Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelante a présenté une demande de prestation à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) en juin 2009. Elle a reçu des prestations, mais a été informée par la Commission, en janvier 2012, que ses prestations étaient annulées rétroactivement, car son relevé d’emploi a été jugé irrecevable. Elle a fait de fausses déclarations, et un avis de dette et de violation lui a été donné. L’appelante a demandé une révision de la décision en juillet 2015. La Commission l’a avisé que ce ne sera pas une révision de la décision antérieure, car après avoir pris en considération l’explication fournie par l’appelante au sujet du retard à présenter une demande de révision, la Commission avait déterminé que cette raison ne satisfaisait pas aux exigences du Règlement sur les demandes de révision.

[2] L’appelante a interjeté appel à la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 15 septembre 2015.

[3] Le 4 novembre 2015, la DG a rejeté l’appel de façon sommaire au motif que le Tribunal est lié par les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi et du Règlement sur l’assurance-emploi, et n’a aucun pouvoir pour déroger aux prescriptions de la loi.

[4] L’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) du Tribunal le 26 août 2015, dans laquelle elle indique vouloir appeler de la décision de la DG pour les motifs suivants :

  1. Elle venait d’arriver au Canada lorsqu’elle a fait sa demande de prestation d’assurance-emploi et ne connaissait pas les règles;
  2. Elle n’a pas reçu la lettre de la Commission en 2009;
  3. Ses moyens financiers ne lui permettent pas de payer le montant dû;
  4. Elle est prête à payer un montant réduit établi en fonction de sa capacité de paiement;
  5. Elle aimerait avoir un interprète tamoul, car elle a besoin d’aide pour lire et répondre aux lettres en anglais.

[5] Le Tribunal a avisé l’appelante, dans une lettre datée du 5 janvier 2016 que :

[Traduction]… le Tribunal fournira les services d’un interprète lors des audiences, mais ne fournit pas ces services pour le dépôt de documents. Il en est de la responsabilité des parties d’obtenir les services d’un interprète pour les aider à traduire les documents envoyés par le Tribunal. Les parties sont également responsables de la qualité et de l’exactitude de la traduction qu’elles obtiennent, et doivent assumer tous les frais et toutes les dépenses liés à la traduction des documents. 

Afin de vous permettre d’obtenir de l’aide pour répondre à l’accusé de réception de la lettre qui vous a été envoyée le 15 décembre 2015, le membre assigné à votre dossier ne prendra pas de décision avant le 5 février 2016.

De plus, veuillez prendre note que le membre assigné à votre dossier est disposé à envisager une nouvelle prolongation du délai si celle-ci est reçue avant le 5 février 2016. N’oubliez pas que le Tribunal doit recevoir votre demande pour une nouvelle prolongation du délai avant le 5 février 2016. Autrement, le membre assigné à votre dossier peut statuer sur la question en litige sur la foi des documents déposés à compter du 5 février 2016, sans qu’un autre avis vous soit donné. 

[6] L’appelante n’a pas répondu à la lettre.

[7] L’intimée a présenté des observations sur l’appel auprès de la DA, lesquelles peuvent être résumées ainsi :

  1. La question faisant l’objet de l’appel est une demande de révision tardive qui date de 3 ans et demi;
  2. L’appelante était au courant des décisions pour lesquelles elle a fait une demande de révision, et n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier le dépôt tardif de sa demande de révision; 
  3. L’explication qu’elle a fournie pour justifier son retard est qu’elle avait peur de communiquer avec la Commission après avoir commis la fraude;
  4. Il n’y avait aucune circonstance atténuante pouvant expliquer la présentation tardive de sa demande de révision et elle n’a pas démontré son intention continue de faire une demande de révision des décisions;
  5. Ses raisons pour interjeter appel sont attribuables à ses difficultés financières à rembourser sa dette;
  6. La DG a déterminé, avec raison, que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès;
  7. Il n’y a aucune raison pour interjeter appel de la décision de la DG, et la Commission demande respectueusement que l’appel auprès de la DA soit rejeté.

[8] Cet appel a été tranché sur la foi du dossier pour les motifs suivants :

  1. L’absence de complexité de la question soulevée en appel;
  2. Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question

[9] La DA doit déterminer si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG ou encore confirmer, infirmer ou modifier la décision.

Droit applicable et analyse

[10] L’appelante interjette appel d’une décision de la DG datée du 26 novembre 2015 dans laquelle la DG a rejeté sommairement son appel au motif qu’elle était convaincue que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[11] Aucune permission d’en appeler n’est nécessaire dans le cas d’un appel fondé sur le paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), car c’est de plein droit qu’un appel est interjeté lorsqu’il est question d’un rejet sommaire par la DG. Ayant déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience, cet appel dont je suis saisie est instruit aux termes de l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Norme de contrôle

[12] L’intimée fait valoir que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la raisonnabilité : Pathmanathan c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 50 (paragraphe 15).

