[17] Bien que la Cour d’appel fédérale n’ait pas encore examiné la question des rejets sommaires relevant du cadre législatif et réglementaire du Tribunal de la sécurité sociale, elle s’est penchée sur la question à plusieurs reprises au regard de sa propre procédure de rejet sommaire. Les décisions Lessard-Gauvin c. Canada (PG), (2013) CAF 147, et Breslaw c. Canada (PG), (2004) CAF 264, sont des exemples représentatifs de ce groupe de cas.

[18] Dans l’arrêt Lessard-Gauvin, la Cour a déclaré ce qui suit :

« [8] La norme pour rejeter de façon préliminaire un appel est rigoureuse. Cette Cour ne rejettera sommairement un appel que lorsqu’il est évident que le fondement de celui-ci n’a aucune chance raisonnable de succès et est manifestement voué à l’échec […] »

[19] La Cour va dans le même sens dans la décision Breslaw :

« [7]… le seuil lié au rejet sommaire d’un appel est très élevé, et bien que je doute sérieusement de la validité de la position de l’appelant, les observations écrites qu’il a déposées soulèvent une cause défendable. L’appelant est donc autorisé à poursuivre son appel… »

[20] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a établi que le critère qu’il convient d’appliquer en cas de rejet sommaire est le suivant :

  • Est-il évident, à la lecture du dossier, que l’appel est voué à l’échec ?

[21] J’aimerais préciser que la question ne consiste pas à déterminer si l’appel doit être rejeté après un examen exhaustif des faits, de la jurisprudence et des observations. La vraie question consiste plutôt à établir si l’appel est déjà voué à l’échec, peu importe la preuve ou les arguments qui pourraient être présentés lors de l’audience à l’appui des observations écrites présentées dans le cadre de l’appel.

[22] En l’espèce, la division générale a examiné le dossier ainsi que les observations de l’appelant dans le cadre de l’appel; elle a déterminé qu’aucun élément de preuve et aucun argument n’appuyaient la conclusion que l’intimée n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant de prolonger le délai pour présenter une demande de révision de ses décisions aux termes de l’alinéa 112(1)b) de la Loi.

[23] Qui plus est, le Tribunal tient à souligner qu’en vertu du paragraphe 90(1) de la Loi, seul un fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada (ARC), autorisé par le ministre, peut rendre une décision sur la détermination du nombre d’heures exercées dans le cadre d’un emploi assurable.

[24] Il est bien établi dans la jurisprudence que l’ARC a la compétence exclusive pour déterminer combien d’heures d’emploi assurable un prestataire possède en application de la Loi, cf. les décisions Canada (PG) c. Romano, (2008) CAF 117; Canada (PG) c. Didiodato, (2002) CAF 34; Canada (PG) c. Haberman, (2000) CAF 150.

[25] Bien que la division générale n’ait pas énoncé explicitement le critère qui devait être appliqué, il est clair pour le Tribunal que la division générale comprenait l’objet des rejets sommaires, compte tenu du critère rigoureux requis pour rejeter de façon sommaire un appel, et qu’elle a dûment établi que l’affaire dont elle était saisie satisfaisait ce critère rigoureux.

[26] Le Tribunal est d’accord qu’à la lecture du dossier, il était clair et évident que l’appel auprès de la division générale était voué à l’échec. Ainsi, je suis d’accord avec la décision du membre de la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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