Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel.

Introduction

[2] En date du 22 septembre 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’Appelante avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 28 octobre 2015 après avoir reçu communication de la décision de la division générale en date du 2 octobre 2015. Permission d’en appeler a été accordée le 17 décembre 2015.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en fait et/ou en droit en concluant que l’Appelante avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

La loi

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Normes de contrôle

[6] Les parties n’ont fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[7] Bien que le mot « appel » soit utilisé dans l'article 113 de la Loi (anciennement l'article 115 de la Loi) pour décrire la procédure introduite devant la division d’appel, la compétence de la division d’appel est pour l'essentiel identique à celle qui était anciennement conférée aux juges-arbitres et qui est conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. La procédure n'est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit - Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253.

[8] Le Tribunal est d’avis que le degré de déférence que la division d’appel devrait accorder aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le degré de déférence qui était accordé aux décisions des anciens conseils arbitraux en appel, devant un juge-arbitre en matière d'assurance-emploi.

[9] La Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

Analyse

[10] L’Appelante a déposé une demande de prestations prenant effet le 4 janvier 2015. Elle a occupé un poste de superviseur à l’Abattoir Ducharme entre le 9 novembre 2011 et le 18 février 2015, date à laquelle elle a été congédiée.

[11] Une enquête a révélé que l’Appelante savait qu’un employé volait du poulet et qu’elle avait omis de le dénoncer. L’employeur a précisé que l’Appelante avait brisé le lien de confiance qui existait. L’Appelante a toujours soutenu qu’elle avait peur de l’employé en question, qu’il avait des antécédents criminels, qu’il l’avait menacée et qu’il était une personne agressive.

[12] Le 30 mars 2015, l’Intimée a informé l’Appelante à l’effet qu’elle n’avait pas droit aux prestations parce qu’elle avait cessé de travailler à l’Abattoir Ducharme en raison de son inconduite. L’Appelante a demandé une révision de la décision, qui n’a toutefois pas été modifiée par l’Intimée. L’Appelante a alors interjeté appel de cette décision de l’Intimée à la division générale qui a rejeté son appel en date du 22 septembre 2015.

[13] L’Appelante en appelle maintenant devant la division d’appel en invoquant les motifs a), b) et c) du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[14] L’Appelante soutient que la preuve devant la division générale démontre qu’elle subissait des menaces de la part de son confrère de travail, qu’elle avait très peur de ses menaces et que l’enquête effectuée par l’employeur a révélé que les menaces étaient probablement fondés puisque cette enquête a démontré que l’individu en question était « criminalisé pour violence » et qu’il aurait pu utiliser sa réputation afin de faire peur à ses collègues. La preuve démontre également que l’Appelante était une personne fragilisée par ses expériences passées de femme violentée et menacée.

[15] L’Appelante soutient que la division générale ne pouvait conclure à de l’inconduite à la lueur de ses propres conclusions, de la Loi et de la jurisprudence.

[16] Devant la division générale, l’Intimée a soutenu que l’Appelante avait fait preuve d’aveuglement volontaire alors qu’elle était en position d’autorité et qu’elle aurait dû dénoncer la situation à son employeur. En appel, l’Intimée change sa position et soutient maintenant que la preuve n’est pas suffisante pour confirmer que l’Appelante a agi de façon délibérée dans le contexte particulier d’harcèlement et d’insécurité dans lequel elle se trouvait. L’Intimée recommande donc au Tribunal d’accueillir l’appel de l’Appelante.

[17] L’inconduite, au sens de l’article 30 de la Loi, a été définie comme une conduite intentionnelle, c’est-à-dire une conduite consciente, délibérée ou volontaire.

[18] Pour décider si les agissements d’un prestataire constituent une inconduite justifiant son congédiement, il faut essentiellement examiner et apprécier les faits – Canada (PG c. Larivée, 2007 CAF 312.

[19] Le Tribunal est d’avis qu’en statuant que l’Appelante avait perdu son emploi en raison de son inconduite, la division générale omis de prendre en considération l’ensemble des faits pertinents au dossier et a ainsi commis une erreur de droit – Bellefleur c. Canada (PG), 2008 CAF 13.

[20] La preuve devant la division générale démontre clairement que l’Appelante subissait des menaces de la part de son confrère de travail, qu’elle avait très peur de ses menaces et que l’individu en question était criminalisé et qu’il aurait utilisé sa réputation afin de faire peur à ses collègues. La preuve démontre également que l’Appelante était une personne fragilisée par ses expériences passées de femme violentée et menacée.

[21] La division générale a elle-même conclut de la preuve que l’Appelante « a assisté, peut-être impuissante, à un vol, mais a décidé de ne pas le dénoncer à son employeur par peur de représailles de la part de la personne qu’elle dénoncerait. » et que la «peur de son collègue de son travail a peut-être créé pour la prestataire une raison de se taire ».

[22] À l’évidence, en l’espèce, la preuve produite devant la division générale ne peut tendre à confirmer que la conduite de l’Appelante était consciente, délibérée ou volontaire, dans le contexte particulier d’harcèlement et d’insécurité dans lequel elle se trouvait. Le Tribunal est d’avis que la division générale a erré en concluant que l’Intimée s’était acquittée de son fardeau de preuve.

[23] Considérant les arguments au soutien de l’appel de l’Appelante et considérant la position de l’Intimée en appel, et après révision du dossier, le Tribunal est d’accord pour accueillir l’appel.

Conclusion

[24] Le Tribunal accueille l’appel.

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