Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La décision du membre de la division générale est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

Introduction

[2] Le 18 septembre 2015, un membre de la division générale a accueilli l’appel interjeté par l’intimé à l’encontre de la précédente décision de la Commission.

[3] Dans les délais, la Commission a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel, et la permission d’en appeler lui a été accordée.

[4] Le 3 mars 2016, une audience a eu lieu par téléphone. Tant l’intimé que la Commission y ont pris part et ont présenté des observations.

Droit applicable

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[6] Il s’agit d’une affaire d’inconduite.

[7] La Commission fait valoir que le membre de la division générale a commis une erreur en n’expliquant pas pourquoi il n’avait pas tenu compte des éléments de preuve de l’employeur comme il aurait dû le faire. Il a également commis une erreur en considérant des facteurs non pertinents pour en arriver à la conclusion que l’intimé n’avait pas commis une inconduite. La Commission demande que son appel soit accueilli.

[8] L’intimé fait valoir que la division générale avait eu raison de conclure que, hormis cet incident allégué, il était un excellent employé qui n’avait pas bénéficié de mesures disciplinaires progressives avant d’être renvoyé et que les cris qu’il avait échangés avec son employeur étaient spontanés et non volontaires comme l’exige le droit applicable et la jurisprudence. Il demande que l’appel soit rejeté.

[9] Dans sa décision, le membre de la division générale a correctement énoncé le droit applicable et la jurisprudence pertinente dans les cas d’inconduite. Ensuite, il a conclu qu’il n’existait aucun élément de preuve pour justifier que l’intimé avait volontairement engueulé son employeur lorsque ce dernier l’avait confronté. Ayant déterminé cela, il a conclu ensuite que l’intimé n’avait pas commis une inconduite et avait accueilli l’appel.

[10] Malheureusement, ce faisant, il commettait une erreur de droit.

[11] Comme il a été affirmé par la Cour d’appel fédérale (CAF) dans l’affaire Canada (Procureur général) c.Marion, (2002) CAF 185, aux paragraphes 2 et 3 :

… Il a fourni comme motif que le congédiement, sans avertissement, dans ces circonstances où l’employé affichait 14 ans de service et où il s’agissait de la première infraction de cette nature était une sanction démesurée et injuste…

[…] Le rôle du conseil arbitral n’était pas de se demander si la sévérité de la sanction imposée par l’employeur était justifiée ou non ou si le geste de l’employé constituait un motif valable de congédiement, mais plutôt de se demander si ce geste posé par l’employé constituait une inconduite au sens de la Loi (sur l’assurance-emploi). »

[12] Contrairement à l’affaire susmentionnée (et dans plusieurs autres affaires) le membre a semblé attacher de l’importance aux antécédents de travail de l’intimé (aux paragraphes 24 et 32) pour déterminer s’il y avait eu inconduite, c’est en cela qu’il a commis une erreur de droit.                   

[13] De plus, le membre de la division générale a également mal compris le sens du mot " volontairement " appliqué à l’inconduite, lorsqu’il a semblé exonérer l’intimé pour son geste posé dans un moment de colère (à l’alinéa 23).

[14] Dans l’arrêt Mishibinijima c. Canada (Procureur général), (2007) CAF 36, la Cour d’appel fédérale a énoncé, au paragraphe 14, le principe général suivant :

« Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. »

[15] La Cour a exprimé ce principe encore plus clairement dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Kaba, (2013) CAF 208, en énonçant ceci :

« Les facteurs ci-dessus et le fait que le prestataire a agi sous l’impulsion du moment ne sont pas pertinents pour décider s’il y a eu inconduite. Ce dernier aurait dû savoir que sa conduite pouvait entraîner son congédiement… »

[16] Parce qu’il n’a pas appliqué la jurisprudence de la Cour au sujet du sens exact du terme « volontairement », le membre a commis une erreur de droit.

[17] Comme il est noté ci-haut, le membre de la division générale a noté au paragraphe 28 que l’intimé avait « attaqué verbalement » son employeur. En appliquant la jurisprudence aux faits de cette affaire-ci, on en arrive la conclusion inévitable que l’intimé aurait dû savoir qu’engueuler son patron serait susceptible d’entraîner son congédiement, que des menaces de violence aient été proférées ou non. Comme tel, je conclus que les actions de l’intimé constituent vraiment de l’inconduite.

[18] Les conclusions précédentes font en sorte qu’il m’est inutile de me pencher sur les autres moyens d’appel de l’appelant.

Conclusion

[19] Par conséquent, l’appel est accueilli. La décision du membre de la division générale est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

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