Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelant n’était pas présent à l’audience, mais son représentant, M. M., était présent. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi (Commission), n’était pas présente à l’audience.

Introduction

[1] L’appelant interjette appel de la décision de révision rendue par la Commission le 2 décembre 2015, laquelle l’a rendu inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 9 au 30 octobre 2015, car il était à l’extérieur du Canada à ces dates précises et il n’était pas disponible à ces dates précises. Cependant, en ce qui concerne la question relative à la disponibilité, la Commission a accepté qu’il était disponible le 9 octobre 2015. Puisque l’appelant demande des prestations uniquement pour la journée du 9 octobre 2015, la question relative à la disponibilité ne doit donc pas être tranchée par le Tribunal.

[2] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’on ne prévoit pas que la crédibilité de l’appelant figure au nombre des questions principales ;
  2. La forme d’audience respecte l’exigence énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] Est-ce que l’on considère que l’appelant était à l’extérieur du Canada le 9 octobre 2015 ?

Droit applicable

[4] L’alinéa 37b) de la Loi prévoit ce qui suit :

Sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est :

b) soit à l’étranger.

[5] Convention relative à laviation civile internationale  

Signée à Chicago le 7 décembre 1944

Article premier ‒ Souveraineté

Les États contractants reconnaissent que chaque État a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire.

Article 2 ‒ Territoire

Aux fins de la présente Convention, il faut entendre par territoire d’un État les régions terrestres et les eaux territoriales y adjacentes qui se trouvent sous la souveraineté, la suzeraineté, la protection ou le mandat dudit État.

Article 3 ‒ Aéronefs civils et aéronefs d’État

a) La présente Convention s’applique uniquement aux aéronefs civils et ne s’applique pas aux aéronefs d’État.

[…]

Preuve

Preuve documentaire

[6] Le dossier contient les documents habituels tels que la demande initiale de prestations, les notes de la Commission, le questionnaire de disponibilité, la décision initiale ainsi que la décision découlant de la révision.

[7] Dans l’avis d’audience déposé par le représentant de l’appelant se trouvait un affidavit assermenté le 31 décembre 2015, dans lequel l’appelant indique que le 9 octobre 2015, il a embarqué sur le vol X de Vancouver à Londres, R.-U. Il avait également ajouté quelques pièces à l’appui. Les pièces A et B sont des copies des trajectoires de vol du même vol pour les 25 et 26 décembre 2015, puisque cela aurait coûté 250 $ pour obtenir les trajectoires de vol du 9 octobre 2015. La pièce C indique la durée, c’est-à-dire quatre heures 30 minutes, d’un vol de Vancouver à Toronto.

[8] Dans son questionnaire de disponibilité qu’il a rempli afin d’informer la Commission qu’il serait à l’extérieur du Canada, l’appelant a indiqué son heure prévue de départ (20 h 40) ainsi que son heure d’arrivée le 31 décembre (21 h 45). Dans les notes d’entrevue qui se trouvent à la page GD3-16, l’appelant a indiqué que son vol a été retardé et que l’avion a décollé uniquement à 22 h le 9 octobre 2015.

[9] À l’audience, l’appelant a également présenté la neuvième édition de la Convention relative à l’aviation civile internationale, après modification en 2006. Celle-ci est également connue sous le nom de « Convention de Chicago » de 1944, ratifiée par le Canada en 1946.

‏Preuve testimoniale

[10] Puisque l’appelant n’était pas présent à l’audience, aucun témoignage n’a été fait à l’audience.

Observations

[11] L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelant a déposé un affidavit dans lequel il a clairement indiqué qu’il se trouvait bel et bien au Canada pendant toute la journée du 9 octobre 2015. Les éléments de preuve de V. M. sont bien appuyés par la preuve corroborante indépendante, sont conformes à ses déclarations antérieures et ne sont pas contredits. Par conséquent, le TSS devrait les trouver très fiables et crédibles.
  2. L’avion de l’appelant a quitté l’aéroport international de Vancouver (YVR) à environ 20 h 40. V. M. était à bord du vol X de British Airways. Cet avion quitte YVR et se rend directement à l’aéroport Heathrow de Londres (LHR), en Angleterre (vol). Ce vol fait en sorte que l’avion demeure dans l’espace aérien canadien pendant bien plus de quatre heures. Par conséquent, lorsque l’on combine cette information à l’heure de départ du vol, peu importe lequel des fuseaux horaires du Canada est utilisé (p. ex. l’heure normale du Pacifique ou encore le fuseau horaire de Terre-Neuve), l’appelant se trouvait au Canada durant toute la journée du 9 octobre 2015.
  3. L’appelant demande respectueusement que le TSS accueille l’appel et modifie la décision de la Commission, et qu’elle retire l’inadmissibilité pour la journée du 9 octobre 2015.