[13] La Cour d’appel fédérale a statué, dans Canada (Procureur général) c. Jewett, 2013 CAF 243, Chaulk c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 190 et dans d’autre cas, que la norme de contrôle pour les questions de droit et de compétence pour ce qui est des appels du conseil arbitraire (Conseil) en matière d’assurance-emploi est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle applicable aux questions de fait, aux questions mixtes de fait et aux questions de droit est celle du caractère raisonnable.

[14] Jusqu’à tout récemment, la DA considérait que les décisions de la DG pouvaient être révisées selon les mêmes normes applicables aux décisions du Conseil.

[15] Cependant, dans Canada (Procureur général) c. Paradis; Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a suggéré que cette approche n’est pas appropriée lorsque la DA du Tribunal révise les décisions en matière d’assurance-emploi rendues par la DG.

[16] La Cour d’appel fédérale, dans Canada (Procureur général) c. Maunder, 2015 CAF 274, a fait référence à Paradis, supra et a déclaré qu’il n’était pas nécessaire que la Cour se penche sur la question de la norme de contrôle que la DA doit appliquer aux décisions de la DG. 

[17] Je ne sais pas vraiment comment résoudre ces divergences apparentes. À ce titre, je vais me pencher sur ce dossier en me référant aux dispositions de la Loi sur le MEDS applicables à l’appel.

[18] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; 
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] L’appelante ne conteste aucune des conclusions de fait de la DG. Plutôt, elle prétend qu’elle n’a pas reçu la lettre de la Commission en 2009 et qu’elle est incapable de payer une importante somme d’argent chaque mois.

[20] La lettre de réexamen de la Commission était datée du 9 janvier 2012 et non pas de 2009. Il ne fait pas de doute que l’appelante a reçu la lettre de réexamen. Elle a soumis à la Commission une « demande d’allègement pour les contribuables » en février 2012, et la Commission lui a signalé qu’il s’agit d’un formulaire de l’Agence du revenu du Canada (ARC) et non pas de la Commission. La Commission lui a également conseillé d’interjeter appel si elle était en désaccord avec la décision du réexamen. L’appelante a fait une demande de révision en juillet 2015.

Critère juridique pour un rejet sommaire

[21] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS permet à la DG de rejeter de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[22] La DA dispose de divers pouvoirs, dont celui de substituer sa propre appréciation à celle de la DG. Aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS, la DA peut rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la DG.

[23] En l’espèce, la DG a énoncé le fondement législatif applicable pour justifier un rejet sommaire de l’appel en invoquant, aux paragraphes 5 et 16 de sa décision, le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS.

[24] Toutefois, il n’est pas suffisant de reprendre le libellé du paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS traitant des rejets sommaires si l’on n’applique pas cette disposition comme il se doit. Après avoir déterminé le fondement législatif, la DG doit correctement déterminer le critère juridique applicable puis appliquer le droit aux faits.

[25] La DG a appliqué le critère selon lequel [traduction] « l’appel devrait être rejeté s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable » aux paragraphes 22 et 26 de sa décision.

[26] Bien que l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’ait pas été plus amplement définie dans la Loi sur le MEDS aux fins de l’interprétation du paragraphe 53(1) de cette loi, le Tribunal fait observer que c’est une notion qui est utilisée dans d’autres domaines du droit et qui a fait l’objet de décisions antérieures de la DA.

[27] Il semble y avoir trois catégories d’affaires dans la jurisprudence de la DA relative aux appels rejetés sommairement par la DG :

  1. Exemples AD-13-825 (2015 TSSDA 715), AD-14-131 (2015 TSSDA 594), AD-14-310 (2015 TSSDA 237) et AD-15-74 (2015 TSSDA 596) – Le critère juridique qui a été appliqué était le suivant : Est‑il évident et manifeste, sur la foi du dossier, que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou arguments qui pourraient être produits à une audience? C’est le critère qu’a énoncé la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147, Sellathurai c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CAF 1, et Breslaw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 264.
  2. Exemples AD-15-236 (2015 TSSDA 974), AD-15-297 (2015 TSSDA 973) et AD‑15‑401 – La DA a appliqué un critère juridique formulé différemment. Elle s’est posé les questions de savoir s’il y a une « question donnant matière à procès », c’est‑à‑dire s’il y a une question à trancher, et s’il y a un fondement quelconque à la demande, et ce, en qualifiant les causes d’« absolument sans espoir » et de « faibles », pour déterminer s’il était approprié de rejeter l’appel de façon sommaire. Dès lors qu’il existe un fondement factuel suffisant à l’appui de l’appel et que le résultat n’est pas « manifestement clair », il n’est pas opportun de rendre une décision de rejet sommaire. Une cause faible n’appellerait pas de décision sommaire puisqu’elle comporte nécessairement l’évaluation du fond du litige, l’examen et l’appréciation des éléments de preuve, et que ces derniers appuient la cause.
  3. Exemple AD-15-216 (2015 TSSDA 929) – La DA n’a pas formulé de critère juridique hormis la citation du paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS.