[12] L’intimée a soutenu ce qui suit :

  1. Sauf prescription contraire de la loi, un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour toute période pendant laquelle il se trouve à l’étranger. Les faits en l’espèce sont clairs : le prestataire a voyagé à l’extérieur du Canada pour des vacances, il est parti à 20 h 40 le vendredi 9 octobre 2015 et était de retour le 31 octobre 2015. Le prestataire a fait valoir qu’il n’a pas été capable de trouver de référence dans la Loi sur l’assurance-emploi ou le Règlement sur l’assurance-emploi qui renvoie à une journée partielle d’inadmissibilité pour être à l’extérieur du Canada. L’alinéa 37b) de la Loi prévoit qu’un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est à l’étranger. La Loi ne fait pas référence à des journées partielles pour aucune période. À ce sujet, la Commission se fie à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Picard, 2014 CAF 46 de la Cour d’appel fédérale dans lequel la Cour fournit l’interprétation de cette disposition : [...] les termes et l’économie de la Loi et de ses règlements d’application appuient tous l’idée que la « période » dont il est question à l’alinéa 37b) ne doit être exprimée qu’en jours complets et non en fractions de jours. La Loi et ses règlements d’application parlent d’unités de temps calculées en fonction de périodes de jours complets et non de fractions de jours. Il faudrait que l’on trouve dans la Loi un libellé explicite pour justifier de calculer les périodes prévues à l’alinéa 37b) en fractions de jours plutôt qu’en jours complets.
  2. La Commission soutient que l’appelant n’est pas admissible en vertu de l’alinéa 37b) de la Loi, car malgré son heure de départ le 9 octobre 2015, il n’en reste pas moins que le prestataire a pris un vol international dont la destination se trouvait à l’extérieur des frontières canadiennes, et que par conséquent, cela est considéré comme étant à l’extérieur du Canada. Accepter son argument selon lequel il était encore dans l’espace aérien du Canada le 9 octobre 2015 et par conséquent n’aurait pas dû être considéré comme étant à l’extérieur du Canada, irait à l’encontre de l’intention de ce texte législatif.
  3. La Commission soutient que la jurisprudence confirme sa décision. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel les prestations d’assurance-emploi ne sont pas payables aux personnes qui se trouvent à l’étranger sauf dans les cas prévus expressément dans le Règlement sur l’assurance-emploi : veuillez consulter Canada (Procureur général) c. Gibson, 2012 CAF 166 et Canada (Procureur général) c. Bendahan, 2012 CAF 237. De plus, la Cour a confirmé que le prestataire est responsable de prouver que son séjour à l’étranger est conforme aux exceptions prévues par le Règlement. En l’espèce, le prestataire a indiqué qu’il se trouvait à l’extérieur du Canada pour des vacances, et par conséquent, n’a pas droit à une mesure de redressement en vertu de l’article 55 du Règlement - veuillez consulter Canada (Procureur général) c. Peterson, A-370-95.
  4. La Commission a accepté le fait que le prestataire était disponible le 9 octobre 2015, puisqu’il a indiqué qu’il aurait pu travailler et qu’il aurait travaillé ce jour-là puisque son vol décollait tard dans la soirée. Cependant, en adoptant l’interprétation de la Cour fédérale de l’alinéa 37b) de la Loi et malgré le fait que le prestataire se trouvait toujours dans l’espace aérien canadien, la Commission maintient qu’une admissibilité s’impose à partir du 9 octobre 2015, puisqu’il s’agit de la première journée de la période au cours de laquelle il a voyagé à l’extérieur des frontières du Canada, et par conséquent l’on considère qu’il se trouvait à l’extérieur du Canada.

Analyse

[13] Puisque l’appelant souhaite seulement interjeter appel de son inadmissibilité pour la journée du 9 octobre 2015 et puisque la Commission avait reconnu dans sa décision de révision que l’appelant était disponible pour travailler ce jour-là, la seule question qu’il reste à trancher est de savoir si l’appelant était considéré comme étant à l’extérieur du Canada le 9 octobre 2015.