Décision de la DG

[28] La DG a expliqué comme suit les raisons pour lesquelles elle a rejeté l’appel de façon sommaire :

[Traduction]

[22] Selon le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS, un appel doit être rejeté de façon sommaire si la division générale est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Même si l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’est pas définie, aux fins de l’application de la Loi sur le MEDS, elle a été interprétée par les tribunaux dans d’autres contextes. Lorsqu’elle s’est penchée sur le critère juridique à appliquer aux requêtes en radiation des avis de mise en cause, la Cour suprême du Canada a indiqué que si les faits sont évidents, manifestes et avérés et que les actes de procédure ne révèlent aucune cause d’action raisonnable, l’appel doit être rejeté (R. c. Imperial Tobacco Canada Ltd, 2011 CSC, paragraphe 17).

[23] En l’espèce, les faits sont clairs et ne sont pas contestés. L’intimée a avisé l’appelante le 9 janvier 2012 du fait que sa demande de prestations a été annulée, car ils ont découvert qu’elle a utilisé un relevé d’emploi frauduleux pour avoir droit à des prestations. L’intimée a avisé l’appelante que si elle n’est pas d’accord, elle doit présenter une demande de révision dans les 30 jours suivant la réception de l’avis. L’appelante a présenté une demande de révision environ 3 ans et demi après la réception de la lettre d’avis, et n’a pas fourni de preuve ou de circonstances atténuantes pour justifier son dépôt très tardif de sa demande de révision.

[24] L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle a présenté une demande de prestation en utilisant un relevé d’emploi frauduleux afin d’obtenir ces prestations (GD3-27, 28, 29). Elle fait plutôt valoir qu’elle venait d’arriver au Canada et qu’elle ne savait pas que c’était mal d’agir ainsi, et qui plus est, qu’elle a des difficultés financières.

[25] Le Tribunal a examiné la preuve soumise par les deux parties, et a conclu que l’appel n’a pas de chance raisonnable de succès. L’enquête du Tribunal et la preuve fournie par l’appelante montrent clairement qu’elle a utilisé un relevé d’emploi frauduleux afin de toucher des prestations. L’appelante n’a pas fourni de preuve contradictoire ou justificative, et n’a pas su prouver qu’il y a une chance raisonnable de succès au sens de la Loi. 

[26] Le Tribunal est lié par les dispositions de la Loi et du Règlement, et n’a aucun pouvoir pour déroger aux prescriptions de la loi. Même si les faits plaidés sont reconnus comme avérés, il n’a pas été démontré que l’appel de la prestataire avait une chance raisonnable de succès.

[29] Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur tous les cas de rejets sommaires à savoir si l’application du critère juridique d’Imperial Tobacco était conforme au sens de la loi. Une requête en radiation n’est pas la même chose qu’une décision de rejet sommaire, mais les critères sont semblables. La différence réside dans l’application des mots « dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés » pour analyser s’il y a une chance raisonnable de succès.

[30] L’appel auprès de la DG reposait sur les observations de l’appelante selon lesquelles elle n’avait pas les moyens de payer le montant de sa dette. La décision portée en appel était un refus d’accorder une prorogation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision d’une décision devant la Commission. Le dossier comprenait peu d’explications quant au retard de trois ans et demi. La réponse de l’appelante à l’avis d’intention de la DG de rejeter l’appel de façon sommaire indiquait qu’elle venait d’arriver au Canada, qu’elle ne savait pas que ce qu’elle avait fait était mal et qu’elle avait des problèmes financiers. Les motifs d’appel de l’appelante pour son appel auprès la DA répètent les mêmes raisons.

[31] Après avoir appliqué le critère juridique d’Imperial Tobacco – est-il évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que l’appel énonce un motif d’appel qui a une chance raisonnable de succès? – la DG a conclu que l’appel n’avait pas de chance raisonnable de succès.

[32] J’estime que l’application des deux critères que j’ai énoncés au paragraphe [27] de la présente décision mène au même résultat en l’espèce, à savoir que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il ressort clairement à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échec, quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience. Il est également évident qu’il ne s’agit pas ici d’une affaire au fondement « faible », mais bien d’une affaire « sans aucun espoir » de succès, une évaluation du bien‑fondé de l’affaire ou un examen de la preuve n’étant pas requis en l’espèce.

[33] Après avoir examiné l’appel de l’appelante, le dossier et la décision de la DG ainsi que les décisions antérieures de la DA au sujet des rejets sommaire, je conclus que la DG a appliqué correctement la loi aux faits dans cette affaire. De plus, rien n’indique que la DG a omis d’observer un principe de justice naturelle ou qu’elle ait autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence lorsqu’elle a rendu sa décision. Pour ces raisons, je rejette l’appel.

Demande de l’appelante

[34] Dans la Demande, l’appelante a demandé une réduction du montant de sa dette.

[35] La DA n’est pas en mesure de se prononcer sur cette question puisque cela ne relève pas de la compétence du Tribunal. Afin de négocier une modalité de remboursement, l’appelante devra communiquer avec le Centre d’appels de la gestion des créances de l’ARC.

Conclusion

[36] L’appel est rejeté.

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