[14] Le Tribunal est également heureux de constater que la Commission tient finalement compte de l’arrêt Picard, supra de la Cour d’appel fédérale, mais la Commission a commis une erreur dans son interprétation de la décision. Bien que la Commission considère à juste titre le principe prévu dans l’arrêt Picard, supra, c’est le fait que les absences du Canada sont calculées en périodes, mais plus précisément en périodes complètes de 24 heures.

[15] La Commission a également omis de tenir compte du fait que puisque l’avion de l’appelant a été retardé et a quitté l’aéroport de Vancouver seulement à 22 h et est revenu à 21 h 45, la période complète de 24 heures conformément au principe établi dans l’arrêt Picard, supra, fait en sorte que l’appelant est réputé avoir été au Canada ce jour-là. À lui seul, cet argument est nécessaire pour accueillir l’appel.

[16] Cependant, l’appelant, dont le représentant est son fils, a présenté un argument très intéressant sur la question des voyages en avion, et le Tribunal se doit d’examiner cet argument, puisqu’il est rare qu’un appel pour une seule journée de prestations se produise avec l’aide d’un avocat.

[17] La Commission a rejeté l’argument de l’appelant selon lequel une fois que l’avion quitte l’aéroport, puisqu’il est prévu que celui-ci quittera [traduction] « les frontières du Canada » à un moment donné, l’on doit considérer cela comme étant à l’extérieur du Canada.

[18] L’appelant a présenté la Convention relative à l’aviation civile internationale. Le Tribunal connait très bien cette convention internationale, communément appelée la « Convention de Chicago ». Le Canada a adhéré à cette convention internationale en 1946. L’appelant s’appuie sur les trois premiers articles de cette convention, lesquels indiquent que cela s’applique uniquement aux aéronefs civils et que le Canada a souveraineté sur ces aéronefs pendant qu’ils survolent à l’intérieur des frontières du Canada, ce que la convention décrit comme étant les régions terrestres et les eaux territoriales du Canada.

[19] L’appelant soutient que puisque l’aéronef sur lequel il était passager survolait le territoire canadien pendant plusieurs heures, il se trouvait toujours au Canada après minuit. L’appelant a bel et bien soumis la trajectoire normale du vol X, ainsi que les éléments de preuve à l’appui du temps que cela a pris pour arriver à Toronto, c’est-à-dire quatre heures.

[20] Lorsqu’un prestataire quitte le Canada par voie terrestre, la Commission applique le principe qu’un prestataire quitte le pays lorsque celui-ci traverse la frontière. Il n’est que logique d’appliquer le même principe pour le transport aérien. Bien que la certitude soit plus élevée lorsque quelqu’un traverse la frontière en voiture, il est quand même possible de faire une approximation. Puisque le départ prévu de Vancouver était supposé être à 20 h 40 et que cela a pris plus de quatre heures pour atteindre Toronto alors qu’ils étaient en direction de l’Europe, tout ce que l’appelant doit prouver est qu’il se trouvait encore dans l’espace aérien canadien après 21 h 45 le 9 octobre 2015. L’appelant a présenté suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de son argument, plus particulièrement en ce qui a trait aux principes établis dans l’arrêt Picard, supra.

[21] Par conséquent, le Tribunal est d’accord que l’argument de l’appelant selon lequel un prestataire ne quitte le Canada que lorsqu’il quitte le territoire canadien, que ce soit par voie terrestre, aérienne ou maritime. Si l’avion a quitté Vancouver à 20 h 40, le prestataire était encore au Canada après minuit.

[22] Il est certain qu’en l’espèce, un vol de Vancouver vers l’Europe faciliterait l’application de la décision du Tribunal à d’autres cas. Il en irait de même bien plus limité aux vols quittant le Canada et allant au sud, car l’aéronef serait en territoire canadien pour des périodes bien plus courtes, ou à un vol de la côte ouest allant à l’ouest et à des vols de la côte est allant à l’est.

[23] Par conséquent, le Tribunal rejette l’argument de la Commission selon lequel une fois qu’un avion décolle, il faut immédiatement considérer ses occupants comme étant à l’extérieur du Canada. Le Canada a encoure souveraineté, et s’ils commettent un crime en vertu du Code criminel du Canada, ils peuvent être inculpés au Canada pour une telle infraction. Rien ne permet d’appuyer la position de la Commission, autant en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi que du Règlement sur l’assurance-emploi, ou tous autres lois canadiennes ou convention ou traités internationaux.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli et l’appelant est admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour la journée du 9 octobre 2015.

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